LE BON VIEUX TEMPS
L'incendie du vieux palais de Justice. - Lepage et Mercure. - L'ancienne prison.
- Félix Mercure, appréhendé pour vol en 1844
Félix Mercure, en 1844, tenait un magasin de nouveautés et de confections, rue St-Paul,
presque en face de la rue St Vincent. Mercure passait pour un homme à la conscience
élastique et il avait des notions les plus étranges sur le meum et tuum.
Il avait déjà trempé dans plusieurs opérations véreuses qui avaient nui
considérablement à son crédit dans le commerce. Un jour au commencement de l'année 1844,
il fut appréhendé par la police sous la prévention d'avoir volé à ses voisins MM.
Stevenson Brothers, une quantité considérable de coton. Mercure, dit-on, pénétrait les
dimanche dans l'établissement voisin et y commettait des vols. Il avait une manière toute
particulière d'opérer. Il n'enlevait jamais une pièce entière, il se contentait d'en
emporter la [?]. En faisant des perquisitions dans sa maison, la police découvrit les
marchandises volées qui furent déposées comme pièces de conviction dans le grenier du
palais de justice, en attendant le procès.
La procédure en cour du Banc de la Reine commença pendant l'hiver. Mercure avait pour
avocat M. L. T. Drummond, qui debutuit [sic] avec éclat au barreau. Il obtint
l'ajournement de son procès aux assises subséquentes et, en attendant, il fut remis
en liberté après avoir founi des cautionnements suffisants.
- L'incendie criminel du palais de justice par Carolus Lepage
le 17 juillet 1844
Dans la nuit de jeudi à vendredi, le 17 juillet 1844, vers une heure du matin, le feu
éclata dans l'étage supérieur du palais de justice, qui fut complètement détruit. Les
pompiers travaillèrent avec leur activité et leur énergie ordinaires pour arrêter
l'incendie. Pendant leur travail ils étaient surpris de voir que les boyaux étaient
coupés en plusieurs endroits d'une manière mystérieuse.
On fit une investigation et on apprit que le feu avait été mis à l'édifice par la main
d'un incendiaire. Celui-ci c'était servi de "carottes." On appelait carottes dans le
bon vieux temps des matières combustibles ficelées ensemble sous la forme du légume dont
elles portaient le nom.
L'auteur du crime, un jeune homme nommé Carolus Lepage, qui disait qu'il était récemment
arrivé de Plattsburg, New York, fut arrêté le lendemain ainsi que Mercure, accusé de
complicité.
Lepage subit son procès aux assises et fut condamné à quatorze années de pénitencier,
mais Mercure, grâce au talent de M. Drummond, fut acquitté sur le chef d'accusation
d'incendie.
- Mercure et Lepage entre 1844 et 1858
Mercure resta en prison sous la prévention du vol commis chez MM. Stevenson. Après trois
ans d'incarcération, il fut remis en liberté lorsque les témoins à charge eurent disparu
de Montréal.
M. Schiller, greffier de la Couronne, qui était en 1844, commis dans le bureau de la
couronne, nous dit qu'une semaine avant l'incendie du palais de justice il reçut la
visite de Mercure qui lui fit cadeau d'une magnifique montre et d'une chaîne en or, disant
qu'il venait d'acquitter une dette de reconnaissance pour des services rendus par son
père.
M. Schiller informa M. Delisle, le greffier de la couronne, du cadeau qu'il avait reçu
et ce dernier lui conseilla de rendre la montre et la chaîne à Mercure, dont les
intentions ne paraissaient pas honnêtes.
Après avoir passé quatorze ans au pénitencier de Kingston, Lepage retourna à Montréal où
il fit sa première visite à M. Schiller.
L'incendiaire du palais avoua plus tard qu'il s'était vissé au talon de ses bottes une
lame tranchante en acier et que tout en faisant semblant d'aider les pompiers, il coupait
les boyaux à coups de talons. Mercure est mort misérablement à Montréal vers 1854.
Le page, pendant qu'il purgeait sa sentence au pénitencier, s'occupait beaucoup de la
construction d'une machine à laquelle il prétendait donner le mouvement perpétuel. Lepage
vit aujourd'hui dans quelques villes des Etats-Unis.
- La vieille prison, utilisée pour les séances des cours criminelles:
1844 à 1852
Après l'incendie du palais de
justice, les assises de la Cour du Banc de la Reine, et les sessions de la paix, furent
tenues temporairement dans la vieille prison et les cours civiles avaient leurs séances
dans le vieil hôtel du gouvernement, aujourd'hui l'Université Laval. En 1850 on
construisait le palais de justice actuel avec les proportions qu'il a aujourd'hui.
La vieille prison servit aux séances des tribunaux jusqu'à sa démolition en 1852.
On voit encore les vestiges des fondations de la vieille prison sur le terrain situé
entre l'hôtel de ville et les bureaux de la cour de police.
La nouvelle prison de la rue Ste Marie fut inaugurée en 1836.
La Patrie, mercredi 17 décembre 1884, page 4.