Journal intime de 1918: | ||
Textes personnels recueillis datant de 1918Les textes qui suivent sont trouvés dans un livre de couverture dure brune 8,5 po par 11 po, d'un pouce d'épaisseur; écrit à la plume, encre violette, couvrant la période du 9 septembre 1918 au 20 juillet 1921 Texte non daté D'après les Dames du Sacré-Coeur, mon caractère correspond à celui de la «Pensée»... «Qu'elles soient claires et lumineuses, ou sombres et mystérieuses, mes «pensées» partent toujours d'une tête bien équilibrée. Il y a dans mon esprit une place pour chaque chose et chaque chose y est à sa place. Le coeur chez moi n'est pas moins bien ordonné que la tête. Si l'on ne songe pas à troubler mes réflexions pour m'inviter à de grands décors, on pense toujours à moi pour les gestes et les mots délicats, et nul plus que moi n'a voyagé sur terre et sur mer pour aller égayer, consoler et charmer les absents (je proteste contre cette dernière phrase).
- Réflexions. - Malheureusement, je ne suis pas si bien équilibrée que celà. Je ne comprends plus, je suis folle! Mon Dieu, faites-moi redevenir l'enfant sérieuse d'autrefois! Le 9 septembre. Entrée au Sacré-Coeur. Mon Dieu que je suis découragée! C'est irrévocablement décidé: je vais au Sacré-Coeur et je commence aujourd'hui. - J'y suis allée: maintenant je suis et découragée et triste. Jamais je n'aurais cru que ce fut si dur de changer de couvent. Tous ces visages nouveaux qui vous regardent avec curiosité, échangeant un petit sourire, une remarque plus ou moins flatteuse vous glacent. Ah! je ne dis pas que mes compagnes ne soient pas aimables. Au contraire, elles sont ou doivent être fort gentilles: c'est ainsi, je suppose, lorsqu'on va au S.C. De plus, la pensée de l'année que j'ai à prendre, de l'énorme et double travail que j'aurai à faire, me décourage. Pourtant je ne crains pas de travailler, car j'ai toujours été une «piocheuse». Ce qui me désole, c'est la crainte d'être plus faible que les autres de ma classe... Pour vrai dire, la plupart de mes compagnes n'ont pas fait grand cas de moi. Il n'y a que Madeleine Masson qui a été d'une gentillesse dont j'étais loin de la soupçonner; elle m'a présentée à plusieurs élèves entre autres à Yvonne Benoît qui me semble fort distinguée. Le 10 octobre. - Vous est-il jamais arrivé de perdre connaissance? Pour la première fois de ma vie, je me suis aujourd'hui trouvée dans cet état, et j'en ai gardé une telle impression que je viens narrer cet incident. J'ai de grandes douleurs dans le dos, et je souffre, Dieu sait comme je souffre! Je me lève et je me dirige vers le téléphone de la chambre de maman. J'appelle, je demande de me préparer une mouche de moutarde. Or ceci a pris toutes mes forces et en revenant à mon lit, je me sens faiblir. Tout-à-coup ma vue se voile, je me hâte, j'ai peur, je sens quelque chose d'étrange en moi, puis mes jambes fléchissent, je perçois un grand bruit et plus rien... Au bout d'un certain temps, je reprends connaissance, je vois maman toute pâle à côté de moi, je me demande par quel hasard je suis étendue par terre dans le corridor, et je me mets à rire. Je me lève seule et me rends tranquillement à mon lit. |