Texte dactylographié daté mars 1960 donné à la Société d'Étude et de Conférence, en la possession de Nicole Farmer, fille de Jeanne Beaulieu Casgrain.

The Pillar of Fire

Mars 1960
J.B.C. pour S.É.C.

C’est avec une profonde inquiétude que j’aborde mon sujet. Ce sujet «le Buisson ardent» de Karl Stern je ne l'ai pas choisi: il s'est imposé à moi.

J'y suis venue avec une certaine réticence car la duplicité juive qui allait m'apparaître - sous une forme nouvelle, assurément – me mettait d'avance en boule, et j'estime que la vie de chaque jour suffit amplement à cette fin. J’ai voulu parcourir les pages d'un livre récent, mais très tôt j'ai été fascinée par l'honnêteté et la sincérité de l’autobiographie de ce savant médecin juif. Des deux faits qui constituent la trame du récit, je ne sais lequel est le plus émouvant: ou le combat spirituel qui doit se terminer par la conversion de l'auteur au catholicisme, ou la tragédie que fut la montée du nazisme en Allemagne... Mais à mesure que l'un et l'autre se déroulent, l'évidence de la parole du Christ «sans moi, tu ne peux rien» apparaît dans son sens absolument littéral. Sans moi tu ne peux rien faire de bon, de beau, ni de durable. Sans moi, tu ne peux que détruire. Sans moi c’est l'histoire du XIX s.; c'est celle de la première moitié du 20e s. qui vient de s'écouler et dont nous n'avons eu que les échos.

Quelle sera l'histoire de la seconde moitié? Je m'en voudrais de faire ici figure de prophétesse de malheur et de trahir aussi étrangement la pensée de l'auteur. Non le message de Karl Stern est d'un ordre tout différent: par une coïncidence extraordinaire, il est celui-là même que l'Église propose au monde entier, qui fait en ce moment le sujet de la «grande mission». Dieu étant notre père, notre bonheur même terrestre dépend de cette conviction, qui nous fait tous frères. Karl Stern naquit en Bavière vers 1906 d'une famille de rabbins qui n'avait pas connu d'immigration juive depuis le Moyen-Âge. Son enfance s'écoula entre son grand'père, son père et sa mère, puis son frère Louis de dix ans son cadet, dans la maison qui servait en même temps d’abri à la boutique traditionnelle. Milieu de labeur et de routine où les lettres de l'oncle Félix et les visites de l'oncle Julius apportaient seules quelque vision du monde extérieur. Félix avait étudié la mécanique puis le droit et était devenu un homme de loi éminent aux États-Unis. Quant à l’oncle Julius (associé au propriétaire d'une école de lithographie) c’était le célibataire de la famille et il était admis une fois pour toutes que sa vie n'était pas gouvernée par les principes qui leur étaient familiers et le récit de ses voyages d'affaires aux Indes, en Amérique et en France était comme un éblouissement dont le père de Karl se donnait la réplique, en se penchant, loupe en main, sur sa merveilleuse collection de timbres-postes.

Vie de solitude aussi que la mère de Karl avait acceptée pour elle-même, mais non pas pour son fils. Et c'est ainsi que certaines fêtes chrétiennes, particulièrement chères aux enfants, étaient fêtées chez les Stern en même temps que les fêtes ,juives sinon à leur suite. À la St-Nicolas - (5 décembre) des cadeaux étaient offerts à tous; la veille de Noël était l'occasion d'une distribution de victuailles aux pauvres de la ville et de visites aux églises avec les petits amis pour y voir la crèche et l'Enfant Jésus. Après le réveillon, l'on entonnait en choeur: "Nuit silencieuse"... D'ailleurs les chrétiens comme les juifs avaient au commencement du siècle oublié la signification spirituelle de leurs fêtes et il suffisait que fut créée une atmosphère de poésie, d’hiver, de bonté et d'amitié.

