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La grande noirceur de 1819

Le bon vieux temps

D'après des articles parus dans le journal La Patrie en novembre 1884.


    LE BON VIEUX TEMPS

    La grande noirceur de 1819 - Dies amara valde.

  1. La grande noirceur de dimanche le 8 novembre 1819

    Le plus grand phénomène dont nos grands-pères aient été témoins a été sans contredit "la grande noirceur de 1819.

    Il y eut plus tard, en 1829 croyons-nous, une journée où une obscurité profonde enveloppa Montréal et plusieurs autres endroits du Canada, mais cette journée n'était que de la saint-jean en comparaison de la grande noirceur de 1819.

    Comme les conteurs d'histoire du bon vieux temps ont racé plusieurs sillons déplorables dans le champ de l'histoire, nous allons aujourd'hui donner à nos lecteurs quelques renseignements puisés aux meilleures sources sur ce phénomène terrible.

    Dimanche, le 8 novembre 1819, de sombres nuages se répandirent dans l'atmosphère. Ces nuages étaient presque noirs comme de l'encre et descendirent plus bas que les flancs du Mont Royal. Tout à coup les cataractes du ciel semblèrent s'ouvrir et une pluie torrentielle inonda les rues de Montréal. Lorsque le ciel se fut un peu rasséréné après l'orage, la terre se trouva couverte par une espèce de poudre noire, qui à l'oeil, au goût et à l'odorat ressemblait beaucoup à de la suie.

    Pendant la matinée le soleil était apparu avec un disque d'un vert tendre, entouré d'un halo. Quelques heures plus tard l'astre du jour brilla d'un éclat inaccoutumé et prit une teinte rose.

  2. La grande noirceur de mardi le 9 [sic] novembre 1819

    Il ne se passa rien de remarquable dans le firmament pendant la journée du lendemain, jour où il y eut une assez forte gelée. Le jour terrible fut mardi, le 9.

    Le firmament dans l'avant-midi fut chargé de nuages sombres et épais. Une vapeur forte se dégagea des nuées qui prirent des teintes plus denses et plus noires.

    Au lever du soleil la couleur des nuages changea. Ils avaient d'abord une teinte verte et graduellement ils devinrent aussi noirs que l'Erèbe. Ce jour-là le soleil s'était levé d'une couleur orange foncé. En montant à son zénith il changea cette nuance et devint rouge sang. Il prit ensuite une couleur brune foncée, ne projetant qu'une lumière très faible.

    A midi l'obscurité devint si profonde que la circulation était impossible dans les rues. On alluma les chandelles dans les maisons, les séances de la cour et les opérations du commerce se faisaient à la lueur des quinquets. Les âmes timorées, les superstitieux et les libres penseurs les plus avancés croyaient que la fin des temps était arrivée. Dans les maisons les femmes qui ne tombaient pas en syncope, récitaient leurs chapelets, les trois églises, l'église paroissiale, Bonsecours et les Récollets, étaient remplies par une foule compacte de fidèles qui se préparaient à leur dernière heure. On nous dit que plusieurs moururent de frayeur.

    On se livrait à toutes espèces de conjecture sur la cause du phénomène. Les plus savants prétendaient qu'un volcan venait de se former et d'entrer en éruption à proximité de la ville et que sa vapeur envahissait les environs.

    Quelques personnes soupçonnaient le Mont-Royal d'avoir un cratère éteint qui s'était remis en activité. Elles supposaient que Montréal allait avoir le sort d'Herculaneum, Pompei et Stabies. Les vieilles femmes croyaient à l'accomplissement de prophéties faites par des Sauvages qui avaient dit que Montréal périrait par un tremblement de terre. Les âmes moins timorées prétendaient que l'obscurité était causée par un feu dans les bois et les prairies. La désolation était partout, même les animaux dans les champs et les écuries proféraient des cris plaintifs.

    L'obscurité augmentait ou diminuait selon les changements du vent.

    A trois heures de l'après-midi, la noirceur fut à son apogée et les citoyens de Montréal furent affolés par la terreur. Les plus braves commencèrent à blémir et tremblèrent comme les plus timides. Pendant l'obscurité le tonnerre se mit à gronder, la foudre éclata avec une violence épouvantable. Un éclair d'une grandeur inouïe sillonna le sein des nues et d'abattit sur la flèche de l'église paroissiale.

    La foudre serpenta pendant quelques secondes autour de la boule qui soutenait la croix et y mit le feu. Elle suivit ensuite le paratonnerre et s'enfonça dans la terre. Ce coup de de foudre fut suivi de plusieurs autres qui remuèrent les maisons sur leurs fondations. La pluie se mit à tomber comem le dimanche précédent et couvrit les rues d'une espèce de suie semblable à celle qui avait été observée l'avant-veille.

    Le tocsin sonna et le peuple se porta en masse sur la Place d'Armes, croyant que l'église allait devenir la proie des flammes. En effet, le feu s'était communiqué à la boule du clocher menaçait d'envahir la charpente inférieure. Il était augmenté d'intensité et sa lueur environnait la croix d'une auréole sinistre.

    L'église allait infailliblement être incendiée sans le courage et de dévouement d'un nommé Poitras, charron de la rue St Laurent. Celui-ci, armé d'une hache grimpa sur le clocher et abattit à croix en fer forgé. La croix tomba sur le toit d'une vieille maison bâtie sur le site actuel des bureaux de l'assurance Royale. Le toit fut défoncé et la pièce de fer, après avoir brisé deux planchers, tomba dans la cave, sans blesser aucune des personnes qui habitaient la maison. Notons ici le fait que l'église paroissiale barrait alors la rue Notre Dame, à la Place d'Armes. Il était alors quatre heures et demie. Le ciel se rasséréna pendant une vingtaine de minutes et la pluie recommança à tomber pendant une couple d'heures, gonflant les ruisseaux qui charroyaient une espèce de brou ressemblant à celle de la lessive. L'obscurité était redevenue aussi complète qu'à midi.

    La grande noirceur qui a tant effrayé les habitants de Montréal en 1819 a été observée à Québec, à Kingston et dans plusieurs villes des États-Unis.

    L'histoire fait mention d'une obscurité semblable pendant un dimanche en 1781.

    Plus tard nous aurons occasions de parler de "la grande noirceur" de 1829.

    L'explication du phénomène 1819 n'a pas encore été trouvée par nos savants.

    La Patrie, mercredi 26 novembre 1884, page 4.





Jacques Beaulieu
beajac@videotron
Révisé le 22 juillet 2019
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