- mercredi 14 mars 1888, page 4
Fahey a la barre!
Le fameux procès des détectives commence!
GRAND ÉMOI AU PALAIS
ON EMPLOI QUATRE HEURES A CHOISIR UN JURY!
WILSON PARAITRA-T-IL?
Huit avocats retenus pour ce procès!
Le procès des détectives est enfin commencé. Ce matin une grande foule encombrait
les abords du Palais de Justice dans le but de satisfaire sa curiosité. Des précautions
avaient été prises cependant pour empêcher l'encombrement des corridors et de la salle des
séances. Des constables étaient en devoir avec instruction de ne laisser entrer que les
personnes qui appartenaient au barreau, au jury, à la presse et ceux qui sont appelés à
rndre témoignages. Malgré ces précautions, cependant longtemps avant dix heures, la salle
des séances était rempli et la plus grande curiosité était manifestée.
Les trois accusés Fahey, Naegelé et Bureau sont arrivés au Palais sous la garde de
l'assistant géolier Koyle et de plusieurs constables. Ils ont été conduits immédiatement
au banc des accusés. Ils paraissaient tous en excellente santé.
L'hon. juge Baby qui préside le tribunal monte sur le banc à 10 heures 10 minutes.
M. Sicotte, greffier de la Couronne commence alors à lire la nouvelle liste des jurés.
Un membre du jury M. Roger fait une affidavit qu'il ne peut pas servir parce qu'il est
malade.
Deux MM. Théoret, sont absents, ayant à assister aux funérailles de leur mère.
Un autre du nom d'Alfred Gauthier, de St. Constant fait dire qu'il est malade. La cour
le condamne à l'amende. Un autre nom étant appelé, M. le Shérif Chauveau déclare qu'il
ne peut venir vu qu'il est interdit.
M. Henry J. Cloran assigné comme témoin est exempt de servir comme avocat.
John Hudson, est excusé parce qu'il est sourd. Henry Horsler, H. J. Stafford et
Edward Packard font défaut.
La liste entière ayant été passée, John Fahey est ensuite appelé à la barre pour subir
son procès. Fahey est pâle et semble très impressionné.
MM. Geoffrion C.R. et J. N. Greenshields sont les représentants de la couronne et
M. Geo. MacRae, C.R. et MM. Carter et Goldstein, les associés de feu M. Kerr, représentent
la poursuite privée, le Grand Tronc.
L'accusé est représenté par MM. H. C. St-Pierre, D. Barry, A. Globensky et E. N. St-Jean.
On commence ensuite la formation du jury.
On appelle Thimothy O'Brien. M. St-Pierre lui fait subir un examen spécial. MM. J. O.
Pelland et Cholette, avocts, sont assermentés comme jurés pour décider si O'Brien n'est
pas préjugé. O'Brien dit qu'il a déjà été à l'emploi du Grand Tronc et la Couronne demande
qu'il soit mis de côté. Accordé.
Ludger legault, épicier du quartier St-Antoine, est appelé. Il déclare qu'il n'est pas
préjugé et qu'il peut rendre justice à l'accusé.
Il est donc assermenté.
Charles Tresidder, mécanicien employé chez Geo. Bishop, et demeurant au numéro 93 rue
St Antoine, vient ensuite.
Il déclare qu'il n'est pas préjugé et qu'il ne connaît pas l'accusé.
Tressider est assermenté.
Joseph Reger, ouvrier du quartier St-Antoine est assermenté.
M. St-Pierre. - "Il est évident que nous allons être jugé par St-Antoine."
La Cour - "Oh qu'importe, si vous retrouvez ce que vous avez perdu" (rires)
Henry Hoppin, cordonnier au No 151 rue St Antoine vient ensuite. Il n'a formé aucune
opinion sur l'innocence ou la culpabilité de l'accusé.
Il est cependant renvoyé à la demande de la défense.
W. R. McCulloch, ferblantier au No 149½ rue St Antoine est ensuite appelé et ayant
déclaré qu'il avait déjà exprimé des opinions sur cette affaire, il est soumis à un long
interrogatoire par MM. St Pierre et Greenshields pour savoir s'il est préjugé pour
ou contre le prisonnier.
M. St Pierre déclare que les temps des "packed jury" sont passés et dans une adresse
assez longue déclare que McCulloch ayant exprimé une opinion ne devait pas servir comme
jury.
M. Geoffrion lui répond et dit que la couronne demande que justice soit rendue et rien de
plus. Si Fahey est innocent il devra être acquitté mais d'un autre côté s'il est coupable
ke jury aura à faire son devoir. Il fait remarquer que si l'on croit pouvoir trouver
douze hommes qui n'ont pas entendu parler et ont parlés eux-mêmes de l'affaire des
détectives on se trompe grandement. Il croit que McCulloch est qualifié à servir comme
membre du jury.
M. St-Pierre prétend de nouveau que McCulloch ne devrait pas être assermenté vu qu'il a
déjà formé une opinion et qu'il l'a exprimée.
Après l'adresse du juge, les deux membres du jury, assermentés comme triers
declarent que McCulloch est qualifie à servir.
Au grand étonnement de tout le monde cependant, M. St-Pierre recuse le juré et
McCulloch se retire.
M. Isaac Bourdon, peintre, demeurant au No. 486 rue St-Antoine, est appelé. Il déclare
être à l'emploi de la compagnie du Grand-Tronc et à la demande de la Couronne il se
retire.
Gilbert Rousseau, aussi à l'emploi du Grand-Tronc est forcé de se retirer.
George Mowat, commis-voyageur, demeurant au No 315, rue St-Antoine est ensuite appelé.
Il est assermenté et en réposne à M. St-Pierre, il dit qu'il a formé son opinion contre
l'accusé.
Il se retire.
Enfin!
François Vézina, journalier demeurant rue Albert dit qu'il ne lit jamais les journaux et
qu'il ne connaît rien de l'affaire!
Assermenté!
George Hudge, marchand au No 333 rue St. Antoine est appelé et assermenté. Il dit avoir
lu les témoignages attentivement. Il ajoute avoir formé son opinion, mais il refuse de
dire si elle est favorable ou défavorable au prisonnier.
La cour dit que le témoin peut refuser de répondre à cette question s'il le veut.
En réponse à M. Greenshield, le témoin dit qu'il a formé son opinion mais il croit
cependant qu'il pourra rendre justice d'après les témoignages qu'il entendra. Il déclare
plus tard qu'il ne peut rendre justice.
La couronne déclare que Hudge ne peut pas servir.
Le juge demande aux deux jurés triers de déclarer que Hudge ne peut pas servir.
Au grand étonnement le juré anglais déclare qu'il peut servir et le juré
français déclare qu'il n'y comprend rien.
Pour sortir de l'embarras la cour ordonne à Hudge de se retirer et ceci avec le
consentement de la défense.
William Hudge, cultivateur de la paroisse de Saint Laurent est ensuite appelé.
M. Globensky demande qu'on assermente deux autres jurés triers vu que les deux
qui servent maintenant viennent de rendre un verdict contraire aux instructions de la
cour.
La cour refuse d'accorder cette demande.
Hudge ayant déclaré qu'il n'est pas préjugé est assermenté comme membre du jury.
Henry Russell, boucher de la rue St Antoine, déclare qu'il est préjugé et à la demande de
la couronne il se retire.
John Dyer est recusé par la couronne ainsi que Jean Poudrette dit Lavigne.
Thomas Bell, gérant pour Bradstreet, est ensuite assermenté comme membre du jury sans
opposition d'aucune des parties intéressées.
John A. Pitt, teneur de livres, demeurant en numéro 52 rue Coursol, dit qu'il a formé une
opinion sur cette affaire, mais ajoute qu'il croit pouvoir rendre justice d'après les
témoignages qui seront entendus.
M. St. Pierre adresse très longuement les deux jurés triers et leur explique la
procédure qui est suivie maintenant et qui est assez rare devant les tribunaux de
Montréal, c'est-à-dire de faire un petit procès à chacun des membres du jury pour savoir
s'il est indifférent dans la cause qu'il est appelé à se prononcer. Dans le cas
particulier que les jurés ont à décider est de savoir si Pitt ou n'importe quelle autre
personne est qualifié à servir comme juré quand il a déjà formé une opinion. Il répète
ses remarques en anglais pour le bénéfice du trier anglais, Charles Tressider.
M. Geoffrion observe que la prétention que parce qu'un homme a lu dans un journal des
détails sur cette affaire ne peut servir comme juré, est tout à fait illégal. Si cette
règle-là devait être appliquée, le savant juge qui préside le tribunal serait lui-même
disqualifié. Su un homme lit un journal sans former une opinion, à quoi sert-il de lire?
Il prétend que M. Pitt est parfaitement qualifié à servir sur le jury.
M. St-Pierre réplique et croit que la Couronne a peut-être l'intention de faire
assermenter un packed jury (jury docile).
M. Greenshields déclare que la Couronne n'a pas cette intention du tout.
M. St-Pierre fait remarquer au jury que la défense n'a le droit de récuser péremptoirement
que six jurés. Après cela la Couronne peut faire assermenter des employés du Grand Tronc
ou n'importe qui.
La Cour adressant les triers dit qu'ils sont forcés de se guider sur le témoignage
de Pitt lui-même qui a déclaré qu'il était en mesure de rendre un verdict impartial.
Les deux triers déclarent que Pitt peut servir.
Au moment d'assermenter Pitt, M. St-Pierre le récuse et il se retire.
Wm Evans, laitier, demeurant à Blue Bonnet déclare qu'il a lu le récit de l'affaire dans
les journaux et que si la preuve n'était pas contraire il ne changerait pas d'opinion.
Il ajoute qu'il serait difficile pour lui de changer son opinion.
Le cour pose une question au témoin s'il est capable de rendre justice à l'accusé.
Le témoin répond que oui.
M. St Pierre veut poser une nouvelle question.
La cour l'arrête.
M. St Pierre - Nous ne voulons pas être jugés par un packed jury et si nous le
sommes l'opinion publique s'en mêlera.
La Cour - Vous ne serez pas jugé par un packed jury. Ici il s'agit de rendre
justice et rien de plus. L'opinion publique n'a rien à voir ici. Nous surveillerons
l'intérêt publibue[?]. Nous sommes au début de ce procès; vous me connaissez et je vous
connais; tâchons de nous entendre.
Après quelques remarques de M. St Pierre la cour accorde à M. St Pierre le privilège de
poser une autre question.
M. St. Pierre demande au témoin s'il croit qu'il sera encore sous l'influence de l'opinion
qu.il a formé en entendant les témoignages.
Le témoi répond que oui.
MM. St. Pierre et Geoffrion ayant adressés les jurés triers ceux-ci déclarent que
Evans est qualifié à servir comme membre du jury.
Evans est alors refusé par la défense.
Un autre.
Charles Racicot, ouvrier demeurant rue St. Antoine, déclare qu'il n'a pas lu les journaux
et qu'il n'est pas préjugé.
Il est assermenté.
James H. Pickett, imprimeur demeurant au No 74 Plymouth Grove est ensuite appelé.
Il déclare qu'il a formé son opinion mais il rendra un verdict selon les témoignages qui
seront entendus.
Les triers déclarent que Pickett est indifférent.
Pickett est recusé par la defense et se retire.
Un autre!
Zoël Richard, briquetier, demeurant au No 30 rue Quesnel, n'a jamais travaillé pour le
Grand-Tronc. Il n'a pas lu les journaux et n'a formé aucune opinion.
Assermenté.
William L. Shaw, commis, employé chez M. Robert Mitchell, dmeurant au No 76 Plymouth
Grove est ensuite appelé.
Il déclare avoir formé son opinion et cette opinion l'influencerait jusqu'à un certain
point pendant le procès.
Il est recusé par la couronne.
Le neuvième!
John Sly, boucher, demeurant à la Pointe St. Charles vient ensuite. Il n'a aucune relation
d'affaires avec le Grand Tronc. L'opinion qu'il a formé en llisant les journaux ne
l'empêcherait pas de rendre un verdict selon la preuve. Assermenté.
John McCurden, cordonnier, demeurant au numéro 80 rue Bleury, dit qu'il a formé son
opinion, et qu'il serait difficile pour lui de changer.
De côté.
Charles legault est mis de côté par la couronne.
Eméry Gauthier, hôtelier, demeurant à Vaudreuil, dit qu'il a formé son opinion en lisant
les comptes-rendu dans les journaux. Cette opinion l'influencerait.
James Smith, collecteur, demeurant sur la rue Latour, a été à l'emploi du Grand-Tronc, il
y a une douzaine d'années. Son opinion est déjà formée. Il ne pense pas pouvoir changer
d'opinion.
Récusé par la Couronne.
Le onzième!
Narcisse Miron, cultivateur, de St-Constant, dit qu'il n'a aucune opinion en cette cause.
Assermenté.
La partie française du jury est alors au complet.
John Venibles, musicien et tailleur, demeurant rue Latour, a formé son opinion et il ne
peut la changer.
De côté.
John Clark, de la Côte des Neiges.
Récusé par la Couronne.
Walter L. Davy, agent, demeurant au No. 143 rue Bleury. Il n'a formé aucune opinion.
En réponse à M. Greenshields, il dit qu'il a été renvoyé de son emploi au Grand-Tronc.
Recusé par la Couronne.
Le onzième!
Robert Clapperton, commis demeurant sur la rue Berthelet, a été employé au Grand Tronc
il y a dix-huit ans.
Il n'a formé aucune opinion.
Assermenté.
Garret Hill, garde-magasin, demeurant sur la rue Canning est ensuite appelé.
Il déclare sous serment qu'il peut rendre justice à l'accusé.
Il est assermenté.
Ceci complète le jury après qu'on ait consacré quatre heures à cette tâche.
Voici les noms des jurés qui ont été assermentés:
Parlant le français; Ludger Legault, Joseph Roger, François Vézina, Charles Racicot, Zoé
Richard, Narcisse Miron - 6
Parlant l'anglais; Charles Tressider, William Hudge, Thomas Bell, John Sly, Robert
Clapperton et Garret Hill - 6
On lit ensuite l'acte d'accusation à Fahey. Il est accusé d'avoir volé $1,210 et treize
sacs[?] en cuir de la valeur de $30, le tout la propriété de la Compagnie du Grand tronc.
Il y a une seconde accusation contre lui; celle d'avoir eu cette artent et ses
sacs en sa possession sachant qu'ils avaient été volés.
Fahey a plaidé non-coupable.
M. St Pierre fait alors motion qu'on permette à Fahey de s'asseoir pendant son procès
vu qu'il est faible à cause de son incarcération de trois mois. Accordé.
La séance est suspendue pour le lunch à deux heures jusqu'à trois heures.
On nous a assurés ce matin que Wilson serait ici demain et qu'il donnerait son témoignage.
La défense, dit-on, va essayer de détruire l'effet du témoignage de Wilson par
plusieurs moyens qui promettent de causer une sensation.
Le procès promet d'être un des plus intéressants que nous ayons eu à Montréal depuis
longtemps.
On croit que le procès de Fahey seul durera toute la semaine.
Le détective Flynn était en cour ce matin.
Louis Lachapelle, accusé du vol d'une piastre est appelé à la barre et plaide non
coupable.
Flora Samuels, l'Américaine accusée d'avoir volé des diamants est ensuite appelée et
plaide non coupable.
Son procès est fixé pour lundi.
La Cour s'est réuni cette après-midi à trois heures et dix minutes.
M. Greenshields a commencé à expliquer l'accusation qui pèse contre Fahey.
M. Geoffrion parlera ensuite.
- Le détective Maxwell a déclaré cette après-midi qu'il ne savait pas si Wilson paraîtrait
pendant le procès ou non.
- jeudi 15 mars 1888, page 3
Un autre chapitre dans l'affaire des détectives
LA SEANCE DE LA COUR HIER APRÈS-MIDI
Comme nous l'avons annoncés hier, c'est M. Greenshields qui a ouvert la séance de la
Cour hier après-midi à trois heures.
Après quelque discussion préliminaire, M. Greenshields explique la cause aux jurés et les
prie de suivre le procès avec patience.
Il sera nécessairement long, mais la
société est vivement intéressée dans ce procès.
Pendant plusieurs années le prisonnier a joui de la confiance publique, il était chargé
de veiller sur les intérêts des cioyens de Montréal; il était un des gardiens de la
sécurité publique. S'il a abusé de cette confiance il est doublement coupable.
Puis M. Greenshields explique la cause aux jurés et rapporte succintement les
circonstances qui ont accompagné le vol à la gare du Grand Tronc.
Fahey était le chef des détectives privés de Montréal; se commaittait-il un vol à
Montréal, un crime quelconque, Fahey, Naegelé et autres étaient chargés de découvrir
les coupables, de les livrer à la justice, et si ces hommes étaient plus coupables que
les malfaiteurs qu'ils étaient chargés de découvrir quelles devaient en être les
conséquences
M. Geoffrion, avocat du Grand Tronc a parlé en français.
M. H. C. St-Pierre demande alors que la cour fasse l'appel de ses témoins, puis Wilson
n'étant pas sur la liste il demande si la cour se propose de faire venir Wilson; il dit
qu'il ne veut pas être pris par surprise. Le juge répondit qu'il n'en pouvait rien dire;
toutefois il promit aux avocats de la défense que Wilson ne serait pas en cour pour
entendre les dépositions des autres témoins.
William Henry Ford, ingénieur civil, est assermenté; c'est lui qui a fait le plan des
lieux où s'est commis le vol; ce plan est sur une échelle de quatre pieds au pouce;
gare ne se compose que d'un bâtiment.
La cour s'ajourne à dix heures ce matin.
- jeudi 15 mars 1888, page 4
LE PROCES DU JOUR
Constatation du vol du Grand Tronc
Production en Cour des pièces à conviction
MALADIE DE L'UN DES JURÉS. - SÉANCE SUSPENDUE
CE QUE DIT FAHEY
Une foule immense encombrait ce matin les abords du Palais de Justice, mais grâce à
une entente entre les autorités et les constables, les parties intéressées seules, les
avocats et la presse ont pu avoit accès en cour.
Malgré la vigilance des constables, plusieurs personnes trouveront cependant moyen de
pénétrer en cour.
Avant l'ouverture de la cour, l'accusé Fahey est à la barre causant tranquillement avec
son avocat, M. St-Pierre. Fahey semble disposé à aider autant que possible ses avocats,
et pour ceux qui connaissent son jugement, il est bien certain que Fahey peut être d'un
grand secours aux savants avocats de la défense.
FAHEY A LA BARRE!
crie le greffier, et Fahey comparait un journal à la main. Il ne regarde même pas le
public et semble absorbé dans la lecture de son journal. Il est d'une insouciance
parfaite.
Les jurés assermentés dans la cause sont ensuite appelés, puis M. Bernard, l'un des
employés de la Cour lit le prestudosent[?] des grands jurés. Ces dernier font leur
rapport ordinaire lequel contient diverses recommandations.
L'hon. juge Baby remercie les grands jurés et ces derniers sont libérés.
Le premier témoin
William Henry Ford est appelé, c'est un ingénieur civil. - Depuis hier soir, dit-il, j'ai
examiné mes plans et j'en ai complété les détails. L'épaisseur de la muraille où se
trouve le coffre-fort est de neuf pouces, la longueur d'une brique. L'épaisseur du fer
dont le coffre est fait est d'un demi pouce. Le juge demande à M. St-Pierre si durant le
procès l'on pourra se servir de ces plans. - Oui, répond M. St Pierre.
James Phelan, messager au Grand Tronc est assermenté. - J'ai été à l'emploi du Grand
Tronc depuis 7 ans, je suis employé au département de M. Wright à la Pointe St. Charles.
C'est de mon devoir d'aller à la gare Bonaventure recevoir les argents. Je prends ces
argents dans la voûte. Cette voûte est située à la gare Bonaventure. L'argent est placée
dans les boîtes que je transportes à la Pointe St. Charles tous les jours. Je vais
chercher ces argents tous les dimanches maintenant; avant le 31 octobre dernier, je n'y
allais point. Avant cette date ces boîtes restaient là le dimanche.
On produit une de ces boîtes. Le témoin l'identifie. "L'argent est déposé dans des sacs
et ces sacs contiennent l'argent. J'ouvre ces boîtes à la Pointe St Charles dans le bureau
du caissier." On produit les cas en cuir contenant l'argent. Le témoin les identifie
comme étant les sacs dont se sert la Cie. du Grand-Tronc. Chacun de ces sacs porte le
nom de la Cie. et le No de la station d'où il vient.
Le matin du 31 octobre dernier, dit-il, je me rendis à la gare Bonaventure vers 8
heures pour retirer les boîtes de la voûte. C'était un lundi matin. Je n'avais pas la
clef de la voûte. Un homme est chargé de cette clef. En arrivant, je demandai à cet
homme d'ouvrir la voûte. Le nom de cet homme est Sanctuary. Il est mort depuis. M.
Sanctuary avait la garde de cette clef lorsqu'il était en devoir, en son absence un autre
homme était proposé à cette garde. Ce lundi-là, c'est Sanctuary qui ouvrit la porte de
la voûte et j'y entrai avec lui; en ouvrant la voûte, je m'aperçus que deux boîtes étaient
brisées et ouvertes. Les couverts des boîtes étaient fendus en deux. On voyait qu'elles
avaient été forcées. De suite, j'en fis la remarque à M. Sanctuary. Qu'est-ce que cela
signifie? dis-je à Sanctuary.
Deux boîtes étaient brisées, une troisième était presque brisée. Il y en avait cinq dans
la voûte. Ces cinq boîtes étaient sur le plancher en fer de la voûte.
Lorsque je m'aperçus que ces boîtes étaient brisées, je dis à M. Sanctuary de fermer la
porte, que je ne toucherais pas à ces boîtes. Sanctuary ferma la porte et je restai là.
M. Sanctuary alla chercher l'agent de la station Stone et M. Lang. Je ne puis dire
si ce dernier vint avant M. Stone. Il y avait beaucoup d'excitation au dépôt. Je ne puis
dire si la voûte fut ouverte lorsque MM. Stone et Lang arrivèrent. A tout évènement, elle
fut ouverte une ou deux minutes après leur arrivée. M. Stone me dit de ne pas toucher
aux boîtes et M. Sanctuary ferma de nouveau la porte de la voûte. J'aillai téléphoner au
bureau central à M. Elliott lui disant d'apporter les clefs des boîtes afin de les ouvrir,
ajoutant qu'un vol avait été commis. M. Wainwright arriva avec M. Elliott. Ce dernier
avait les clefs. On ouvrit la voûte et les cinq boîtes furent transportées au bureau de
M. Joyce, l'agent des billets, où on les ouvrit en ma présence et en présence de MM.
Elliott, Wainwright et de 20 autres personnes.
Nous étions deux pour transporter les boîtes au bureau de M. Joyce. Cet homme qui m'aidait
s'appelle Patrick Gilligan. M. Elliott me donna les clefs et j'ouvris les boîtes. Il y
a une clef séparée pour chaque boîte. Il y avait six ou sept personnes présentes lorsque
ces boîtes furent ouvertes. Lorsque j'ouvris ces boîtes, deux étaient vides. Dans l'une
des deux boîtes vides, un sac était resté. Ce sac venait de Morrisburg. Lorsque les boîtes
arrivent dans le train, il y a une liste dans chaque train. Cette liste indique combien
il y a de sacs dans la boîte. Il y avait une liste dans chaque boîte en question. J'ai
trouvé dans la boîte où se trouvait le sac de Morrisburg une liste marquée comme
exhibit A. L'autre boîte ouverte venait de Rouses Point et contenait les sacs des stations
intermédiaires entre Montréal et Rouses Point. Lorsque M. Sanctuary ouvrit la boîte ce
matin là, la serrure fonctionnait bien. Il pouvait y avoir quelques articles de la
compagnie dans la voûte. Il y avait un peu de brin de scie sur le plancher. Une des boîtes
avait évidemment été sciée.
En transquestion par M. St. Jean. L'une des boîtes que l'on avait commencé à briser était
un peu sciée.
Le témoin indique alors aux jurés comment les sacs sont placés dans ces boîtes.
"Je ne sais de quel bois sont faites ces boîtes.
Réexaminé.- Deux de ces boîtes étaient l'une sur l'autre.
M. St. Jean fait remarquer à la cour que M. Greenshields est un peu suggestif.
M. Bissonnette grand connétable est assermenté "Il dit: j'ai reçu ces sacs et [?]
exhibits de M. Desnoyers magistrat de police. J'ai aussi reçu de lui, les photographies
des lettres de Fahey et de Maxwell et de Wilson. J'ai reçu ces objets à la fin de
décembre.
M. Chs. A. Winter messager de l'express au Grnd Tronc est assermenté. "Le 29 d'octobre
dernier, dit-il, j'étais sur la route. Je voyageais sur le G T R de Toronto à Montréal,
j'étais sur le train No 1 j'avais la garde du char de l'Express, ce jour-là, et j'apportai
la boîte contenant l'argent de l'ouest à bord des chars. Je pris cette boîte à
Shannonville, c'est à l'ouest de Toronto.
Les sacs contenus dans ces boîtes sont déposés dans les boîtes par les agents de chaque
station en ma présence. KL'exhibit A est la lliste des argents reçues par moi le
29 octobre, c'est bien ma signature qui est au bas de cette liste.
Une petite discussion s'ensuit au sujet de l'interprétation d'une réponse donnée par M.
Bernard. M. Geoffrion clot l'incident en disant qu'évidemment M. St-Pierre ne comprend
pas l'anglais!! (Rires!)
"Cette liste, continue le témoin, indique chacune des stations où j'ai reçu ces sacs. Ces
sacs ont été reçus à Shannonville, Tyendinage, Dessonte, Napance, Kingston, Landowne,
Mallerytown, Lynn, Brockville, Preston, Edwardsburg, Iroquois, Oxford, Lancaster, Wales,
Cornwall, Rivière Beaudette, Coteau Landing, St Dominique, Vaudreuil, Ste. Anne et
Pointe-Claire.
A Brookville, je reçus deux sacs. Tous les sacs furent placés dans la boîte en ma présence
par les agents. J'ai eu la garde de la boîte depuis Shannonville jusqu'à Montréal. J'ai
remis cette boîte à l'employé du Grand Tronc à Montréal. Ma responsabilité cesse du
moment que je la remets à cet employé. Le 29 octobre dernier, le soir que j'apportai cette
boîte, le train était un peu en retard. Je n'avais pas de clef, de fait je n'ai pas de
clef pour ouvrir cette boîte. Je ne touche jamais au sac.
Pas de transquestions.
M. St-Pierre fait remarquer que M. Greenshields est trop suggestif. "Heureusement dit-il
que cette preuve n'est pas importante."
M. C. W. Elliott, caissier du Grand tronc est assermenté. - Je connais, dit-il, le
prisonnier à la barre. Mon bureau est à la Pointe St. Charles. Je connais le messager
Phelan. C'est lui qui reçoit les boîtes contenant l'argent des trains et qui me les
apporte au bureau. Quelques unes de ces boîtes arrivent le soir et sont placées dans la
voûte. Lorsqu'elels sont placées dans la voûte pour la nuit M. Phelan va les chercher
durant la matinée. Le 31 octobre dernier, Phelan me téléphona, disant que les boîtes à
argent étaient brisées et qu'il ne voulait pas les recevoir. En recevant cette nouvelle,
je courus à la gare Bonaventure et en constatant que les boîtes étaient brisées, je fis
transporter les boîtes dans le bureau de l'agent. C'est Sanctuary qui m'ouvrit la porte
de la voûte. Je vis que deux des boîtes étaient vides, moins une où il y avait encore un
sac.
A midi un des membres du jury se retire pour quelques minutes et l'audition du témoignage
est suspendu.
Le constable un peu plus tard se retourne et dit que le juré Charles Tressider est
malade et requiert les soins d'un médecin.
La séance de la cour est alors suspendue jusqu'à 1.20 hrs. cette après-midi.
Séance de l'après-midi
Le juge monte sur le banc à 1.35 hrs.
On appelle le jury et le juré malade Charles tressider s'enveloppe dans une couverture
grise.
M. St. Jean demande à la cour que l'on fasse venir M. Clermont le gardien du Palais qui a
trouvé une clef dans une des portes extérieures soit amené devant la cour.
Le juge refuse d'accorder la demande en disant que ceci n'a rien à faire avec le procès.
