Le billet d'étudiant numérisé ici est
la propriété d'Odile Malépart,
nièce de Germaine Malépart
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Concert de Germaine Malépart,
Albert Chamberland, Jean Belland et Eugène Chartier,
donné le 13 décembre 1926 au Ritz-Carlton à Montréal
Billet d'élève (la date est erronnée):
Annonce du concert:
Mlle Germaine Malépart
Lors de son dernier concert, il y a deux ans, Mlle Germaine Malépart,
grand prix d'Europe, a recueilli l'unanimité des suffrages d'un auditoire choisi qui ne
lui ménage pas ses applaudissements. Tout laisse prévoir un succès non moins considérable
pour son prochain concert du 13 décembre, au Ritz Carlton: la beauté du programme et la
qualité des aritstes qui l'exécuteront. Les billets sont en vente chez Willis,
Archambault, Lindsay, Bouvier et Vennat.
La Patrie
mardi, 7 décembre 1926 page 18.
Programme du concert:
Le concert de Germaine Malépart
Mlle Germaine Malépart, qui voit augmenter ses auditoires à chacun de ses récitals,
a organisé, avec le concours de MM. Chamberland, Chartier et Belland, pour lundi soir
prochain, le 13 décembre, au Ritz-Carlton, un concert dont nous reproduisons ici le
magnifique programme:
Sonate, op. 31 de Beethoven;
Etude, op. 25 No 11 de Chopin;
Nocturne op. 27 No 1 de Chopin;
Prélude en la mineur de Debussy.
Outre ces quatre pièces, qui seront exécutées avec l'autorité que confère à notre
brillante artiste sa connaissance parfaite de la technique du piano, le programme comporte
aussi le trio, op. 18 de Saint-Saëns qui est d'une si remarquable fraîcheur d'écriture
et le Quatuor en ut mineur de Fauré.
Cette dernière oeuvre s'impose par les qualités de chaleur et d'émotion qui s'en dégagent
et les quatre parties qui la composent se développent selon un plan de la plus pure
conception. La belle ordonnance de ce programme et les qualités rares des exécutants
feront de cette manifestation musicale une des plus intéressantes de la saison.
La Patrie
Samedi 11 décembre 1926
page 36
Critique du concert du 13 décembre 1926 par Leo-Pol Morin de
La Patrie
LES CONCERTS
Mademoiselle Germaine Malépart
Le concert de Mademoiselle Germaine Malépart a intéressé hier soir un très
nombreux public au Ritz-Carlton.
Je disais, il n'y a guère, que les auditions de musique de chambre sont de plus
en plus fréquentes à Montréal. Il semble que le public s'intéresse de plus en plus à
ce genre "pur" entre tous, ainsi que l'on a accoutumé de dire. Mais ne crions pas
victoire trop tôt. L'habitude n'est peut-être pas définitive.
Former un ensemble de piano et cordes n'est pas facile. On sait tout ce qu'il faut
de travail, de persévérence, de souplesse et, surtout, de temps, pour y réussir.
Ce n'est pas en un mois, ni même en deux, ni après dix ou quinze répétitions qu'on
arrive à l'homogénéité. Les Pro Arte m'ont dit avoir travaillé tous les jours
pendant trois mois, quarante-cinq mesures de Alban Berg. Si donc on considère que le
Trio, que le Quatuor d'hier n'est pas un ensemble régulier, que leur rencontre est
occasionnelle, on peut dire que le résultat est intéressant.
Mais c'était, avant tout, hier soir, le concert de Mademoiselle Malépart. Son programme
était composé de façon à satisfaire tout le monde. Une "sonate" de Beethoven,
rarement jouée, le "Trio" en fa, de Saint-Saëns, le "Prélude" en la mineur de Debussy,
deux pièces de Chopin et puis le "Quatuor en ut mineur" de Gabriel Fauré, avec comme
partenaires Messieurs Chamberland, Chartier et Belland.
À Beethoven tout honneur, ainsi que c'est l'usage. C'est ce qui fait que Beethoven est
rarement le mieux joué, étant généralement au commencement des programmes des pianistes,
quand ils en jouent, bien ensemble. Les gens entrent durant l'exécution, on écoute encore
très peu; bref, le concert n'a commencé qu'après cette "Sonate", très vaillamment
défendue, nerveusement cependant. Il se pourrait que Beethoven ne fût pas le musicien
de Mademoiselle Malépart. Et cela s'explique quand on voit avec quelle excellence elle
traite Saint-Saëns, musicien toujours clair, élégant, non dépourvu de malice,
mais plus extérieur. Ce "Trio" en fa, elle le joue très bien. Les nombreuses et
inconcevables gammes que contient cette longue oeuvre à un piano plus deux cordes sont un
jeu pour cette pianiste dont une des qualités les plus évidentes est la vélocité. Elles
étaient coulantes et à la fois perlées ces méchantes gammes, et d'une très fine
égalité. Tout ce qu'il y a d'inévitable est là, dans ce "Trio" trop habile, oeuvre sans
grande signification, légère, et pas désagréable du tout.
Mlle Malépart nous fait aimer ce beau discours sans portée d'un homme qui a la parole
facile et la voix agréable.
Mais elle est moins heureuse dans les choses lentes, qui ne courent pas, comme le
"Nocturne" en do dièze mineur de Chopin. Il manque là une maîtrise de sentiment et du
style qui n'est pas nécessairement une faiblesse. "Chacun son genre", comme disait
ma voisine. Et c'est juste. Dans le "Prélude" en la mineur de Debussy, on se retrouve
et c'est bien joli.
Aussi dans le "Quatuor" en do mineur de Fauré, qui fut, dans les circonstances,
comme je l'ai dit plus haut, une étonnante réussite. Décidément, Mlle Malépart "joue très
bien du piano", pour employer l'expression dont je me suis récemment servi à propos de
Cortot. Une telle oeuvre, pleine de sève, pleine de jeunesse, de vie comme cela fait
sonner creux le "Trio" toujours en fa de Saint-Saëns! Le trio et le finale du Scherzo
ont été joués aussi bien que possible, légers, aériens, bien allant,
dans le bon mouvement.
En bis, Mlle Malépart a joué non pas "Le Prélude", mais l'autre, celui en sol mineur, du
même auteur. J'avoue ne pas détester cette musique qui a du rythme, de la saveur et
du brio, à défaut d'autre chose. Tout cela est du joli piano.
"Programme mineur", comme me le dit elle-même Mlle Malépart (excepté Saint-Saëns),
mais pas monotone. Trop long cependant. Même joué à la perfection, un programme ne doit pas
excéder une heure et demie de durée.
LÉO-POL MORIN
La Patrie
mardi, 14 décembre 1926
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