L'unique jardin d’enfants était dirigé par des religieuses. Nous y trouvons Karl conduit par sa mère, qui une fois de plus avait rompu avec la tradition. C'était bien la première fois dans cette petite ville qu'un enfant juif recevait une éducation officielle catholique -mais personne n'y attacha d'importance.

À 10 ans, (1916) Karl entra au lycée de Munich. Cela signifiait qu'il ne prenait pas la suite des affaires de son père. Cela signifiait aussi qu'il quittait les siens pour ne plus les revoir qu'aux vacances de Pâques, de Noël et à celles de l'été - et qu'il dev[en]ait l'hôte payant d'une famille qui augmentait ainsi ses maigres revenus. Pendant huit ans, il vivra avec les Kowen, dans une atmosphere de piété juive orthodoxe qui l'impressionnera au point, que ses parents réuniront plus tard un conseil de famille, pour lui faire entendre raison et le persuader de ne pas tourner le dos au progrès.

Munich est la seconde patrie de Stern. En même temps qu'une atmosphère de piété imprégnait sa vie, sur un plan totalement différent, il prenait contact avec la révolution sociale. Les communistes, qui attendaient depuis deux ans aux frontières de la Russie, pour précipiter le signal du bouleversement mondial envahirent soudain la Hongrie et la Bavière. C'était aux environs de Pâques 1919. Une république soviétique, organisée à Munich, fut de courte durée, mais le ferment d'inquiétude et d'injustice demeura dans les esprits. Par réaction, les généraux se promenèrent dorénavant en exhibant leurs décorations et les étudiants en portant des poignards, des revolvers et des brassards .

Ces jeunes qui avaient souhaité devenir quelque chose de plus qu'un stade de la croissance ou une édition en miniature de l'âge adulte, ces jeunes qui voulaient exister par eux-mêmes avaient déjà formé le Mouvement de Jeunesse Allemand, «wandervogel» la jeunesse par excellence. Sans appartenance politique, dans un but simplement sportif ou littéraire, ce mouvement se modifia peu-à-peu et et se divisa sous la pression d'un antisémitisme croissant. Le Mouvement de Jeunesse Juif Allemand s'identifia avec le Sionisme et se donna pour fonction principale la préparation des jeunes juifs à la vie en Palestine. Il est intéressant de noter qu'identifiant le Sionisme avec la séparation raciale des juifs, les Nazis adoptèrent une attitude bienveillante à son égard, parce qu'ils croyaient y reconnaître une partie de leur propre idéologie nationaliste.

Dix ans avant Hitler, les Juifs étaient soumis à des lois sociales et à des règlementations comparables à celles des Nègres en dessous de la ligne Mason-Dixon. Mais dans les lycées et les universités, cet état de choses dépendait surtout de la personnalité des professeurs. Certains agrémentaient leurs cours d'un copieux ragoût politique. Mais d'autres, et ils étaient nombreux, teintaient leur enseignement d'un humanisme universel qui excluait toute idée de nationalisme (p.27 - p.86). D'une façon générale l'enseignemerit présentait un caractère personnel, spontané, et improvisé; la culture et l'art en s'ajoutant à la somme des connaissances techniques apportaient dans les écoles un élément complémentaire d'animation et de passion, un stimulant incomparable. «Ainsi, dit Stern, à seule fin de nous apprendre ce qu'il appelait l'anatomie vivante, notre savant professeur nous montra à l'aide d'une lanterne à projections, deux milliers de nus tirés d'oeuvres artistiques qu'il avait réunis à notre intention. Aux jours chauds de l'été le célèbre neuro-psychologue Albrecht Bethe, emmenait la promotion entière à la piscine, et entre deux brasses, faisait la démonstration de la physiologie du muscle «in vivo». La musique comme moyen de liaison des élèves entre eux et des professeurs avec leurs disciples apparait tout le long de ce livre; Mozart, Schubert et Beethoven ravissent ou bouleversent par leurs mélodies les êtres les plus divers et servent presque de medium pour transmettre la science.