M. Elliott, le caissier du Grand Tronc continue à donner son témoignage. La première
boîte a été trouvée ouverture contenant une facture de la compagnie d'Edwardsburg. La
seconde boîte venait de Rouses' Point. Il produit une liste des sacs, etc., que contenait
cette boîte. Il y avait cinq sacs dans cete boîte venant de Stottsville, St. Jean,
Lacolle, Grande Ligne et Rouses' Point respectivement. Les rapports des agents étaient
dans ces sacs. Il a depuis reçu de ces différents agents des duplicatas qu'il soumet à la
cour.
En mettant l'argent dans les sacs les agents y mettent aussi deux états en rapports.
Personnellement, il n'a aucune connaissance du montant d'argent placés dans ces sacs.
Le jour suivant le vol, il a télégraphié aux agents de faire de nouveaux rapports qui
sont ceux produits en cour. D'après ces rapports, il y avait dans les deux boîtes
$1,473.75, mais une partie de ce montant n'était pas de l'argent mais des ordres et des
chèques qui n'étaient d'aucune valeur, excepté à la compagnie. Il y avait pour $216.35
de chèques, $19 d'ordres et $1,238.40 d'argent.
Il y avait seulement $141.32 en argent dans la boîte de Rouses Point; la balance était
dans la boîte venant de l'Est.
Il a examiné ces boîtes pour voir comment elles avaient été ouvertes. (On exhibe alors une
de ces boîtes.) Le témoin dit qu'on s'est servi d'une scie très fine pour ouvrir les
boîtes. Ceux qui ont commis le vol ont essayé d'ouvrir une troisième boîte qui contenait
plus d'argent que les deux autres mais que la tâche a été abandonnée.
En réponse à M. St. Pierre, le témoin dit que la troisième boîte contenait $3,000 à peu
près.
Robert P. Horsman, agent de gare du Grand Tronc à Cornwall est ensuite appelé. -
Il occupait cette position le 29 octobre dernier. Ce jour là il a déposé de l'argent dans
un sac dans une boîte de sureté du Grand Tronc, sur le train No. 1, allant à Montréal.
Le train arrive à Cornwall à 6 p.m. Il vient de Toronto. C'est le messager C. A. Winters
qui était en charge de la boîte.
Le témoin identifie le sac et dit qu'il l'a fermé à clef ce jour-là. Le témoin lui-même
est en possession de la clef. Il a mis dans le sac $278.75. Il y avait $81 en billets de
banque, $10 en or américain, 15 cents en argent, trois sous et un chèque pour $187.55.
Il identifie le sac produit en Cour comme étant le même qu'il a employé ce jour-là. C'est
lui-même qui a déposé l'argent dans le sac.
La défense déclare n'avoir aucune question à poser au témoin.
Joseph D. Kennedy, agent de fret du Grand-Tronc à Brockville, est appelé. Le 29 octobre
dernier il a déposé un sac contenant de l'argent dans la boîte de sureté du Grand-Tronc,
sur le train No. 1, allant à Montréal et venant de Toronto. Ce train arrive à Brockville
à 4 heures p.m. Il y avait dans ce sac $102 en billets de banque et un chèque de $28 en
tout $132.80. Le sac produit porte la marque de "Brockville Freight", et il est semblable
à celui qu'il a employé ce jour-là.
Le messager à bord du train a vu le sac déposé dans la boîte en question.
Ernest W. Summerskill, agent de passagers à Brockville vient ensuite. Il identifie le sac
produit comme celui dans lequel il a placé $106.65 le 29 octobre dernier. Cette argent
était la propriété du Grand Tronc. Les $106 était en billets de banque. C'est le messager
Winter qui était en devoir dans le char Express ce jour-là. Il identifie Winters.
William Stafford, agent de la station du Grand Tronc à Lynn, Onatrio. Le 29 octobre
dernier il a déposé un sac dans la boîte de sûreté, contenant $213.75. Dans ce montant
était inclus un ordre pour $15.
Le boîte était à bord du train No 1 venant de l'ouest. Cet argent était la propriété du
Grand Tronc. C'est lui-même qui a placé le sac dans la boîte.
La défense n'a aucune question à poser.
Thomas A. Elliott, chef de gare Ste Anne (Bout de l'Ile). Il a placé un sac (qu'il
identifie) dans la boîte de sûreté à bord du train No 1. Ce sac contenait $19. Le sac
qu'il identifie porte ses initiales: "T. A. E."
Raphael Parent, chef de gare du Grand-Tronc à la Pointe Claire, vient ensuite. Le 29
octobre dernier il a placé un sac contenant $2.30 à bord du train numéro 1, allant à
Montréal. Il identifie le sac. Il ne se rappelle pas si c'est Winters qui était en charge
du train.
George Alderson, fabricant de sacs en cuir, demeurant dans le quartier St-Gabriel, dit
les sacs produits en Cour ont été fabriqués à son établissement pour le Grand Tronc. Ces
sacs coûtent $1.25 chacun.
John Stone, chef de gare à la gare Bonaventure, est ensuite examiné. Il dit que la voûte
à la gare où le vol a été commis, s'ouvre à l'extérieur à l'aide d'une clef. Elle s'ouvre
de droite à gauche. Il se rappelle les circonstances du vol commis là le dimanche, 30
octobre. La clef de cette voûte était en la possession de Morrow, le gardien de nuit,
le samedi soir précédent le vol. Morrow a eu la clef depuis six heures jusqu'à onze heures
ce soir-là.
A cette heure-là il a livré la clef au témoin. Le témoin a gardé cette clef jusqu'à
minuit. A cette heure il a donné la clef à Joseph Caron, un des employés de la compagnie,
préposé au bagage. Caron a gardé cette clef jusqu'au matin suivant [dimanche]. Caron avait
instruction de rendre cette clef à Alex. Lang à huit heures ce matin là. Ce M. Lang est
assistant-chef de gare. Lang devait garder
cette clef jusqu'à son retour lundi matin.
Lang devait livrer la clef à Sanctuary l'employé qui devait ouvrir la voûte et remettre
les boîtes à Phelan le témoin déjà entendu. Phelan est le messager du caissier du Grand
Tronc. Cette voûte est employée pour y placer les boîtes de sûreté contenant l'argent
qui vient des différentes stations sur la ligne.
Ensuite elles sont transportées aux bureaux du Grand Tronc à la Pointe St-Charles. Le
témoin exerce une surveillance générale à la gare Bonaventure. La dernière boîte qui a été
placée dans la voûte était celle du Delaware et Hudson qui est arrivée à 11 heures du soir
samedi. Il l'a vu dans la voûte. Il y avait alors dans la voûte quatre boîtes contenant
de l'argent. Une autre boîte a été placée dans la voûte dimanche matin.
Les boîtes qui arrivent depuis le samedi midi jusqu'au lundi matin sont les suivantes: A
midi celle venant de Québec; à 7.08 hrs; celle de Lachine, à 8.10 hrs; celle de l'Ouest,
à 11 heures; celle de Rouses Point et une autre de Québec le dimanche matin à 6 hrs.
Le témoin a vu quatre de ces boîtes dans la voûte à 11 heures le samedi soir. Elles
étaient alors toute en ordre.
On continue à entendre les témoignages au moment où nous allons sous presse.
Fahey et sa défense
Fahey a fait des déclarations à des journalistes cette après-midi après que la séance de
la cour eut été suspendue. Il déclare qu'il n'a aucun doute sur le résultat du procès et
qu'il sera acquitté. Il continue à protester de son innocence et prétend que le tout est
une affaire montée contre lui, que Wilson voulait faire du chantage et qu'il n'a pas
réussi à l'induire lui et d'autres à lui fournir l'argent qu'il demandait. Il est
convaincu que Wilson ne se montrera pas, et que s'il est assez audacieux pour
comparaître, Fahey dit que ses avocats lui promettent une sensation.
Pourquoi Wilson ne vient pas
Des gens très bien renseignés disaient au Palais, ce matin, que la principale raison pour
laquelle Wilson ne se montre pas c'est parce qu'il a peur d'être mis en arrestation et
forcé de subir un procès pour avoir pris part illégale au vol du Grand Tronc.
- vendredi 16 mars 1888, page 3
LE PROCES DU JOUR
Les témoignages donnés hier après-midi par les employés du Grand-Tronc
L'homme qui a trouvé les sacs.
Lorsque nous sommes allés sous presse hier après-midi, M. John Stone, agent de la gare
Bonaventure, était à rendre son témoignage dans le procès de John Fahey.
Voici la suite de ce témoignage ainsi que les autres témoignages qui ont été rendus:
Le lundi matin, à son arrivée à la station, M. Lang m'a informé que la voûte avait été
enfoncée. J'ai envoyé chercher M. Boes, détective du Grand Tronc et j'ai prévenu M.
Stevenson, surintendant du Grand Tronc.
J'ai examiné toute la voûte; elle avait été brisée.
Elle est en fer. Les dépôtes des journaux qui est annexé à la voûte n'était pas ouvert le
dimanche.
Le témoin produit alors la vraie clef, la clef dont les employés du Grand-Tronc se
servaient pour ouvrir la voûte.
Bureau a été employé dans la gare et je crois qu'il a été renvoyé le huit décembre.
Bureau, l'ancien constable du Grand-Tronc, paraît alors à la barre à côté de Fahey, pour
que le témoin l'identifie.
Le juré Tressader se sent encore des dispositions de faire un ajournement des procédés
pendant quelques minutes.
Le témoin reconnaît Bureau, qui était à l'emploi du Grand-Tronc, pendant environ deux ans,
comme homme de police.
M. Greenshields.- Pouvait-il, oui ou non, avoir possession de la clef dans l'exercice de
ses fonctions?
Le témoin.- Pui, j'ignore, ce dimanche-là. Depuis un an, Bureau avait cette clef tous les
deux dimanches, depuis six heures du matin jusqu'à six heures du soir.
Moreau, qui était du même emploi, vit encore, mais on se sait pas s'il est dans le pays.
A l'arrivée du train, ce dimanche-là, c'était bureau ou Morrow qui devait recevoir cette
boîte de l'Ouest, le dimanche. Il ignore qui des deux l'a reçue.
Joseph Caron, préposé au bagage, dit qu'il a eu connaissance du vol en question le lundi
matin. Il commença son quart à six heures et demeura jusqu'à huit heures dimanche matin.
Pendant ce temps, il a eu la clef de la voûte, vers minuit et quart, jusqu'à huit heures
a.m. Il l'a reçue de M. Stone. Il a remis la clef à M. Lang et M. Bariteau, l'a remplacé.
Le dimanche matin, le train de Québec est arrivé. C'est le seul pendant que j'avais la
clef. Morrow a reçu cette boîte.
Ce Morrow est parti pour son pays, l'Irlande, je crois. Je lui ai donné la clef, lui
disant d'aller chercher la boîte.
J'ai perdu Morrow de vue pendant trois minutes. Il m'a remis la clef.
En recevant la clef de la voûte, Lang a demandé si tout était en règle; le témoin a
répondu oui; Lang a alors ouvert la voûte et tout était en ordre; il y avait cinq boîtes
dans la voûte; il se serait aperçu si une des boîtes eût été brisée; Lang a fermé la
voûte en présence du témoin, puis ce dernier est parti. Il a vu Bureau à la station ce
dimanche-là. C'est Bureau qui est venu prendre la place de Morrow ce matin-là; Bureau
est arrivé vers sept heures et demie; ils sont allés prendre un verre tous les deux à un
hôtel voisin; Bureau paraissait avoir fêter un peu. En quittant l'hôtel, Bureau s'en est
allé à la station et le témoin s'est rendu chez lui, il est retourné à la station vers
trois ou quatre heures de l'après-midi, il passait là par hasard.
Il a vu Bariteau et autres employés mais il n'a pas vu Bureau. Il est retourné à son
travail vers six heures, le lundi matin, il est allé déjeuné et est retourné vers 8
heures; c'est alors qu'il a eu connaissance du vol. Plusieurs personnes étaient prè de la
voûte, la voûte était ouverte et il y avait des boîtes brisées.
Il n'y avait que 5 boîtes dans la voûte. Les avocats de la défense déclarent qu'ils n'ont
pas de question à adresser au témoin.
François Bariteau, employé au Grand Tronc se rappelle du vol commis à la gare; il s'est
rendu au travail à 8 heures le lendemain matin; il était employé jusqu'à 11 heures; il
est retourné à la station à 2 heures l'après-midi et y est resté jusqu'à 4 heures et
demie. Il a vu Bureau plusieurs fois pendant la journée car Bureau était en devoir ce
jour là.
Il lui a demandé les clefs de la salle de bagage: Bureau était alors avec Neaglé et un
nommé Cauchon.
Ces derniers étaient entre la cloche de la gare et la voûte. Il n'a pas vu Fahey ce jour
là. Il a assisté à l'examen de la voûte, fait par Lang et Caron.
Aimé Langevin, journalier, de Montréal; l'automne dernier il a trouvé des sacs, il dit
qu'ils sont semblables à ceux qu'il a trouvés; il était allé chercher un morceau de fer
sur le terrain près de la rue Saint Denis et il a trouvé les sacs; en voyant les sacs, le
témoin dit que les bras lui ont tombé. Il a envoyé chercher la police.
T. B. Angers, sergent de police, donne son témoignage. Il dit que le 8 novembre il a été
averti qu'un nommé Langevin, en passant dans un ravin, avait trouvé des sacs en cuir.
Il s'est rendu sur les lieux avec un de ses hommes et a trouvé dans le ravin des sacs de
cuir recouverts de déchets, morceaux de fer; il y avait 29 sacs. Il a envoyé porter ces
sacs à la station centrale par un de ses hommes.
La cour s'ajourne à 10 heures ce matin.
- vendredi 16 mars 1888, page 4
LE PROCES DU JOUR
L'HISTOIRE D'UNE LETTRE
Les temoins Alexe et Neilson
QUI A EU LES PREMIERS SOUPÇONS?
WILSON
Il y avait encore encombrement ce matin en Cour du Banc de la Reine. Les constables
ont toutes les difficultés du monde à éconduire les curieux.
Les yeux sont rivés sur le prisonnier Fahey, qui semble impassible.
Le premier témoin est appelé.
Narcisse Pellender, agent de pollice, de la cité de Montréal, était en service de la force
en novembre dernier. Il jure qu'il reconnaît les sacs qu'on lui montre. Il les a vus pour
la première fois au poste de police de la rue Ontario. Il dit ensuite: On me les a donnés
pour les emporter au poste central. Je les ai donnés à un homme de police, Paquin, qui
les a portés pour moi. C'était le 8 novembre dernier. C'est le sergent Auger qui me les
a donnés. Il y en avait 29.
La défense déclare qu'elle n'a pas de question à poser au témoin qui se retire.
Un témoignage important
Marcus Alexe, employé au Vermont Central, est ensuite assermenté: - Mes fonctions
consistent à voir au départ des trains du Vermont Central à la gare Bonaventure. Je me
tiens à la gare de 7.30 à 8.30 a. m. et de 2.30 à 4.30 heures p. m. Je me rappelle le vol
du Grand Tronc le 30 octobre dernier. J'en ai entendu parler le matin du 31. J'étais dans
la gare le jour du vol depuis 2.30 hrs. jusqu'à 4.20 hrs. p. m. Je connais le prisonnier.
A la barre!
Naegelé et Bureau sont appelés à la barre et le témoin les identifie.
Il continue: - Quand je suis arrivé à la gare à 2.30 l'après-midi en question, j'ai vu
Fahey, Naegelé et Bureau à la gare.
Q. - Se tenaient-ils ensemble?
R. - Oui.
Ils étaient à environ six pieds de la voûte. Naegelé m'a appelé comme il passait.
Le témoin Alexe examine alors le plan de M. Ford et indique l'endroit où se tenaient
Fahey, Naegelé, Bureau et Cauchon.
De cet endroit, l'on ne pôuvait pas voir la porte de la voûte.
Je suis demeuré avec eux environ 15 minutes.
Après les avoir quitté je suis allé aux chars du Vermont Central.
Naegelé et Fahey partirent avant moi et se dirigèrent du côté de la rue St Jacques. Avant
de se séparer, Naegelé appela Bureau et lui parla. Je n'entendis point leur conversation.
Pendant ce temps-là, Fahey était seul, rue St Jacques. Après avoir parlé à Bureau, Naegelé
rejoignit Fahey, Bureau revint à la gare et resta là en devoir, marchant de la cloche à
la voûte. J'ai cru m'apercevoir que Bureau vait bu, car il avait la figure boursoufflée.
En transquestion, par M. St-Jean - Je suis arrivé à la station à 2.40 hrs. J'ai parlé avec
les accusés environ 5 minutes. Je me rappelle que Naegelé m'a montré un message et un
portrait. Il me demanda si j'avais vu quelqu'un ressemblant à ce portrait, à la gare.
Fahey m'a donné une lettre pour mettre à bord du train de New-York. Si je voyais cette
lettre je crois que je la reconnaîtrais.
On produit une lettre que le témoin reconnaît comme étant celle qui lui fut remise.
Q. - Voulez-vous lire l'adresse?
Objecté par M. Greenshields.
Question permise.
"L'adresse se lit comme suit: - Mrs M. Delousin, 333 Navy St., Brooklynn, N. Y. Le timbre
poste, porte la date "octobre 31," et les mots New York.
Fahey m'avait demandé de donner cette lettre à l'un des porters des chars allant à
New York. Après m'avoir donné cette lettre Fahey est parti. Je voyais souvent Fahey le
dimanche à la gare.
L'enveloppe en question est ici produite comme exhibit A de la défense.
Q. - Vous aviez l'habitude de voir l'accusé souvent durant la semaine?
R. - Oui.
Rien d'étonnant pour moi d'avoir vu Faher à la gare ce dimanche-là, il y venait souvent,
c'est l'habitude des détectives de venir souvent à la gare. Je sais que Fahey et Naegelé
sont détectives.
Le constable en devoir sonne la cloche au départ des trains. C'est Bureau qui sonna la
cloche ce dimanche-là. Il était en devoir parce qu'il se promenait de la voûte à la
cloche.
Réexaminé. - Lors de l'enquête, je ne me rappelai pas si Fahey m'avait donné une lettre
mais plus tard je m'en rappelai parfaitement bien. C'est le frère de l'accusé qui m'a
montré la lettre produite en cour et que je reconais comme étant celle qu'il me remit dans
le temps.
Le frère de Fahey est venu me voir à la gare pour me montrer cette lettre afin de raviver
mon ouvenir. J'ai vu Fahey deux ou trois fois, le dimanche après le vol, à la gare. Je
n'ai jamais vu l'individu à la gare dont Naegelé m'avait montré le portrait.
Je ne puis jurer si celle lettre (exhibit A) m'a été remise le 30 octobre dernier. Je
sais qu'elle m'a été remise le dimanche. Sur cette lettre il y a un timbre américain.
Passe d'armes
En transquestion par M. St-Pierre. - Ne pouvez-vous vous rappeler que c'est cette même
lettre qui vous a été remise puisqu'elle porte la date du 31 octobre?
Objecté par M. Geoffrion, sous prétexte que M. St-Pierre soulève un fait nouveau.
M. St-Pierre reprend en réponse au juge qui décide en faveur de M. Geoffrion: "Je
crois, dit-il, que l'on devrait m'entendre en cette cour avant de me condamner. Il y a
dix-huit ans que je plaide ici et j'ai toujours été entendu. Je ne soulèves pas de fait
nouveau."
Une vive discussion s'engage ici. M. St Pierre prétend que M. Geoffrion n'a guère le droit
d'être loi, vu qu'il représente une poursuite privée. Le juge rappelle M. St Pierre à
la modération et ce dernier repernd son argumentation. Le juge décide en faveur de
M. Geoffrion.
M. Geoffrion se lève alors, lit une lettre de M. Defoy assistant des officiers en loi de
la Couronne, l'informant qu'il est autorisé à comparaître dans cette cause.
(Le juge en riant) - M. St Pierre vous êtes bien vengé et vous M. Geoffrion vous êtes
bien puni! (Rires)
En réponse à M. St Pierre, le témoin dit qu'il a reçu une lettre de Fahey. "Je ne sais pas
si c'est avant ou après le vol. Je ne me rappelle pas à quel porter j'ai donné la lettre."
Le constable Joseph Paquin, est assermenté.
"J'ai vu, dit-il, le 7 ou 8 décembre dernier ces sacs. Le constable Pellinder me les a
remis pour les transporter ici. Le chef Paradis et le détective Cullen étaient présents.
Le détective Cullen prit les sacs sous ses soins.
Le détective Andrew Cullen est assermenté. J'ai reçu ces sacs et les remis à M. Boas,
détective du Grand Tronc. Je n'ai aucun doute que ce sont les mêmes sacs.
Le détective Boas, du G. R. R., est assermenté. J'ai reçu ces sacs du détective Cullin
et je les ai remis aux autorités. M. Bissonnette les prit sous ses soins.
M. John Neilson est assermenté et dépose comme suit: "Je demeure à St. Henri. Je suis
opérateur. Mon bureau est à la gare Bonaventure.
Je me rappelle du vol du Grand Tronc. J'en entendis parler pour la première fois, le lundi
suivant le vol. C'était le 31 octobre dernier. En arrivant à la gare, je vis un
rassemblement près de la voûte. J'étais en devoir à la gare le dimanche du vol, le 30
octobre, de 8 heures du matin jusqu'à deux heures et demie de l'après-midi.
J'ai vu le prisonnier Fahey, Naegelé, Bureau et Wilson, à la gare ce jour-là.
J'ai vu Naegelé près du petit chassis de mon bureau. Ce chassis est de 4 pieds de
hauteur et de 14 à 15 pouces de largeur. Il est divisé en deux.
Naegelé est venu près de ce chassis entre midi et une heure.
Le témoin indique sur le plan, où il était le jour du vol.
J'avais la vue sur mon chassis. Je pouvais voir la voûte de mon chassis, mais en faisant
un effort Naegelé me parla à mon chassis. Lorsque Naegelé m'a parlé, il avait le dos
tourné à la voûte. J'aurais pu voir la voûte, mais en faisant un effort, Naegelé me
barrait un peu la vue. Naegelé est resté dans cette position de 7 à 8 minutes. Je me
rappelles pas du sujet de leur conversation entre Naegelé et moi. Ce n'était pas
l'habitude de Naegelé de venir me parler au chassis. Je n'ai plus vu Naegelé ce jour-là.
Bureau était en devoir à la gare ce jour-là. J'ai parlé à Bureau deux ou trois fois. Ce
dernier se tenait près du kiosque aux journaux. J'ai vu Bureau parler avec un homme. Cet
homme a été identifié depuis par moi comme étant Wilson. J'ai vu parler Wilson avec
Bureau, avant que Naegelé se place près de mon chassis. Lorsque Naegelé quitta mon bureau,
je restai à ma place. La raison pourquoi je suis sorti parler à Bureau, c'était pour
lui dire d'envoyer un individu qui me paraissait suspect. Cette personne était dans la
salle d'attente. Elle disparut quelques minutes plus tard avec Wilson et Bureau.
Dans la matinée le propriétaire du kiosque aux journaux vint pour faire allumer le poêle
par mon jeune messager Creighton. Bureau parla au jeune Creighton. C'est vers midi
que Bureau parla à Creighton. Je ne sais pas ce que Bureau lui a dit, mais j'ai cru
comprendre que voulait voulait l'envoyer au plus tôt. Je me suis aperçu que Bureau était
très attentif à son devoir ce jour là. (Le témoin identifie Bureau et Naegelé). Je n'ai
eu aucune conversation avec Wilson.
En transquestion avec M. St Pierre.
Personne ne m'a jamais présenté Wilson. J'ai vu Wilson deux mois après le vol dans mon
bureau. Lui-même ne m'a pas dit qu'il était Wilson. Je le reconnus quoiqu'il n'était pas
habillé de la même manière.
Après ce vol, je ne fus pas entendu à l'enquête faite par les autorité du Grand Tronc
après le vol. Je n'allai point déclarer à cette enquête que j'avais vu Bureau être
attentif à son devoir. Je n'ai pas non plus rapporter que Naegelé m'avait parlé le jour
du vol. Je ne sais trop si Bureau est revenu à son poste après avoir congédié l'individu
suspect. J'ai raison de croire que Bureau revint.
Ceci se passait un quart d'heure avant que le jeune Creighton vint allumer le poële.
J'ai vu le vendeur de journaux dans le cours de l'après-midi dans la gare.
Je n'avais jamais vu Wilson avant le 30 octobre.
Lorsque je le revis 2 mois après, il était en compagnie du détective Flynn.
Lorsque je dis à Bureau d'envoyer l'individu suspect, il se joignit à ce dernier et à
Wilson et tous trois partirent dans la même direction.
Je ne sais si j'ai déjà donné une version différente de cette affaire. Ici M. St Pierre
lit une partie du témoignage de Wilson donné à l'enquête où il dit: "J'ai vu l'étranger
sortir seul avec lui." Là-dessus le témoin ajoute: "J'ai songé à cela depuis et je puis
dire maintenant que Wilson s'est joint à eux en partant."
Mon bureau est à 20 ou 30 verges de la voûte. Je ne puis dire si Bureau a parlé à Wilson.
Wilson, l'étranger, et les accusés se sont tous trouvés ensemble vis-à-vis de mon bureau.
A M. Greenshields - C'est Flynn qui m'a présenté Wilson.
Flavien Cauchon, agent de chemin de fer à la gare Bonaventure est assermenté. - Je suis
employé pour la compagnie du Delaware et Hudson. C'est mon devoir de me rendre à la gare
au départ des trains. Je suis obligé d'aller à la gare tous les dimanches. Je me rappelle
du vol qui a été commis à la gare Bonaventure.
C'était le dernier dimanche d'octobre. Ce dimanche-là je suis allé à la gare comme
d'habitude. Le train que je surveille quitte la gare à 4.30 p. m. Je me suis rendu là vers
2.15 de l'après-midi. En y arrivant j'ai vu Bureau. Il était dans l'intérieur de la gare.
Le témoin identifie Bureau et Naeglé.
Il continue; j'ai parlé à Bureau en arrivant. Pendant à peu près trois quart d'heure j'ai
été seul avec Bureau. Là où je me tenais avec Bureau je pouvais voir les gens venant de la
rue St. Jacques. Après avoir été avec Bureau pendant un quart d'heure, Naegelé est arrivé.
Il venait de l'ouest. La salle des bagages est à l'ouest de l'allée ouverte des
passagers.
Naegelé est venu près de moi et il m'a parlé. Il m'a dit qu'il était malade. Il faisait
froid ce jour-là. Je l'ai invité à entrer dans mon char pour se réchauffer. C'était un
char à passagers. Nous sommes entrés ensemble. Ce char était à une distance de 200 pieds
de la voûte. Nous sommes restés là cinq ou six minutes. Ensuite nous nous sommes dirigés
vers la station où nous nous somems arrêtés. Naegelé m'a quitté en me disant qu'il allait
chez "Jimmy". Il m'a dit qu'il allait prendre un coup. Naegelé est allé vers l'ouest.
Depuis j'ai appris que "Jimmy" est James Fahey, le frère de l'accusé.
Il tenait alors un restaurant sur la rue St Jacques à une distance de cinq ou six blocs de
la gare. Après que Naegelé fut parti j'ai continué à converser avec Bureau avec qui je
suis resté une dizaine de minutes après quoi Naegelé est revenu venant de l'ouest. M.
Marcus Alexe agent du Vermont Central est alors arrivé. Plus tard Fahey est venu nous
joindre. Il était plus de 3 heures alors. Il venait aussi de l'ouest. Il s'est écoulé
à peu près une heure entre le retour de Naegelé et l'arrivée de Fahey. Nous nous sommes
tenus debout tout le temps. Après l'arrivée de Fahey, Naegelé nous a montré un télégramme
qui contenait une description d'un homme qu'il cherchait.
Naégelé nous a demandé si nous avions vu l'individu en question et aussi l'heure du départ
du train. Pendant ce temps là, Bureau nous a quitté pour aller à son devoir. Nous avons
continué à converser pendant une dizaine de minutes après l'arrivée de Fahey. Fahey et
Naegelé sont partis ensemble vers la rue St-Jacques, et moi je suis allé à mon train.
Je suis revenu plusieurs fois sur la plateforme. Alexe circulait comme moi. Je n'ai pas
revu Fahey et Naegelé. Je crois que je les aurais vu s'ils étaient revenus. Je suis
demeuré à la gare jusqu'à cinq heures. Quand je suis parti Bureau était encore à son
poste.
