LE BON VIEUX TEMPS
La fièvre de l'or en 1849.
- La découverte d'or en Californie: février 1848
Au mois de février 1848, le capitaine Sutter, originaire du grand duché de Bade,
s'était établi en Californie à la suite d'une foule d'aventures plus merveilleuses
les unes que les autres. Il voulut, avec l'aide d'un mécanicien anglo-américain appelé
Marshall, agrandir le cours d'eau qui faisait mouvoir son moulin-scirie, construit sur
un affluent de l'American River, près de Sacramento.
Pour s'épargner la peine de creuser la terre, on la fit battre et entrainer par la chute
d'eau amenée à un point donné; et cet espèce de lavage naturel mit tout à coup en lumière
de brillantes parcelles d'or. Dans l'espace de quelques jours on en recueillit ainsi pour
une valeur de $225. Il fut impossible à ceux qui avaient eu le bonheur de faire une telle
découverte de la tenir secrète; et peu de temps après, plusieurs miliers d'individus
étaient déjà venus prendre leur part de cette importante trouvaille. Ce n'était pas
seulement des contrées voisines qu'accouraient tous ces aventuriers chercheurs d'or, mais
des parties du globe les plus éloignées.
- La ruée vers l'or de Californie: à partir de 1848
Des récits merveilleux, fabuleux, circulèrent de l'extrême Orient et de l'Occident avec
la rapidité du fluide électrique et de tous les points de l'univers, des légions
d'immigrants franchissant les mers et les continents, se dirigèrent à la hâte vers
l'Eldorado, où la réalité dépassait les rêves les plus ambitieux.
En même temps, de tous les hâvres, de tous les ports qui s'ouvrent sur les deux océans,
des bâtiments chargés de vivres et de marchandises cinglèrent vers ces rives fortunées.
Ce fut un rendez-vous général des peuples les plus divers; les pavillons de toutes les
couleurs flottèrent dans la baie de San Francisco, et pour la première fois depuis des
siècles, les enfants de Noé rassemblés sur les bords du Sacramento, y ramenaient la
confusion des langues.
- La ruée vers l'or de Californie au Canada: à partir de 1848
La fièvre de l'or, dans le printemps de 1849 avait envahi le Canada. Des centaines de nos
compatriotes vendirent leur patrimoine pour tenter la fortune dans le nouvel El-Dorado.
Parmi les Canadiens-français qui partirent pour la Californie, citons les noms du chef de
police Paradis, du Dr Rousseau, d'Yamaska, M. Lockhart, ex-capitaine du John Munn,
MM. Noad, Gaspard Garneau et Peters, de Québec, Olivier Chevrefils, N.P., Jos. Beaupré,
M. Lebrun, Honoré Lafleur, de Yamaska, M. Létourneau, de St-Marc, Pinard de Nicolet,
Charette, Duguay, Lafond et Manseau, de la Baie du Febvre. Le Dr Dugas, MM. Bonacina
Richard, de Bécancourt, DeMeules, A. Pinsonneault, Gagné, Philias Roy, Candide Roy,
Victor Beaudry et plusieurs autres des meilleures familles du Bas-Canada.
- Le voyage pour San Francisco de Victor Beaudry: novembre 1848 -
avril 1849
En ce temps-là le chemin de fer américain du Pacifique n'était pas encore construit.
Pour se rendre en Californie il fallait s'embarquer sur des voiliers qui doublaient le
Cap Horn, et le voyage durait quelque fois six mois.
Une lettre de M. Victor Beaudry datée de San-Francisco le 31 avril 1849 est
publiée dans la Minerve du 18 octobre 1849. M. Beaudry ne donne que très peu de
détails sur l'endroit, vu qu'il n'y était arrivé que depuis quelques jours, mais en
revanche il s'étend au long sur la misère et les privations qu'il a éprouvées pendant
le voyage qui a duré plus de six mois par suite des vents contraires et autres incidents
fâcheux. "Pendant plus d'un mois avant le terme du voyage, les passagers au monbre de
115 furent réduits à une chapine d'eau par jour et un biscuit de matelot tout-à-fait
moisi et rempli de vers. Ajoutons à cela que les matelots ont été en mutinerie ouverte
contre le capitaine qui a toujours été ivre durant la traversée Toboga jusqu'à
San-Francisco.
- Le coût de la vie à San Francisco fin avril 1849
M. Beaudry a trouvé une place de commis en arrivant, quoique les places fussent très
rares, dit-il, à raison de $100 par mois, mais sur cette somme il est obligé de se
nourrir lui-même.
Les moyennes pensions sont de $60 à $70 par mois.
M. Beaudry écrit qu'il a rencontré à San Francisco, le Docteur Robert Nelson et le
Docteur Beaudrian. Ils partaient pour les mines où les médecins ont beaucoup à faire
durant la saison de travail. Il a aussi rencontré M. Wilson, ci-devant de la chambre
des nouvelles de la rue St-Joseph de Montréal.
"San Francisco écrit-il, est déjà une ville de 5,000 à 6,00 âmes.
Elle possède un excellent port où il y a généralement 120 à 200 vaisseaux de toutes les
nations." Les édifices sont encore très rares, on loge sous des tentes.
"Une maison de la grandeur ordinaire de celles de Montréal se louerait $10,000 par an;
on paie $350 à $400 par mois pour un petit magasin de 15 pieds sur 20; les terrains sont
aussi chers en proportion. Les marchandises sont maintenant en abondance et à bas prix.
"La planche et le madrier se vendent $350 par 1000 pieds carré du moin le bois des
Etats-Unis; celui du Chili et du Pérou est de $250 à $275.
Un assez grand nombre de maisons sont maintenant en construction. Ce travail se fait
(à l'américaine) en 2 à 3 semaines. Les gages des menuisiers, des mineurs et des
briquetiers sont de $10 à $15 par jour, mais ces salaires diminuent rapidement par le
grand nombre d'ouvriers qui arrivent tous les jours.
"Nous avons un numéro du journal qui se publie à San Fransisco, intitulé l'Alta
California. C'est une petite feuille cinq colonnes remplies d'annonces dont la
publication de 10 lignes coûte $4 pour la première insertion et $3 pour chaque insertion
subséquente. L'abonnement au journal, qui ne parait qu'une fois par semaine, est de $12
par année.
La Patrie, vendredi 27 février 1885, page 4.