La science et les arts remplissaient la vie des hommes au point qu’un grand médecin pouvait être à la fois historien, mathématicien, musicien ou économiste et briller également dans une carrière ou dans I’autre; parmi ces hommes ceux dont la vie semblait véritablement pleine et ordonnée avec quelque harmonie étaient ceux-là mêmes qui avec ou sans la Foi pratiquaient la charité. C’est I’un des aspects saisissants de ce récit, la présence de la charité chrétienne à I’approche du grand cataclysme allemand.

Présence isolée sans doute, mais réelle et active et combien héroïque! dont Stern décèle toujours le rayonnement. Dessauer p. Il8 - Kati p. 107- Babette p. 303. Les autres qu’ils fussent médecins savants ou disciples discutaient à perte de vue sur le communisme. On lui superposait les théories les plus diverses. Schopenhauer, Kant, Hegel, Marx, Freud, Dostoiesky, Nietzsche... Si bien que la passion de la justice qui avait été à son origine ainsi que le sens religieux de I’identification avec les pauvres avaient fait place à un élément neuf et diamétralement opposé. Les moyens étaient devenus une fin, qu’une autre génération allait exploiter, composée de spécialistes de la destruction (p. 134). De tels problèmes auraient exigé la fermeté morale, la contemplation de la société dans son ensemble; Stern avoue «nous menions le même genre d’existence, une vie de libertinage et de laisser faire»; la discussion était un sport, et «tous les sujets que nous abordions dans nos déliberations intellectuelles devenaient équivoques, amorphes et sans portée.» La conscience s'était transformée en une sorte de luxe ésotérique» (doctrine mystérieuse réservée aux seuls initiés).

En 1930, Karl Stern obtint ses diplômes de médecin et fut attaché comme interne à Berlin, dans le service de neurologie de l'hôpital de Moabit. De 1931 à 1932, nous le trouvons à l'école de Médecine de Francfort comme médecin neurologue, en charge des recherches psychosomatiques sous Volhard. Et c'est Volhard qui le décida à entrer à Munich comme boursier de la Fondation Rockefeller, à I’Institut allemand des recherches psychiatriques (été 1932). À cause de cette coïncidence extraordinaire, il fut, de toute l'Allemagne, le seul médecin juif de son âge, qui présent dans une institution non juive, ne fut pas affecté par les lois aryennes. En 1935. il partait pour Londres par mesure de prudence et le 24 ,juin 1939, il arrivait à Montréal.

Mais revenons à Munich. Depuis la fin du siècle dernier, à l'Institut des recherches de génétique humaine un point de vue biologico-raciste s’était fait jour, plus ou moins consciemment. (p. 125). Brusquement le 1er février 1933, Hitler, dont c'est l'avènement, adopte la loi de la stérilisation des inaptes: tous les schizophrènes, tous les maniaques de la dépression, tous les débiles mentaux enfin tout malade affecté par un diagnostic psychiatrique devait faire I’objet d'un rapport aux autorités, sous peine de sanctions graves, qui inévitablement le condamnaient à être stérilisé chirurgicalement. L'entreprise prit une apparence d'objectivité scientifique et pour une fois (p. 138) les Aryens et les non-Aryens furent traités avec une impartialité complète. Ainsi le peuple allemand allait être à même de supputer avec une précision mathématique l'époque à laquelle il serait délivré de toute maladie mentale. Il y eut des exemples extrêmes. Ex. p. 138 - p. 140.

Ces premières atrocités nazies furent à peine soulignées parce que les plans d'extermination, les camps de concentration et l'assassinat collectif des sujets mentalement atteints, pendant la guerre, accaparèrent bientôt l'attention.