Transquestionné par M. Globensky. - Je sais que Fahey et Naegelé étaient dans l'habitude
de venir à la gare. Leur présence ne m'a pas surpris. Je n'ai rien vu qui aurait pu
éveiller mes soupçons. J'ai remarqué que Bureau avait froid. Il avait un habit d'été.
Bureau accomplissait alors son devoir; c'était partie du devoir du constable de surveiller
la voûte. Je n'ai remarqué aucune trace d'inquiétude chez Bureau. Il était alors du
devoir de Bureau de sonner la cloche au départ des trains. Bureau a sonné la clcohe ce
jour-là.
Quatre trains sont partis de la gare ce jour-là, deux dans l'après-midi et deux le soir.
Il y avait peu de passagers ce jour-là. Aucun des trois accusés n'ont éveillé ses
soupçons. Fahey n'est pas entré dans la station. J'ai parlé pendant une quinzaine de
minutes avec Fahey. Je ne me rappelle pas avoir vu aucun des accusés remettre une lettre
à aucun de ceux qui étaient là. Naegelé m'a montré un portrait et une obligation
contrefaite des Etats-Unis. Je connais James Fahey le frère de l'accusé. Fahey et
Naegelé sont alliés entre eux. Quand je suis sorti du char avec Naegelé c'est moi qui suit
sorti le premier. Naegelé n'a pas essayé de me retenir dans le char.
La séance est suspendue à une heure pour le lunch jusqu'à deux heures.
- samedi 17 mars 1888, page 3
LE PROCES DU JOUR
FLYNN SUR LA SELLETTE
Le fameux détective de Détroit donne son témoignage. - Ses agissements avec Wilson
Ce qu'a dit un petit messager de télégraphe
Séance de l'après-midi
16 mars.
Le juge monte sur le banc, hier après-midi, à 2 h. 15.
Ambroise Coulombe, agent conjoint du Grand Tronc et du Vermont Central à St-Jean, est
assermenté.
J'occupais cette position le 29 octobre dernier. Le train du Delaware et Hudson, No. 12
allant à Montréal, est passé à St-Jean à 10.30 le soir du 29 octobre. Ce soir-là j'ai
déposé un sac contenant des valeurs à bord du train dans la boîte de sûreté. J'identifie
le sac produit comme étant celui que j'ai déposé dans cette boîte en présence de
M. Hébert, l'employé préposé aux bagages. Ce sac contenait $82.86 en argent. Ce train fait
toutes les collections entre Rouses' Point et Montréal.
A M. St-Pierre.- Il n'y avait pas plus de $15 en argent dans ce sac.
Daniel Creighton, un jeune messager de télégraphe à la station Bonaventure, est
assermenté.
J'étais en devoir à la gare Bonaventure lors du vol en octobre dernier. Je suis en devoir
tous les dimanches.
Je connais Bureau qui était employé comme constable à la gare. Je venais en devoir avant
le vol à 9 hrs. a. m. J'étais à la station le jour du vol. Je reçois mes ordres de M.
Nelson, l'opérateur. J'ai allumé le feu de l'agent des jaurnaux ce jour-là. J'ai brisé
du bois pour allumer du feu à côté de la voûte. Ceci était entre midi et une heure.
Bureau m'a demandé d'aller chercher de l'huile de charbon, j'ai refusé; j'ai ensuite
consenti à aller avec lui à la chambre des bagages de l'autre côté de la voûte. Nous
n'avons été que quelques minutes là; nous n'avons pas réussi à trouver de l'huile. Cet
huile devait être employé à allumer le poêle; je n'ai pas demandé de l'huile; j'ai dit
à Bureau que j'en avais dans le bureau mais celui-ci persistait à vouloir m'envoyer en
chercher dans la cour; j'ai refusé de nouveau et je suis allé en chercher au bureau.
Je n'ai pas vu d'autres personnes près de la voûte. Bureau m'a demandé de me
dépêcher d'allumer le feu. Je ne me rappelle pas les expressions dont il s'est servi.
Il ne m'a pas parlé avec douceur. Je n'ai jamais allumé de feu à la gare avant ce jour-là.
Bureau a été près de la voûte et dans la gare pendant la journée. Je n'avais jamais reçu
d'ordres de Bureau avant cette journée là.
A M. Barry - Je suis âgé de 14 ans. Je sais qu'en donnant témoignage je suis obligé de
dire la vérité. M. Nelson m'a parlé du témoignage que je devais rendre dans cette affaire.
Il m'a dit en entrant dans la cour de ne pas m'exciter. Il m'en a jamais parlé avant ce
temps-là. C'est moi-même qui ai parlé à M. Nelson de ce que Bureau m'avait fait faire.
Je lui ai parlé de celà aussitôt que j'ai appris le vol. Je ne me rappelle pas avoir vu
d'autres personnes à la gare ce jour là. Je ne connais pas Naegelé. C'est après
l'arrestation de Bureau que j'ai raconté ce que je savais à M. Nelson.
Il n'a pas trouvé étrange pour Bureau de lui demander d'aller chercher de l'huile.
On appelle le détective Flynn.
Le détective Flynn, agent de sûreté du chemin de fer Chicago et Grand Tronc est ensuite
appelé: Je demeure à Détroit. Je connais le prisonnier depuis 14 ans; j'ai déjà vu
Naegelé et Bureau; je connais une personne du nom de Frank Wilson.
Q - Où avez-vous rencontré ce Frank Wilson pour la première fois?
M. St Pierre s'objecte à cette question.
La cour permet la question.
Le témoin - A Détroit le soir du 19 novembre dernier.
M. St Pierre s'objecte de nouveau parce que la réponse peut inclure tout ce qu'il aura plu
à Wilson de dire. Dans ses remarques M. St. Pierre qualifie Wilson de "voleur".
Le témoin; j'ai reçu une dépêche de M. Spicer l'assistant surintendant de Chicago et du
Grand Tronc me disant de me rendre à son bureau à huit heures ce soir là. J'ai rencontré
M. Spicer à 7.45 p. m. dans son bureau à Détroit. Il m'a dit "j'attends un homme ici
bientôt et peut être que je vous enverrai à Montréal avec lui." M. Spicer m'a aussi dit
que c'était à propos du vol à la gare Bonaventure.
Vers huit heures cet homme est arrivé à mon bureau. Il m'a dit qu'il était connu sous le
nom de Frank Wilson alias Frank Hayner. J'étais avec N. Spicer quand cet homme est
arrivé. Je suis sorti laissant cet individu avec M. Spicer. Quelques secondes après,
M. Spice lui-même m'a appelé dans le bureau et m'a dit que cet homme était celui que je
devais rencontrer. Il a été convenu que Wilson et moi partirraient pour Montréal ce
soir-là. C'était un samedi. Nous avons passé la journée du dimanche à Toronto, et nous
sommes arrivés à Montréal le lundi matin.
Nous avions deux buts en venant à Montréal, celui de permettre à Wilson de raconter
l'affaire à M. Hickson, le gérant du Grand Tronc et aussi pour recevoir une lettre que
Wilson a dit lui serait envoyée de Montréal à l'Adams House à Boston. Je suis allé voir
M. Hickson avec Wilson, après quoi ce dernier m'a dit qu'il irait à Boston et moi je suis
allé à Colborne, Ont. où demeure ma famille. Je l'ai vu ensuite à Boston le samedi 26
novembre. Nous sommes allés à Boston dans le but de recevoir les lettres qui seraient
adressées à Wilson et de répondre pour recevoir plus d'informations.
Je suis arrivé à Boston le 26 vers dix heures; j'ai rencontré Wilson à la United States
Hotel. Je suis allé là dans le but de voir s'il y avait des lettres pour Wilson. Il n'y
en avait pas alors. Nous y sommes retournés dans l'après-midi. Wilson a demandé s'il y
avait une lettre pour Frank Wilson. Le commis a remis une lettre à Wilson en ma présence.
Wilson m'a alors dit "ouvrez cette lettre M. Flynn et lisez là vous même." J'ai pris la
lettre et je l'ai ouverte.
On exhibe au témoin une enveloppe et une lettre et les identifie.
Question - Qui a écrit cette lettre?
M. St Pierre s'objecte à cette question comme étant illégale. Il prétend qu'on ne peut
pas prouver qui a écrit cette lettre. Il n'a pas été prouvé comment cette lettre est
parvenue à cet hôtel et de plus que la lettre n'a rien à faire avec le vol en question.
M. Greenshields lui répond en disant qu'il est impossible que la lettre ait été obtenue
au bureau de poste ou à l'hôtel. La Couronne s'engage de prouver que cette lettre a été
écrite par le prisonnier à la barre.
M. Geoffrion appuie longuemment les prétentions de M. Greenshields. Il dit que la lettre
en question est une pièce de conviction de la plus haute importance.
M. St-Pierre prétend de nouveau que la lettre n'a rien à faire avec l'accusation qui
pèse sur le prisonnier. Elle ne peut avoir pour effet que de préjuger le jury contre
l'accusé.
M. Barry parle dans le même sens.
On produit alors les différentes lettres échangées entre Wilson et Fahey et le juge prend
les objections faites par la défense en délibéré.
Le témoignage de Flynn est alors suspendu pour attendre la décision du juge.
La cour est alors ajournée jusqu'à dix heures ce matin.
- samedi 17 mars 1888, page 4
LE TEMOIN FLYNN
Maxwell et les instruments des voleurs
LES LETTRES DE FAHEY
LES AGISSEMENTS DE WILSON
DETAILS
17 mars.
Nouvelle foule en Cour du Banc de la Reine ce matin.
A l'appel de Fahey, tous els regards se portent sur son côté. Fahey comparaît le sourire
sur les lèvres. Il porte à sa boutonnière un Shamrock en l'honneur de la St. Patrice.
L'hon. juge renvoie l'objection de M. St. Pierre et déclare qu'après avoir lu différentes
autorités, les lettres de Fahey à Wilson seront produites.
Avant que les jurés soient appelés, M. St. Pierre déclare qu'il a à se plaindre du journal
La Gazette qui a publié ce matin les lettres en question, avant même que la
décision du savant juge fut connue. M. St Pierre se plaint aussi de La Minerve, qui
lui fait dire des platitudes. "Il n'y a pas que les avocats qui aient à se plaindre de la
presse, reprend l'hon. juge baby, les juges ont aussi des griefs contre elle."
James Harvey est assermenté: Je demeure à Montréal, No 3 rue Drolet, M. Harry S. Philipps
habitait la maison voisine en octobre dernier.
J'ai eu la clef de cette maison pendant une partie du mois d'octobre, depuis le 21
jusqu'au 20 novembre.
Cette maison, après le 21 octobre n'était plus habitée par M. Philips.
Je connais le prisonnier depuis le 16 ou le 17 octobre dernier. J'ai vu le prisonnier avec
Frank Wilson dans cette maison. J'ai aussi vu là la femme de Philips. J'ai vu Naegelé dans
la maison de Philips vers le 6 décembre. Je connaissais Wilson, c'est Philipps qui
m'avait présenté à lui. C'est aussi Philipps qui m'avait présenté à Fahey vers le 16 ou le
17 octobre dernier. C'est M. Philipps qui m'a donné la clef de sa maison avant son départ.
Wilson avait aussi une clef et je crois que Fahey en avait une aussi.
Il y avait deux entrées à la maison. J'avais les deux clefs, dans la salle arrière de la
maison. Philips est parti avec sa femme le 23 octobre, et une autre dame.
Wilson quitta la maison dans la soirée du 30 octobre. Il partit par le C. P. R., pour
Boston. Il s'embarqua à la gare Dalhousie. Il est parti entre 7.30 et 8 heures. Je le
vis à bord du train.
Le 30 octobre était le dimanche. Je vis Wilson pour la première fois ce dimanche-là vers
5 heures du soir. Je l'attendais ce jour-là pour 1.30 hrs, car je l'avais invité à diner
avec moi. Il avait accepté cette invitation le samedi précédent c'est à dire la ville.
Il entra chez moi vers cinq heures. Il me dit qu'il venait de l'autre maison. Je n'allai
point dans l'autre maison de suite, rien qu'après Wilson. Je vis là Fahey qui était avec
Wilson. Tous deux étaient dans le salon. Le prisonnier était debout. Tous deux
paraissaient excités. Ça m'a causé beaucoup d'impression. Lorsque Wilson entra chez moi,
je lui demandai de s'asseoir et... (objecté par M. St Pierre).
Je restai avec Fahey et Wilson dans le salon à peu près une minute. Il s'est écoulé
¾ d'heures environ après cette entrevue au salon avant que Wilson vint chez moi ce jour là
pour aller à la gare Dalhousie.
Je n'ai pas vu Fahey lorsqu'il laissa la maison. Fahey était généralement en compagnie
de Wilson. Il venait le rencontrer le soir. Lorsque Fahey venait chez moi, c'était pour
chercher Wilson. Tous deux entraient ensuite chez Philips.
Je n'ai jamais resté bien longtemps en compagnie des prisonniers dans la maison de
Philips.
Q. - Quelles relations existaient entre Fahey et Wilson?
Objecté par M. St. Pierre. Objetion soutenue.
Je ne me rappelle pas si Wilson est arrivé en voiture chez Philips le 30 octobre dernier;
après son départ ce jour-là, je vis Wilson le 6 décembre. A son retour de Boston, Wilson
vint chez moi le 10 novembre, vers midi, et me dit qu'il reviendrait dans la journée. Il
ne vint pas comme il me l'avait promis. Je n'ai pas vu le prisonnier le 30 novembre.
Je ne sais trop s'il alla chez Philips ce jour-là.
Personne n'a demandé Wilson chez moi le 30 novembre. Je n'ai pas vu Fahey avec d'autres,
dans la maison de Philips après le 30 novembre.
J'ai souvent vu Fahey avec M. et Mme. Philips dans la maison de ce dernier. Vers le 6
décembre, je vis le prisonnier chez Philips, Maxwell et Naegelé. Maxwell est appelé en
cour et Harvey l'identifie.
C'est bien là l'homme que je vis chez Philips, continue le témoin. Il était connu sous le
nom de Craig. C'est Wilson qui vint chez moi pour me dire qu'il me présenterait à
Maxwell. Wilson me présenta en même temps à Naegelé.
En transquestion par M. St-Pierre. - Je laissai Wilson le 30 octobre au soir à la gare
Dalhousie. Wilson aurait pu débarquer à Hochelaga, au Mile End, de fait, il aurait pu ne
pas partir du tout.
Alexander Lang, "Je demeures à Laprairie. En octobre dernier, j'étais à l'emploi du Grand
Tronc. Je ne le suis plus. J'étais sous-agent et chef de fépôt aux bagages. Je me
rappelles le vol qui eut lieu à cette époque à la gare. J'étais en devoir le jour
précédent. Je me rendis à la gare à huit heures du matin ce jour-là. J'avais la charge de
la clef de la voûte ce dimanche-là. Je reçus la clef le matin à 8 heures de l'employé
Caron.
Après avoir eu la clef, j'ouvris la voûte en compagnie de Caron et de Bariteau. Tout était
en ordre. Il y avait cinq boîtes à argent. Je refermai la porte. Je gardai la clef
jusqu'à lundi matin à huit heures. Je remis la clef le lundi matin à M. Sanctuary. C'était
mon habitude de lui remettre cette clef tous les lundi matin. Il s'écoula que quelques
minutes après avoir remis cette clef à M. Sanctuary, avant que je n'appris le vol. Je vis
les boîtes. Il y en avait cinq.
De 8 heures à midi, le dimanche, je restai à mon poste. Je revins le dimanche après-midi,
de 3 h. 30 à 4 h 30 et de 6 h. à 8 h. 30 p. m. Je connais Bureau. Je le vis à la gare ce
dimanche-là. (Le témoin identifie Bureau qui porte un shamrock à la boutonnière.) Je crus
remarquer quelque chose d'étrange chez Bureau, ce jour-là. Les boîtes en question, ne
remplissaient pas la voute. Il y avait assez d'espace pour contenir deux hommes.
En transquestion par M. St-Pierre. - Il ne faisait pas très froid ce jour-là. Bureau ne
portait pas son uniforme de constable ce jour-là.
Arthur Hébert, préposé aux bagages du Grand-Tronc, est assermenté. - Je suis employé par
le Grand Tronc, division de Champlain. Cette division comprend les gares entre Rouses'
Point et Montréal. Comme préposé aux bagages, j'ai eu sous mes soins les boîtes à argent
en question. (Le témoin identifie sa signature sur l'exibit A 2.)
Le train No 2 sur lequel j'étais, venait de Rouses' Point. J'ai reçu des sacs à Rouses'
Point, à Lacolle, à Scottsville et un à St-Jean et à Grande Ligne.
Ces sacs m'ont été remis par les agents des différentes stations. En arrivant à Montréal,
je livre la boîte à un employé qui lui, la place dans la voûte. Durant ce trajet personne
n'a touché aux sous, ni à la boîte.
Pas de transquestions.
Flynn à la boîte!
Flynn est appelé à la boîte. Il continue son témoignage d'hier.
M. Greenshields remete au témoin une lettre et une enveloppe.
Q. Connaissez-vous l'écriture de Fahey?
R. Non. Je ne l'ai jamais vu écrire et je n'ai aucune connaissance personnelle de son
écriture.
Flynn remet alors à M. Greenshields des lettres supposées être de Fahey, ces lettres tout
filées en cour et devront servir à la preuve.
Le témoin a reçu ces lettres de M. Starke surintendant des détectives de Toronto.
Q. Y a-t-il, demande M. Greenshields au témoin, aucune ressemblance entre les
exhibits A-8 et A-9?
Objecté par M. St. Pierre. Cette question, dit M. SDt. Pierre est illégale.
Question peermise.
"Il y a de la ressemblance entre ces deux exhibits. Le papier est de la même fabrique.
"J'ai eu l'exibit E, à l'Adams House à Boston ainsi que l'enveloppe. J'ai toujours gardé
cette lettre et cette enveloppe en ma possession. Je l'ai cependant passée une journée
à M. Wright.
Après avoir reçu cette lettre à l'Hotel Adams, je me rendis avec Wilson à l'Hôtel United
States à Boston et je lui dictai une lettre pour Fahey. Elle était adressée à "John
Fahey, No 201 rue St Denis, Montréal."
Avant de la mettre à la malle, Wilson en fit une vraie copie que je gardai en ma
possession. Cette copie a été produite par moi en cour.
Le témoin identifie les exhibits H et J, comme étant copies exactes de la lettre et de
l'enveloppe adressées de Boston à Fahey.
Après avoir remis cette lettre à la poste, Wilson et moi allèrent passer deux jours à
Norwich, Connecticut. Nous revinrent le mardi suivant à Boston.
A notre passage à Boston, nous allâmes deux fois à l'hotel Adams voir s'il y avait une
réponse à la lettre apressée à Fahey. Ne l'ayant point reçue nous partîmes pour Montréal,
mais nous donnâmes instruction si elle arrivait de la renvoyer à M. R. Wright, Montréal.
J'aurais voulu garder Wilson à Boston pour le mercredi, mais il me répondit qu'il ne
voulait pas désapointer Fahey avec qui il avait un rendez-vous.
Le témoin identifie l'exhibit comme étant la lettre de Farley à Wilson. Cette lettre lui
fut remise par M. Wright.
Arrivé à Montréal avec Wilson. Je m'en séparai. Wilson se retira au Richelieu. Je restai à
Montréal toute la journée et me rendis immédiatement à Toronto pour me procurer des
instruments de voleurs que je devais remettre à Maxwell.
M. St-Pierre s'objecte à cette preuve.
Le témoin continue: "J'obtins les outils du chef de police de Toronto et je les remis à
Maxwell à Toronto même.
J'avais auparavant télégraphié à M. Spicer, agent général à Chicago, pour lui demander les
services de Maxwell. J'expliquai à Maxwell ce qu'il aurait à faire. Je lui remis une
petite valise avec les outils. Je lui dis de rejoindre Wilson à Montréal.
M. Wm Starke, inspecteur des détectives à Toronto, est assermenté. - Je demeure à Toronto.
Je connais Fahey. Je l'ai vu pour la première fois en décembre dernier. Je vins à Montréal
pour examiner l'écriture de Fahey relativement à cette cause.
J'arrivai ici le matin du 7 décembre. Je fis venir Fahey au Balmoral.
La cause se continue.
- lundi 19 mars 1888, page 3
L'affaire Fahey
LES LETTRES du PRISONNIER
LES EXPERTS
Marguerite Padden, demeurant au No 77 rue Bleury, dit: Je tiens une maison de pension.
Je tenais pension en octobre dernier. J'avais un pensionnaire nommé Frank Wilson. Je ne
puis dire quand il est arrivé et parti. Il a demeuré chez moi environ cinq semaines. J'ai
entendu parler du vol du Grand-Tronc. Wilson pensionnait chez moi avant le vol. Lorsque
j'ai entendu parler du vol, il était parti de chez moi depuis dix à quinze jours. Je me
rappelle que M. Harvey Philipps, de la rue Drolet, visitait Wilson. Aussi une personne
dont je n'ai appris le nom que plus tard. Je ne l'ai pas vu depuis ce temps-là jusqu'à
aujourd'hui.
M. Geoffrion - Avez-vous vu cet homme aujourd'hui.
R - Oui.
Q - Est-il en cour?
R - Oui, c'est cet homme. Et le témoin désignait du doight Fahey à la barre.
Il n'est devenu demander Wilson qu'une fois, ce dernier était absent. Le visiteur n'a pas
donné son nom, mais m'a dit: "Dites à Wilson, que le monsieur qui l'attend sur la rue
Drolet, est venu."
J'ai répété à Wilson ce que le visiteur m'avait dit.
La cour est ajournée à deux heures.
Séance de l'après-midi
Louis Wilfrid Marchand, greffier des appels à Montréal, produit un dossier dans une cause
de James Baxter, demandeur-intimé Vs. John Fahey, défendeur-appelant. Le bref d'appel a
été rapporté en janvier 1888.
¸M. Geoffrion - Avez-vous en aucun temps revu Wilson depuis qu'il a quitté votre maison?
R - Oui, il est revenu deux fois chez moi. MM. Flynn, Maxwell et Boaz l'ont rencontré
chez moi. C'est longtemps après le vol. Wilson n'a alors demeuré que trois jours chez
moi.
Le détective John Cullen, de Montréal, produit le livre des détectives et y montre la
signature de Fahey. Ce livre comprend des entrées depuis 1878 à 1882. Il était du devoir
du prisonnier de faire des entrées dans ce livre.
La défense objecte à la production de ces documents.
Le détective Cullen, indique dans ce livres plusieurs pages sur lesquelles Fahey a fait
ses entrées. Le témoin reconnaît que toutes ces entrées sont de l'écriture du prisonnier.
Il connait son écriture qui est une belle écriture. Les lettres adressées à Wilson, l'une
reçue en présence de Flynn à l'hôtel Adams et l'autre envoyée de Boston par Grace à M.
Wright sont montrées au témoin qui dit: "Ça ressemble beaucoup à l'écriture du
prisonnier."
M. Greenshields demande que cette lettre soit alors lue aux jurés.
Vu l'objection de la défense, la lettre n'est pas lue.
Le témoin dit qu'il a déjà vu écrire le prisonnier et dit qu'il est familier avec son
écriture.
En transquestion. - La dernière entrée faite par Fahey, a été faite en 1880.
Robert Wright, trésorier de la compagnie du Grand Tronc, dit que la lettre produite a été
en sa possession, envoyée par le détective de la compagnie de Boston.
Alcide Pinard, messager à l'hôtel Richelieu, depuis le 28 novembre, dit: Je me rappelle
avoir vu à l'hôtel un nommé Frank Wilson, arrivé 2 ou 3 jours après l'entrée du témoin à
l'hôtel. Wilson occupait la chambre No 14.
Wilson est resté trois ou quatre semaines. Wilson recevait des visiteurs dans sa chambre.
Fahey et une couple de personnes venaient voir Wilson. Il a vu le prisonnier une couple
de fois à l'hôtel. J'ai porté de la boisson une fois à la chambre de Wilson durant
l'après-midi. (On amène Bureau et Naegelé.) Je ne me rappelle pas les avoir vu à l'hôtel.
Je ne me rappelle pas du pensionnaire James Craig.
Le témoignage du jeune Pinard est suspendu, en attendant l'arrivée de Maxwell pour
identification.
J. B. Shallow, teneur de livres à l'hôtel Richelieu. En consultant les livres de l'hôtel,
je constate que Frank Wilson est arrivé le 30 novembre dernier. Il a pris la chambre No
14. C'est moi qui la lui ai donnée. Frank Wilson a quitté l'hôtel le 10 décembre. Il a
réglé avec moi ce jour là. A peu près vers la même époque une personne s'est enregistrée
à mon hôtel sous le nom de J. H. Craig, le 4 décembre. Ce Craig s'est inscrit comme
demeurant à Chicago. Il a pris la chambre No 59, en haut du bureau, sur le même étage que
la chambre No 14. Ce voyageur a laissé l'hôtel le 10 décembre, après dîner.
Maxwell est appelé.
Le témoin dit que c'est le voyageur qu'il connait maintenant sous le nom de Craig. Il
continue.
Le prisonnier est venu s'informer de Wilson une fois à ma connaissance.
Pendant le séjour de Craig et de Wilson à l'hôtel, je les ai vu souvent ensemble.
Je n'étais pas à l'hôtel quand le prisonnier a été arrêté.
Le jeune Pinard, témoin déjà entendu est rappelé. Confronté avec Maxwell, il dit: J'ai
déjà vu cet homme et je le connais. Il était toujours avec Wilson. Il a pris de la
boisson avec lui à la chambre No 14.
Transquestionné. - Je connais bien M. Maxwell et je l'ai aperçu il y a un instant dans une
chambre voisine de la cour. Personne ne me l'a montré.
G. E. Small, secrétaire du club Saint-James. - Je connais le prisonnier. J'ai été à son
service, deux ans, comme secrétaire. J'ai toujours été et je suis encore ami intime du
prisonnier. Je connais son écriture et je l'ai vu souvent écrire.
On montre au témoin différents écrits du prisonnier. Il reconnaît cette écriture sur les
documents produits. Il ne peut pas jurer que Fahey ait écrit ces lettres, mais c'est son
écriture. Il en est certain.
Les lettres que l'on prétend avoir été écrites par Fahey et Wilson, de Montréal à Boston,
relativement au vol projeté sont lues au jury.
Témoignage d'un expert
Le Dr Girwood, professeur au McGill, est alors appelé. - Je suis expert, dans la
comparaison des écritures. J'en a fait une étude spéciale depuis 30 ans, et j'ai été
consulté dans un grand nombre de cas. Après avoir examiné les divers écrits prouvés comme
étant de la main de Fahey et les avoir comparés soigneusement avec les deux lettres non
signées et les deux enveloppes adressées à Wilson, je suis d'opinion que tous les
documents sont de la même écriture.
Transquestionné par M. St-Pierre:
Q. - Le témoignage d'un expert en écriture n'est-il pas très fragile?
R. - Cela peut être votre opinion, mais ce n'est pas la mienne.
Q. - N'est-il pas vrai que dans une cause devant les tribunaux de Montréal, vous avez,
jadis, donné une opinion contraire à une première opinion antérieurement exprimée par
vous sur le même sujet!
M. Saint-Pierre remet au témoin deux documents relatifs à sa question.
Le témoin les examine longuement.
R - Je ne vois aucune relation entre les deux documents que vous me montrez. J'ai signé
un des documents; je ne reconnais pas l'autre.
M. Saint-Pierre donne lecture d'un premier document que le témoin reconnaît, et dans
lequel se trouve exprimée l'opinion que deux signatures, soumises à son examen, sont
différentes. Puis il cite certaines parties du second document paraissant être le
témoignage du Dr Girdwood dans une certaine cause, où il est question du premier document
et où le témoin déclare ne pas se rappeler avoir donné l'opinion mentionnée dans le dit
premier document.
A cela le témoin réitère sa réponse qu'il ne reconnait nullement ce second document qui,
d'ailleurs, ne porte pas sa signature.
M. Saint-Pierre insiste pour que le témoin réponde s'il est vrai que, dans telle cause
dont fait partie le dit document, il n'a pas déclaré telle ou telle chose?
Le Dr Girdwood répond avec vivacité qu'il ne peut rien se rappeler. Cela s'est passé il y
a quatre ans, comment veut-on qu'il en ait le souvenir? Le document qu'on lui présente
ne lui dit rien. En le lisant, il pourrait peut-être se souvenir. Pour le moment il n'y
peut rien.
