Mes fiançailles et mon mariage |
Chapitre QuatreMES FIANÇAILLES ET MON MARIAGENos fiançailles se font dans les formes. Nous assistons à la messe et nous échangeons au pied de l'autel un baiser qui affirme aux yeux de tous le sérieux de notre engagement envers l'autre. Dans les semaines suivantes, nous trouvons un terrain d'entente pour les questions matérielles : chacun aura son propre compte en banque; je ferai un budget pour les dépenses courantes de la maison et devrai le respecter. Ce budget sera régulièrement ajusté à l'échelle des revenus de mon époux: je ne veux pas avoir à quémander d'argent, comme certaines de mes amies, traitées en enfants. Je suis aussi, au YWCA, un cours d'assistante-infirmière pour savoir comment réagir devant les maladies enfantines. Nous parlons beaucoup de la famille que nous aimerions avoir : quatre enfants, nombre idéal pour nous. La préparation au mariage est complétée avec le choix de notre futur appartement. Voyage de nocesAu printemps suivant, le 19 avril 1933, nous nous épousons dans le choeur de l'église St-Viateur d'Outremont. La cérémonie est solennelle et pour cause : c'est l'aînée du Bâtonnier de la province qui prend époux et la première de la famille Beaulieu à convoler. Ma longue robe blanche, création du couturier Raoul-Jean Fouré, est confectionnée en soie de Chine. Le voile, blanc également, s'allonge en une traîne qui dépasse la robe. Mes cheveux roux me vont jusqu'à la taille. Je les ai tressés moi-même et enroulés autour de ma tête, de façon qu'ils retiennent le voile. L'ensemble aux lignes épurées est très élégant. Pas de superflu, pas d'artifice, à l'image de celle qui le porte. Le célébrant, Monseigneur Deschamps, est de haute taille contrairement à son assistant. À tout moment pendant la messe, ce dernier doit se dresser sur la pointe des pieds pour poser le caluron blanc sur la tête de son évêque : ces mouvements de danseur provoquent un fou rire qui a failli avoir raison de la ferveur générale. Notre voyage de noces sera un séjour d'un mois aux Bermude,) avec départ de New York. Dans l'île antillaise, nous disposons d'une maison modeste et confortable. Une jeune Noire, d'une discrétion exemplaire, s'occupe du ménage et des repas. Le pays est magnifique. J'ai encore une fois l'occasion d'apprécier la courtoisie et les bonnes manières des gens élevés selon les traditions anglaises. Petit incident: nous décidons d'explorer un peu l'île, à bicyclette en tandem. Jean pédale à belle allure tandis que je n'arrive à rien : il prétend même que je mets les freins! C'est la première fois que j'enfourche un de ces engins! Nous devrons nous résoudre à louer une calèche... Au bout de quatre semaines, nous revenons à Outremont pour prendre possession de notre première demeure. Jean avait loué un appartement et payé un mois d'avance. Mais peu avant le mariage, il entend parler d'une maison à vendre sur la rue Wilder (aujourd'hui Antonine-Maillet); il signe aussitot une offre d'achat, sans rien m'en dire. Tant pis pour le mois de loyer perdu! La maison de deux étages compte trois chambres à coucher, un salon, une salle à manger et une cuisine. Elle a aussi le grand avantage de n'être qu'à quelques minutes de chez mes parents! Pendant notre absence, nos mères, lasses sans doute de tous les dérangements occasionnés par le mariage et les célébrations, décident de remettre un peu d'ordre dans leur maison respective. Pour ce faire, il faut transporter tous les cadeaux reçus dans la maison de la rue Wilder. Aussitôt dit, aussitôt fait. Quand nous entrons chez nous pour la première fois en tant qu'époux, un spectacle inusité nous attend. Nous trouvons le grand salon rempli de paquets posés à même le sol. Et pas un meuble, sinon un lit de fer! On a tout de même eu l'idée de suspendre les tableaux... Il faudra bien un an avant que nous n'arrivions à nous meubler convenablement. Mais ça vaut la peine d'attendre pour choisir mieux : après tout, ces meubles, on les gardera toute sa vie; aussi bien les acheter à notre goût commun. |