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L'assemblée populaire au Champ de Mars

H. C. Saint-Pierre,
membre du Comité de la défense de Riel:
L'assemblée de dissolution du Comité
le 19 novembre 1885 au Champ-de-Mars



La Patrie, vendredi 20 novembre 1885, page 4

A LE MEETING DU CHAMP-DE-MARS

Les orateurs les plus distingués dénoncent la conduite honteuse des ministres français - Nécessité d'un parti national - Eloges à la "Patrie," la "Presse," "l'Etendard," le "Post", le "Witness," le "Herald," le "New-York Herald," - Riel héros et martyr, victime des Orangistes.

  1. L'assemblée au Champ-de-Mars

    Hier soir avait lieu sur le Champ-de-Mars, la dernière réunion du Comité de la Défense de Riel qui était en même temps, on peut le dire, la première du Parti National. Une estrade avait été placée au centre du Champ-de-Mars par les soins de M. Phaneuf et on remarquait sur la tribune: l'honorable H. Mercier, H. C. St Pierre, L. O. David, A. E. Poirier, G. P. Kehoe, E. Tremblay, de St Hyacinthe, l'honorable M. Laflamme, les échevins Préfontaine et Perreault, Geo. Duhamel et des représentants des journaux locaux.

    Nous ne croyons pas exagérer en affirmant que près de 20,000 personnes assistaient à cette imposante assemblée et ont acclamé les orateurs et montré leur unanimité à condamner la conduite honteuse des membres du gouvernement actuel et des journaux à leur solde.

  2. Résolutions proposées par le comité de la défense de Riel

    M. L. O. David monte le premier à la tribune et annonce qu'avant de donner la parole aux orateurs, M. A. E. Poirier va lire les résolutions proposées par le comité de la défense de Riel.

    "Que l'exécution de Louis Riel est un outrage à la justice, à l'humanité et de plus un outrage à notre nationalité, et que les ministres, les membres du parlement et les journalistes Canadiens-français responsables de cette exécution méritent la réprobation publique;

    "Que ce fait déplorable montre quels dangers court la confédération, quels périls sont suspendus sur nos têtes, et la nécessité d'adopter des vues politiques plus nationales dans toute l'acception du mot;

    "Que les journaux français, la PATRIE, la Presse et l'Etandard qui ont si courageusement défendu la cause nationale, méritent l'appui et l'encouragement de notre population, et que nous devons des remerciements au vaillant journal irlandais, le Post, au Herald, au Witness et au New York Herald, qui tous ont élevé la voix au nom de la justice et de l'humanité;

    "Que les membres du comité remercient le peuple de sa confiance que n'ont pas abattu la conduite et les calomnies infâmes de certains journaux et hommes publics et que le comité a employé tous les moyens possibles pour sauver Riel et faire annuler le jugement rendu contre lui;

    "Que les ministres Canadiens-Français et ceux qui essaient de justifier leur conduite doivent être considérés comme des traîtres, et que pour éviter qu'une semblable trahison ne se renouvelle, la nation n'oubliera jamais le crime dont ils se sont rendus coupables;

    "Que Louis Riel mérite une place au rang des martyrs politiques Canadiens Français;

    "Que des services de requiem soient célébrés pour sa mémoire, et que la nation adopte sa famille;

    "Qu'une amnistie générale soit accordée aux autres métis et aux sauvages impliqués dans la récente rébellion du Nord-Ouest, excepté ceux reconnus coupables de meurtre."

    Ces résolutions interrompues par de nombreux et chaleureux applaudissements ont été finalement couronnées par d'immenses hourrahs.

  3. Discours de L. O. David

    M. L. O. David, président du comité de la défense de Riel monte ensuite à la tribune et dit: "Le comité n'a pas voulu se dissoudre sans venir une dernière fois devant le peuple pour pleurer avec lui la mort du patriote dont le pays porte aujourd'hui le deuil. Honte au meurtier de Riel s'écrie l'orateur (Honte, répète avec lui l'assemblée.) Honte surtout aux ministres Canadiens-français qui pour conserver leur portefeuille n'ont pas craint d'avoir recours à la trahison et à la lâcheté (Honte), car c'est à eux comme au fanatisme des orangistes qu'est due la mort de Riel. Honte aussi aux journaux français qui ont approuvé et soutenu leur conduite infâme.