Le document est long, et, vu qu'il arrive cinq heures et demie, le cour est
ajournée jusqu'à dix heures, ce matin.
- lundi 19 mars 1888, page 4
L'AFFAIRE FAHER
LE VIEUX SERRURIER
LA CLEF DE LA VOUTE
La photographie de Wilson
Les experts en écritures
Il y avait encore foule ce matin en Cour. Le prisonnier porte encore le Shamrock à sa
boutonnière.
M. W. A. Stark, chef détective de Toronto, est appelé comme témoin et identifie une lettre
produite, qui a été écrite en sa présence à l'hôtel Balmoral le 7 septembre dernier.
Le Dr Girdwood, expert en écriture continue son témoignage. Le témoin examine trois
documents et est d'opinion que ces documents sont de la même écriture que les documents
photographiés et distribués au prisonnier.
M. C. B. Macdonald, sténographe officier jure qu'il a sténographié la déposition du
Dr Girdwood dans la cause dont il a été fait mention samedi.
Pendant que le Dr Girwood examine sa déposition, Isaîe Boudreau, serrurier, est appelé et
assermenté: Ma place d'affaires est située sur la rue St Jacques. L'automne dernier ma
place d'affaires est située près de la gare Bonaventure. Dans mon commerce je vends
quelquefois des clefs non taillées (blanck or block keys). On produit ici une des
clefs. Le témoin dit: Je me rappelle en avoir vendu une l'automne dernier. C'était
l'automne dernier de bonne heure.
Un individu entra chez moi, un matin vers 9 ¼ hrs., il me demanda si j'avais des clefs à
vendre. Il en choisit une sur ma réponse affirmative et je la lui vendis.
Je crois qu'il entra chez moi à 9 heures, car c'était l'heure de l'arrivée du train. Il
choisit cette clef lui-même.
L'individu portait une moustache rousse. Il pouvait être âgé de 40 ans environ. Il portait
un pardessus gris. Je lui dis que si cette clef ne faisait pas de la rapporter, que je la
lui changerais.
On produit ici la photographie de Wilson et on demande au témoin si l'individu en question
ressemble à celui-là.
On produit ici la photographie de Wilson et on demande au témoin si l'individu en question
ressamble à celui-là..
M. St-Pierre s'objecte à cette production. L'hon. Baby, répond que l'on pourrait laisser
répondre le témoin, mais que cette preuve ne serait acceptée que sous réserve.
L'honorable juge Baby examine la photographie et dit: "Elle ressemble à l'un des avocats
de la défense."
Le témoin répond: "Je crois que c'est l'individu en question. Ça lui ressemble beaucoup.
Il est venu deux fois chez moi. Je lui ai dit de revenir si la clef ne faisait pas. Il
revint me disant que ma clef était trop petite. Je lui en vendis une plus grosse.
Il ne me rapporta pas la petite, disant qu'il ne savait pas ce qu'il en avait fait.
M. St-Pierre s'objecte à cette phrase du témoignage, à la preuve faite. On n'a pas le
droit de faire comparaître des témoins qui n'ont rien à faire dans cette cause.
L'hon. juge répond que toute cette preuve n'est admise que sous réserve.
Le témoin continue: "La clef que vous produisez pouvait servir de modèle à celle que
l'individu acheta chez moi.
"La deuxième clef non taillée ne pouvait êttre taillée comme celle de la voûte. Je vends
de 3 à 4,000 clefs par année.
M. St Pierre lit une partie de la déposition au témoin. Il s'agit d'une opinion autrefois
donnée par le Dr Girdwood dans la cause Baxter vs Gagnon, relativement à certaines
écritures. D'après M. St Pierre, cette opinion contredit l'opinion du Dr Girdwood donnée
samedi. Le Dr Girdwood avait dit qu'il ne se trompait jamais en matière d'écritures.
Le Dr Girdwood fait alors une déclaration à la cour et admet que l'on peut différer
d'opinion en cette matière même entre experts.
M. St Pierre - Témoin, si vous aviez fait cette déclaration samedi, vous auriez sauvé bien
du temps.
M. St Pierre demande que les documents relatifs à la cause de Baxter vs Gagnon soient mis
au dossier. Parrtie de ces documents font voir que le Dr Girdwood a donné deux opinions
différentes dans le même cas.
John H. Sheldon est assermenté. Il est conducteur au Grand tronc. Il demeure à Newport,
Vermont. "Je suis conducteur sur l'un des trains. L'automne dernier j'ai voyagé entre
Boston et Newport. Ce train part de la gare Dalhousie à 7.45 hrs p. m. Je connais un
conducteur de char palais du nom de Brown.
Ce dernier est identifié par le témoin, ce train part le dimanche et la semaine Brown fait
tout le trajet entre Montréal et Boston.
Je connais le Dr Black de Farnham. Farnham est l'une des stations sur la route.
Le témoin identifie le Dr Slack.
Je me rappelle avoir vu le Dr Slack sur le train de Boston, un dimanche. Je ne puis dire
dans quel mois ni à quel date. Le conducteur Brown était à bord du train le soir que le
Dr Slack se rendit à Boston. Le Dr Slack était dans le char palais.
M. Geoffrion présente au témoin la photographie de Wilson et lui pose la question
suivante: "Avez-vous vu cet homme-là à bord du train le même jour?
Objecté par M. St-Pierre, 1e parce que l'identité n'est pas prouvée en matières
criminelles par une photographie. 2e Parce que la photographie produite maintenant n'est
celle d'aucune personne en relation avec cette cause.
M. Geoffrion réplique que la poursuite peut prouver de suite que cette photographie est
celle de Frank Wilson.
Objection renvoyée.
Le témoin continue: Je ne me rappelle pas avoir vu cet homme. Je ne connais pas Frank
Wilson. Je pourrais l'avoir vu, mais je ne puis m'en rappeler.
K. Brown est assermenté. Il est conducteur sur les chars dortoirs et il demeure à Boston.
- Je voyage entre Montréal et Boston sur la ligne du South Eastern. J'étais conducteur sur
cette ligne l'automne dernier. Il y a six ans que je suis sur cette ligne. L'automne
dernier, le train quittait la gare Dalhousie à 6 h. 45. Je connais le Dr Slack.
Je connais Frank Wilson. C'est sa photographie que j'ai sous les yeux. J'ai rencontré
Frank Wilson à l'hôtel Richelieu. Je me rappelle avoir vu Frank Wilson un soir de
l'automne dernier, un dimanche soir, il était dans le char dortoir.
Le Dr Slack a conversé avec Wilson dans le char. Je ne pourrais dire à quelle date j'ai
vu Wilson et le Dr Slack dans le char dortoir. Je n'ai vu le Dr Slack qu'une fois dans
mon char l'automne dernier. Ce dimanche en question, Wilson s'est rendu à Boston.
Nous sommes arrivés à 8 ½ heures à Boston. Je n'ai aucun doute que Wilson s'est rendu à
Boston.
En transquestion par M. St Pierre. - "J'avais rencontré Wilson deux ou trois fois à
l'hôtel Richelieu à Montréal. Je connais le Dr Slack depuis longtemps. Il voyage souvent
sur le train. Je ne me rappelle pas avoir vu Wilson voyager sur notre ligne.
Il n'y avait que trois passagers dans le char dortoir ce soir en question.
Le Dr G. F. Slack, de West Farnham est assermenté.
Je connais le conducteur Brown depuis quelque temps. Je me rappelle être parti de
Montréal pour aller à Farnham un dimanche soir l'automne dernier, je me rappelle avoir
fait le voyage avec un ami. Un autre passager se joignit à nous.
Je parlai à ce passager. Je ne sais qui il est excepté par oui dire. M. Foster était avec
moi.
C'était le 30 octobre dernier que j'étais à bord du train.
J'étais venu voir un ami malade à l'hôpital. C'est la seule fois que je vins à Montréal
l'automne dernier.
J'étais avec le conducteur Brown dans le char-palais. Je me retirai au St Lawrence Hall.
Mon nom est enregistré au St Lawrence Hall à la date du 30 octobre. Mon ami Foster est
maintenant à Cookshire.
Pas de transquestions.
Le Dr John Baker Edwards est assermenté. Il est professeur de chimie et est analyste
public au Revenu de l'Intérieur de Montréal. [?] en écritures. J'ai fait une étude
spéciale relativement à cela. J'ai examiné les exhibits produits maintenant devant moi.
J'ai comparé ces documents, ces écritures.
Ici, l'on produit des photographies des lettres.
M. St Pierre s'objecte à cette production de photographies.
Objection maintenue.
"J'ai, dit-il, fait photographier ces lettres, parce que c'est la meilleure méthode
d'étude, même pour les experts.
Les lettres que l'on me présente sont de la même écriture que els entrées dans le livre
des détectives.
Le témoin explique aux jurés pourquoi il conclut que toutes ces lettres sont écrites de
la même main.
En transquestion, par M. Barry, le témoin dit que la science microscopique est une science
assez positive. Le témoin admet cependant que lui et le Dr Girdwood ont déjà différé
d'opinion sur la même question.
La cour s'ajourne à deux heures.
Séance de l'après-midi
John McKeown, employé du Bureau de Poste, jure que les lettres produites devant lui sont
passées au bureau de poste au mois de novembre dernier.
Le détective Flynn est rappelé et M. Greenshields lui présentant la photographie de Wilson
lui demande s'il connait cette personne.
R. - Oui, c'et Frank Wilson alias Hayner. Il n'est pas dans le pays actuellement.
J'ai fait tout ce que j'ai pu pour le faire venir ici, mais je n'ai pas réussi. Je ne sais
pas où Wilson s'est retiré à Montréal. Je l'ai vu au Balmoral.
Je n'ai pas dit à Wilson le vrai nom de Maxwell. Je lui ai dit que son nom était Craig.
C'était après avoir reçu les informations de Wilson que j'ai fait venir Maxwell. Le 20
décembre dernier, Wilson et moi sommes allés à la gare Bonaventure pour rencontrer
M. Hannah inspecteur du Grand Tronc et M. Stone l'agent, et Nilson, l'opérateur. Nilson a
indentifié Wilson comme étant prêt de la voûte le jour du vol.
Je ne suis pas allé chez Harvey avec Wilson. Je suis allé avec lui chez Mlle Padden. J'ai
vu Fahey là.
J'ai laissé Maxwell le 3 décembre et je revins à Montréal le 5 décembre. Ce jour là, je
rencontrai Maxwell dans l'une des chambres du Balmoral. Maxwell me faisait rapport tous
les jours de ce qu'il faisait. L'arrestation a eu lieu le 9 décembre dans la soirée.
J'étais présent à l'arrestation du prisonnier. Il fut arrêté au No 14 Hotel Richelieu.
Il était en compagnie de Wilson. Je me rendis à l'hôtel et j'enovyai chercher un officier
de police par un messager.
Je me rendis d'abord rue Drolet.
La cause continue.
CONROY
L'on prétend aujourd'hui que la poursuite réserve pour la fin le témoignage de Conroy.
Ce dernier serait même arrivé à Montréal.
- mardi 20 mars 1888, page 3
L'affaire Fahey
LE TÉMOIN MAXWELL
LE PORTRAIT DE WILSON
Hier à la séance de l'après-midi, le détective Flynn a continué à donner son témoignage.
L'arrestation des prisonniers a eu lieu dans la soirée du 9 décembre. Je voyais alors
Wilson tous les jours. Je le rencontrais à l'hôtel Balmoral; mais j'ignore où il
pensionnait. J'étais présent à l'arrestation du prisonnier, à la chambre No 14, à l'hôtel
Richelieu. L'individu Wilson était dans la chambre, il était couché sur le lit et
causait avec Fahey, qui était assis sur une chaise. Il était minuit. J'avais envoyé
chercher un officier de police par un messager.
Le jeune Bissonnette est venu faire l'arrestation.
Je suis employé sur le chemin de fer Grand Tronc et Chicago, mais le vol a eu lieu au
préjudice du Grand Tronc du Canada.
Avant cette arrestation, je me suis rendu au No 1 de la rue Drolet avec le jeune
Bissonnette pour y rencontrer quatre personnes.
Par la défense - Vous avez un portrait de Wilson vêtu du costume de prisonnier à
Sing-Sing?
R - Je ne l'ai pas; je l'ai donné à quelqu'un de la cour.
Je ne me rappelle pas avoir dit à un des avocats de la défense que, sur ce portrait,
Wilson était vêtu en forçat.
Un portrait de forçat
Le détective Maxwell est appelé pour produire ce portrait. Maxwell apporte un portrait de
Wilson, jeune, et la défense dit que ce n'est pas celui-là qui a été montré, et que sur
l'autre Wilson était vêtu en forçat.
Flynn - Le portrait que j'ai montré à cet avocat est celui de Thomas Jenneys, qui a eu six
ans de pénitencier, pour vol ans les Etats.
Q - Qu'est-ce que vous avez dit?
R - M. Saint-Jean a regardé le portrait et je lui ai dit en plaisantant, "regardez le
portrait de Maxwell" et il a cru que c'était celui de Wilson.
Q - Ne savez-vous pas que Wilson a été condamné sous le nom de Jennings?
R - Je sais le contraire. Wilson n'a jamais vu ce portrait.
Q - Savez-vous que Wilson a passé cinq ans au pénitencier de New-York?
R - Je l'ai entendu dire.
Q - Pourquoi a-t-il été condamné?
R - Poour faux.
Q - Il nétait très habile à contrefaire les écritures?
R - C'est possible.
Q - Il s'est fait prendre cette fois-là?
R - Oui, j'ai été entendu dire que c'était en 1874. Wilson ne me l'a jamais dit lui-même.
J'ignorais alors quelle réputation il avait.
M. St-Pierre exhibe une copie de la sentence de Wilson.
Il déclare qu'il n'a pas le dessein de produire quelque chose contre Wilson directement,
car il n'est même pas témoin, mais il veut prouver que Wilson avait la réputation d'un
voleur et que Fahey et Naegelé désiraient l'arrêter.
M. St-Pierre avait en même temps à la main plusieurs copies d'indictement et de mandats
qu'il dit être contre Wilson.
Flynn continue. - Le 9 février dernier, j'ai constaté que Wilson avait une bien mauvaise
réputation. J'ai entendu dire qu'il y avait contre Wilson, plusieurs mandats pour son
arrestation.
Le nommé Wilson a été à Montréal jusqu'au jour de l'An. Il est parti en janvier pour
revenir à Montréal.
Pendant l'examen préliminaire, Wilson était à Montréal, il n'a pas été examiné. Il n'a pas
été appelé devant le magistrat de police pour donner caution.
Q. - A-t-il reçu de l'argent du Grand-Tronc?
R - Oui, il a reçu de l'argent pour ses dépenses seulement. Je ne sais combien; peut-être
quatre cents piastres pour frais de voyages.
A. M. Greenshields - Au mois de février on a cessé d'envoyer de l'argent à Wilson.
Le témoin James C. Maxwell
James C. Maxwell est appelé à rendre son témoignage. Je suis détective en chef du chemin
de fer du Grand-Tronc et Chicago. Mon bureau principal est à Chicago. J'occupe cet
emploi depuis trois ans. Je connais le témoin Flynn; je l'ai rencontré à Toronto le 2
décembre dernier. J'ai reçu un télégramme de M. Flynn, de M. Hutchinson, et un autre
télégramme du gérant du chemin de fer de Chicago et Grand-Tronc. Je me suis rendu à
Toronto le 2 décembre et j'ai rencontré M. Flynn au dépôt. Je suis allé soupé et je suis
revenu au dépôt une heure après. Là j'ai rencontré M. Flynn qui m'a donné des instructions
ainsi que des outils. C'étaient des ciseaux, des mèches, etc.; ces outils étaient dans un
sac en cuir. M. Flynn m'a dit de me rendre à Montréal et que je rencontrerais Wilson. Je
me suis rendu à l'hôtel Balmoral et j'ai enregistré mon nom James H. Craig.
Je suis parti de Toronto le samedi matin et suis arrivé ici le samedi soir. M. Flynn
m'avait dit de jouer le rôle de voleur de profession. Rendu à l'hôtel Balmoral, je ne suis
sorti de ma chambre que le lendemain matin. J'ai attendu Wilson jusqu'à midi. Etant
descendu au bureau vers onze heures, le commis m'a demandé si je n'étais pas
James H. Craig. J'ai répondu que oui. Le commis m'a dit qu'il y avait une lettre pour moi.
Cette lettre était de Frank Wilson. Dans cette lettre, Wilson me demandait de me rendre
à sa chambre à l'hôtel Richelieu; j'y suis allé vers midi. Je suis monté à la chambre
No 19, et comme Wilson n'était pas là, j'ai demandé au commis où il était. Le commis
m'a dit qu'il venait de sortir et me dit de l'attendre, Wilson est rentré presque
aussitôt. J'aillai donner la main à Wilson en me donnant le nom de Craig. Wilson m'a
emmené dans sa chambre, et après quelques minutes de conversation. Il m'a dit: "Tu ferais
mieux d'aller chercher ta valise et de te retirer ici.
J'allai en effet chercher ma valise et à l'hôtel Richelieu on me donna la chambre No 59
à peu de distance de la chambre de Wilson. J'ai alors instruit Wilson du but de mon
voyage à Montréal et je lui ai dit aussi que j'avais des outils. J'ai rencontré Fahey
dans la chambre de Wilson un soir entre 7 et 8 heures. Wilson ma présenté Fahey en ces
termes: M. Fahey voici M. Craig, l'homme dont je vous ai parlé pour les jobs.
Nous n'étions que trois ce soir là. En parlant Wilson a amené le sujet de conversation
pour le vol du Grand Tronc. M. Fahey a dit que cela avait un job bien mal faite;
car au lieu d'avoir entre 7 ou 8,000 piastres nous n'en avons eu que $1,200. Ce sont les
expressions dont s'est servi le prisonnier. Wilson a dit qu'il ne croyait pas qu'il y eut
un montant si considérable dans les boites.
Fahey a fait la remarque que d'après des informations obtenues au bureau, il était
certain qu'il y avait de 7 à $8,000 dans la voûte. J'ai alors blâmé Wilson pour sa lâcheté
en laissant un montant si considérable dans la voûte. J'ai dit à Wilson que je ne l'avais
jamais vu si faible. Wilson répondit alors que Bureau frappant à la porte et un petit
garçon allumant du feu dans le dépôt de journaux, cela l'avait empêché d'agir. C'est tout
que l'on a dit touchant le vol du Grand Tronc. Je dis alors à Fahey que j'avais apporté
des outils pour faire sauter les coffres de sureté. Le prisonnier m'a demandé quelle
était ma méthode d'opérer. J'ai répondu que je ne me servais pas de poudre, que je faisais
sauter la serrure, etc. Le prisonnier a enuite parlé d'un magasin de fourrures sur la
rue Notre-Dame.
Le prisonnier et resté dans la chambre environ deux heures. Après son départ, je restai
seul avec Wilson. J'ai rencontré le prisonnier une deuxième fois le lundi soir, le 5,
encore dans la chambre de Wilson. Naegelé y était ce soir-là. Je fus introduit à Naegelé
sous le nom de Craig. Nous étions quatre dans la chambre, Naegelé, Fahey, Wilson et moi.
Le prisonnier et Naegelé ont demeuré environ deux heures dans la Chambre. Il a été
question du vol du Grand tronc. Dans le cours de la conversation de Naegelé fit la
remarque que ce vol était l'affaire la plus mal exécutée qu'il ait vue. M. Fahey dit
aussi qu'il avait emmené plusieurs personnes loin de la voûte pour leur parler d'un
meurtre commis; c'était un stratagème pour éloigner ces personnes de la voûte. Le mercredi
soir j'ai rencontré Fahey, Naegelé et Bureau à la chambre No 14 à l'hôtel Richelieu.
Le mardi soir, je suis allé à la maison de M. Phillips, mais Fahey n'y était pas. Naegelé,
Wilson et une autre personne étaient présents.
Naégelé est arrivé à la chambre de Wilson le premier, le mercredi soir, il est sorti dix
à quinze minutes et est revenu avec Bureau. Fahey est arrivé plus tard. Wilson m'a
introduit à Bureau, disant que j'étais l'homme dont il lui avait déjà parlé. Je n'ai
jamais montré mes outils à personne. Il a été question du vol du Grand-Tronc ce soir-là.
A cinq heures, la cour s'ajourne.
- mardi 20 mars 1885, page 4
MAXWELL
SON RECIT
La chambre No 14
LE MYSTÉRIEUX CONROY
WILSON EN ANGLETERRE
Ou s'est forgée la clef de la voute
Jamais, depuis l'ouverture du procès Fahey, une aussi grande foule a-t-elle
envahie la Cour du Banc de la Reine. Cela est sans doute dû au fait que Maxwell avait
commencé à donner son témoignage.
Fahey paraît toujours insouciant, quoique cependant il ait paru un peu plus excité au
cours du témoignage de Maxwell.
Encore Flynn
Flynn est appelé à la boîte.
M. Geoffrion. L'on vous a demandé M. Flynn d'apporter certaines photographies. Les
avez-vous?
R. Oui, les voici.
M. St Pierre - Je m'objecte à cette production. C'est moi qui ai demandé ces photographies
et M. Geoffrion n'a pas le droit d'intervenir dans mes transquestions.
Objection maintenue.
Les photographies produites en cour par Flynn, seraient d'après les avocats de la défense,
celles de Wilson prises en accoutrement de forçat.
Au simple examen de ce portrait, il est facile de voir que c'est nullement la photographie
de Wilson. C'est celle d'un nommé Jennings qui a passé 6 ans au pénitencier de Jackson,
Etats-Unis.
Maxwell à la barre
Maxwell est appelé. Il est interrogé par M. Greenshields.
"J'ai eu des conversations avec Fahey, Negelé, Bureau et Wilson, au sujet du vol du Grand
Tronc. C'était le premier soir que Breau était présent. Je fus présenté à Bureau sous le
nom de Craig. Lorsque je lui ai été présenté, Bureau a fait la remarque suivante:
"J'espère que vous n'êtes pas comme Wilson, qui en possession de fortes sommes d'argent
ne les prend pas!
A la voûte
Bureau dit qu'il n'était pas à blâmer vu la difficulté qu'il avait eu d'éloigner les gens
de la voûte, à la gare.
Il me dit aussi, qu'il avait été obligé d'entrer lui-même, parce que Wilson prenait trop
de temps à oucreir les boîtes.
Au cours de la même conversation, Fahey a fait admettre à Wilson qu'il avait enlevé le
contenu de deux boîtes seulement, lorsqu'auparavant il avait prétendu en avoir ouvert
trois.
On a aussi parlé de la clef, on a dit que l'on était entré au restaurant de James Fahey où
l'on avait pris l'impression de la clef. L'impression de la clef a été prise sur du
plâtre. Cette impression fut prise dans le restaurant, dans un appartement voisin du
bar.
Durant la conversation, Bureau dit que c'est lui qui avait fourni la clef de la voûte
pour obtenir l'impression.
Bureau partit quelques minutes après, et Naegelé, Wilson et moi restâmes là. Nous
demeurâmes pas bien longtemps ensemble. Nous causâmes de nos projets de vol.
Nous partîmes ensuite. Fahey et Naegelé nous laissèrent d'abord. Wilson et moi sortîmes
après. Nous devions nous rencontrer après au coin d'une rue et d'où nous irions visiter
les divers endroits où l'on devait voler.
Je ne rencontrai que Fahey ici, près de la cour et Naegelé n'y était pas. Après avoir
rencontré Fahey, je me rendis avec lui, au bureau de la Cie des chars urbains, rue
Craig, puis à deux restaurants, le Bodega, et un autre, puis nous nous séparames rue
Notre-Dame. Je revins ensuite Fahey, le jeudi soir, c'était le jour suivant. Je le
rencontrai ce soir là, vers 7 heures, à la chambre No 14 Hotel Richelieu. Naegelé, Fahey,
Wilson et moi étions présents. Le mercredi soir, après le départ de Bureau, Fahey dit à
Naegelé: "Tu ne devrais pas amener cet homme ici." Naegelé répondit: "Je croyais qu'il
n'y avait pas de mal à l'amener." Fahey reprit: "Il ne peut rester tranquille, il ne
sait pas se contrôler." Le jeudi soir, il n'y eut rien de dit relativement au vol du
G. T. R. Fahey partit le premier, Naegelé ensuite, puis Wilson et moi.
Le soir suivant était le soir de l'arrestation. J'ai vu Fahey le vendredi soir. Ce
soir-là, je suis monté en voiture avec Fahey chez Philips. Je croyais rencontrer
Naegelé là. Il n'y était point et nous revînmes. Il y avait entente entre nous. Nous
devions nous rencontrer à neuf heures du soir, pour comploter certains vols qui devraient
avoir lieu le samedi soir.
M. Saint-Pierre s'objecte ici à cette preuve.
M. Geoffrion lit ici des autorités à l'appui du genre de preuve.
Le témoin continue: Je ne suis parti pour aller chez Philips qu'à 9 heures du soir, parce
que Fahey est arrivé un peu tard. Voyant qu'il n'y avait personne dans la maison, ils
revinrent à l'hôtel en char.
En arrivant à l'hôtel, ils se rendirent à la chambre de Wilson, ce dernier y était. J'y
demeurai une vingtaine de minutes. J'y laissé là Fahey en compagnie de Wilson. Je ne
reçois Fahey qu'après son arrestation devant le juge, le samedi matin.
La dernière fois que je vis Wilson, c'était à Détroit. Je n'étais pas allé là pour le
voir. C'est quinze jours environ après la clôture de l'enquête préliminaire que je le
revis.
J'essayai de le faire venir.
On m'apprend qu'il est maintenant en Angleterre avec Philipps. Il fut souvent question
d'une cinquième personne au cours des conversations. On n'en mentionnait cependant pas le
nom.
Durant les entrevues que nous eûmes, Fahey ne donna aucune raison pourquoi Wilson
était entré dans la voûte.
En transquestions par M. St-Pierre. - Je demeures à Valparaiso dans l'Indiana. Je suis
détective depuis à peu près 6 ans. J'ai toujours été à l'emploi du Grand Tronc et Chicago
depuis 6 ans. Avant d'être détective, j'étais épicier et avant manufacturier de papier.
Je n'ai pas toujours demeuré à Valparaiso. J'ai demeuré à différents endroits des
Etats-Unis. J'ai aussi été deux ans dans un magasin de fer.
J'ai deux hommes qui sont sous ma surveillance sur le Grand-Tronc.
J'ai entendu Wilson mentionner le nom de Conroy, mais incidemment. Wilson a dit de lui:
"Il n'a rien à faire avec cela." Je ne me rappelle pas comment il se fait que nous avons
parlé de Conroy. Ma mémoire ne me fait pas défaut, mais dans deux ou trois occasions
Wilson m'a dit qu'il était à jouer avec les prisonniers et avec ce nommé "Conroy".
Wilson m'a parlé d'une cinquième personne qui se trouvait dans la voûte avec lui. J'ai
donné ma déposition à l'enquête préliminaire et j'ai juré alors comme aujourd'hui de dire
la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
L'interprète donne ici la lecture de la déposition de Maxwell à l'enquête préliminaire.
Cette déposition occupe l'attention de la cour pendant une heure. Cette lecture étant
terminée la cour est ajournée à 2 heures.
M. St Pierre a exigé que cette lecture fut faite afin de prouver par d'autres
transquestions, que la déposition de Maxwell à l'enquête, et son témoignage en cour,
se contredisent.
Après l'ajournement
M. Ford, ingénieur déjà assermenté a examiné avec le sergent Angers la distance entre
la maison Philips, rue Drolet, et la ravine où les sacs à argent ont été trouvés. Cette
distance est de deux mille pieds près d'un demi mille.
Le sergent Angers confirme le témoignage de Ford.
M. Weir, président de la Banque Ville-Marie, jure qu'il a beaucoup d'expérience en fait
d'écritures. "Je me trompe rarement en pareille matière. J'ai examiné les différentes
lettres et les autres documents maintenant produits devant moi. Je suis d'opinion que
tout est écrit de la même main.
En transquestion par M. Barry - Mon opinion est que ces lettres sont écrites de la
même main. Cependant ma connaissance des écritures n'est pas tellement grande que je ne
puisse me tromper.
La cause se continue.
- mercredi 21 mars 1885, page 3
L'affaire Fahey
LES TÉMOINS DE LA DEFENSE
DETAILS
Les témoignages suivants ont été donnés hier après-midi.
