Mes racines / my roots

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Le procès du détective Louis Naegelé, pour

Le détective Louis Naegelé, accusé de vol

Dates du procès: 18 au 25 mai 1888
Verdict: culpabilité
Sentence: dix ans de pénitencier.



  1. jeudi 24 avril, page 4

    M. H. C. St Pierre et les autres retenus par Naegelé et Bureau sont à préparer une pétition à la cour pour changement de venue sous le prétexte qu'il est impossible de trouver douze jurés qui ne seraient pas préjugés contre les prisonniers.

    M. St Pierre est d'avis que le sentiment antipathique contre Naegelé et Bureau est beaucoup augmenté depuis la condamnation de Fahey. Et, il serait presqu'impossible de trouver douze hommes qui n'ont pas lu les détails de la cause sur les journaux et qui ne seraient pas préjugés.

    Il serait probablement complètement difficile d'en trouver dans n'importe quelle partie du pays.

  2. vendredi 18 mai 1888, page 4
    COUR CRIMINELLE
    Naégelé et Bureau

    Ce matin on vait placé plusieurs constables aux abords du Palais de Justice pour protéger l'arrivée des prisonniers, mais il n'y a pas eu foule. A neuf heures, Bureau, Naegelé et Thompson, un faussaire, sont arrivés, ils avaient des menottes. Rendu dans la boîte, Bureau semblait anxieux et paraissait vouloir convaincre Naegelé de quelque chose qu'il lui disait tout bas.

    A 10.15 le juge Baby est entré et le shérif Chaveau a déclaré le terme spécial de la Cour du Banc de la Reine ouvert. La Couronne était représentée par MM. Préfontaine, Geoffrion, Greenshields et McRae.

    Les bancs de la défense étaient occupés par MM. St-Pierre, Barry et Globensky.

    Le détective Flynn était en cour.

    On a procédé à faire l'appel des jurés.

    Quelques-uns d'entre eux ont essayer de se dispenser de servir pour des raisons diverses. Entre autres, l'un d'eux a donné pour raison qu'il était commis sur un bateau. Un autre qu'on avait appelé Henry William a dit qu'il s'appelait William henry. Quand on a appelé Chs. Alexander, son avocat, M. Weir a déclaré qu'il souffrait d'un abcès à l'oreille droite, mais le juge constatant qu'il semblait entendre fort bien n'a pas voulu le dispenser du service.

    un nommé Peter Myers, absent, a été condamné par défaut à $10 d'amende.

    Après l'appel du jury, M. Sicotte prononça à haute voix:

    Naegelé à la barre

    Tout le monde s'est tourné vers la barre. Naegelé semble engraissé depuis le procès Fahey. Il est soigneusement mis et suit les procédés avec un vif intérêt.

    M. St Pierre se leva et déclara à ses adversaires que s'il prenaient 12 jurés canadiens-français il n'en récuserait pas un seul. Cependant les avocats de la Couronne ont refusé.

    On commença alors à faire l'appel des jurés pour le procès Naegelé.

    Le premier, Joseph Pagé, est accepté. Le deuxième, John McCloud, employé du Grand Tronc, fut refusé, le troisième, G. C. S. Johnson dit qu'ayant lu les journaux il est fortement préjudicié contre le prisonnier.

    La cour le raye de la liste. Le quatrième appelé est Joseph Venables.

    A ce moment M. Husnins, avocat, déclare que Pagé est sourd et devrait être rayé.

    M. Barry remarque que ce juré n'est pas plus mal que la justice qui est aveugle.

    On procède à l'examen de Joseph Venables qui se déclare préjudicié contre le prisonnier. Après ses délibérations entre M. Pagé, le premier juré, et M. Hutchins, M. Sicotte keur demande leur verdict, alors M. Pagé se plaint de ne pas entendre assez clairement pour rendre un verdict intelligent. Néanmoins M. Venables est rayé.