    Riel a été pendu en dépit de l'opinion publique et des appels à la clémence partis non seulement du pays, mais de tous les points de la terre où se trouvent des amis de l'humanité.

    Le crime et la trahison sont d'autant plus grands que le Général Middleton avait formellement promis justice à Riel et que n'ayant pu le faire prisonnier il l'avait supplié de se rendre lui-même.

    Riel ne défendait-il pas d'ailleurs au nom des Métis, des sentiments et des principes qu'ils avaient puisé dans notre histoire, et Lord Chatham n'a-t-il pas exalté ces sentiments, lorsqu'ils disait, en 1775, que la nation Anglaise n'avait pas le droit de condamner dans les Colonies les sentiments d'indépendance dont elle avait elle-même donné l'exemple.

    Après avoir loué la conduite des journaux Canadiens-français et du Herald qui ont pris la défense de Riel, M. L. O. David, montre combien il serait dangereux pour le parti national d'admettre dans son sein ces hommes dont les mains sont teintes du sang de l'infortuné Riel (honte) et termine en comparant les dernières paroles de Lorimier, le héros de 37 et de Riel, qui tous deux, n'eurent qu'un seul bien, leur coeur, et qui tous deux le donnèrent à la patrie. (Applaudissements prolongés) M. L. O. David propose enfin qu'à l'exemple des peuples anciens qui adoptaient les familles des soldats morts pour la patrie, nous adoptions ceux de Riel qui nous les a recommandé, et qui est mort en bénissant ses amis et en pardonnant à ses bourreaux. (Appl.)

  4. Discours de l'honorable Honoré Mercier

    L'honorable M. Mercier appelé à la tribune, explique que s'il n'a pas voulu faire partie du comité de Riel, c'est à la prière de ses amis qui ont cru préférable que le chef d'un parti politique ne prit pas part à cette défense, car les ennemis de ce parti n'eussent pas manqué de voir dans son action un but purement politique.

    Mais aujourd'hui, ajoute M. Mercier, aujourd'hui que le crime est consommé, qu'il me soit permis au moins de venger sa mémoire.

    M. Mercier remercie le comité de sa noble conduite et l'assure que les calomnies dirigées contre lui n'ont fait que le rehausser dans l'estime publique.

    L'orateur qui souffre d'un léger mal de gorge s'excuse de ne pouvoir parler plus longtemps et invite le peuple à assister à la grande assemblée de dimanche. Que 100,000 citoyens s'y réunissent pour protester contre le crime commis par nos ministres sur un de nos compatriotes.

    L'hon. M. Mercier propose les remerciements suivants aux comités de la défense de Riel, cette proposition est accueillie par de longs applaudissements:

    "Les amis de la cause de la justice et de l'humanité remercient les membres du comité de Riel du patriotisme et du dévouement dont ils ont fait preuve en défendant Riel, le chef des Métis;

    "Ces messieurs ont fait noblement leur devoir et le peuple les en remercie. Ils ont été insultés par des lâches, mais ces insultes les ont grandis dans l'opinion de leurs compatriotes, la reconnaissance publique les venge de ces injures proférées par le fanatisme et le servilisme."

  5. Discours de George Duhamel

    M. George Duhamel, prend alors la parole, et remercie M. Mercier au nom du comité, et le peuple qui est venu en si grand nombre protester contre le crime de Régina. Nous sommes vaincus et nous avons senti le poids des paroles du chef Gaulois "Vae Victis" Malheur aux vaincus.

    Riel vivant, ajoute l'orateur, eût pu être oublié un jour, il est immortel aujourd'hui, et c'est l'échafaud où il a reçu la mort qui lui a servi de piédestal pour l'immortalité, tandis que les ministres garderont aux mains la tache sanglante de Lady Macbeth.

    Mais ce n'est pas aujourd'hui seulement qu'il nous faut protester, c'est au jour des élections prochaines que nous devrons jeter à la face de ces ministres indignes, leur déshonneur, et leur montrer que la nation qui peut pardonner une faute ne pardonne pas aux lâches.

    M. Duhamel termine en recommandant au peuple la plus grande modération. Les démonstrations extérieures et les processions ne servent aujourd'hui qu'à faire naître des haines et des dissensions inutiles, réservons-nous plutôt pour le jour des élections.