Hiram Seely, serre-freins du Pacifique demeurant à Cowansville, dit qu'il a vu, le 30
octobre, sur le train, MM. Slack et Foster de Farham.
Un autre passager était avec eux dans la chambre à fumer. MM. Slack et Foster sont
débarqués à Farnham et le troisième passager a continué.
M. Geoffrion exibe le portrait de Wilson au témoin qui dit: Ce portrait ressemble à la
personne qui était avec MM. Franck et Foster, mais comme c'était la première fois que je
le voyais, je ne puis jurer que c'est son portrait.
A M. Saint-Pierre - J'ai parlé à cette personne plus loin que Farnham. Je suis
serre-frein. Je ne suis pas dans l'habitude d'aller parler aux passagers qui sont dans les
Pullman, mais cet homme connaissait quelqu'un que je connaissais, et il m'a adressé la
parole.
On m'a parlé de mon témoignage la semaine dernière. On ne m'a pas montré de portrait.
Un complot
Maxwell continue son témoignage et est transquestionné par M. Saint-Pierre. L'arrestation
a eu lieu le vendredi le neuf.
Q - Vous avez dit qu'un complot avait été fait pour aller voler le samedi suivant sur la
rue Notre-Dame?
R - Oui, au Bodega, au restaurant à côté du Bodega et au bureau des chars Urbains, rue
Craig.
Q - Avez-vous donné votre consentement vous et Wilson?
R - Oui.
Q - Vous étiez ici sous les ordres de M. Flynn?
R - Oui.
Q - Vous avez été arrêté avec les prisonniers?
R - Non, pas en même temps; je l'ai été plus tard, dans ma chambre, au No 59, hôtel
Richelieu, par Flynn.
Q - Où vous a-t-on mis?
R - Dans les cellules, avec Bureau.
Q - Pendant que vous étiez dans les cellules avec Bureau, avez-vous parlé avec Flynn?
R - Oui.
Q - Wilson a été arrêté aussi?
R - Je ne puis dire. On m'a dit que Wilson avait été arrêté, mais je ne puis dire. J'ai
été dans les cellules pendant trente-cinq minutes. Je crois que c'est M. Champagne, député
grand connétable qui m'a remis en liberté.
Je ne suis pas positif. Je n'ai qu'un doute raisonnable. J'ai appris que Wilson m'avait
remplacé dans ma cellule. Je ne puis dire combien de temps il a été. Il a dû être mis en
liberté quelques temps après, car je l'ai rencontré à une heure après minuit. J'ai
entendu dire qu'il était entré dans cette cellule. L'arrestation avait eu lieu vers
minuit.
Q - Avez-vous été mis dans la même cellule que Fahey?
R - Je ne puis dire, je ne l'ai pas vu. J'ignore s'il y a été après moi.
Les arrestations
Le grand connétable Bissonnette a eu un mandat d'arrestation contre le prisonnier et l'a
envoyé chercher au Richelieu par Champagne et son fils.
Il est allé à la maison Philips rue Drolet et a arrêté Naegelé.
Transquestionné par M. St-Jean. - J'ai envoyé, après être allé à la rue Drolet, un
constable chez Fahey.
Comme il n'était pas là, je lui ai laissé un mot chez lui rue St-Denis, disant que
quelqu'un voulait le voir au Richelieu. C'est là qu'il a été arrêté.
Louis Séraphin Bissonnette, député grand connétable, est allé en compagnie du grand
connétable, de Champagne, de Flynn et une autre personne opérer l'arrestation de Naegelé
au no 1 rue Drolet.
Ils sont arrivés vers sept heures et demie et ont attendu une heure, une heure et demie.
Nous espérions, dit le témoin, arrêter Fahey en même temps. Fahey n'y était pas.
Wilson y était. Après avoir arrêté Naegelé, nous nous sommes rendus immédiatement au
palais de justice et nous l'avons mis sous garde.
Vers minuit, je me suis rendu avec Flynn au Richelieu; Champagne est resté en bas. Wilson
était avec Fahey dans la chambre 14. Wilson était couché sur un lit et avait ôté son
habit.
J'ai fait monter Champagne et l'arrestation a été faite.
A M. Saint-Jean - Ce n'est pas moi qui ai fait l'arrestation de Bureau, conduit dans les
cellules vers dix heures.
Q - Savez-vous si Flynn a été le soir dans les cellules?
La couronne s'objecte.
Q - Quelqu'un est-il allé le voir?
R - Oui, Flynn, Wilson, Maxwell et Hannah, inspecteur du Grand Tronc. Il était minuit et
demie; les trois arrestations étaient faites. Il n'ont pas été bien longtemps. Il est
resté cinq ou six minutes.
La Couronne s'objecte à cette preuve.
M. Saint-Jean - C'est pour établir ce qu'on a fait pour obtenir des aveux.
M. Saint-Jean - Qui est entré après Flynn?
R - Maxwell qui a resté vingt-cinq minutes.
Q - Et après Maxwell?
R - Wilson.
Q - Wilson et Maxwell sont-ils restés ensemble?
R - Non. Wilson est resté à peu près une demie heure.
Q - Pendant ce temps-là quelqu'un est-il entré?
R - Je crois que Flynn est entré pour sortir immédiatement. Il n'a rien apporté.
Q - Savez-vous que des rafraîchissements aient été apportés dans la cellule?
Le juge - Témoin, ne répondez pas.
M. St Jean - Nous sommes à prouver les circonstances de l'arrestation. Supposons qu'on
ait apporté de la boisson pour influencer les prisonniers. Cela éclairera les jurés, sur
les manoeuvres de la compagnie du Grand Tronc.
M. St Pierre - Des manoeuvres très honnêtes!
M. Geoffrion - Gardez donc ça pour vos discours demain.
Le témoin - M. Hannah est entré quelque temps après eux.
Q - Combien de temps ont-ils travaillé Bureau?
La cour défend la question.
Le témoin Flynn
M. Flynn est appelé de nouveau. J'ai montré deux photographies, mais je n'ai jamais dit
que ces photographies étaient celles de Wilson, ce sont les portraits de Jennings,
maintenant en prison, à Jackson, Michigan. J'ai montré hier un portrait de Wilson. Le
portrait que l'on me montre est un portrait de Wilson.
M. St-Pierre se lève alors et dit: Je regrette que Wilson ne soit pas présent; je croyais
que la couronne s'assurerait de sa présence ici; j'ai pris mes mesures en conséquence;
j'ai en mains des paiers qui prouvent surabondamment ce qu'était Wilson. Une assez vive
altercation s'engage alors entre les avocats de la poursuite et de la défense.
La couronne déclare son enquête close.
M. Saint-Pierre se lève de nouveau: Comme cette cause est des plus importantes, comme
la cour me doit toute la latitude possible, pour défendre les accusés, j'attire
l'attention sur un point: je veux réfiler une question qui se présente pour ainsi dire
à chaque procès de quelqu'importance. La coutume permet à deux avocats de la défnse
d'adresser la parole aux jurés en faveur du prisonnier, mais comme dans cette cause-ci
c'est un jury mixte, je demande à la cour l'autorisation pour la défense d'adresser la
parole deux fois en français et deux fois en anglais.
M. Geoffrion combattit cette prétention; M. Saint-Pierre cite un précédent, alors Son
Honneur le juge, vu la gravité de la cause, se rendit à la demande de M. Saint-Pierre
de sorte qu'après l'enquête les jurés chargés de cette cause depuis huit jours seront
forcés d'entendre huit discours, dont quatre par la défense, deux par les représentants
de la Couronne et deux par le juge.
Témoins de la défense
La défense fait alors entendre ses témoin.
M. Zacharie Kraft est assermenté. Je tiens le dépôt de journaux à la gare du Grand Tronc;
j'ai eu connaissance du vol commis à cet endroit, le lundi matin, à huit heures.
La veille, dimanche, je me suis rendu à la station vers dix heures de l'avant-midi. Je
suis entré au dépôt de journaux et j'y suis resté environ 15 minutes.
Je me rendis ensuite à la salle d'attente où je demeurai environ 20 minutes. Je revins
au dépôt de journaux et j'y restai jusque vers deux heures et demie de l'après-midi.
Je m'en retournai chez moi vers deux heures et demie.
Pendant le temps que j'ai passé à la gare je n'ai vu personne ouvrir la voûte.
Je sais qu'après le vol une enquête a été tenue par les autorités du Grand-Tronc. Je n'ai
pas été appelé à rendre témoignage à cette enquête.
Transquestionné - C'est à la cour de police que s'est tenue l'enquête.
A cinq heures la cour s'ajourne.
- mercredi 21 mars 1888, page 4
LA DEFENSE DE FARLEY
Déclaration du Greffier de la Cour de Police et du sergent Richard
BUREAU DANS LA BOITE AUX TEMOINS
SON HISTOIRE - SES AVEUX
DETAILS
La cour s'est ouverte ce matin à dix heures et quart, sous la présidence du juge Baby.
La Couronne demande que les témoins de la défense soient enfermés.
Les jurés paraissent très fatigués.
Le prisonnier Fahey parait à la barre, avec un bouquet de camélias à la boutonnière. Le
premier témoin de la défense est appelé.
William D. Hannah, est inspecteur-général du Grand Tronc.
"J'ai entendu parler du vol du Grand-Tronc. Je n'en ai eu aucune connaissance personnelle.
Je ne sais trop qui était à la gare, comme constable le samedi soir avant le vol.
Celui qui devait être là se nomme Moran. Ce dernier a quitté l'emploi du Grand-Tronc.
Je ne sais s'il a été renvoyé. Je crois qu'une enquête a été faite par la Cie relativement
à ce vol.
Je ne sais qui a fait l'enquête. Je n'étais pas présent.
Je ne puis jurer que Moran était en devoir le samedi soir avant le vol. J'ai entendu dire
que Moran avait été destitué parce qu'il s'était endormi pendant la nuit. C'est l'agent
qui assigne au constable de garde ses devoirs.
James Harvey. - "Je n'ai pas vu Wilson le 6 décembre dernier. J'ai dit lors de mon examen
en chef, que je l'avais vu vers cette époque-là. Je le revis après cette époque chez moi.
Je n'ai eu aucune conversation avec Wilson relativement à cette cause. Je lui ai parlé un
jour du témoignage que je rendrais dans cette cause à cause de mon bureau.
Wilson ne m'a pas offert d'argent pour venir rendre témoignage dans cette cause.
A ce moment, le juge Baby s'élève fortement contre le fait que les deux avocats de la
défense posent les questions.
"On ne m'a pas demande de venir jurer que Naegelé et Conroy avaient été vus par moi
ouvrir les sacs du Grand Tronc. Wilson, en présence de Flynn, m'a demandé si je me
rappelais d'avoir vu ouvrir les sacs; je répondis que non.
Je ne sais si Wilson est expert en écriture, je ne sais s'il était capable de forger des
signatures.
M. Macmahon, Greffier de la cour de police est assermenté: J'ai mon bureau ici, je suis
sous la direction des magistarts. Le 3 décembre dernier on eut venu me trouver, vers les
7 ½ heures. L'accusé est venu me demander chez mon père, rue St-Denis. Il voulait
m'amener avec lui à l'h^tel Richelieu pour me faire écrire une plainte contre un individu
qu'il m'a désigner comme un étranger américain.
Pour des raisons personnelles, j'ai refusé à M. Fahey d'y aller. J'ai dit à M. Fahey de
s'adresser à M. Doucet. Je lui donnai l'adresse de ce dernier et Fahey est parti. Je le
revis trois ou quatre jours plus tard et comme M. Doucet m'avait dit ne pas avoir reçu
sa déposition, je demandai à Fahey pourquoi il n'avait pas fait arrêter l'américain
en question.
Il m'a répondu qu'il pensait avoir l'occasion de pouyoir le faire arrêter plus tard. Un
nom fut mentionné, mais je ne me rappelle pas. Fahey fut arrêté lui-même le samedi
suivant. Fahey ne me dit pas vers quelle date, il voulait arrêter son homme. Fahey ne me
dit pas non plus comment il voulait s'y prendre pour l'arrêter en flagrant délit. Je
connais Fahey depuis 1872. Il avait souvent affaire à moi. Il a toujours joui d'une
excellente réputation.
En transquestion par M. Geoffrion. - Lorsque Fahey est venu chez moi, c'est moi qui lui
ouvris la prte. J'étais tellement fatigué que je ne voulais pas aller prendre de
déposition.
J'ai compris que le voleur qu'il voulait faire arrêter était au Richelieu. Fahey ne m'a
pas offert sa propre déposition. Souvent Fahey allait demander de préparer des warrants.
Je n'ai pas trouvé sa demande extraordinaire ce soir-là. J'ai connu Fahey pendant qu'il
était au service de la cité.
Je ne sais dans quelles circonstances il a quitté le service de la cité.
En réexamen - Je présumais que Fahey avait son voleur sous la main.
Q - N'est-il pas vrai que les détectives évitent autant que possible de donner leur
propre témoignage.
Objecté par M. Geoffrion.
Objection renvoyée.
R - Depuis que Fahey est détective je n'ai jamais pris une seule déposition de lui.
Le sergent Richard est assermenté: Je suis sergent de police. J'appartiens à la police
depuis douze ans. Je suis en charge de la station No 2.
Au commencement du mois de décembre derniers ers le 5 ou 6, j'ai rencontré Fahey et
Naegelé près de l'hôtel de ville et ils me demandèrent si je les aiderais dans une
certaine cause qu'ils avaient à faire. Je répondis que si cela m'était permis, je le
ferais. Je leur demandai quelle cause était-ce? Ils me répondirent: Tu le sauras bientôt.
Je consultai le député chef, qui me dit: "Faites comme vous voudrez."
Finalement, mes services n'ont pas été requis. Ils me dirent qu'ils avaient une certaine
arrestation et qu'ils auraient besoin de mes secours. Ils m'ont dit que c'était des
voleurs étrangers. Ils ne me dirent pas où se retiraient les voleurs en question.
Je connais Fahey depusi longtemps. Il a été dans la force avec moi. Je l'ai bien connu.
Il jouissait d'une bonne réputation. La même semaine que Fahey me demanda de l'assister,
ce dernier a été arrêté.
En transquestion.
C'est la première fois que Fahey me demandait de l'aider. Il me dit qu'il s'agissait de
voleurs étrangers. Il ne m'a pas dit qu'il attendait les voleurs à la fin de la semaine,
il m'a simplement demandé si je voulais opérer avec eux l'arrestation.
Je demandai le même jour, l'autorisation de les aider.
Ma station est située près de la prison. J'en ai la surveillance. J'ai spécialement
charge du district No 2.
Ce n'est pas mon devoir de me mettre aux ordres des détectives privés.
A cette époque je crois que Naegelé avait résigné comme détective.
En ré-examen.
Lorsque les détectives ont des arrestations difficiles à faire, ils s'adressent à des
hommes habiles pour se faire aider.
Le sergent Charbonneau est assermenté. "Je suis depuis 20 ans dans la force, je connais le
prisonnier depuis 15 ans, j'ai travaillé avec lui souvent. Je fais quelques fois du
travail de détective. C'est l'habitude des détectives de se servir de moutons pour
arrêter un voleur.
Lorsque les détectives veulent faire une arrestation ils se servent souvent d'individus
comme espions. Ils jouent le rôle de voleur, c'est ce qu'on appelle des moutons.
Q. - N'est-il pas vrai que l'on s'est servi de moutons dans ce terme-ci?
Objecté
Objection renvoyée.
Oui, dans la cause de Kerr et dans la cause de Graham.
Le prisonnier a toujours joui d'un bon caractère. Je l'ai connu comme détective.
Q. - Est-il habile.
Objecté.
Objection maintenue.
En transquestion.
Q. - Quand avez-vous joué le rôle de mouton?
M. St-Pierre. - "Il n'a jamais dit qu'il avait joué le rôle de mouton. Il n'a pas l'air
d'un mouton. (Rires)
Q. - Quand vous avez fait jouer par quelqu'un le rôle de mouton, savez-vous si celui-là
a volé.
R. - Dans une certaine cause que j'ai dirigée, quelqu'un a joué le rôle de voleur avec
succès sans cependant voler.
Nous étions près de l'endroit où le vol fut commis et nous arrêtâmes le voleurs.
Bureau à la boîte!
Au moemnt où M. St-Pierre appelle Bureau à la boîte, un mouvement se produit en cour. M.
St-Pierre demande que Flynn et Maxwell se retirent.
"Mon nom est Joseph Bureau, je suis prisonnier, je n'ai pas subi mon procès - J'ai été
arrêté le 9 au soir, dans le mois de décembre. J'étais à cette époque constable de la
cité de Montréal, depuis deux ou trois semaines. C'est M. Paradis qui était chef, M.
Naegelé député chef et M. Lancey sous chef. J'avais été à l'emploi du Grand Tronc,
pendant dix-huit mois avant d'être constable de la cité. J'ai été déchargé, mais je
ne me rappelle pas la date. Ce certificat est entre les mains de M. St-Jean, l'un des
avocats dans la cause.
Q - Voulez-vous regarder ces documents et dire si ce sont là les certificats qui vous
ont été donnés?
R. - L'un m'a été donné par l'agent de la station, M. Stone, et l'autre par M. Stevenson,
de la Pointe St-Charles.
C'est M. Stone qui a écrit le premier devant moi.
M. Greenshields s'objecte à la production des documents en question.
M. St-Pierre. - Je fais motion pour que ces documents soient lus aux jurés.
Le juge. - Demandez que les documents soient filés d'abord.
M. St-Pierre - Si la Couronne avait fait la même chose, c'eût été plus logique de leur
part. Je fais donc motion pour que ces documents soient filés.
Bureau continue: "J'ai eu le certificat de M. Stone le 3 novembre. L'on était content de
moi lorsque je partis du Grand Tronc. Quelques jours après avoir reçu ce certificat
j'entrai dans la force de la police. J'ai rencontré une fois un individu du nom de
Maxwell alias Craig. Je l'ai vu pendant qu'il rendait son témoignage. Je l'ai vu le
6 décembre au soir. C'était un mardi je crois. Je l'ai vu à l'hôtel Richelieu. Je sais
dans quelle chambre. J'ai été là à la demande de Lous Naegelé, qui est prisonnier avec
moi. J'étais à la station de police lorsque Naegelé vint me chercher. J'ai demandé au
sergent Beatty de sortir ou plutôt c'est Beatty qui m'a dit d'aller avec Naegelé.
Le lundi au matin, Louis Naegelé est venu me trouver et m'a dit d'aller avec lui à
l'hôtel Richelieu.
- Tu te rappelle, dit-il, du vol du G. T. R. Eh bien! je crois qu'on a le voleur, je veux
te le montrer. J'aurai besoin de toi par la suite. Il m'a dit qu'il avait un nommé
Wilson à me montrer. Je me rendis au bar avec Naegelé et je vis Wilson. Je ne lui
parlai point. C'était vers 9 heures le lundi matin. Le lendemain soir, le 6, Naegelé est
venu me trouver. Il m'a dit: "Il y en a deux maintenant. En entrant dans la chambre tu
diras: "Celui-ci est-il pareill à celui-là," en pointant Wilson. C'est ce que j'ai fait.
J'ai suivi ses instructions. Maxwell a dit: "Il ne m'a pas fait une bonne job. Je
l'aurais frappé, si j'avais été là, pour avoir laissé tant d'argent."
Je jures que c'est Maxwell qui a dit cela, Wilson s'est levé et a demandé de la boisson.
J'ai pris un verre et Naegelé m'a montré la porte, me faisant signe de sortir. Je n'avais
jamais vu Maxwell avant ce jour. Je le revis lorsque je fus arrêté.
Le 30 octobre dernier, j'étais à l'emploi du G. T. R. A cette date, je n'avais jamais vu
Wilson. Deux fois par mois, j'avais soin de la clef de la voûte depuis 6 ½ à 7 moins
quart, la même dsoirée. Je n'avais jamais passé la clef à qui que ce soit, si ce n'est
qu'aux autorités à qui je devais la remettre.
Je connais bien le prisonnier. Je ne lui ai jamais passé la clef. Je n'ai jamais
communiqué la clef à Wilson. Le portrait que vous me présenté est celui de Wilson.
Le 30 octobre, je n'ai remarqué personne qui ressemblait à Wilson. J'ai été en devoir
toute la journée. M. Lang m'a remplacé à 6 ¼ hrs. Un nommé Morrow devait me remplacer
durant la nuit. Il a été lui aussi renvoyé.
Ce dimanche-là, j'ai fait mon service comme d'habitude, pas plus dans une place que dans
une autre. Je pouvais aller diner le midi. Il n'y avait pas d'heure fixe. Je dinai ce
jour là avec Bariteau dans le Baggage Room.
C'était l'heure ordinaire du diner. Cela a duré une demie heure, je retournai ensuite
par mon quart. Le prisonnier est venu à la station dans l'après-midi, à l'heure du départ
du Vermont Central. J'ai vu M. Cauchon là aussi, l'agent du Delaware &
Hudson.
Je n'ai pas été donné de coups de pieds dans la porte de la voûte ce jour là. Je me
rappelle lorsque le petit garçon a allumé son feu. Le bois qu'il prenait était là. Je
ne me rappelle si il a été question d'huile de charbon à cette occasion. Il faisait très
froid et j'étais habillé en uniforme de police.
En transquestion par M. Geoffrion - Lorsque je suis allé à l'Hôtel Richelieu avec Naegelé,
j'ai rencontré dans une chambre, Craig, Fahey, Wilson, Naegelé. Craig est Maxwell.
Le 30 octobre dernier, j'ai vu M. Alexe à part Cauchon, Fahey, Naegelé et le petit
garçon, Langg, et Bariteau.
J'ai vu Ls. Naegelé. Il est arrivé un peu avant Farley. Naegelé est parti un peu après.
Il n'a pas resté longtemps. Fahey est reparti presqu'immédiatement après avoir été aux
chars où se trouvait Alexe. Le prisonnier est resté environ un quart d'heure à la gare.
J'ai vu partir le train à 4 h. 20. Je ne sais si Fahey et Naegelé sont portis ensemble ou
l'un après l'autre.
Mes certificats m'ont été fournis quelques jours après avoir été déchargé. Je ne me
rappelles pas à quelle date j'ai été déchargé. Je ne puis me rappeler si j'ai fait une
autre semaine après le vol. Morrow, Langg, Bariteau, Caron, Hill ont été déchargés comme
moi. Ces personnes avaient été en devoir du samedi au lundi matin.
Q. - Quand avez-vousnraconté pour la première fois que vous avez prise dans la découverte
des voleurs du Grand-Tronc?
Cette question, dit M. St Pierre, tend à établir les prétendus aveux de Bureau. Nous
déclarons d'avance que nous ne ferons aucune objection quoique nous ayons le droit de le
faire.
"La première fois que j'ai raconté la chose, c'était dans la chambre de M. Dugas.
Je ne me rappelles pas ce que j'ai dit chez M. Dugas, parce qu'on m'a enivré dans la
nuit. Ce n'est qu'après avoir bu beaucoup d'eau que je suis revenu à moi.
Q. - Après avoir repris vos sens, avez-vous raconté la part que vous aviez prise dans
la découverte des voleurs?
R. - Oui, et j'ai dit à M. Dugas, que ce que j'avais dit auparavant n'était pas la
vérité.
Q. - Puisque vous n'aviez pas connaissance de ce que vous avez dit, comment pouvez-vous
jurer que vous n'aviez pas dit la vérité?
R. - C'est M. Dugas qui m'a rappelé ce que j'avais dit.
"Je ne me rappelle pas trop ce que M. Dugas m'a dit. Je ne sais si M. Dugas m'a parlé de
ma visite à l'hôtel Richelieu. Dans la suite, je n'ai plus rien dit à M. Dugas, excepté
que je retirais ce qu'il prétendait que j'avais dit. Je n'ai rien dit ensuite. Comme
officier de police, il n'était pas de mon devoir de faire rapport à M. Dugas ce que je
connaissais du vol. J'ai déjà fait plusieurs causes et jamais M. Dugas ne l'a su.
Dans cette cause, principalement, Naegelé m'a défendu de ne rien dire avant l'arrestation.
Naegelé n'avait aucune autorité sur moi, mais c'est le sergent qui m'a dit de sortir avec
Naegelé.
Depuis mon arrestation je n'ai jamais raconté la part que j'ai prise dans cette
arrestation à aucun de mes officiers supérieurs, parce que les avocats avaient ma cause en
mains. Je jure que je n'ai jamais demandé d'aller dans la chambre du juge Dugas.
Je n'ai pas dit en entrant chez M. Dugas. "Je vous ai fait demander, je veux vous parler."
MM. Dugas et Bissonnette étaient présents avec moi. Naegelé entra ensuite.
Je crois avoir répété devant Naegelé ce que j'avais dit devant M. Dugas.
Fahey est entré après. Je crois avoir bu trois ou quatre verres d'eau dans la chambre
avant l'arrivée de Fahey. Je ne me rappelle pas d'avoir déjeuné ce matin-là dans ma
cellule.
En réexamen - J'ai dit que j'avais pris beaucoup de boisson. C'est Flynn qui m'en a fait
prendre. Flynn n'en a pas bu beaucoup. Il a apporté une bouteille de brandy lui-même et
le lendemain il n'en restait plus. En me laissant la bouteille il m'a dit: "Vous pouvez
boire et tout boire si vous voulez."
J'ai été arrêté vers 10 heures du soir. Je me rendis en bas où je rencontrai M.
Bissonnette. Ce dernier me dit: "Donne moi ton bâton. Je le lui ai donné en même temps que
mon revolver. Il me dit; "Tu es arrêté avec Fahey et Nargelé.
On me mit seul dans la première cellule avec Maxwell. Flynn est venu me parler pas
longtemps après que je fus enfermé. Il m'a demandé: "Si je voulais dire que Fahey et
Naegelé étaient coupables.
Q. - N'est-il pas vrai que pendant que vous étiez dans la cellule, non seulement le nommé
Flynn vous a donné de la boisson, mais qu'on vous a fait des promesses, à vous d'abord,
à Maxwell ensuite, et à Wilson, lesquelles promesses eut été faites dans le but de vous
induire à faire des aveux?
Objectée par M. Geoffrion.
La Cour s'ajourne avant que le juge ait donné sa décision.
- jeudi 22 mars 1888, page 3
L'affaire Fahey
LE TEMOIGNAGE DE BUREAU
LE TEMOIGNAGE DE M. NAEGELE, Sr
Continuation de la séance de l'après midi.
Bureau revient à la boîte pour continuer son témoignage. M. Geoffrion motive son objection
à la question ci-dessus posée par M. Saint-Pierre. Il la repousse comme suggestive et
ne découlant pas de la transquestion.
M. Saint-Pierre admet le premier point.
Dans la transquestion dit M. Geoffrion en français, il n'y a pas un mot de ce que Flynn
et Maxwell auraient pu dire à Bureau.
Contrairement à ce que prétend la défense, la Couronne n'a pas le dessein de prouver des
aveux; d'ailleurs on ne s'occupe pas des aveux du témoin, ceux de l'accusé seul
serviraient notre cause - car ce n'est pas le procès de Bureau. La Couronne s'oppose à la
question: si des promesses ont été faites au témoin, dans des circonstances étrangères à
ce qu'il a pu dire dans la chambre de M. Dugas.
M. St-Pierre répond en anglais. La question actuelle est très importante. Si la Couronne
disait qu'elle ne veut pas se prévaloir des aveux, la défense renoncerait à la question,
mais le contraire est évident. On a cherché avec une ruse diabolique à avoir des aveux.
La Couronne dit qu'elle ne fait pas le procès de Bureau, mais il faut se rappeler qu'ils
sont accués conjointement. Du moment que la Couronne a parlé des aveux en transquestion,
la défense peut exiger l'histoire complète des aveux. M. St-Pierre cite le cas de
l'affaire Cousineau, où une jeune fille avait fait des aveux en face de promesses.
M. Geoffrion réplique que la question est dangereuse.
Le juge. - La question ne découle pas absolument de la transquestion et la cour ne peut
la permettre surtout lorsque le témoin avoue qu'il était ivre, au moment des prétendues
promesses.
Le témoin continue et dit qu'il était parfaitement à jeun lorsqu'il a eu une entrevue avec
Flynn. Ce dernier, dit-il, vait eu une conversation avec moi avant l'arrivée de Maxwell.