    Firmin Vaillancourt se plaint aussi d'être sourd et est rayé.

    E. Nelson est ensuite appelé et accepté.

    Ernest Dubé vient ensuite et est assermenté.

    John Markham jure que son jugement est tout fait et que ce serait un jugement contre le prisonnier. Il est rayé.

    Georges Oakest est ensuite assermenté sans opposition.

    Onésime Martel est aussi assermenté sans opposition.

    John Robertson dit que son opinion n'est pas formée sur ce procès et est adopté.

    Zotique Leroux assermenté sans opposition.

    John Easton dit que son jugement est balancé du côté de la justice. Après un long plaidoyer par M. St Pierre et M. Geoffrion et une charge du juge, le juré anglais a déclaré n'y rien comprendre. Cependant ils ont déclaré plus tard qu'il pouvait servir comme juré, mais la défense l'a fait rayer comme un des douze qu'ils ont le droit de récuser.

    Ovila Pépin. La défens s'opposait à ce juré il est récusé.

    François Fortin dit qu'il est sourd et est rayé.

    Isaac Barkely s'est déjà formé une opinion qu'il ne croit pas pouvoir changer. Il est rayé.

    William Fleury est récusé par la défense.

    Adam Muller dit que rien ne fera changer l'opinion qu'il a contre le prisonnier. Il est alors rayé.

    Félix Belhumeur est récusé par la défense.

    Charles Hallis est récusé parce que son opinion est formée.

    Geo. Ashley, récusé pour la même cause.

    Olivier Gilson n'a pas formé d'opinion et est assermenté. Ceci est le huitième juré.

    James Woodhouse déclare qu'il a un fort préjudice contre le prisonnier et il est récusé.

    S. J. Auchmuty est récusé pour la même cause.

    Basile Robillard récusé pour la même cause.

    Enfin à une heure quarante le juré était complet. Il se compose comme suit:

    Joseph Pagé, Robert Nelson, Ernest Dubé, Georges Oakes, Onésime Martel, John Robertson, Zotique Leroux, Olivier Gibeau, Trefflé Cyr, Charles Corbeil, Nicholas Patenaude et Athanase Hébert.

    Mesdames Naegelé et Bureau

    A l'heure de l'ajournement, les femmes de Naegelé et Bureau qui avaient apporté un lunch pour leurs maris ont demandé à le voir. On leur a refusé et il s'ensuivit une scène bien triste. Les deux pauvres femmes étaient tout en larme.

    __________

    La session de l'après-midi s'est ouverte à deux heures et demie.

    M. Saint-Pierre proposa qu'on donne une chaise au prisonnier, ce qui fut accordé. Il demanda ensuite qu'on fasse l'appel des témoins et qu'ils soient requis de sortir de la cour. Ce qu'on fit.

    M. Greenshields présenta alors en anglais, la cause aux jurés en termes précis et éloquents. Au moment où nous allons sous presse, M. Geoffrion adresse la parole en français.

  3. samedi 19 mai 1888, page 5
    COUR CRIMINELLE
    Procès de Naegelé

    Lorsque les avocats de la poursuite ont fini de parler, on commence à interroger les témoins de la couronne.

    William Henry Ford, ingénieur civil dit qu'il connait le prisonnier de vue seulement.

    C'est lui qui a fait le plan de la gare Bonaventure, il reconnait le plan qu'on lui montre. La porte de la voute ouvre à l'ouet, le coffre-fort est en fer et entouré de briques. La grandeur de la voute à l'intérieur est de 4 pieds 6 pouces, par 3 x 8 pouces. Il y a 48 pieds et six pouces de la voute au bureau du télégraphe; la distance du No 1 de la rue Drolet au ravin est de 2,000 pieds. Il dit que deux hommes peuvent se tenir à l'aise dans la voute.

    Transquestionné, le témoin dit que l'épaisseur de la voute est de 9 pouces.