  6. Discours de l'honorable Laflamme

    Après M. Duhamel, l'hon. M. Laflamme, monte à la tribune, et en termes énergiques loue le courage montré par Riel jusqu'à sa dernière heure et condamne le gouvernement auteur de sa mort. Les graves motifs qui ont fait naître la rébellion, devaient être assez forts pour sauver Riel. Quand aux ministres Canadiens-français qui ont agi comme des lâches, ils sont désormais indignes du nom de Canadiens-français. Le temps est passé où une faction politique imposait ses lois et gouvernait le pays. L'orateur termine en affirmant aux Canadiens-français que l'heure est venue de montrer leur union, et que s'ils oublient jamais l'insulte qui vient d'être faite à leur nationalité, ils auront mérité d'être gouvernés comme ils le sont aujourd'hui.

  7. Discours de H. C. Saint-Pierre

    A l'hon. M. Laflamme succède M. St Pierre.

    "Sursum Corda," "Haut les coeurs," s'écrie l'orateur à son début, ne nous laissons pas abattre par le malheur qui nous frappe tous, par l'assassinat, car c'est un assassinat, qui vient d'être commis. C'est par notre faute, par notre négligence que nous avons été trompés, mais nos ennemis ne pourront plus nous duper maintenant, car ils portent au front une tache sanglante et ineffaçable à laquelle nous les reconnaîtrons toujours.

    Sans doute ils voudront comme quelqu'un que je connais et que je pourrais citer, prendre une place parmi nous aujourd'hui, mais il est trop tard et nous ne devons pas admettre dans nos rangs ceux qui ont été contre nous auparavant, et je le répète, j'en pourrais citer de ces hypocrites (citez, citez) Eh bien! Messieurs, je citerai M. D. Girouard, député de Jacques-Cartier qui, lorsque je voulus élever la voix pour défendre Riel au banquet de Lachine, déclara qu'il allait quitter la salle. Il était contre nous alors, il voudrait être des nôtres aujourd'hui, mais il est trop tard: Et d'ailleurs, que perdrons-nous en perdant M. Chapleau dont le frère se fait bourreau et qui sont tous deux les vils esclaves de ce vil hypocrite orangiste qui a nom sir John.

    L'orateur recommande une fois encore au peuple de ne pas se laisser abattre, mais de porter "haut les coeurs", et descend de la tribune au milieu de vifs applaudissements.

  8. Discours de A. E. Poirier

    Il est remplacé par M. A. E. Poirier, dont le discours énergique et rempli d'éloquence fait monter au plus haut degré l'enthousiasme du peuple assemblé.

    M. Poirier retrace en termes émus, le long supplice infligé à Riel, les sursis trompeurs dans le but de l'affaiblir, les appels à la clémence qui viennent se briser contre les coeurs de pierre des ministres, et le courage de ce martyr qui comme la sublime victime du Golgotha n'a que des paroles de paix et de pardon pour ses infâmes bourreaux.

    La cause nationale est sanctifiée par le sang de Riel, et le traître Chapleau qui en 1874 et 1875 le défendait du meurtre de Scott, s'est aujourd'hui vendu à l'orangiste Sir John qui voulait venger Scott sur le pauvre Riel.

    N'oublions jamais cette page sanglante de notre histoire et unissons nous contre le gouvernement pour venger la mort de notre compatriote, non par des processions, et par des démonstrations, mais en formant un parti national qui réunira tous les partis et toutes les nationalités pour la défense de la plus sainte des causes, "celle de la patrie commune."

  9. Derniers discours et clôture

    M. Préfontaine et Roy, prennent ensuite la parole, exprimant les mêmes sentiments que leurs prédécesseurs à la tribune et recommandent la plus grande modération dans les démonstrations extérieures, mais la plus grande fermeté dans la formation d'un parti national.

    L'assemblée, après avoir adopté les résolutions proposées, et la dissolution du comité de la défense de Riel s'est séparée aux cris de Gloire à Riel; A bas les ministres.

    Tous se sont donné rendez-vous pour dimanche prochain, après la messe au Champ de Mars.





Jacques Beaulieu
beajac@videotron
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