Q. - Voulez-vous rapporter cette conversation?
M. Geoffrion objecte à la question, parce qu'elle ne relève pas de la transquestion.
M. St-Pierre dit que c'est la couronne qui a ouvert la porte à ces questions en parlant
d'aveux et que la défense veut connaître toute l'histoire.
Le juge dit qu'il n'a pas été question en transquestion, des entrevues du témoin et de
Flynn.
Le témoin dit ensuite qu'après avoir fait sortir Maxwell, on a fait entrer Wilson comme
prisonnier; ce dernier est resté quinze à vingt minutes. La bouteille de brandy a été
apportée dans sa cellule après l'arrivée de Wilson.
Ils ont été remis en liberté par Flynn en ma présence.
Je connais M. Hannah, inspecteur du Grand tronc. J'ai eu une conversation avec Flynn,
pendant que Wilson était dans ma cellule. J'étais parfaitement sobre.
Q - Dites quelle a été cette conversation?
Même objection, même désision.
Q - Veduillez dire si, dans cette circonstance des promesses ou des menaces ont été
faites?
Le témoin - Oui, monsieur.
Q - Par des personnes en autorité, à savoir, Flynn, Hannah, pour vous induire à faire des
aveux?
Même objection, même décision.
La défense déclare que son ré-examen est terminé, et Bureau se retire.
M. Stone, agent de la gare du Grand-Tronc, est appelé de nouveau.
J'étais présent à l'enquête tenue par les autorités du Grand_tronc. Cette enquête a été
écrite en sténographie; je n'étais pas présent quand Morrow a été examiné. Morrow est
demeuré huit ou dix jours encore à l'emploi du Grand-Tronc après le vol; il a été ensuite
suspendu. J'ai entendu dire que Morrow était en Europe à présent.
C'est M. Stevenson, le surintendant du Grand-Tronc, qui présidait à l'enquête; M. Wright,
le trésorier de la compagnie, assistait M. Stevenson.
Lors du vol il n'y avait pas à ma connaissance de Charley Michaels à l'emploi du
Grand-Tronc.
Transquestionné - Moreau a été suspendu comme les autres employés qui étaient de service
la nuit du vol.
Charles Philippe Naegelé, député chef de police rend son témoignage. Je suis député chef
depuis 17 ans; le prisonnier Naegelé est mon fils et Fahey est mon gendre. je connais bien
le sergent Richard. Vers le 5 ou 6 décembre, le segent Richard est venu à mon bureau
pour parler d'une cause concernant des voleurs, confiées aux détectives Naegelé et Fahey.
Deux jours après sa résignation, mon fils est venu chez moi et je lui ai demandé ce qu'il
allait faire à présent. Il m'a dit qu'il avait une cause importante à travailler avec
Fahey; cette cause consistait à découvrir et à prendre deux voleurs américains, logés au
Richelieu.
George Beatty, sergent de police. Je suis dans la police depuis 6 à 7 ans et sergent
depuis une vingtaine de mois. Je connais Bureau, dans le mois de décembre dernier,
Bureau faisait partie de la police. Je connais aussi Naegelé. Au commencement de l'hiver
Naegelé est venu voir Bureau à la station de police. Bureau était au lit, déshabillé;
c'était entre huit ou neuf heures. Naegelé m'avait demandé la permission de parler à
Bureau; je lui ai accordé cette permission, ils sont sortis tous les deux, mais Bureau
n'a pas été longtemps absent.
C'était vers le commencement de décembre. Je n'ai pas remarqué si Naegelé est revenu avec
Bureau. Je ne connais pas Fahey, je ne lui ai jamais parlé.
Transquestionné - Lorsque Bureau m'a demandé pour sortir, je ne lui ai pas demandé de
raison; j'ai vu qu'il sortait pour affaires personnelles.
Réputation de Fahey
James Guest, marchand. Je demeure à Montréal depuis 1864. Je connais le prisonnier depuis
un très grand nombre n'années.
Sa réputation a toujours été très bonne.
Ambroise Lafortune, bourgeois de Montréal. Je demeure à Montréal depuis 13 à 14 ans. Je
connais très bien le prisonnier depuis que je suis à Montréal. Sa réputation a toujours
été excellente.
Arcade Despatie, marchand; je suis un des voisins du prisonnier sur la rue Saint-Denis;
je le connais depuis 15 ans. Je l'ai toujours regardé comme un parfait honnête homme.
L'échevin Laurent, de Montréal. Je demeure à Montréal depuis plusieurs années. Je suis
échevin depuis 11 ans. J'ai toujours considéré le prisonnier comme un citoyen respectable.
Charles Léger, de Lachine. Je connais le prisonnier; c'est moi qui l'ai élevé; ses
parents étant morts alors qu'il était en bas âge. Sa réputation a toujours été excellente,
il était respecté des principaux citoyens. Le prisonnier est marié et a eu plusieurs
enfants.
Le Dr Laberge, officier de la santé, de Montréal. Je suis médecin depuis quatorze ans. Je
connais le prisonnier depuis longtemps. Jusqu'à son arrestation, sa réputation avait
toujours été excellente.
Edouard Haskins, restaurateur de Montréal; il n'y a rien à-dire contre le caractère du
prisonnier.
Pierre Cavallo, bourgeois. Je demeure à Montréal depuis 33 ans. Je connais le prisonnier
depuis 15 ans. Je demeure près de chez lui. Il jouit d'une bonne réputation.
Témoignage d'un juge
Son Honneur le juge Davidson rend témoignage. J'ai été le représentant de la couronne
plusieurs années. Je connais le prisonnier depuis dix a douze ans.
J'avais la meilleure opinion possible de sa respectabilité et de son caractère.
Samuel Davies. Je demeure à Montréal depuis 26 à 27 ans. Je connais le prisonnier depuis
12 à 15 ans. A ma connaissance le prisonnier a toujours joui d'une excellente
réputation.
Charles Raoul Doucet, député greffier de la couronne et de la paix. Je suis employé au
greffe de la cour depuis dix ans. Cette position m'a mis souvent en relation avec le
prisonnier. Je l'ai toujours regardé comme un parfait honnête homme.
Adolphe Bissonnette, grand connétable de Montréal. J'ai été souvent en relations avec le
prisonnier; je le connais depuis très longtemps; je l'ai toujours regardé comme un
officier actif, intelligent et très honnête.
Edouard Bédard, avocat, de Montréal. Je connais le prisonnier depuis longtemps; en ma
qualité d'associé au juge Davidson, j'ai eu souvent des relations avec le prisonnier,
j'avais la plus grande confiance en lui; sa réputation était excellente.
Edouard McIntyre, marchand-tailleur. Je connais le prisonnier depuis 7 à 8 ans. Sa
réputation a toujours été très bonne. Je l'ai rencontré souvent dans l'intimité.
A quatre heures et demie la cour s'ajourne.
- jeudi 22 mars 1888, page 4
NAEGELÉ A LA BOITE!
SA VERSION
SANG FROID IMPERTURBABLE
IL CORROBORE EN TOUS POINTS LE TEMOIGNAGE DE BUREAU
PAS DE CONTRADICTIONS
LE JUGE DUGAS
La cour s'est ouverte ce matin à dix heures et quart ous la présidence de l'hon. juge
Baby. Comme à l'ordinaire la cour est bondée de monde.
Le juge Dion est assermenté. - Je connais le prisonnier. J'ai présidé à l'enquête
préliminaire dans cette cause. Je ne connais pas Frank Wilson. Il n'a pas été interrogé
à l'enquête. La défense a demandé instamment à ce que Wilson fut amené comme témoin.
Cette demande a été faite par écrit.
Q - Pourquoi n'a-t-on pas laissé venir Wilson?
Objecté par M. Greenshields.
Objection maintenue.
M. Globensy. "Alors il est inutile d'interroger le témoin."
James Fahey à la boîte
James Fahey, frère de l'accusé est appelé à la boîte. Je suis frère de l'accusé. Je tiens
mon restaurant au No. 659 rue St. Jacques. J'ai eu l'occasion de voir le prisonnier durant
le mois d'octobre dernier. La dernière fois que je le vis était le 30 octobre. Ma soeur
écrivit une lettre pour New York ce jour-là, c'est pour cela que je me rappelle la date.
La lettre que vous me présentez est bien celle qui fut écrite en ma présence.
"Son Honneur refuse que cette lettre fasse partie du record.
M. St Pierre - Au moins le jury devrait avoir le droit de la voir.
Le juge - Non.
Le témoin - Mon frère est arrivé le 30 octobre vers 11 heures ou midi.
Mon frère est reparti entre trois et quatre heures de l'après-midi. Il apporta cette
lettre au dépôt pour la remettre au porter du train de New York.
Q - Reconnaîtriez-vous l'enveloppe de cette lettre?
R - Oui.
L'enveloppe est produite.
"C'est bien là l'enveloppe. C'est mon frère qui apporta la lettre à la gare. J'ai vu
Naegelé ce jour là. Il est resté quelques instants à la maison. Il a pris un cigare
mais pas de boisson.
Le nom de ma soeur est Marie Fahey. C'est elle qui écrivit la lettre et l'enveloppe.
Le juge - Je permets que la lettre fasse partie du record.
En transquestion - Je me rappelle de la date en question par cette lettre.
Mon frère demeure au No 201 rue St Denis. mon frère vient souvent chez moi. Je ne sais
pourquoi mon frère est venu. Mon frère venait habituellement chez moi.
Naegelé est venu chez moi, ce jour-là entre midi et une heure. Le prisonnier était à
diner, lorsque Naegelé est entré. Ils n'ont pas parlé ensemble. Ma soeur vit avec moi. La
lettre fut écrite dans la cuisine. J'étais présent lorsqu'elle fut écrite.
En réexamen - Mon frère venait chez moi, tout comme s'il avait été chez lui.
Naegelé à la boîte!
Le prisonnier Louis Naegelé est amené à la boîte aux témoins. Tous les regards se portent
de son côté. M. St Pierre fait motion pour qu'un siège soit donné au témoin. Accordé.
"J'ai appartenu à la force de police depuis neuf ans. J'ai été détective durant cinq ans.
Lors de mon arrestation, j'avais résigné comme détective. C'était le 3 décembre que je
résignai. Le prisonnier est mon beau-frère. Il est marié et demeure à Montréal. La
photographie que vous me présentez est celle de Frank Wilson. C'est lui qui s'est
introduit sous ce nom. J'ai connu cet homme pour la première fois vers la fin de
septembre. Je l'ai connu en compagnie de Fahey. C'est ce dernier qui me l'a présenté, rue
St Jacques. Je passais sur la rue, lorsque je les rencontrai. Fahey m'appela. "M. Naegelé,
dit-il, je vous présente M. Wilson. Il est à la recherche d'un voleur du nom de McNeil."
Wilson me dit qu'il était détective et je l'ai considéré comme tel. J'ai été arrêté avec
Fahey sous soupçon de vol. J'attends mon procès.
A la fin de décembre, lorsque j'ai rencontré Fahey et Wilson, ce dernier a sorti un
portrait de sa poche. Il m'a dit que ce McNeil avait volé une
banque de Sago, Maine. Wilson
m'a dit qu'il y avait une récompense de $7000 pour la capture et qu'il était sûr que le
voleur était à Montréal. Je dis à Wilson que les détectives d'ici avaient aussi reçus des
portraits et des descriptions de McNeil.
Je fis entrer Wilson dans un restaurant pour prendre un verre de bière. Ceci se passait à
la fin d'octobre. Je revis Wilson vers la fin d'octobre. C'était longtemps avant le 30
octobre. Le 30 octobre était un dimanche. J'étais encore détective de la cité.
Je suis sorti le 30 octobre, dans la journée, je descendis la rue St Laurent et je
rencontrai Fahey. Il s'en allait au bureau. Il était 11 hrs ou 11 ½ hrs. Je n'allai pas
avec lui au bureau. Je le laissai au coin de la rue St Jacques et de la Côte St Lambert.
J'allai à l'hôtel Richelieu, comme d'habitude c'était pour me faire raser à l'hôtel. J'y
allais souvent. Je n'ai pas vu Wilson ce matin là. Après être resté là, j'allai rue Craig
et j'arrêtai à deux ou trois places.
Je me remis ensuite chez M. James Fahey, restaurateur. Mais avant d'entrer là, je me
rendis à la gare. J'avais à passer par là pour me rendre chez James Fahey.
A la gare, je parlai pendant quelque temps avec M. Cauchon. Je restai là de 30 à 40
minutes. J'ai aussi parlé au constable Bureau qui était en devoir. Me sentant un peu
fatigué, j'ai demandé à M. Cauchon de venir prendre un verre chez James Fahey, le frère
du prisonnier. Je ne connais pas l'opérateur du télégraphe, M. Neilson. Je le connais de
vue seulement. Je n'ai pas parlé à Neilson, ce jour-là, c'est-à-dire le 30 octobre. J'ai
conversé avec Bureau quelques minutes seulement. Je lui dis que je m'en allais chez James
Fahy. Ce dernier est frère de mon beau-frère. Je n'ai pas remarqué l'heure que je suis
arrivé chez Fahey. Il devait être deux heures.
James Fahey m'a donné un verre de brandy. J'ai vu John Fahey avec sa soeur. Cette
dernière était à écrire une lettre. Je reconnais la lettre qui a été écrite. En apercevant
John Fahey, je me suis mis à rire et je dis:"Me suivez-vous où si je vous suis." Après lui
avoir dit cela; il me demanda si je voulais prendre un autre coup. Je refusai. Nous
allames tous deux à la gare. Il me remit le portrait de McNeil et sa description, pour
être montrés aux employés de la gare. Je vis Frank Alexe et je lui montrai la photographie
et une obligation forgée des Etats-Unis. Je lui montrai cette obligation par pure
curiosité. J'ai revu M. Cauchon alors à qui je montrai aussi la photographie. Sur ces
entrefites, M. Fahey arriva avec une lettre à la main. Il était bien trois heures à ce
moment-là. Fahey donna la lettre à Frank Alexe, l'un des agents à la gare. Je reconnais
la lettre comme étant celle remise à Alexe. Après cela, je vis Bureau et je lui montré la
photographie de McNeil.
Nous nous sommes laissés ensuite, rue St-Laurent. La première fois que je suis allé à la
gare, j'entrai dans un char avec Cauchon.
Je ne crois pas avoir approché de plus de 20 verges du bureau du télégraphe à la gare du
Grand Tronc.
Je n'ai pas vu le nommé Wilson à la gare Bonaventure le 30 octobre dernier, on m'a annoncé
le lundi matin qu'il y avait eu un vol au Grand tronc, je fus arrêté le 9 décembre au
soir.
J'ai vu Wilson vers la mi-novembre. Je l'ai vu au bar du Richelieu avec Fahey. Je
pris un verre avec eux. Deux ou trois jours après, Fahey me dit: "C'est un voleur,
cet individu là!"
Le 3 de décembre, jour de ma résignation, le détective fahey me demanda d'aller à l'hôtel
Richelieu avec lui. Je n'y allai point, parce que je considérais que je n'avais plus rien
à faire avec la force de police. Le lundi matin, Fahey vint chez moi vers 7 ½ heures. Il
me demanda si j'avais été au Richelieu le dimanche. Je lui dis que non. Il m'en a blâmé.
Il m'avait dit le samedi, qu'il pensait avoir sous la main le voleur du Grand-Tronc.
Il me dit aussi qu'il pensait avoir la manière de le travailler. Après m'avoir dit
cela, il me suggéra de gagner la confiance de Wilson et de passer nous-mêmes comme
voleurs. Fahey me dit aussi: "J'ai vu Wilson, il m'a dit qu'il devait amener ici le chef
d'une bande de voleurs des Etats-Unis."
Je dis à Fahey: "Laissez-moi songer à cela et je te rendrai réponse plus tard."
Fahey me dit ensuite: "Je crois que Bureau pourra nous aider vu que c'est un employé du
Grand-Tronc."
Je vis Bureau et je le fis venir au Richelieu. Je lui dis: "Je vais te présenter un
homme du nom de Wilson." Cela se passait vers dix heures du matin. Je dis encore à Bureau:
"Regarde bien ce Wilson."
Après que Bureau eut pris un verre avec moi, je lui dis: "Va-t-en j'aurai besoin de toi
plus tard."
Je revis Wilson à l'hôtel Richelieu, le lendemain, mardi, à la chambre No 14. Je l'avais
vu le lundi soir. Il m'avait présenté Craig alias Maxwell dans la chambre en question.
Fahey était là. En entrant dans la chambre, Wilson me dit: M. Naegelé, je vous présente
M. Craig.
Wilson me demanda: "Que pensez-vous de l'affaire du Grand-Tronc?" Je répondis: "Je n'en
pense pas beaucoup." C'est tout ce qui s'est dit ce soir-là.
Dans l'entrevue du lundi au soir, Fahey n'a pas dit un mot lorsque Wilson a parlé du vol
du Grand-Tronc. Wilson a souvent mentionné l'habileté de Maxwell à faire sauter les
coffres-forts.
Le mardi soir, j'ai parlé du vol du Grand Tronc et j'ai dit: "Ça été une affaire mal
dirigée." Je n'ai pas dit que j'avais eu de la difficulté à éloigner les gens de la
voûte le 30 octobre. Du reste, en disant cela, je n'aurais pas dit la vérité.
Le mardi soir, après notre entrevue à l'hôtel, je montai avec Maxwell et Wilson chez
Philips. Fahey n'y était pas. Une fois chez Philips, M. Harvey entra et nous conversâmes
avec lui. Je restai environ vingt minutes chez Wilson. Il n'a pas été question du
Grand Tronc. En revenant j'étais accompagné de Wilson et Maxwell. J'avais des instructions
de Fahey de leur indiquer certains magasins où l'on pourrait voler.
En descendant la rue St Laurent, je leur montrai le magasin de M. Frémeau, bijoutier,
comme étant favorable à un vol. Craig après avoir examiné le coffre-fort, me dit:
"Impossible de le faire sauter."
Je lui dis: "Allons plus loin." En passant chez Grothé, je leur proposai de voler là.
Wilson entra lui-même pour voir s'il y avait beaucoupde diamants.
Je quittai mes deux compagnons rue Notre-Dame.
Nous nous étions arrangés pour les prendre sur le fait, le samedi soir. J'ai revu Craig et
Wilson le mercredi. Je les ai rencontré ce jour-là au Richelieu, chambre No. 14. J'avais
amené Bureau ce jour-là à la chambre No 14. C'est Fahey qui m'avait demandé de l'amener
à la chambre. Je demandai au sergent Beatty de le laisser venir. C'était entre 8 et 9
heures du matin. Bureau était encore couché. J'avais prévenu Bureau que j'aurais besoin
de ses services à un moment donné.
Je dis à Bureau: "Viens avec moi, à l'hôtel Richelieu, en entrant dans la chambre rtu
reconnaîtras Wilson. En le pointant, tu diras à Craig: /Etes-vous aussi bon que Wilson?"
C'est ce que fit Bureau, nous primes un verre et Bureau partit sur un signe que je lui
fis. Après le départ de Bureau, nous causâmes des différents vols que nous aurions à
faire.
Je dis à Wilson: "Tu sais, Bureau est correct, même si nous volons sur son poste, il nous
protégera. Nous décidâmes d'aller voler chez M. Chaput, près du marché St-Anne, au Bodega,
etc.
Nous avions pris des dispositions pour faire pincer les deux voleurs. J'en avais causé au
sergent Richard. Il devait se tenir prêt à toute éventualité.
En transquestion par M. Geoffrion. - Dans ces différentes entrevues avec Wilson, il m'a
parlé des vols du Grand Tronc. Il m'a dit qu'il devait faire venir Craig à Montréal, pour
commettre d'autres vols. Nous devions gagner sa confiance avant de l'arrêter. Wilson,
sans donner le nom de Craig, me dit: "C'est un excellent voleur."
J'ai été voir ce matin là, le lundi, Wilson, à qui je présentai Bureau. Wilson me dit:
"Viens ici cette après-midi et je vais te présenter à Craig, l'un des plus grands voleurs
des Etats-Unis." Je fus de fait, présenté à Craig. Le lundi soir 5 décembre, il fut
question du vol du Grand Tronc. Le mardi ou le mercredi il en fut question, mais pas en
montant chez Philips, Wilson devait faire comprendre à Craig, que Fahey et moi avions
commis le vol du Grand Tronc.
Q - Comment vous êtes vous pris pour raconter le vol du G. T. R.
R - C'est Fahey qui parla le plus. Après avoir parlé de choses différentes, Wilson me dit:
Avez-vous votre homme? J'allai chercher Bureau et Bureau partit après avoir suivi mes
instructions. Wilson me dit alors: Ne croyez vous pas que le vol du G. T. R. a été une
affaire manquée? Je répondis: Oui, je le pense. J'exprimai cette opinion, parce que
M. Cullen m'avait dit que ce vol avait été mal fait.
C'est tout ce qui a été dit au sujet du vol. Wilson a du parler des boîtes laissées au
Grand tronc. Je ne sais si Wilson en a parlé en présence de Bureau. Wilson laissait
Maxwell sous l'impression que nous l'avions protégé. Je me suis moi-même fait passer pour
l'un des complices de Wilson. J'avais les instructions de Fahey. Wilson a dit en présence
de Fahey et de Maxwell que nous étions des voleurs.
Maxwell devait savoir sur les informations de Wilson que nous étions ses complices.
Wilson n'a jamais dit devant moi qu'il vait brisé trois boîtes. Je savais par le constable
Bureau que de l'argent avait été laissé dans les boîtes. C'est vers la mi-novembre que
Fahey m'a dit qu'il vait des doutes sur Wilson. C'est le samedi que Fahey a requis mes
services. Fahey a aussi demandé avec moi, l'assistance du sergent Richard.
Seance de l'après-midi
Le constable Senécal est assermenté.
Il jure que le matin de l'arrestation du prisonnier, Bureau était ivre.
M. J. M. Fortier, manufacturier, connait le prisonnier. Il a toujours joui d'une bonne
réputation.
L'échevin Grenier, jure dans le même sens.
Le juge Dugas
"Le prisonnier a été assermenté comme détective par moi. Depuis plusieurs années, j'ai eu
de fréquents rapports avec lui, en ma qualité de magistrat. Il avait une agence à son
compte. Il appelait cela: "Dominion Detective Agency." Je l'assermentai sur ordre du
procureur-général.
Q. - Lui avez-vous donné quelques règlements à suivre.
Objecté par M. St-Pierre.
Objection renvoyée.
R. - J'ai donné des instructions à Kellert et Fahey afin de pouvoir les contrôler. Ces
instructions ont été enregistrées par M. R. Cotret, chef du bureau dans le temps. Je
crois qu'elles ont été remises à Fahey.
Q - Quelles étaient ces instructions?
Objecté par M. St-Pierre.
M. Geoffrion retire sa question.
"J'ai donné des instructions verbales à l'accusé relativement à la conduite qu'il aurait
à faire comme détective.
Q. - Quelle était la nature de ces instructions?
Objecté par M. St-Pierre.
La cause se continue.
- vendredi 23 mars 1888, page 3
Le procès de Fahey
Le témoignage du juge Dugas
Voici la suite du rapport de notre dernière édition au sujet des détectives.
M. le juge Dugas donne son témoignage.
Q - Quelle était la nature de ces instructions?
R - C'était de faire rapport immédiatement à M. Desnoyers ou à moi, de toutes causes de
délits ou félonies dont ils seraient chargés. Ce rapport devait être fait aussitôt qu'ils
seraient chargés de ces causes.
Q - Quel était le but des magistrats, et l'avez-vous fait comprendre à l'accusé?
Objecté à cette question comme illégale.
APrès l'argumentation de M. Geoffrion, M. St-Pierre dit qu'il n'a qu'à dire que c'est
illégal: qu'il sait qu'on ne fait cette preuve que pour influencer le jury, au moment ou
la défense a bouche close.
Le juge - On se donne la peine de les soutenir ces objetions ou l'on se tait!
M. St-Pierre - Je les ai soutenues inutilement jusqu'ici avec courage. Je réserve mon
courage pour d'autes objections.
R - C'était dans le but d'empêcher le règlement illégal d'aucun délit public ou d'aucune
félonie avec l'aide de ces messieurs.
Q L'accusé s'est-il conformé à ces instructions?
Même objection.
M. Saint-Pierre dit que les détectives ne relèvent pas des magistrats mais de la
Couronne, et que l'accusé n'était pas tenu de suivre les instructions des magistrats.
Question permise.
R - L'accusé s'est conformé à ces instructions; j'ignore si ces dans tous les cas.
Le témoin - J'ai vu le prisonnier le amtin suivant le jour de l'arrestation à ma chambre
privée. Quand Fahey est venu dans ma chambre, il y avait dans ma chambre Bureau, le
grand connétable Bissonnette, Wilson, Maxwell et Flynn.
M. Barry se lève tout-à-coup et s'adresse solennellement à la cour... pour faire ouvrir
un ventilateur! (Rires).
M. Geoffrion - Si M. Saint-Pierre ne s'y objecte pas. (Rires)
M. St-Pierre - Non, il faut rafraîchir les bouillants avocats de la couronne. (Rires.)
Q - Depuis combien de temps Bureau était-il dans votre chambre, lorsque Fahey est entré?
R - Bureau a été environ trois quarts d'heures dans ma chambre; il y était depuis plus
d'une demie-heure, lorsque Fahey est entré - Bureau est entré entre 9 heures et quart a.m.
et 9 ¾ hrs. a.m.
Je n'ai rien remarqué d'extraordinaire dans le physique de Bureau, excepté un certain
affaissement, que j'ai attribué aux circonstances. Bureau a parlé. Rien dans ses manières
ou son langage ne m'a fait soupçonner qu'il pouvait être en état d'ivresse.
Je connais Bureau depuis neuf ans.
M. Saint-Pierre (pour la seconde fois) M. Dugas, ne faites pas de discours...!
Le témoin - Je ne fais pas de discours, je réponds à ma manière. Si ce n'est pas
convenable, la cour me le dira.
Q - Pendant que Bureau a été dans votre appartement vous a-t-il donné quelques
explications?
Objection par M. Saint-Pierre. Cette objection soulève une vive discussion entre les
avocats de la poursuite et de la défense. Finalement la question fut permise.
R - Bureau en entrant dans ma chambre dit qu'il avait quelques révélations à faire. Je fis
mention du vol du Grand-Tronc et je lui dit: Bureau vous avez été assez lontemps
constable, vous avez eu assez d'expérience au bureau de police pour qu'il ne me soit pas
nécessaire de vous répéter ce que vous avez entendu dire aux personnes qui se sont
trouvées dans des circonstances semblables; c'est-à-dire que vous n'êtes pas obligé de
parler, et de vous incriminer; tout ce que vous pourrez dire contre vous pourra faire
preuve plus tard.
Là-dessus Bureau fit un geste, voulant dire: je sais tout cela, je sais à quoi m'en tenir.
Il n'a pas prononcé ces paroles, mais son geste voulait dire ceci.
Aveux de Bureau
Le témoin continue:
Je dis alors à Bureau: Qu'avez-vous à dire? Il répondit: C'est bien vrai, Votre Honneur,
je suis coupable, et il tenta de jeter la responsabilité sur une personne dont il
mentionna le nom en disant que lui, Bureau, était possesseur de la clef des voûtes du
Grand tronc, cette autre personne l'avait prié à différentes reprises de lui passer la
clef en question, afin de lui permettre de commettre le vol exécuté au Grand Tronc, que
cette même personne l'avait fait boire à différentes reprises et lui avait représenté
qu'il n'avait pas de crainte d'être découvert parce que dans une autre circonstance
elle s'était procuré la clef d'un coffre-fort appartenant à la cité, et y avait volé
l'argent sans être découverte.
Bureau ajouta qu'à la fin il s'est laissé convaincre et qu'il livra la clef en question
à une autre personne, une seconde personne. Cette seconde personne lui remit la clef en
question quelque temps après; le vol ayant été commis au Grand Tronc, cette seconde
personne lui apporta un jour un petit paquet qu'elle lui mit dans la main en disant:
Prends cela et ne dit rien.
Ce petit paquet contenait $25, et Bureau ajouta qu'il crut que cette somme était sa part,
ou sa récompense. Bureau n'a pas été très clair en employant ces dernières expressions.
Ceci se passait en présence de M. Bissonnette le grand connétable.
J'ordonnai alors de faire venir la seconde personne en question.
M. Geoffrion demande au témoin si Bureau a fait de nouvelles déclarations, en présence de
cette seconde personne.
