LE BON VIEUX TEMPS
Comment se faisaient les élections - l'émeute de 1832.
- Les élections en 1832
Dans le bon vieux temps les élections parlementaires ne se faisaient pas dans une
seule journée. Les bureaux de votation restaient ouverts tous les jours tant qu'il
s'enregistrait une voix à l'heure. Il arrivait très-souvent que les élections duraient
un mois et les rixes étaient aussi fréquentes que sanglantes entre les patriotes et les
bureaucrates.
Le premier mai 1832, les citoyens de Montréal furent appelés à choisir un député pour
l'assemblée législative.
Deux candidats étaient sur les rangs le docteur Tracey, un des collaborateurs du
Vindicator, un patriote à tous crins, et M. Stanley Bagg, un riche propriétaire
bureaucrate renforcé. Les polls furent ouverts le premier mai et la votation continua sans
troubles remarquable jusqu'à 21.
- L'émeute du 21 mai 1832
Le 21 les voix étaient à peu près également divisées et le sentiment populaire avait été
chauffé à blanc.
Les coups de poings et les coups de bâtons s'échangèrent entre les torys et les libéraux
à tous les polls. Le foyer le plus ardent de la lutte était le poll de la rue St-Jacques.
Des forts à bras étaient soudoyés par les torys qui assommaient les patriotes assez
braves pour se présenter au bureau de votation. Les patriotes résolus d'affirmer leurs
droits recrutèrent des forces et prirent une revanche éclatante. Ils s'élancèrent sur les
torys qui battirent une prompte retraite sous une grèle de coups de poings et de coups
de manches de hache. Joe Monferrand était au premier rang.
Les torys s'étaient réfugiés sur la Place d'Armes et à l'entrée de l'ancienne petite
rue St. Jacques lorsque le Docteur Robertson fit demander les militaires. Entre midi et
une heure une couple de compagnies de soldats parut sur la place d'Armes.
L'Acte des émeutes (Riot Act) fut lu par un juge de paix M. Janvier Danteil
Lacroix.
Ordre fut donné au militaire de charger à la baïonnette. La foule recula dans la rue
Saint Jacques. Lorsqu'elle fut rendue près de la rue Saint-Pierre, elle s'arrêta. Alors
les soldats ouvrirent le feu sur les patriotes. Trois hommes qui n'avaient pas pris part
à l'émeute tombèrent sous les balles pour ne plus se relever. C'était Byette, Languedoc
et Chauvin. Les deux premiers étaient de pauvres journaliers et le troisième était un
typographe employé à la Minerve.
- Un pugilat électoral mortel en 1832
C'est pendant la même élection remportée par M. Tracey, que le grand Voyer assomma près
d'un poll un bully bureaucrate Bill Collins, le boxeur le plus redoutable du parti tory.
Bill ne se tenait près du bureau de votation et massacrait impitoyablement tous les
irlandais et les canadiens français qui s'approchaient.
Le grand Voyer, un patriote dévoué, un des citoyens les plus paisibles et des plus
respectables de Montréal, résidait sur sa propriété au coin des rues Saint-Laurent et
Mignonne et vivait de ses rentes.
Il était doué d'une force herculéenne et il avait une taille d'environ six pieds et
demi.
Voyant que ses compatriotes se faisaient maltraiter, il se décida à faire le coup de
poing. Il frappa le plus fort de la bande et celui-ci tomba assommé. On transporta
Bill Collins dans uen petite auberge de la place du Marché au foin (aujourd'hui la Place
Victoria) où il rendit le dernier soupir quelques minutes après.
La mort de Bill Collins ne fut regrettée de personne. Il avait eu souvent maille à partir
avec la justice qui l'avait marqué par la main du bourreau. Le grand Voyer subit son
procès devant la cour du Banc de la Reine et fut acquitté, parce qu'il avait été prouvé
qu'il avait donné le coup homicide à corps défendant.
- La Place d'Armes en 1832
En 1832, à l'époque de l'émeute dont nous venons de parler la Place d'Armes était loin
de présenter la magnifique apparence qu'elle a aujourd'hui. L'ancienne Banque de Montréal
était située au coin de la rue St François Xavier, sur le site actuel du bureau de poste.
Il y avait un terrain vague entre cet édifice et le coin de la côte de la Place d'Armes.
Sur ce dernier coin était bâti un hangar appartenant à M. Dubois, père de M.
Etienne Dubois, employé [de] la Fabrique.
La Patrie, mardi 16 décembre 1884, page 4.