    ROBERT HARSLOW. - Le témoin est agent de station à Cornwall. Il était agent le 29 octobre dernier; il a déposé ce jour-là $279 et 39 cents dans la boîte du train; c'était le train qui part de Toronto le matin; l'argent qu'il y avait dans le sac appartenait au Grand Tronc. Il reconnaît le sac et la boîte qu'on lui montre.

    M. CHS. WINTERS est assermenté et dépose ce qui suit: Il est messager d'express, il était conducteur le 29 octobre sur le train venant de Toronto. Il y avait une boîte à argent sur le train. Il reconnait la boîte qu'on lui montre. Le témoin cite plusieurs stations où les agents des gares ont déposé de l'argent dans les boîtes.

    Ce train est arrivé à Montréal à 9 heures et 10 minutes du soir et un agent du Grand-Tronc a pris charge de la boîte. Sur le train personne n'avait touché à cette boîte.

    M. J. D. Kennedy, agent de fret à Brockville; le 29 octobre dernier il a déposé sur le char express No 1 du Grand Tronc, un sac d'argent; il reconnaît le sac qu'il a déposé; ce sac contenait $130.80; il est certain que l'argent était dans le sac quand ce sac a été déposé dans la boîte.

    Ernest Somersken, agent de fret, a déposé lui-aussi un sac d'argent dans la boîte du Grand-tronc; le 29 octobre le sac contenait $106.65. Il reconnait le sac de cuir coupé qu'on lui montre.

    Plusieurs autres agents de fret sur la ligne du Grand Tronc sont appelés et déclarent reconnaître les sacs qui renfermaient de l'argent quand ils les ont déposés dans la boîte du train.

    Ambroise Coulombe, agent à St-Jean; le 29 octobre, il a déposé un sac contenant $82.86 dans la boîte qui était sous la garde du préposé aux bagages pour le Grand Tronc.

    M. Arthur Hébert était le préposé aux bagages sur le train du Grand tronc le 29 octobre dernier. Ce jour-là, il a reçu de l'argent à diverses stations. En arrivant à la gare Bonaventure, il a laissé la boîte entre les mains d'un agent du Grand Tronc; il croit que c'est Morrow.

    M. Augers, sergent, est assermenté: Il appartenait à la station No 3, au coin de la rue Beaudry et de la rue Ontario. Le 8 novembre, dans l'après-midi, deux individus ont été lui dire qu'un M. Langevin avait trouvé des mitaines dans un ravin près de la rue St-Hubert. Le témoin est alors parti avec M. Langevin et s'est rendu à l'endroit indiqué, et il a trouvé non des mitaines mais des sacs en cuir; ces sacs étaient près d'une pierre eet étaient recouverts de vieille tôle et de fer blanc. Les sacs étaient au nombre de 29, et portaient des cadenas excepté un; ces sacs étaient coupés. Le témoin a porté ces sacs le même jour à la prison centrale. Il a indiqué à M. Ford, ingénieur civil, l'endroit où ont été trouvés les sacs. M. Ford a fait un plan et le témoin dit que ce plan est exact.

    Transquestionné, le témoin dit que là où étaient les sacs, il y avait une foule d'objets de rebus.

    Narcisse Pollandar, faisait partie de la police l'automne dernier; il a reçu les sacs du sergent Angers et est parti pour les porter au chef de police Paradis; en route, il a rencontré un autre constable qui s'est chargé des sacs.

    M. James Fellan, agent du Grand Tronc; il est chargé d'aller chercher les boîtes à l'argent à la station Bonaventure, il va chercher ces boîtes et les prend dans la voute; avant le vol, il n'allait pas chercher les boîtes le dimanche. Les boîtes arrivées le samedi soir restaient alors dans la voute jusqu'au lundi matin.

    Le témoin transportait les boîtes dans le bureau du trésorier de la compagnie.