Objection par la défense, maintenue.
M. Geoffrion pose une autre question.
Q. - Une autre personne ayant été admise, Bureau a-t-il persisté dans ses révélations?
R - Oui.
Transquestionné - Je ne sais pas au juste qui est venu m'avertir que Bureau voulait me
voir. C'est Flynn, je crois.
Bureau a retiré ses aveux en présence du prisonnier à la barre. Je crois que Breau a bu
de l'eau dans ma chambre.
Je ne savais pas que Bureau avait pris de la boisson; cependant je me rappelle un fait;
Fahey ou Naegelé ont dit qu'on les avait fait boire dans la nuit. Naegelé a ajouté, il est
facile de se procurer de la boisson, voici un flacon. Ce flacon était au trois quarts de
cognac, c'est alors que Bureau a parlé de boisson, et je crois qu'il a dit qu'on lui avait
donné de la boisson. Je ne me rappelle pas qu'il se soit plaint que le député connétable
Champagne l'avait fait boire.
Quand Fahey a été amené dans ma chambre; je lui a fait connaître ce qu'avait dit Bureau;
alors après cinq ou six minutes, Bureau s'est levé tout à coup et dit: Vote Honneur je
retire tout ce que j'ai dit.
Il a alors cherché des excuses et une raison pour retirer les aveux en parlant de
boisson; il s'est plaint, mais indirectement, que des promesses lui avaient été faites
pour lui arracher des aveux. En voyant que Naegelé avait de la boisson, j'ai voulu
connaître qui lui avait donné cette boisson. Je le demandai à Naegelé, Naegelé me dit
qu'il me dirait qui avait donné ce flacon, si cette personne ne devait pas en souffrir.
Il a alors nommé un constable. Ceci se passait entre neuf heures et quart et neuf heures
et demie.
M. Bissonnette rend son témoignage - J'ai fait l'arrestation de Bureau, en face du palais
de justice, vers onze heures. Bureau était sobre dans le moment. Je l'ai enfermé dans
une cellule; j'ai quitté le palais de justice vers une heure du matin. Pendant la nuit,
Flynn est entré dans la cellule; c'est moi qui l'ai introduit. Maxwell est aussi entré
dans cette cellule. J'ai remis la clef de la cellule de Bureau au député connétable
Champagne. J'ai revu Bureau vers six heures du matin. J'ai alors repris la clef de la
cellule. J'ai parlé à Bureau ce matin-là. Il paraissait parfaitement sobre; cependant il a
dit qu'il n'était pas bien, qu'il avait souffert du froid pendant la nuit.
J'ai revu Bureau vers neuf heures, quand le constable Senécal est venu chercher les clefs
d'alarme pour le feu. Je fis la remarque à Senécal que tous les effets de Bureau étaient
partis, cependant j'ai été lui demander kes clefs et Bureau me répondit que sa clef avait
été envoyée avec ses hardes de constable. Je n'ai pas laissé Senécal et Bureau seuls dans
la cellule. Quand j'ai conduit Bureau à la chambre de M. le magistrat Dugas, Bureau était
parfaitement sobre.
Transquestionné par la défense - A ma connaissance il n'a pas été donné de boisson. J'ai
toujours pris Wilson pour un détective américain.
A 6 heures moins 20, la cour s'ajourne.
- vendredi 23 mars 1888, page 4
Qui a donné la boisson a Bureau?
TEMOIGNAGES COMPROMETTANTS
Les admissions de Champagne
LES PLAIDOYERS
LA PRESSE FLETRIE
LES CIRCONSTANCES DU VOL
Comme d'habitude, la cour était encore bondée ce matin.
La foule attend avec impatience le verdict des jurés et l'on se livre à toutes sortes de
conjectures.
La croyance générale, est que le jury ne s'accordera pas.
Thomas Flynn - Interrogé par M. Greenshield.
"J'ai vu le prisonnier à la barre, lors du matin de l'arrestation dans la chambre de M.
Dugas. Etaient aussi présents: Naegelé, Wilson, Bureau, Maxwell, Bissonnette et le juge
Dugas.
Q - Fahey a-t-il fait quelque rapport au sujet de Wilson et Maxwell.
Objecté par M. St Pierre.
M. Greenshields - Je veux prouver que ni Fahey ni Naegelé avaient l'intention de faire
arrêter Wilson ou Maxwell.
M. St Pierre - Cette preuve est illégale à cet état de la procédure. On aurait dû poser
cette question lors de l'examen en chef du témoin et non en rebuttal.
Objection renvoyée.
Le témoin: "Fahey a dit qu'il ne connaissait rien sur le compte de Wilson et de Maxwell.
"C'est une affaire montée" a-t-il dit contre moi."
"C'est une conspiration dont je ne connais rien du tout." Il mentionna le nom de Baxter en
sortant de la chambre du juge. Je n'ai rien donné à Bureau à boire ni l'ai vu boire.
En transquestion - Je suis certain de n'avoir pas donné de boisson à Bureau. Je n'ai pas
payé pour la boisson. C'est un mensonge!
Le juge: - Témoin, ne vous servez pas de ces expressions.
Q - Avez-vous vu une bouteille de brandy dans la cellule de Bureau?
R - Oui, j'en ai vu une, mais je n'ai pas permis qu'il en prit en ma présence. Je suis
détective depuis 15 ans et je n'ai jamais permis qu'il en fut donné aux prisonniers.
"Je ne sais trop s'il y avait beaucoup de boisson dans la bouteille.
A ce moment là, M. Bissonnette était parti et c'est M. Champagne, je crois, qui avait le
soin des cellules. J'entrai dans les cellules. Je crois que c'est M. Bissonnette jr qui
m'ouvrit les cellules.
Q - Avez-vous payé la bouteille de brandy.
R - J'ai donné de l'argent à Maxwell pour se procurer de la boisson. Maxwell était alors
sorti de la cellule. Wilson entra après dans la cellule. Lui et Maxwell se virent et se
parlèrent. J'ai donné $2 à Maxwell. nIl ne m'a pas remis cet argent. James C. Maxwell
est rappelé à la boîte.
"J'étais présent à la chambre de M. Dugas le matin après l'arrestation des prisonniers.
Q - Le prisonnier a-t-il fait quelques rapports sur notre compte et sur celui de Wilson
au juge?
Objecté par M. St-Pierre.
Objection renvoyée.
R - Fahey dit qu'il ne me connaissait pas. Naegelé a demandé si mon nom était Maxwell.
Je n'ai pas apporté de boisson à Breau dans les cellules. Je ne lui en ai pas vu prendre.
En transquestion.
Q - Avez-vous eu de l'argent de Flynn pour avoir de la boisson?
R Oui et j'ai acheté une bouteille de brandy. Je la rapportai avec moi. C'était après
avoir été dans la cellule. Je ne sais si l'ona donné de la boisson à Bureau deux ou trois
fois. Je rapportai cette bouteille au portique. Nous étions 7 ou 8. Nous prîmes chacun
deux verres de boisson. La bouteille fut laissée sur le portique. J'ai appris que Wilson
était entré dans la cellule de Bureau. J'aurais vu Wilson s'il avait apporté la bouteille
dans la cellule. Je ne puis jurer si d'autres bouteilles ont été apportées ce soir là J'ai
certainement bu, quant à Bissonnette, Champagne et Wilson je ne saurais trop dire. Je ne
pourrais dire combien de temps Wilson est resté dans la cellule de Bureau, après mon
départ pour l'hôtel.
La version de Champagne
M. Champagne, député grand connétable est assermenté: "J'étais présent au bureau de police
lors de l'arrestation de Fahey. C'est moi-même qui l'arrêtai.
M. Bissonnette, le grand connétable avait les clefs de la cellule ce soir-là. Le grand
connétable partit entre minuit et une heure, c'est moi et son fils qui eurent les clefs
après son départ. J'eux la clef de la cellule de Bureau pendant quelques minutes. M.
Bissonnette eut aussi la clef.
Q - Savez-vous si de la boisson a été donnée à Bureau.
R - Je lui en ai donnée. Il semblait en avoir besoin. Il faisait très froid. Je lui ai
donné cette boisson dans un verre. J'ai donné de la boisson à Bureau à 2 heures a. m.
Lorsque je lui en donnai, je crois qu'il n'y avait que Bissonnette avec moi.
La boisson a été fournie à même une bouteille apportée par Maxwell. Nous avons pu
plusieurs rondes. Il restait peu de boisson dans la bouteille. J'ai vu une bouteille dans
la cellule vers 1 heure a. m. Je ne sais qui l'a apportée là. C'était la bouteille qui
nous avait servi à nous auparavant. Cette bouteille était presque vide. Lorsque je servis
un verre de boisson à Bureau, c'était à même une autre bouteille que je fis venir pour
notre usage durant la nuit. Lorsque j'ai servi de la boisson à Bureau, ce dernier se
plaignait beaucoup du froid. Au meilleur de ma connaissance, c'est le seul verre que je
lui ai donné.
Vers 3 heures a.m. il m'en demanda encore je ne lui en donnai pas.
En transquestion.
La première bouteille était payée par le jeune Bissonnette, la seconde, je ne sais qui
l'a payée.
Je n'ai jamais dit aux constables Dempsey, Senécal, Gaudry et autres que j'avais donné
de la boisson à Bureau.
La première fois que je donnai de la boisson à Bureau, c'était un peu avant deux heures.
Je ne sais si Wilson avait apporté une bouteille dans la cellule. Je ne l'ai pas fouillé.
Q - Avez-vous pris pas mal de boisson?
R - Oh, j'étais pas plein... j'étais chaud... j'étais bien! (Rires.)
Q - Avez-vous eu connaissances des observations faites par le juge Dorion, au sujet des
employés qui sonnent de la boisson aux prisonniers?
Objecté par M. Geoffrion.
Objection renvoyée.
R - Non, je ne me rappelles pas ce qu'à dit le juge.
Q - N'avez-vous pas dit aux constables ci-dessus mentionnés pas plus tard que ce matin
qu'il y avait cinq doigts de boisson dans la bouteille?
R - J'ai dit qu'il y en avait trois doigts.
Encore de la boisson!
Louis S. Bissonnette, député grand connétable.
"Champagne était avec moi, le soir de l'arrestation. Il y avait Flynn et Maxwell,
Hannah et Wilson.
Nous étions 6 et tous nous bûmes à même la première bouteille que j'achetai.
Wilson fut placé dans la cellule avec Bureau et quelques minutes après, il sortit dire
que Bureau avait froid et voulait de la boisson.
Je remis à Wilson la bouteille en question
qui contenait encore trois ou quatre doigts de boisson. Wilson entra ensuite dans la
cellule. Je sortis pour aller au poste central. A mon retour Maxwell avait une bouteille.
Nous prîmes deux coups chacun et finalement ils nous quittèrent, laissant la bouteille
avec nous.
Bureau se mit à frapper à la porte de la cellule une demie heure après. Champagne entra
avec moi dans la cellule. Nosu lui donnâmes un verre de boisson. Une demie heure après,
Bureau se mit encore à frapper à la porte. Il demanda encore de la boisson et nous lui en
donnâmes un autre verre. Il frappa une troisième fois, mais nous ne lui en donnâmes point.
M. St Pierre - Il n'y en avait plus! (Rires.)
Le témoin - Non!
Bureau était sobre lorsque je lui donnai le deuxième verre de boisson.
En transquestion par M. St Pierre.
C'est moi qui donnai le premier verre à Bureau.
C'est la première fois que j'ai donné de la boisson à un prisonnier. J'avais deux autres
prisonniers, Faheu et Naegelé. Je leur donnai chacun un verre de boisson. Fahey s'est
plaint d'être malade. Il voulait même faire venir le médecin.
Je n'étais pas chaud. Je n'avais pris que quatre ou cinq verres dans la nuit.
C'est Champagne qui ouvrit la porte à Wilson. Flynn était près de moi dans le passage et
la porte de la cellule n'était pas fermée à clef.
M. Hannah est aussi entré dans la cellule. Il a parlé à Bureau. M. Flynn entra le premier
dans la cellule, ensuite, Maxwell, puis Wilson, et enfin Hannah.
Q - Le dernier qui est resté c'est la bouteille? (Rires.)
R. Oui.
Emilien Senécal, constable. "Je connais M. Champagne. Il m'a dit qu'il avait donné de la
boisson à Bureau trois ou quatre fois dans le courant de la nuit.
Q - Combien de fois êtes-vous allé dans la cellule de Bureau le matin de son arrestation?
Objecté.
Objection maintenue.
Les plaidoyers
C'est la cause de la défense? dit M. Saint-Pierre.
M. Bissonnette à un spectateur: "Otez votre chapeau!
Spectateur: "Il fait froid!
M. Bissonnette: Sortez!
Le juge. - Procédons messieurs!
M. St Jean commence alors son discours aux jurées. D'une voix vibrante d'émotion il
commence à flétrir la conduite de la presse relativement à l'accusé. "Dès le jour
de l'arrestation dit-il, Fahey, était un incendiaire, un voleur, un criminel. Cependant
aucune preuve n'avait encore été faite.
D'un coup de plume, les journalistes effacent le passé honorable du prisonnier et l'on se
rue sur le malheureux avec une fureur qui tiendrait de la folie si elle n'avait été
inspirée par la pire affreuse canaillerie.
Le Post de Montréal a été même cité comme criminel du haut de la chaire, et il
a fallu de M. l'abbé Giband pour flétrir cet odieux mensonge.
Il n'y a pas de preuve directe, dit-il, car le dénonciateur n'a pas voulu témoigner. Il
n'y a pas de preuve de présomption. Personne n'est venu jurer qu'il avait vu Fahey en
possession de l'argent du Grand Tronc. Une preuve de circonstances des plus boîteuses
reste, et encore quelle preuve!
M. St-Jean se rattache ici aux circonstances du vol du Grand-Tronc et fait voir les
contradictions du témoin Neilson l'opérateur du télégraphe qui a fait preuve d'une
mémoire si mirobolante lors de son examen en chef.
M. St Jean rapporte ensuite le fait que la couronne a refusé de laisser faire la preuve
relativement à Morrow, qui, lui était de garde la nuit du dimanche et qui a été destitué
pour avoir dormi.
M. St Jean fait aussi voir le motif de Fahey allant à la gare ce dimanche là. Il raconte
l'histoire de la lettre remise au témoin Alexe.
L'orateur explique aussi la présence de Fahey chez Philips. C'est lui qui avait la garde
de la maison et c'est lui qui avait le soin de la visiter pour voir si tout était en
ordre.
Quant aux lettres, ça n'est pas une preuve, puisque les experts eux-mêmes errent sur le
sujet.
Le discours de M. St Jean parut produire beaucoup d'effet sur le jury.
Il a fait preuve d'un beau talent oratoire et a parlé de la cause en homme qui la
connaissait à fond et qui l'avait étudié avec soin et diligence.
Séance de l'après-midi
La cour s'est ouverte à trois heures cette après-midi.
M. D. Barry a été très heureux dans son discoours aux jurés.
M. Globensky et M. St-Pierre parleront ensuite.
- samedi 24 mars 1888, page 3
L'affaire Fahey
LE PLAIDOYER DE M. SAINT-PIERRE
Hier, après le discours de M. Barry, M. St Pierre s'adressa aux jurés:
Mon premier devoir, dit-il, est d'adresser un hommage à mon jeune confrère qui a porté la
parole en français, ce matin; je dois aussi des éloges à M. Barry. On a donné à entendre
que je viendrais ici avec un discours préparé, décidé à défendre un criminel envers et
contre tous. Rarement, depuis que je plaide devant cette cour, je me suis chargé d'une
cause qui m'a autant affecté. Je connais le prisonnier depuis longtemps, je l'ai employé
souvent; et comme le juge Davidson, je n'ai que des éloges à faire au prisonnier.
Messieurs, rappelez-vous que lorsque vous lisiez les rapports trop souvent fantaisistes
des journaux, les injures qu'on adressait aux prisonniers, trois femmes pleuraient avec
leurs enfants sur le sort de leurs maris injustement accusés.
La cause n'est pas à craindre, le prisonnier était un détective qui cherchait à prendre
un voleur; il a eu affaire à plus fort que lui, il a été malheureux et voilà comment il
a été accusé. Depuis le commencement du procès, l'opinion publique est bien changée.
Sur quoi repose l'accusation: Quel est le dénonciateur? Un Américain trop lâche pour
venir rendre témoignage. On m'avait conseillé de ne pas faire paraître Bureau dans la
boîte. J'ai fait paraître Bureau. J'ai voulu que vous connaissiez parfaitement la cause.
Vous connaissez Fahey; il était le chef d'une agence de police secrète.
Naegelé faisait partie de la police, mais son travail était à peu près semblable à celui
de Fahey. Wilson se donnait comme détective. Quand Naegelé l'a rencontré pour la première
fois, au mois de septembre, Wilson lui a dit qu'il cherchait un voleur, Wilson se faisait
passer pour chef de la police secrète de Portland; il est donc naturel que le prétendu
chef de police de Portland et un des chefs de police de Montréal eussent des relations
assez intimes.
J'arrive au 30 octobre; à cette époque là on ne voit pas Wilson. La défense a dit que le
vol du Grand-Tronc a été commis dans le cours de l'après-midi du dimanche. La chose est
impossible. Il n'est pas naturel que des voleurs aient ouvert la voûte en plein jour, en
face de tous les employés.
Le vol n'a pas été commis le jour; c'est la nuit suivante qu'il a dû être commis. Comment
les voleurs auraient-ils pu sortir de la voûte, le jour, avec trente sacs remplis
d'argent? La chose est absurde. Parce que M. Wilson a dit quelque chose, évidemment dans
un but de spéculation, il faut croire ses paroles! c'est l'opinion de la poursuite.
Est-ce juste? Non. M. Neilson un employé du Grand-Tronc a vu Naegelé à sa fenêtre, et il
a dit: Ce doit être Naegelé qui était complice.
Naegelé est allé à l'hôtel Richelieu puis en sed promenant, il passe au dépôt où il
rencontre M. Cauchon; c'est à deux heures de l'après-midi. Il faisait froid. Cauchon
amena Naegelé dans un char pour se chauffer. Naegelé se rendit ensuite chez le frère de
Fahey. Cette rencontre est toute naturelle.
Dans l'après-midi, Naegelé se plaignit qu'il était malade et sortit. Alors Fahey lui dit:
prends ce portrait, c'est le portrait d'un excellent voleur, et vois donc au dépôt.
Naegelé se rendit au dépôt et montrant le portrait à Bureau il lui dit: as-tu vu cette
personne? Fahey était resté chez son frère, attendant que sa soeur eut fini d'écrire sa
lettre. Fahey, qui, d'après la poursuite devait être aux aguets pour prêter main forte aux
voleurs, attendait paisiblement chez son frère pour porter une lettre que sa soeur
écrivait. Il a passé par le dépôt à peine une minute, pour jeter cette lettre à la
boîte.
Il est clair que le vol n'a pas été commis le jour, la chose est impossible. Des employés
du Grand-Tronc ont prétendu avoir vu Wilson dans le train qui a laissé la gare
Bonaventure à 7 heures et demie du soir. Il a été fait mention d'un nommé Conroy; n'est-ce
pas Conroy qui a volé pour le profit de Wilson? Wilson a pris beaucoup de précautions
pour faire voir qu'il s'était vraiment embarqué ce soir là. Il a peut-être descendu un
peu plus loin, soit à Hochelaga, ou ailleurs; c'est un alibi qu'il voulait se ménager.
Wilson a bien pu débarquer du train à une station voisine et venir commettre le vol
la nuit. Fahey, Naegelé et Bureau étaient-ils à la gare dans la nuit? Non. Qui donc était
à la gare? Il y avait Morrow qui est disparu du pays depuis le vol. Il est disparu après
l'enquête tenue par le Grand-Tronc; c'est un départ qui est très louche. J'ai dit qu'il
était possible que le vol eut été commis la nuit. Il n'y a pas l'ombre d'une preuve contre
les prisonniers, car ils n'ont pas été vus à la gare cette nuit là.
A cette partie du discours de M. St Pierre la cour s'ajourne à neuf heures ce matin.
- samedi 24 mars 1888, page 4
Les Plaidoyers
M. SAINT-PIERRE FAIT SON DISCOURS
IL PARLE AVEC ELOQUENCE
SA VERSION SUR L'AFFAIRE FARLEY
La fameuse affaire FCarley touche à sa fin. Aussi la foule était-elle avide de
pénétrer dans la Cour.
De fait, ce matin il y avait salle comble et s'est avec difficulté que la police a éloigné
les curieux.
M. St-Pierre a repris son discours forcément interrompu par l'ajournement d'hier soir.
"Fahey, dit l'avocat de la défense, avait dit à Naegelé, à un moment donné: "Je suis
convaincu que Wilson est un voleur." Les relations entre le détective canadien et le
détective américain ont alors changé du tout au tout. La défense ne pouvant nier que les
lettres adressées à Wilson ont été écrites par Fahey, s'en sert pour défendre les accusés,
en disant que Fahey voulait prendre Wilson en flagrant délit. Il y avait aussi un
complice, dit la défense, qui avait peut-être commis le vol seul, durant la nuit
puisqu'il n'a pas pu être commis le jour, et que Wilson était parti le dimanche soir.
Wilson, de son côté, pour éviter tout soupçon et pour mériter sans doute une grosse
récompense avait décider de dénoncer les détectives canadiens.
L'avocat appuie surtout, sur le fait que Fahey, s'il n'avait pas eu pour but de prendre
des voleurs américains ne se serait pas livré à eux, lui le détective entre tous. Le
savant avocat dit que, dans les lettres en question, il n'y a pas un mot du vol du
Grand tronc. On parle de vols en perspective, tout cela pour bien capter la confiance de
Wilson et de celui qui paraissait être son complice, puisse qu'on traitait de détectives
à détectives.
Le fait que Fahey à dit à Maxwell: "Vous avez laissé 8000 en arrière," n'est pas une
preuve qu'il avait pris part au vol. On avait fait une enquête au Grand Tronc et tout
le monde savait, les détectives surtout que les voleurs avaient du être surpris et
qu'ils avaient laissé beaucoup d'argent.
Fahey en profitait pour mieux jouter son rôle.
Si un des voleurs a dit qu'il avait eu peur de Bureau, c'est que le constable du Grand
Tronc faisait son devoir et qu'il n'a pas pris part au vol.
Le fait que Wilson a expliqué à Maxwell seul la présence d'une cinquième personne prouve
que Wilson a commis le vol sans que Fahey y ait participé en voleur.
L'avocat de la défense discute ensuite le témoignage de Maxwell, Il parle de la présence
de Maxwell au Théâtre Royal en plein jour en compagnie de femmes du demi-monde puis il
tâche de tirer partie des contradictions entre la déposition du témoin à l'enquête
préliminaire et son témoignage en cour, et le savant avocat cite le proverbe: "A beau
mentir qui vient de loin." QUant aux aveux de Bureau, l'avocat dit que ces mots de
Bureau: "Est-ce là un homme comme WIlson?" sont inexactement ce que Maxwell a rapporté en
cour, la seule fois qu'il ait dit la vérité. Les aveux ont été arrachés au prisonnier
par la boisson et les promesses. Cela est bon aux Etats-Unis, mais ça ne prend pas ici.
L'avocat de ka défense a fait une sortie vigoureuse contre les moyens employés par les
détectives et autres employés du Grand Tronc et secondés par les officiers en charge
des prisonniers.
Bureau, dit l'avocat, est un homme simple et confiant. Touché par les promesses de
Flynn et de Maxwell, se voyant libéré sans procès, Bureau a avoué qu'il avait pris part
au vol. Il se disait: "C'est la liberté immédiate et quand je serai libéré, je témoignerai
en faveur des autres, je dirai la vérité." Mais mis en présence des deux honnêtes hommes
arrêtés comme lui, il a des regrets et il a dit: "C'est assez! Je retire les aveux que
j'ai faits par faiblesse, ce n'est pas la vérité."
M. St Pierre parle ici du danger de ces aveux à la suite de promesses et il cite le cas
d'une jeune fille qui sous l'influence de promesses avait incriminé un de ses oncles.
Cependant il fut prouvé que l'oncle était innocent et que la jeune fille avait été
effrayée par des menaces.
"Nous ne sommes pas en France, Dieu merci! ajoute l'avocat. En France, l'accusé est censé
être coupable et le juge commence par l'interroger sur tous les antécédents. Ici,
jusqu'à la barre, le prisonnier est citoyen et peut garder la tête haute.
Autre chose, on a voulu une contradiction de Bureau. "Oui, dit Bureau, j'ai dis un peu
différemment à l'enquête mais j'étais ivre."
Les aveux de Bureau ne prouvent rien contre le prisonnier. Voilà toute la preuve de la
Couronne.
L'avocat déroule ensuite la preuve de la défense. M. Dugas, dit-il, avait fait un
règlement obligeant les détectives privés à faire rapport de toutes leurs causes. Ce
règlement est fort sage, mais aucun détective privé n'est obligé de s'y soumettre. M.
Fahey s'y était soumis et s'il n'a pas fait rapport dans l'affaire du Grand-Tronc, c'et
qu'il y a des cas où les détectives sont forcés de garder le silence pour ne pas
compromettre leurs causes et souvent pour empêcher les détectives de police de s'en
emparer.
L'avocat a fortement appuyé sur la demande de Fahey à M. MacMahon d'un mandat pour arrêter
un voleur étranger. Ça été la première pendée de Fahey. Il s'est ravisé et a décidé
d'attendre à la semaine suivante. Il parle de l'affaire à Naegelé qui venait de donner
sa démission. On sait le reste. Les détectives américains ont joué leur mauvais truc
avant que Fahey et Naegelé fussent prêts à les arrêter. M. St-Pierre continue en déclarant
qu'il est resté du nombre de ceux qui connaissant le passé glorieux de l'accusé, ne
l'ont pas soupçonné un instant, puis il résume en attaquant de nouveau les témoins Wilson
et Maxwell qu'il présentent tels qu'ils sont.
Personne n'a vu l'accusé commettre le vol, on n'a pas retracé un seul des billets volés,
pas une pièce d'argent. La présence des prisonniers à la gare dit l'avocat, est une
preuve de circonstance et quand les circonstances s'enchaînent pour accuser le prisonnier,
on peut prononcer un verdict, mais on ne condamne pas un homme quand la preuve de
circonstance est aussi forte du côté de la défense que du côté de la poursuite.
M. St-Pierre termine par une péroraison émouvante qui fait pleurer à chaudes larmes,
Fahey et deux des jurés.
La cour est ajournée pour un quart d'heure et M. St-Pierre reprend son discours en
anglais.
- lundi 26 mars 1888, page 3
L'affaire Fahey
LES PLAIDOYERS DE LA COURONNE
A trois heures, samedi, la foule a, de nouveau envahi la cour, et se presse aux portes.
M. Greenshields parle en anglais, au nom de la couronne. Après quelques observations
préliminaires au sujet des exagérations commises par les avocats de la défense, il fait
ressortir l'importance de cette cause et la nécessité de l'étudier froidement à la
lumière de la raison. La défense a prétendu que la couronne n'avait pas de cause contre
l'accusé: cependant elle vient d'employer onze heures à tâcher de détruire la preuve
très forte que nous avons faite.
Le vol du Grand Tronc a été prouvé. Nous admettons que Wilson y a pris part comme
l'accusé. Pourquoi a-t-il dénoncé ses complices, nous n'avons pas à y voir. Le témoignage
de Wilson n'était, d'ailleurs, d'aucune importance en cette cause. Sans lui, la
couronne a fait la plus forte preuve possible.
On a choisi pour la perpétration du crime le temps le plus favorable, le dimanche
après-midi. Il n'y avait qu'un train vers cinq heures. Bureau était de garde et les
seuls employés qui pouvaient gêner les opérations des voleurs étaient Neilson, Croft et
Creighton. Faire entrer Wilson dans la voûte était l'affaire d'un instant. L'en faire
ressortir de même, quelques heures plus tard, sans éveiller de soupçon était chose
aussi facile. Fahey et Naegelé ont passé ce dimanche après-midi à la gare Bonaventure
ou à proximité chez le restaurateur Jimmy Fahey, frère de l'accusé. Wilson qui devait,
ce jour-là, dîner chez M. Harvey ne s'y rend pas, sous prétexte d'affaires. Vers le soir,
après le vol, on retrouve le prisonnier, dans la maison vacante de la rue Drolet, en
compagnie de Wilson, que la défense a peint sous des couleurs si noires. Wilson part le
soir même et traverse les lignes: c'est prouvé, hors de tout doute.
