LE BON VIEUX TEMPS
Les sources de la montagne - Les voyageurs du Nord-Ouest.
- Les sources alimentant les aqueducs de 1800 à 1820
Plusieurs de nos lecteurs qui ont visité la montagne de Montréal avant la construction
du Parc Mont-Royal, sont intrigués au sujet des sources qui alimentaient le premier
aqueduc en 1801. Ils disent qu'ils n'ont jamais vu sur le versant de la montagne aucune
source dont les eaux étaient assez abondantes pour les besoins de la ville, quelque
exigüe que fussent ses proportions au commencement du siècle. Les sources dont nous
avons parlé existent encore aujourd'hui. Elles sont situées sur le versant de la montagne,
en arrière du Collège de Montréal. Elles alimentent une espèce de lac artificiel qui
peut avoir cinquante pieds de large, sur cinquante pieds de long. Ce lac sert à
l'amusement des écoliers qui s'y promènent en canot pendant l'été et y patinent pendant
l'hiver. Les tuyaux de bois de l'aqueduc primitif se reliaient à ces sources. Les tuyaux
suivaient les rues Guy, Lamontagne et St-Antoine. En creusant les fondations de la
maison des Soeurs Grises on a découvert plusieurs de ces tuyaux de bois.
- Les voyageurs du Nord-Ouest vers 1815
Un mot maintenant sur les voyageurs du bon vieux temps, nous voulons parler de 1810
à 1820.
Tous les ans la compagnie de la Baie d'Hudson engageait plusieurs centaines de voyageurs
canadiens pour aller dans le Nord-Ouest.
L'engagement était pour trois ou cinq ans.
Les bureaux de la compagnie de la Baie d'Hudson se trouvaient à cette époque sur la
rue St-Gabriel, à l'endroit où s'élève aujourd'hui l'Hôtel du Canada et les vieux
bâtiments situés en face. Quelques unes des voûtes souterraines où la compagnie déposait
ses fourrures peuvent encore être visitées par les amateurs d'archéologie.
Le voyageur devait recevoir alors $100 par année avec sa nourriture. Lorsqu'un homme
était engagée il recevait une couverte et un large courroie en cuir qui se passait
sur le front pour soutenir sa charge dans les portages.
Les voyageurs n'avaient pas de diligences à leur disposition et le trajet, qui durait
trois ou quatre mois, se faisait en canot ou à pied.
Le lieu de départ était Lachine. C'était là où les voyageurs prenaient les canots et
commençaient à jouer de l'aviron, en chantant les chansons populaires dont les couplets
se répètent encore aujourd'hui.
A La Chine les parents et les amis des aventuriers venaient leur serrer la main et leur
faire leurs adieux. Il y avait quelque fois des scènes navrantes, c'était une mère, une
soeur, une fiancée qui fondait en larmes et se cramponnait aux épaules du voyageur au
moment où il s'embarquait dans son canot.
Par contre s'était une grande fête au retour des coureurs des bois. Le voyageur, après
avoir passé cinq et souvent dix ans dans les forêts vierges du Nord-Ouest, revenait avec
une bourse joliment bien garnie. Les voyageurs très fréquemment épousaient des femmes
métisses et ils arrivaient à Montréal avec femme et enfants.
A l'arrivée des aventuriers du Nord-Ouest c'était des ribottes terribles dans les
auberges de la rue St-Paul et du bord de l'eau. Le voyageur n'était à Montréal que
depuis quelques minutes lorsqu'il courait chez un marchand s'acheter un chapeau à larges
bords qu'il ornait d'une plume.
Nos gaillards après avoir bu du rhum à tire larigot se promenaient dans les rues de
Montréal comme en pays conquis. La nuit ils faisaient le diable à quatre dans les
estaminets du coin flambant. Si le guet intervenait, il était sûr d'être rossé. Le
voyageur après avoir nocé pendant plusieurs jours à Montréal se rendait dans sa famille
et souvent, au lieu de prendre un nouvel engagement avec la compagnie de la Baie d'Hudson,
il s'achetait une terre avec ses économies.
En 1810 avec $400 on faisait l'acquisition d'une terre valant $10,000.
La Patrie, vendredi 21 novembre 1884, page 4.