    Le 31 octobre, il s'est rendu comme à l'ordinaire à la gare pour chercher les boîtes; le constable qui avait la clef de la voûte lui a ouvert cette voûte. En entrant dans la voûte, il s'est aperçu que deux boîtes avaient été brisées. Une troisième boîte avait le couvercle scié.

    Il a dit alors au constable de fermer la voûte et d'aller chercher l'agent. Il y avait cinq boîtes dans la voûte; les deux boîtes brisées étaient celles de Rouse's Point et celle de l'Ouest.

    M. Stone, l'agent de la station, est arrivé peu après et a dit au témoin de fermer la voûte; les boîtes ont été transportées au bureau de M. Jones et le témoin les a ouvertes; la boîte de Rouses' Point été vide et dans la boîte de l'Ouest il y avait encore un sac. La serrure de la voûte n'avait pas été brisée ni dérangée. Il y vait un peu de brin de scie sur le plancher au dedans de la voûte.

    Rien n'avait été enlevé dans la boîte dont le convercle avait été scié.

    La cour s'ajourne ensuite à 10 heures ce matin.

  4. lundi 21 mai 1888, page 4
    COUR CRIMINELLE
    Procès de Naegelé

    Séance du 19 mai.

    Le manque d'espace nous a empêché de publier dans notre numéro de samedi, les témoignages rendus dans la cause désormais célèbre des détectives. Ces témoignages sont d'ailleurs absolument semblables à ceux que les lecteurs de la Patrie ont pu lire en nos colonnes lors du procès Fahey. Les témoins entendus furnt: Aimé Langevin, le sergent Anger, le détective Cullen, le détective Boaz, Elliott, caissier du Grand-Tronc, Alex. Laing, préposé aux bagages du Grand Tronc, John Sheldon, conducteur, K J Brown, conducteur de pullman, H Sceley, serre-freins, Dr Slack, de Farnham, J Bariteau, ancien chef des bagages du Grand Tronc, Marcus Alex., John Stone, le sous-constable Paul Hill, Flavien Cauchon, Boudreau.

    Le seul témoignage nouveau fut celui du sous-constable Hill, qui fut rendu au cours de la séance de l'après-midi. Appelé à la boîte, ce témoin déclara:

    J'étais de service pendant la nuit du 30 octobre dernier. J'arrivai à mon poste à 8 heures et demeurai à la station jusqu'au lendemain à 7 heures. Le gardien Moreau était de service la même nuit. Je n'ai pas eu la clef de la voûte et ne puis dire qui l'a eue. Vers 2 30 hrs p. p., Moreau me quitta pour faire une visite des wagons en gare et il revint vers 4 heures. Moreau n'entra pas dans la voûte pendant que j'y étais.

    Réexaminé - C'est la première fois que je comparais dans cette cause. Je n'ai entendu aucun coup de pistolet dans la nuit du 30 octobre. Je n'ai rien vu d'extraordinaire à la gare cettenuit-là. Je n'ai pas su que des vols avaient été commis avant d'avoir été congédié. Moreau et moi nous nous sommes promenés ensemble jusqu'à 7 heures, moment où il partit pour faire la visite des wagons.

    Après une légère discussion entre M. St-Pierre pour la défense et M. Geoffrion, avocat de la Couronne, la cour s'est ajournée à lundi.

    Séance de lundi.

    C'est aujourd'hui le 3me jour du procès de Naegelé. Ce dernier a déclaré ce matin à un reporterm avant l'ouverture de la séance, qu'il était fort content de la manière dont sa cause était menée. "J'ai bonne confiance," a-t-il ajouté, "dans le résultat du procès. Je crois avoir bien plus de chance que Fahey d'échapper à une condamnation. La preuve contre moi est moins forte et le sentiment public moins surexcité que lors du premier procès."

    A dix heures, le juge prend son siège et la séance est ouverte.

    La séance est ouverte à dix heures.