Les circonstances qui ressortent de la preuve constituent la preuve de présomption la
plus forte qui se puisse faire.
Cette preuve dont l'enchaînement est parfait, emprunte une double force à la conduite
louche, aux tergiversations, aux contradictions de l'accusé. Les lettres compromettantes
adressées à Wilson, il commence par nier les avoir écrites. Après mille objections à la
preuve, quand la Couronne a réussi, malgré toutes les difficultés qu'on lui suscite, à
prouver irrévocablement que c'est son écriture, il l'admet et change de tactique: "J'étais
détective, dit-il, et je voulais attirer ici des criminels des Etats-Unis pour les faire
voler et les arrêter ensuite." Est-ce vraisemblable? Quel intérêt avait le prisonnier à
agir ainsi? Etait-il chargé d'une telle mission par quelqu'un, devait-il en rtirer des
bénéfices pécuniaires? Il ne s'est pas mis en peine de le prouver. Quel zèle désintéressé!
Importer ici des criminels étrangers pour les faire condamner et envoyer dans nos prisons
à nos frais! D'ailleurs dans sa lettre à Wilson, Fahey lui demande d'amener quelqu'un
sans mentionner personne. La maison vacante dont il est mention dans cette lettre était
bien l'endroit le plus favorable pour comploter.
Les témoignages de Flynn et de Maxwell sont clairs, précis, soutenus, irréfutables. On a
attaque la crédibilité de Maxwell comme celle de tous les témoins de la Couronne, mais on
n'a pas même cherché à rien prouver contre son caractère que l'on sait être à l'abri de
tout soupçon.
On a attaqué, sans plus de discrétion ni de raison, le caractère de M. le juge Dugas,
dont chacun se plaît à reconnaître la probité et l'indépendance distinctive.
Pourquoi le soir de son arrestation et le lendemain, en présence du magistrat, devant
Maxwell et Wilson, le prisonnier n'a-t-il pas dit, comme aujourd'hui: "Je voudrais arrêter
ces gens-là: eux sont des voleurs." Il n'y a pas songé. Il se contenta de dire: "Je ne
connais pas ces hommes: nous sommes victimes d'une conspiration."
Ce grossier moyen de défense, Fahey ne l'adopte que lorsqu'il voit ses lettres produites
et prouvées et la preuve du vol et de ses rapports avec Wilson convainquants.
En terminant M. Greenshields prie les jurés de considérer froidement la cuase et de rendre
un verdict qui fasse honneur à l'antique institution du jury.
M. Geoffrion, C.R., prend ensuite la parole en français. Il proteste contre les
accusations portées par la défense contre les témoins et les avocats de la couronne, et
même contre le président de la cour. Quand à la presse, elle saura se défendre, dit-il.
Comme M. Greenshields. il expose que la preuve de circonstance contre le prisonnier est
parfaite. Pas un chaînon ne manque. Il y a de plus les aveux à Maxwell et la conduite de
l'accusé après l'arrestation.
La preuve de circonstance seule est assez forte pour exclure tout doute sur la culpabilité
de Fahey, sa complicité dans le vol du Grand-Tronc.
M. Geoffrion étudie avec une clarté parfaite les circonstances du vol. Wilson fait des
aveux au Grand-Tronc qui charge Flynn et Maxwell de découvrir la vérité.
Les aveux de Fahey à Maxwell, à l'hôtel Richelieu, sont écrasants. Ecrasante aussi la
contradiction entre sa défense lors de son arrestation comme durant tout ce procès et
celle qu.il adopte en face de la terrible preuve de la couronne. Il est trop tard
aujourd'hui pour prétendre que le prisonnier a agi comme détective: cette prétention, au
début, eût établi une forte présomption en faveur du prisonnier.
A cette phase de la cause,
elle lui porte un coup fatal.
Il est six heures quand le savant avocat termine sa plaidoierie.
Le juge Baby dit qu'il espérait pouvoir terminer la cause le jour même; mais que vu
l'heure avancée, il doit ajourner la cause à lundi.
Un ennui profond se peint sur la figure des douze hommes, qui s'attendaient appararemment
à retourner, samedi soir, dans leurs pénates.
Le cour est ajournée jusqu'à dix heures ce matin.
- lundi 26 mars 1888, page 4
COUPABLE!
L'adresse du Juge aux Jurés
UNE FOULE IMMENSE EN COUR
LE CHAINON DES CIRCONSTANCES
Une foule immense encombrait les abords du Palais de Justice, ce matin.
Jamais un aussi grand nombre de curieux a tenté de pénétrer dans l'enceinte
de la cour, depuis le commencement du procès. Plus l'heure du verdict approche, plus
l'intérêt augmente. L'on se livre à toutes sortes de conjectures et il n'y a pas deux
opinions semblables.
Silence, Messieurs!
La voix de l'huissier-audiencier, M. Filiatrault, se fait entendre, et le silence le plus
complet règne dans la cour. Le juge fait son entrée et après avoir jeté un coup d'oeil sur
ses notes, il s'adresse aux jurés et dit:
"Je regrette de ne pas avoir pu vous adresser la parole samedi soir mais, MM. le devoir
que j'ai a rendre vis-à-visla société est tellement grave que j'ai cru devoir ajourner
à ce matin, afin de mieux être en état d'expliquer la cause.
Un vol a été commis, non pas que ce vol fut un crime inconnu à Montréal, mais
parce que ce vol a été commis dans des circonstances tellement extraordinaires qu'il a
jeté dans la stupeur la ville tout entière. Car, MM. n'oubliez pas que l'accusé était
un homme chargé de veiller à la propriété.
Loin de veiller à la propriété, il paraîtrait que le prisonnier a volé, de propos
délibéré.
Je dois dire que votre qualité de juré doit vous enlever de l'esprit tout préjugé.
Pour ma part, MM. je vous dirai que sachant que je présiderais à ce tribunal je n'ai pas
voulu lire une seule ligne parue dans les journaux, relativement à cette cause, afin de
ne pas me préjuger et de me guider d'après la preuve qui serait faite.
Les faits.
Examinons froidement la cause.
1. Un vol a-t-il été commis? MM. Oui.
Quand? Le 30 octobre dernier, et par qui? c'est ce que nous allons examiner. Les auteurs
nous disent qu'il y a des preuves directes, des preuves de circonstances et des preuves
par suite d'aveux. Ici MM. c'est une preuve de circonstance qui existe, et les auteurs
disent qu'une preuve de circonstance, formant une chaîne complète est plus forte qu'une
preuve directe. On admet de part et d'autre que le vol a été commis. La Couronne dit que
c'est le dimanche 30 octobre et la défense dit de son côté que c'est durant la nuit, du
30 au 31. Morrow est-il coupable?
Les clefs de la voûte, dit la défense, était entre les mains de Morrow et c'est lui qui
a commis le vol. C'est incorrect MM., Morrow n'a pas eu la clef. Ça n'a pas été prouvé.
Du samedi soir au dimanche matin, la voûte a été en ordre. Ce n'est que le lundi matin
que l'on s'est aperçu du vol.
A la gare.
Bureau, Fahey, Naegelé étaient présents le dimanche à la gare. Bureau était sur le quart,
Fahey à un moment donné portait une lettre à la gare, Naegelé se rendait de son côté à
la gare pour montrer une photographie.
La poursuite prouve par trois témoins, Neilson, Alexe et Caron que Bureau était ce
jour là dans un état de surrexcitation, Naegelé de son côté, a été trois fois à la gare
durant cette journée là.
De fait, il y a passé presque toute la journée. L'histoire de la photographie de
Naegelé n'est pas vraisemblable. De plus, Naegelé va se placer devant le guichet de
l'opérateur, pour cacher à ce dernier la vue de la voûte. Fahey arrive lui à 4 heures
pour aller porter une lettre, qu'il remît à Alexe, pour être remise à un portier, Neilson
sort de son bureau pendant que Naegelé était là. Il venait de voir Wilson, un individu à
mine suspecte. Il voit Wilson parler à Bureau et parler à Naegelé. Ce soir là où
retrouve-t-on le prisonnier? Chez Philips et avec qui? Avec Wilson. Le voisin M. Harvey
les vit, entre 5 et 6 heures. Tous deux, dit M. Harvey paraissaient excités. A vous
de juger de cette excitation. A vous de juger de cette rencontre!?
Wilson est parti ce jour là pour Boston, c'est encore prouvé clairement. Le Dr Slack,
Foster et l'agent ont vu Wilson. Autre circonstance. Pendant que Bureau, le matin, se
promenait dans la gare, il vit un jeune Creighton qu'il chercha à éloigner de la voûte.
Pourquoi cela, messieurs?
A vous messieurs de juger.
Pouvait-on ouvrir la voûte?
Mais on dit, MM., il était impossible d'ouvrir la voûte en plein jour. Non, du moment que
les officiers eux-mêmes éloignent les curieux, rien de plus facile que de faire pénétrer
un homme dans la voûte. Du moment que Bureau ouvrait la porte de la voûte, qui pouvait
le soupçonner, lui, un officier du Grand tronc?
Wilson
On dit encore, mais, Wilson est un voleur, tout le monde l'admet, et c'est le prisonnier
et ses complices qui voulaient l'arrêter.
Voyons cela, MM. Des rapports existaient entre Wilson et les prisonniers. Personne ne nie
cela. Leurs fréquentes rencontres sont prouvées. Ils 'écrivent. Les lettres ont été
produites, malgré les protestations de la défense. Wilson et Fahey sont donc en rapport.
Ces lettres le prouvent.
La défense dit: "Mais Fahey voulait amener Wilson dans le pas pour l'empoigner." Fahey
était-il autorisé par le Grand-Tronc à faire venir Wilson? Non, messieurs!
De plus, par des instructions données aux magistrats, les détectives privés sont obligés
de s'en rapporter à leurs décisions dans ces arrestations ou pour arriver au but désiré,
il faut simuler le vol. Fahey s'est-il soumis à ces instructions? Non. A-t-il averti
quelqu'un? Non. Il en a parlé à M. MacMahon, c'est vrai, masi a-t-il fait assermenter sa
plainte? Non! Il a parlé à Richard, mais d'une façon vague, très vague. Ensuite, pouquoi
requérir les services de Richard, dont le poste se trouve à une extrémité de la ville,
lorsque les vols et les arrestations devaient avoir lieu à l'autre.
Les prisonniers ont-ils dit lorsqu'ils se sont vu aux prises de la justice, qu'ils
voulaient arrêter Wilson et Maxwell? Non.
Les aveux de Fahey
La poursuite dit à Fahey: Vous êtes coupable d'après les circonstances.
La défense dit: Non, vous n'êtes pas coupable, ce n'est pas parlé avec bon sens que de
dire que nous, limiers, aurions été s'exposer ainsi à se faire arrêter et traîner devant
les tribunaux.
Voyons alors les aveux de Fahey lui-même. Si vous en croyez Maxwell, et il est probable,
Fahey a admis lui-même avoir pris part aux dépouilles.
On a lancé des insinuations contre Maxwell, mais a-t-on trouvé quelque chose contre lui?
Non. Alors son témoignage est là, au complet, intact. Eh bien! d'après ce témoignage,
c'est Fahey lui-même qui a admis sa culpabilité.
Les témoignages des complices
Bureau et Naegelé ont été entendus au cours du procès. Ces témoignages ne valent pas
grand chose d'après les auteurs.
Les témoignages d'un complice doit peser bien peu devant vous.
Bureau a avoué avoir fait des aveux, mais il a dit qu'il était ivre. M. le magistrat Dugas
est venu ici et nous a rapporté dans quelles circonstances Bureau avait fait ses aveux.
Afin d'être impartial, je vais relire cette partie si importante du témognage rendu par le
juge Dugas.
"Bureau entra dans ma chambre et je lui dit. Qu'avez-vous à me dire? Il répondit: C'est
bien vrai, votre Honneur, je suis coupable, et il tenta de jeter la responsabilité sur
une personne dont il mentionne le nom en disant que lui, Bureau, était possesseur de la
clef des voûtes du Grand-Tronc, cette autre personne l'avait prié à différentes reprises
de lui passer la clef en question, afin de lui permettre le vol exécuté au Grand-Tronc,
que cette même presonne l'avait fait boire à différentes reprises et lui avait représenté
qu'il n'avait pas à craindre d'être découvert parce que dans une autre circonstance elle
s'était procurer la clef d'un coffre-fort appartenant à la cité, et y avait volé l'argent
sans être découverte.
Bureau ajouta qu'à la fin il s'est laissé convaincre et qu'il livra la clef en question à
une autre personne, une seconde personne. Cette seconde personne lui remit la clef en
question quelque temps après; le vol ayant été commis au Grand Tronc, cette seconde
personne lui apparta un jour un petit paquet qu'elle mit dans sa main en disant: Prends
cela et ne dis rien.
Ce petit paquet contenait $25, et Bureau ajouta qu'il crut que cette somme était sa part
ou sa récompense. Bureau n'a pas été très clair en employant ces dernières expressions.
Ceci se passait en présence de M. Bissonnette le grand connétable.
J'ordonnai alors de faire venir la seconde personne en question.
M. Geoffrion demande au témoin si Bureau a fait de nouvelles déclarations, en présence de
cette seconde personne.
Objection par la défense, maintenue.
M. Geoffrion pose une autre question.
Q. - Une autre personne ayant été admise, Bureau a-t-il persisté dans ses révélations?
Transquestionné - Je ne sais pas au juste qui est venu m'avertir que Bureau voulait me
voir. C'est Flynn, je crois.
Bureau a retiré ses aveux en présence du prisonnier à la barre. Je crois que Bureau a bu
de l'eau dans ma chambre.
Je ne savais pas que Bureau avait pris de la boisson; cependant je me rappelle un fait;
Fahey ou Naegelé ont dit qu'on les avait fait boire durant la nuit. Naegelé a ajouté:
"Il est facile de se procurer de la boisson, voici un flacon." Ce flacon était au trois
quarts de cognac, c'est alors que Bureau a parlé de boisson et je crois qu'il a dit qu'on
lui avait donné de la boisson. Je ne me rappelle pas qu'il se soit plaint que le député
connétable Champagne l'avait fait boire.
D'après ce témoignage, Messieurs, Bureau était-il ivre? Non, messieurs, il n'était pas
ivre. C'est impossible. Du reste, ce n'est pas trois verres de boisson, pris dans une
nuit, qui enivrent un homme.
L'on a prétendu que le juge Dugas n'avait pas fait son devoir. Qu'il me suffise de dire
que le savant juge Dugas est au-dessus des attaques qu'on lui a lancées.
Le juge Dugas a entendu les aveux de Bureau sur la demande de ce dernier, et il n'a fait
que son devoir.
Les lettres
Maintenant, remarquez une chose. La défense s'est objecté à la production des lettres
au cours du procès. Après avoir renvoyé les objections de la défense, les avocats du
prisonnier ont prétendu dire que la production de ces lettres formait un chaînon de leur
défense. Est-ce logique? Non, certainement non.
Les savants avocats de la défense ont fait connaître le caractère et la réputation dont
le prisonnier jouissait antérieurement au vol. J'admets avec eux que Fahey jouissait
d'une bonne réputation, mais messieurs on en a vu bien d'autres faillir à leur devoir à
l'âge de Fahey, après avoir toujours vécu honorablement. L'on tombe à tout âge. En
Angleterre, en Ecosse, on a vu des hommes du plus haut rang, formant même partie de la
noblesse, cheoir et être envoyé au bagne.
A vous de juger froidement, impartialement la preuve. A vous de dire, si après les
témoignages entendus, et après ce que vous connaissez des circonstances du vol, Fahey est
coupable ou non coupable! Je n'ai aucun doute que vous ferez votre devoir.
La séance est suspendue pendant un quart d'heure et le juge parle ensuite en anglais.
Les jurés se retirent et l'on attend le verdict.
COUPABLE!
Cette après-midi à trois heures moins vingt minutes, le jury a rapporté un verdict de
coupable!
Le verdict a été unanime.
Le prisonnier n'a pas paru affecté. Il est probable que devant la preuve écrasante faite
par la couronne le prisonnier a déjà du faire son sacrifice depuis longtemps.
Le public respire à l'aide et tout le monde est d'avis que c'est le seul verdict qui
pouvait être rendu selon les circonstances.
- mardi 27 mars 1888, page 3
COUPABLE!
Voici quelques autres détails au sujet de la séance de l'après-midi, hier. Les corridors
étaient encombrés et les constables avaient de grande difficultés à contenir la foule.
L'hon. juge Baby monta sur le banc à trois heures moins cinq cinq minutes. La scène
était imposante. Une foule immense était entassée dans la salle des assises criminelles.
En montant sur le banc, l'honorable juge Baby dit au millieu d'un grand silence. "Je suis
bien décidé à ne permettre de faire aucune manifestation dans la cour, que le prisonnier
soit trouvé coupable ou non coupable.
Ordre a été donné aux constables d'arrêter et d'ammener devant moi toute personne prise
à faire du bruit."
M. Sicotte - "Fahey à la barre!"
Un murmure parcourt l'auditoire, un mouvement se fait dans la masse des spectateurs, et
John Fahey, la figure pâle ete anxieuse, apparaît en face du tribunal.
Après l'appel des noms, M. Sicotte dit: "Messieurs du petit jury, êtes-vous d'accord
sur votre verdict, trouvez-vous le prisonnier coupable ou non coupable?"
"GUILTY!" "COUPABLE!"
répondit d'une voix forte les douze jurés, chacun dans leur langue.
Fahey demeura impassible.
Il s'écoula presqu'une minute avant que le moindre mouvement ne se produisit dans
l'auditoire. Fahey était immobile comme une statue!
M. Saint-Pierre fit immédiatement motion pour réserver les points de droits et pour
arrêt de jugement.
La Couronne consentit à ne pas faire de motion pour la sentence.
Il y aura un terme spécial de la cour criminelle en mai pour le procès de Naegelé et
Bureau
- mardi 27 mars 1888, page 4
L'AFFAIRE FAHEY
Tout le monde cause de l'affaire Fahey. En général, le verdict n'a surpris
personne, et malgré une défense très habile, l'opinion publique ne pouvait croire que
le prisonnier serait libéré.
...
Fahey espère encore qu'il sera sauvé pour de prétendues illégalités faites dans le cours
de la preuve.
Motion sera présentée par M. H. C. Saint-Pierre pour arrest of judgment et il est
probable que l'on prendra ensuite un bref d'erreur. M. St Jean a déclaré que la défense
était décidée d'aller jusqu'en Angleterre, au Conseil Privé, si la chose était
nécessaire.
- mercredi 28 mars 1888, page 4
COUR DU BANC DE LA REINE
Assises criminelles
... Fahey sera amené à la cour criminelle demain matin. M. St Pierre doit soulever
certaines objections et motiver des raisons pour faire casser le verdict...
- mercredi 28 mars 1888, page 4
COMMUNICATION
Le procès de Fahey
M. le Rédacteur,
Je regrette qu'on ait donné dans la presse une couleur fausse et une interprétation
malveillante, pour ne rien dire de plus à cette partie de mon discours dans laquelle
j'ai commenté les circonstances des aveux du prisonnier Bureau devant M. le juge Dugas.
On a même été jusqu'à me mettre dans la bouche les paroles suivantes:
"Quand il se fait une saleté à la Cour de "Police, on trouve toujours le juge Dugas mêlé
à cette affaire."
Jamais pareilles expressions ne sont tombées de mes lèvres. Voici ce que j'ai dit: j'ai
affirmé que deux fois à ma connaissance des difficultés étaient survenues à propos
d'aveux reçus devant la Cour de Police et que dans chacune de ces occasions les aveux
avaient été reçus par M. le juge Dugas. La première fois c'était lors de la fille
Cousineau et la seconde fois, c'était lors des aveux de Bureau.
Comme mon discours a été reproduit par des sténographes, je puis affirmer avec assurance.
J'ai de plus expliqué ce que je croyais être la règle qu'un juge anglais doit suivre
sous l'empire du droit qui nous régit et j'ai tiré les conclusions que la preuve,
suivant moi, me justifiait de tirer en faveur de mon malheureux client.
Ai-je tort? Un avocat qui veut remplir son devoir pouvait-il faire autrement?
Monsieur le Rédacteur, puisqu'on voulait intéresser le public en racontant cet incident,
il me semble qu'on aurait du le rapporter tout entier. Pourquoi passer sous silence ou
redire de façon incolore les éloges que j'ai décerbés au savant juge? N'ais-je pas parlé
en termes convaincus de sa droiture, de son intégrité, de son savoir? Tout en
désapprouvant sa manière de voir et d'agir dans la cause des détectives, ai-je fait autre
chose que le blâmer d'avoir trop aisément négligé certaines précautions par lesquelles il
aurait pu s'assurer d'une manière plus satisfaisante de l'état d'esprit dans lequel
Bureau se trouvait alors? La loi criminelle anglaise exige tant de prudence et de
circonspection avant d'admettre les confessions d'un accusé!
Je regretterais infiniment d'avoir blessé le savant juge dont j'ai été le plus sincère
ami et le plus grand admirateur depuis une époque, maintenant hélas! bien loin de nous.
Monsieur Dugas a dit qu'il était au dessus des attaques personnelles et il a eu raison,
mais encore une fois qu'il veuille bien croire qu'il n'y a pas eu d'attaque personnelle
de ma part dans la cause de Fahey. J'étais avocat de la défense. Je trouve dans mon
chemin le principal témoin de la poursuite. Il était de mon devoir absolu de combattre le
récit de ce témoin et je l'ai fait; je l'ai fait avec chaleur peut-être. Il n'est pas
toujours facile pour un avocat de maîtriser son émotion lorsqu'il porte sur ses épaules
une responsabilité aussi effrayante que celle qui m'était imposée, mais je l'ai fait d'une
manière légitime; et dût ce devoir accompli me coûter la perte de l'amitié d'un homme
pour qui j'ai la plus grand estime, je me consolerai de cette perte en songeant qu'il me
reste encore le plus précieux de tous les biens: la conscience d'avoir fait mon devoir
et d'avoir marché droit devant moi.
Mais non, je compte sur un résultat plus favorable. M. le juge Dugas a été lui-même avocat
trop dévoué et trop sincère pour faire un crime à un de ses anciens confrères d'avoir été
fidèle à son mandat, même au risque de froisser un ami.
Veuillez me croire
Monsieur le Rédacteur
Votre serviteur dévoué,
H. C. SAINT-PIERRE.
Montréal, 28 mars, 1888.
- jeudi 29 mars 1888, page 4
QUATORZE ANS DE PENITENCIER!
LA SENTENCE CONTRE FAHEY
Les motions de la défense renvoyées
IMPRESSION GENERALE
Une foule énorme se pressait ce matin dans l'enceinte de la Cour du Banc de la Reine.
Il était facile de voir que l'anxiété se dessinait sur toutes les figures, et que l'on
attendait avec impatience la sentence de Fahey. Les avocats de la Couronne étaient à
leurs sièges ainsi que MM. Geoffrion, St-Pierre, St-Jean et Barry.
La sentence de Fahey fut réservée pour la fin et l'on commença à appeler les
prisonniers les uns après les autres...
FAHEY A LA BARRE!
Tous les regards se tournèrent du côté de la boîte des criminels. John Fahey s'appuie
nonchalammant sur la rampe et regarde ses avocats. M. St-Pierr se lève et dit: "je fais
motion pour que cette cause soit éservée. Je fais aisso une autre motion, pour qu'un
nouveau procès ait lieu. Je sais que dans les cas de félonie il est rare que des motions
pour un nouveau procès soient présentées, mais il y a des précédents en ma faveur. Je
présente donc deux motions distinctes. Mon argumentation est celle-ci. Aurait-on du
permettre la lecture des deux lettres de Fahey au jury. Ces lettres n'avaient aucun
rapport au vol et ne contenaient que des projets; on ne pouvait ainsi, légalement,
souelver des préjugés dans la cause. La seule lecture de ces lettres étaient de nature à
incriminer le prisonnier. Les lettres pourraient être produites mais elles n'auraient pas
du être lues. Le contenu de ces lettres ne se rapportait à aucun crime passé mais à des
crimes futurs. De plus, aurait-on du admettre le témoignage du juge Dugas en
rebuttal? Certainement non, et c'est cette question là surtout que je désirerais
voir jugée devant tout le banc.
M. St-Pierre cite Philips, (On evidence, page 293) à l'appui de sa prétention.
"Le témoignage du juge Dugas, dit-il, a eu un poids énorme sur le jury, contre le
prisonnier. Je me suis objecté, dit le savant avocat, au témoignage du juge Dugas qui,
selon moi, ne pouvait être valide, en autant qu'il contredisait le témoignage de Bureau
sur la question de la boisson. Les aveux de Bureau n'auraient pas du être relatés au jury.
En thèse générale, les aveux ne peuvent servir à la preuve. Dans cette cause, ce sont les
aveux de Bureau qui ont servi à la preuve de la Couronne. Sans ces aveux, jamais le
prisonnier n'eût été condamné."
M. Greenshields s'objecte aux motions présentées par M. St-Pierre.
"Il serait inutile, dit-il de remettre encore cette cause, à cause des motions présentées
par mon savant ami. Les points qu'il soulève aujourd'hui ont été soulevés lors du procès.
Ils ont été discuéts au long et ils ont été jugés. A quoi bon y revenir.
Mon ami, ne peut-on évoquer la lecture des lettres comme étant une preuve illégale,
puisque la défense elle-même a admis que ces lettres formaient partie du chaînon de sa
preuve.
M. St-Pierre réplique, puis le juge Baby renvoie les deux motions.
M. Greenshields - "Je fais motion pour que la sentence foit maintenant prononcée."
M. Sicotte, greffier - "Prisonnier, vous avez été trouvé coupable de vol,
qu'avez-vous à dire maintenant pour que sentence soit prononcée contre vous?
Fahey - J'ai à dire que je ne suis pas coupable. Les accusations portées contre
moi sont fausses. Je suis parfaitement innocent. C'est tout ce que j'ai à dire.
Son Honneur le juge Baby
John Fahey, vous avez subi votre procès sur accusation de vol. Ce procès est maintenant
terminé et vous êtes trouvé coupable par les douze hommes choisis pour vous juger. Le
procès a été impartial. Vos avocats ont fait tout en leur pouvoir pour vous sauver et
vous n'avez rien à leur reprocher. Ils vous ont défendu avec habileté, avec science.
John Fahey! vous avez d'abord été dans la police de cette ville, puis ensuite vous êtes
devenu détective. Dans une ville comme Montréal, semblable agence n'était pas très utile.
Dans les grands centres où la population est très dense, où la population se chiffre
par millions, je crois que ces agences rendent des services, mais ici à Montréal, je
n'en vois pas l'utilité. Vous vous êtes engagé pas à pas dans la voie du mal. C'est votre
faute si vous êtes venu où vous êtes maintenant. Vous auriez dû songer à votre famille et
gardien de la propriété, personne ne se méfiait de vous. Vous étiez parfaitement libre
et vous avez pu impunément voler de droite et de gauche.
La Providence permet souvent que la coupable reste longtemps impuni, mais vient un moment
dans la vie, où la main de Dieu s'appesantit sur eux. Vous êtes dans ce cas. Vous
êtes jeune encore et vous pouvez redevenir un bon citoyen, un bon sujet. Vous avez le
temps de vous réformer, tachez d'en profiter afin de n'être plus un sujet de honte pour
votre Camille.
J'espère que Dieu vous pardonnera votre faute.
J'espère que la société vous pardonnera aussi. Du moment qu'un homme se repent, la société
doit lui pardonner.
J'ai une tâche difficile à remplir, mais je le répète c'est vous qui l'avez voulu.
Vous êtes condamné à être détenu dans le pénitencier de St. Vincent de Paul pour l'espace
de
DE QUATORZE ANS!
Un frisson parcourt l'auditoire et indistinctement les regards se portent du côté de
Fahey. Ce dernier pâlit, mais ne bronche pas d'une semelle. Les deux mains appuyés sur la
rampe, il regarda ses avocats qui, eux aussi, paraissaient être sous l'empire d'une
profonde émotion.
Cette sentence sévère n'a surpris personne. Du moment que Fahey était trouvé coupable,
il était évient que l'on ferait un terrible exemple. A part quelques amis personnels de
Fahey, le public en général est satisfait de la sentence. La société exigeait cela.
On croit que les avocats de Fahey prendront un bref d'erreur.