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Lumières

Le bon vieux temps

D'après des articles parus dans le journal La Patrie en décembre 1884.


    LE BON VIEUX TEMPS

    Comment on s'éclairait - La chandelle à l'eau - La première usine de gaz.

  1. Le premier éclairage municipal: en 1818

    Si le dix huitième siècle est un siècle de lumière, cette lumière ne paraît pas à son début avoir brillé d'un éclat bien vif dans les rues et les maisons du vieux Montréal. En 1818, nos rues étaient éclairées par des fanaux illuminés avec une huile fumeuse et nauséabonde.

    En feuilletant les archives de l'hôtel de ville, nous voyons que samedi, le 11 avril 1818, la cour des sessions spéciales de la paix (l'édilité du temps) présidée par l'honorable Chartier de Lotbinière, avait résolu qu'un comité composé de MM. Thomas McCord, Louis Guy, François Rolland, Etienne St-Dizier et Jean P. Leprohon serait chargé de préparer un estimé des dépenses probables des lampes nécessaires à l'éclairage de la ville. Avant cette époque les lampes étaient posées et entretenues par des particuliers.

    Le comité présenta à la séance suivante de la Cour, le 18 avril, l'état qu'on lui avait demandé.

    Voici l'estimé présenté aux magistrats:

    Faire et fixer 100 lampes à 30 chelins chacune £150 0 0
    375 gallons d'huile pour 12 mois à £0 3 6 £68 2 0
    Echelles, coton, savon £12 0 0
    2 hommes pour allumer et nettoyer les lampes à 30 chelins par mois £36 0 0
    £266 2 0

    Le rapport fut adopté et le premier système d'éclairage municipal entra peu de temps en opération à Montréal.

    Le premier entrepreneur du département de l'éclairage fut un nommé Joseph Carmel qui devait fournir l'huile de baleine, de loup marin ou de morue de première qualité à raison de quatre chelin et demi par gallon, le savon à 15 sous par livre et la mèche, importée d'Angleterre, à 5 chelins par livre. Le faubourg St Laurent n'eut des lampes qu'en 1820 et la rue St Antoine n'en eut qu'en 1826.

  2. Les premiers réverbères à gaz municipaux: en 1838

    Ce ne fut que le 27 mars 1837 que la première proposition d'éclairer au gaz a été faite à notre corporation par M. Albert Furniss, secrétaire de la première compagnie du gaz à Montréal.

    L'année suivante on commença à poser dans les rues des reverbères à gaz.

    La première compagnie du gaz construisit son usine en 1836 au coin de la rue Ste-Marie et Parthenais, là où sont aujourd'hui les ruines de l'ancienne manufacture de verre. Le coût du bâtiment et des tuyaux était de £15,000. Le projet d'une compagnie de gaz avait été lancé dans le public par un M. Amstrong. Les principaux actionnaires de la première compagnie étaient MM. A. Furniss et John Ostell.

    Le 23 novembre 1837 on alluma pour la première fois le gaz dans quelques magasins de Montréal. L'expérience eut un succès de peu de durée, car les ingénieurs avaient fait leurs calculs sans compter la rigueur de nos hivers. Il fallut faire subir des modifications considérables au plan de l'ingénieur avant qu'il fut praticable à Montréal.

    La nouvelle compagnie de gaz constituée légalement en 1847 et, peu de temps après avoir commencé ses opérations, elle dût se fusionner avec l'ancienne. Les Montréalais avant 1847 payaient $5 par mille pieds cubes de gaz. Après la fusion des compagnies le prix fut diminué de moitié.

  3. L'éclairage dans les maisons des riches

    Dans les maisons on s'éclairait avec des lampes ou avec des chandelles de suif à l'eau ou des chandelles moulées, importées d'Angleterre.

    La bougie, la chandelle de blanc de baleine et d'huile d'olive ne brûlaient que dans la demeure du riche. La classe aisée importait d'Angleterre de magnifiques lampes construites sur le système d'Argand, dans lesquelles se brûlait une huile d'olive raffinée. Ces lampes étaient supportées par des colonnes en bronze cannelées d'une hauteur d'environ deux pieds et demi. Le bruleur était entouré d'un large abat jour plat en verre dépoli ou en porcelaine. Ces lampes qui sont encore conservées dans nos vieilles familles s'appelaient des "Sun Burners."

  4. L'éclairage dans les autres maisons de la ville

    Dans la classe moyenne on se servait de chandelles de suif qui étaient fabriquées à Montréal.

    Les pauvres s'éclairaient avec des lampes à l'huile de baleine,de loup marin ou de poisson.

  5. L'éclairage chez "l'habitant"

    A la campagne "L'habitant" avait un système des plus primitifs pour s'éclairer. Primitif est bien le mot car les lampes dont il se servait ressemblaient à celles qui étaient en usage dans les temps bibliques, en Egypte sous les premiers pharaons. C'était des vases en fer ou en ferblanc munis d'un bec et accroché à la crémaillière du foyer. La mèche reposait sur le bec et trempait soit dans l'hule de poisson ou dans de la graisse fondue. La flamme de cette lampe répandait une lumière plafarde et fumeuse et exhalait une odeur nauséabonde dans la maison. Les plafonds étaient toujours noircis par la fumée et jamais on ne les nettoyait. Les cultivateurs se servaient aussi de lampes portatives qui avaient les mêmes inconvénients. Souvent la mère ou la fille du cultivateur filait ou tricotait à la porte du poêle pour ne pas être incommodée par l'odeur des lampes. Disons aussi que nos ancêtres se couchaient à une heure beaucoup moins avancée de la nuit et ne s'en portaient pas plus mal.

  6. L'éclairage chez "l'habitant" riche

    L'habitant riche s'éclairait avec de la chandelle à l'eau qu'il fabriquait lui-même par le procédé suivant: Il faisait fondre une grande quantité de suif dans un gros chaudron qui devait avoir une profondeur égale à la longueur des mèches de la chandelle. Ces mèches étaient toutes attachées par une extrémité à une baguette un peu plus longue que le chaudron. Elles étaient trempées dans le suif et ensuite plongées dans un baquet d'eau froide, ce qui avait pour effet de faire figer le suif sur la mèche. Chaque fois que l'on trempait le coton il s'y déposait une couche de suif fort légère. On répétait l'opération jusqu'à ce que la chandelle eut la grosseur voulue. On fabriquait de la sorte en une seule journée une soixantaine de livres de chandelles, de six ou huit à la livre.

  7. L'insuffisance de l'éclairage municipal vers 1835

    Il y a cinquante ans les rues de Montréal étaient si mal éclairées que les citoyens qui sortaient le soir emportaient toujours un fanal afin de pouvoir se diriger dans les ténèbres. Pour aller à la messe de six heures et demie en hiver les paroissiens portaient presque toujours un fanal.

  8. L'éclairage dans les collèges vers 1835

    Aux collèges de Montréal et de St-Hyacinthe, nous dit un ancien élève, les salles d'études étaient éclairées par des lustres en bois à six branches portant des chandelles de suif. Un élève qu'on appelait le suiffier était choisi chaque jour pour moucher les chandelles. Les lampes à pétrole furent introduites dans nos établissements d'éducation comme ailleurs il y a toute au plus une trentaine d'années.

    La Patrie, mardi 2 décembre 1884, page 4.





Jacques Beaulieu
beajac@videotron
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