    Son honneur le juge réserve sa décision au sujete de l'objection faire par M. St Pierre, à la déposition de Goudreau, le serrurier qui vendit à Wilson une clef de même grandeur que celle qui fermait la clef de la voute du Grand-Tronc. Goudreau est appelé à la boîte. Il ne pourrait identifier l'homme à qui il a vendu la clef. La photographie de Wilson qui lui est présentée ne lui rappelle rien, cependant il se rappelle que les traits de son acheteur étaient presque semblables à ceux de la photographie qu'on lui présente. Un nouvel interrogatoire ne revèle rien de nouveau.

    John Neilson, opérateur de télégraphe est appelé à la barre. Il déclare qu'il n'a entendu parler du vol que le lundi 31 octobre. De dimanche il est resté à la station jusqu'à 2.30 p. m. Il a vu Naegelé et Bureau à la gare ce jour-là; Wilson s'y trouvait aussi, mais il n'a pas vu Fahey. Dans l'après-midi, le prisonnier s'est tenu à sa fenêtre et lui a parlé, cette fenêtre est la seule donnant sur la plateforme. Naegelé s'est appuyé sur le rebord de la fenêtre où l'on écrit généralement les dépêches et tournait le dos à la voûte.

    Le reste de la déposition est presqu'identique à celle que nous avons publié lors du procès Fahey.

    Vers la fin de l'interrogatoire cependant, M. Greenshields demanda: " - Comment avez-vous donnu ce Wilson?"

    Le témoin: " - Environ deux mois après le vol, MM. Flynn, Wilson et Stone sont venus à mon bureau. M. Flynn envoyait une dépêche. C'est alors que j'ai connu Wilson de vue, mais sans connaître son nom."

    A ce moment, M. St Pierre se lève et dit: " - Cette partie de la déposition n'a pas été mentionnée lors de votre interrogatoire dans le premier procès."

    - Je l'aurais mentionnée, répond Neilson, si vous me l'aviez demandé."

    Continuant, le témoin dit que Wilson avait une physionomie qu'on devait reconnaîte, lorsqu'on l'avait vue une fois. Elle avait une expression toute particulière. Le témoin répond avec la plus grande clarté ;a toutes les questions que lui pose l'avocat de la défense.

    Daniel Creighton, messager, appelé ensuite, rend un témoignage d'après lequel il appert que Bureau a essayé de lui faire quitter l'endroit où il se trouvait près de la voûte. Il allumait un poele en ce moment et il ne s'est pas aperçu que quelque chose d'anormal se passait du côté de la voûte.

    Le manque d'espace nous empêche de donner les dépositions des autres témoins en cette cause. Ces témoignages, d'ailleurs, sont absolument semblables à ceux qui ont été faits, lors de l'affaire Fahey.

  5. mardi 22 mai 1888, page 4
    COUR CRIMINELLE
    Procès de Naegelé

    A l'ouverture de la séance de l'après-midi, le détective Flynn est appelé dans la boîte des témoins et donne un compte-rendu détaillé de la correspondance échangée entre lui et Fahey.

    Il raconte son voyage à Toronto, où il a rencontré le détective Maxwell et lui a remis des instruments de voleurs, après lui avoir donné des instructions de se rendre à Montréal pour y rencontrer un nommé Wilson et jouer le rôle de voleur en compagnie de Wilson, Fahey et Bureau. Maxwell prit alors le rôle de Craig; son rôle était connu de Wilson et du témoin, qui savaient tous deux le nom et les fonctions de Craig.

    Le témoin est revenu à Montréal, peu après Maxwell, le cinq décembre.

    Il a vu Naegelé, au No 1 rue Drolet, le 9 décembre au soir alors que Naegelé fut arrêté.

    M. Bissonnette, son fils, etc., avec moi, étions cachés dans une maison en construction quand vers 7 ¼, Wilson et le prisonnier entrèrent au No. 1 rue Drolet.

    Le prisonnier fut arrêté vers neuf heures, au moment où il sortait du No, 1, rue Drolet il lui enleva son pistolet, qui était chargé; Naegelé n'était plus alors membre de la police.

    Le témoin l'interrogea dans les cellules du Palais de Justice, au sujet de Craig, et le prisonnier lui dit que Craig lui avait été présenté par Wilson qui, lui-même, avait été présenté par Philipps.

    Le témoin lui demanda s'il n'avait pas rencontré Wilson et Craig dans une maison de prostitution, et plus tard à l'hôtel Richelieu, le prisonnier répondit non.

    Le témoin lui dit alors qu'il était ;a la gare Bonaventure le jour du vol, qu'il y avait conversé avec un agent; il répondit oui.

    Séance du 22 mai.

    Le procès Naegelé a été repris ce matin. La première heure fut employée à relire les dépositions de Naegelé lors du procès Fahey. Cette lecture fut faite en français et en anglais.

    Le détective Cullen déclara que le prisonnier avait été sous ses ordres dans le corps des détectives de Montréal et qu'il était généralement d'usage que les détectives rendirent compte à leurs supérieurs des affaires qu'ils suivaient.

    Le juge Digas appelé ensuite, témoigne que Bureau semblait anxieux de faire une confession. Wilson à ce moment passait pour un des accusés. Le juge dit à Wilson que c'était le moment de faire des aveux. Wilson jura qu'il n'était allé à la gare que comme détective en non comme voleur. Lorsque Maxwell fut appelé dans la chambre, le juge réitéra sa question. La réponse fut la même, Maxwell ajoutant qu'il était détective à l'emploi du G. T. R.

    Le détective fut rappelé à ce moment et déclara que jamais Naegelé n'avait été chargé de surveiller Wilson.

    Maxwell rappelé à la boîte, répète sa déposition précédente.

    La cour s'ajourne à 1 heure.

  6. mercredi 23 mai 1888, page 4
    COUR CRIMINELLE
    Procès de Naegelé
    Derniers témoignages

    La juge Baby monte sur le banc à deux heures.

    Continuation de la déposition de James Maxwell - Le prisonnier dit après l'arrivée de Fahey dans la chambre, que lui et Fahey avaient eu beaucoup de trouble à empêcher le monde de s'approcher de la voûte pendant que Wilson était en dedans et que Bureau leur donnait le signal. Naegelé a dit qu'il avait un télégramme et une description d'un voleur quelconque et qu'il montrait ceci aux gens comme une excuse pour sa présence à la gare ce jour-là. Il m'a dit que c'était fort heureux pour lui qu'il eût ces objets-là sur lui. Nous avons parlé des vols qui devaient être commis et nous devions compléter les arrangements chez Philipps le lendemain soir. Nous nous sommes séparés dans les environs de neuf heures.

    Nous nous sommes rencontrés le lendemain soir à 7 heures, au No 1, rue Drolet, chez Philips, Fahey n'est pas venu. Nous sommes restés jusque vers huit heures. Nous avons parlé du vol chez le bijoutier, sur la rue Saint-Laurent. Il m'a montré le magasin en descendant la rue. Il m'a dit de prendre les dimensions de la place pendant que Wilson et lui iraient vis-à-vis. Je devais enter par en arrière avec mes fausses clefs.

    Nous avons parlé de cette chose et je lui ai dit que je pensais que cela serait facile à faire. Il m'a dit qu'il avait un homme sous sa main qui était de garde sur cette rue-là et qu'il serait de notre côté. Nous nous sommes séparés.

    Le lendemain soir, nous nous sommes rencontrés dans la chambre de Wilson, Naegelé, Bureau, Fahey, Wilson et le témoin. Naegelé est arrivé le premier et est sorti pour aller chercher Bureau.

    Bureau a dit à Wilson après m'avoir présenté: "Est-ce encore un homme de votre espèce qui ayant eu la chance de faire un bon coup en laisse la moitié par derrière." Bureau nous a raconté la difficulté qu'il avait eu pour empêcher qu'on entende Wilson qui était en dedans, et qu'il était obligé de frapper dans la porte pour l'avertir. Ils ont avoué avoir pris $1,238. C'est Bureau qui a remis la clef à Naegelé et celui-ci en a fait prendre une semblable. Bureau est sorti le premier. Nous avons alors parlé des différents vols qui devaient être commis. Naegelé nous a quittés Fahey, Wilson et moi nous sommes allés au bureau des chars urbains sur la rue Craig.

    Le mandat était alors émané contre Fahey, Naegelé et Bureau. J'avais informé les autorités de la rencontre que nous avions projetée pour le vendredi soir afin d'arrêter Fahey et Naegelé chez Phillips. Rendu-là, tout était sombre dans la maison, j'ai persuadé à Fahey de revenir avec moi à l'hôtel et c'est là, dans la chambre No 14, qu'il a été arrêté.

    J'ai fait rapport aux autorités tous les jours de ce qui se passait dans nos entrevues, soit à M. Flynn ou à M. Kerr, avocat du Grand Tronc.

    Transquestionné par M. Saint Pierre. - J'ai été détective depuis environ sept ans. Je demeure à Valparaiso, Indiana, mais mon chef-lieu est à Chicago. C'est là que je suis la plus grande partie du temps. Dans une de nos entrevues, on a parlé d'une cinquième personne. C'est Wilson qui en a parlé, je crois. Il a dit que lui et la cinquième personne sont entrés dans la voûte. Cet homme a été appelé Conry par Wilson.

    La Couronne termine ici sa preuve. M. Saint Pierre annonce qu'il n'a que trois témoins à faire entendre.

    PREUVE DE LA DEFENSE

    Le prisonnier ici semble très ému et agité et porte souvent son mouchoir à ses yeux.

    Edmond MacMahon, député greffier de la couronne et de la paix. - Je connais le prisonnier à la barre, ainsi que Fahey qui a subi son procès dans le terme. Fahey est venu me demander un soir de préparer une déposition contre des étrangers qu'il voulait faire arrêter. Je ne suis pas allé au Richelieu parce que je me sentais trop fatigué, je revenais de la campagne visiter mon père qui était bien malade. Je lui ai dit d'aller chez M. Doucet. Aucun warrant n'a été émané de notre bureau, parce que d'après ce que Fahey m'a dit, il attendait plus tard sur le fait du vol.

    Arthur Richard déclare que l'automne dernier, il remplissait les fonctions de sergent à la station No 2, rue Craig. John Fahey et Louis Naegelé lui demandent de se tenir prêt pour les assister dans l'arrestation de deux filous américains, arrestation qu'ils se proposaient de faire à la fin de la semaine.

    Transquestionné, le témoin déclare qu'il ne fait plus partie de la police, mais qu'il ne connait pas le motif de sa révocation. Le député-chef Naegelé, père du prisonnier, dépose que le 5 ou 6 décembre dernier, son fils entra en son bureau un matin et que lorsqu'il l'interrogea sur ce qu'il faisait dans le moment, le prisonnier lui répondit: J'ai une bonne affaire en main avec Johnnie. (Il faisait allusion à John Fahey, son beau-frère).

    Le dernier témoin de la défense, James Fahey, est mort depuis le dernier procès et les dépositions pour la défense sont terminées.

    La cour s'ajourne pour 15 minutes.

    A la reprise de la séance, M. Dennis Barry adresse la parole aux jurés. Son discours est presqu'entièrement semblable à celui qu'il prononça lors du procès Fahey. M. Barry fait ressortir que la preuve de la poursuite n'est absolument que circonstancielle et repose seulement sur des conjectures et des on dit. Après une péroraison brillante, l'avocat de la défense se rassied et la cour ajourne à 10 heures.

    23 mai.

    La cour s'ouvre à neuf heures.

    M. St Pierre, avocat de la défense commence son plaidoyer en français et termine à 11 ¼ hrs. Le prisonnier souffrait ce matin d'une forte névralgie. Il a montré beaucoup de chagrin, lorsque son avocat parla de la maladie de son frère James. Les pleurs inondèrent son visage lorsque cette allusion fut faite par l'avocat. Celui-ci n'a fait qu'un résumé des divers incidents de la cause. Il commença par dire que l'esprit des jurés était prévenu contre le prisonnier par les rapports de la presse. "La question, dit-il, est celle-ci: la preuve contre le prisonnier est-elle assez forte pour motiver une condamnation? Pourquoi le gardien Moreau a-t-il quitté la gare d'une façon si mystérieuse, après le vol? Les preuves de la poursuite sont des plus faibles.

    Le savant avocat fit allusion particulièrement au père de Naegelé et demanda que justice pure et simple fut rendue à son client."

    M. G. N. Greenshields, avocat de la Couronne lui succède: "Wilson, déclare-t-il, n'est pas en ville en ce moment, parce que s'il avait fait son apparition, il tiendrait en ce moment compagnie au prisonnier.

    M. Greenshields ne demande pas au jury de condamner l'accuser sur les dires de Wilson mais sur la preuve convaincante qui a été faite contre lui. Il termine en demandant au jury de faire son devoir et de rendre un verdict selon les règles de la morale et de la justice.

    M. Geoffrion parle ensuite en français et traite les mêmes points que son confrère qui l'a précédé.

    La cour s'ajourne à 1 heure.

  7. jeudi 24 mai 1888, page 3
    L'AFFAIRE NAEGELÉ
    Verdict de culpabilité

    Après que l'hon. juge Baby eut erminé le résumé de la cause, le jury entra en délibération et après quinze minutes d'absence, rapport à 4 h. 5 minutes, un verdict de culpabilité. Naegelé semblait très énervé, lorsque les jurés rentrèrent dans la salle; sa figure pâlit affreusement, mais il ne broncha pas. M. Greenshields fit une motion pour que la sentence fut rendue sur l'heure, mais M. St-Pierre s'y objecta et demanda que cette motion fut renvoyée à vendredi prochain pour lui permettre de juger de la légalité de la proclamation en vertu de laquelle une session avait été ordonnée.

    Son Honneur le juge renvoie alors le jury et ajourne la cause à vendredi matin.

  8. vendredi 25 mai 1888, page 4
    COUR CRIMINELLE
    Sentence de Naegelé
    La cour s'ajourne

    A 10 ¼ heures l'hon. juge Baby prend son siège. Tous les jurés sont à leur banc. Le prisonnier Naegelé, dont la cause a fini de se plaider hier est conduit à la barre. Son Honneur le juge Baby, après avoir fait un résumé concis de la cause qui s'est déroulée devant lui, dit à Naegelé qu'il ne veut pas lui infliger une sentence aussi sévère que celle de Fahey. "Ce dernier", dit-il "m'a semblé être le chef de votre bande et je l'ai puni en conséquence. Quant à vous, j'ai fouillé votre passé pour essayer de trouver une ombre de circonstance [?]nte ou une raison quelconque d'amoindrir votre condamnation et je regrette de le dire, je n'en ai pas trouvé. Vous êtes condamné à 10 ans d'incarcération au pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul."

    Lorsque l'honorable juge demanda au prisonnier: "Qu'avez-vous à dire pour qu'une sentence ne soit pas portée contre vous?" Naegelé s'est contenté de répondre: "Comme je l'ai déclaré devant le magistrat, je suis innocent."

    Naegelé est resté absolument calme, lorsqu'on lui a fait connaître le montant de la sentence qu'on lui infligeait. Il faut croire qu'il s'y attendait...






Jacques Beaulieu
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