Mais pourquoi sommes-nous saisis d'épouvante à la pensée de tant de souffrances d'innocentes victimes quand la vue d'un malade incurrable nous fait souhaiter intérieurement qu'une main compatissante hâte sa mort? Le même argument devrait jouer dans les deux cas et il faut que notre croyance en l'immortalité de l'âme soit bien superficielle et disparu le sens de la réversibilité des mérites de la souffrance... D'une main nous nous accrochons au pragmatisme moderne et de l'autre à la philosophie chrétienne. Mais gare! La faille s'élargit chaque jour davantage et le moment viendra où l'une des deux mains devra lâcher prise. (p.139)

C'est en voulant pénétrer le mystère de la souffrance que K. S. s'achemina lentement vers le christianisme. Médecin et psychologue il avait analysé, démêlé, classé et nommé les choses qui font mal aux gens. Sa pratique des malades lui avait fait admettre en chacun un élément secret qui empêche la souffrance d'être mesurée de façon quantitative, ou faire l'objet d'une comparaison quant à la qualité subjective de son expérience (p. 324). Mais en présence de cet incompréhensible abime de souffrance innocente suscitée par l'hitlérisme, Stern est épouvanté. Ses normes humaines sont ébranlées.

Le monde est réellement devenu la proie des puissances du mal et la seule réaction qui s'impose est celle du désespoir et du suicide. En fait c'est la voie que choisirent plusieurs parmi ceux qui avaient survécu. D'autres plus violents ou plus habiles se réservèrent de cesser d'être toujours du mauvais côté de la barricade et de faire le nécessaire pour y parvenir. Même, pendant la guerre, ils purent se réjouir des souffrances subies par le peuple allemand, qui ressemblaient à ce qui était arrivé auparavant aux Juifs. Mais l'idéologie nationaliste dont l'Ancien Testament est rempli (p. 318) n'est pas une solution; il n'engendre que la haine, il a même fait mourir sur la croix Jésus de Nazareth.

La philosophie va-t-elle apporter à K. S. le moyen de prévenir de nouveaux cauchemars ou de remédier à de nouvelles catastrophes? Or Marx a trompé ses adeptes. Après avoir dévoilé le manque de justice et de charité inhérent à une civilisation industrielle, il n'avait trouvé comme stratégie que la lutte des classes: il était le grand responsable de l'horreur dans laquelle le monde actuel se débattait... Cette tâche à laquelle le marxisme avait failli, le pragmatisme moderne allait-il la réaliser? Stern ne craint pas d'affirmer que la Science au service de l'Utilité pratique, «l'Équipe des spécialistes des Questions sociales pour la Prévention des Hostilités Intergroupes qui en découlerait est, de tous les mirages, le plus dangereux, car il contribue à nous enraciner dans notre conviction que le combat décisif se déroule loin de nous, hors de nous; il transforme le Bien et le Mal en deux pâles abstractions. II déshumanise la question.» ( p. 323) ..

Ainsi des quatre réponses possibles à l'énigrne de l'abîme de souffrance dont Stern a été le témoin, aucune ne convient. Le désespoir n'est pas une solution puisque nous croyons en Dieu. Le ressentiment n’est pas une solution: la lutte des classes, la vengeance nationale conduisent vers une nouvelle répartition des oppresseurs et des opprimés. L’étatisme n’est pas une solution. Le scientisme n’est pas une solution.

Seul l’Évangile contient la solution au problème de la souffrance. Pour faire de la terre un monde moins cruel à habiter, je dois d’abord détruire le mal qui est en moi. Chaque homme, dit l’Évangile est un repaire d’assassins et de voleurs et le voile qui sépare le mal en puissance chez soi du mal manifeste chez l’homme qui sera condamné demain est plus mince et plus mystérieux que l’on ne croit... Si maintenant tout acte humain contient un élément d’éternité, si toute action mauvaise renferme un principe de contagion, chacun est donc responsable du mal auquel le monde succombe. «Aussi l’Évangile réclame-t-il notre intervention immédiate, maintenant, en ce moment et en ce lieu où nous nous trouvons. Et il dit que notre âme contient, avec le secours de la Grâce, assez d’énergie pour changer le monde.» ( p.327)

Le mystère de la souffrance est donc l’un des chemins vers la foi. Mais avant d’y atteindre; Stern eut à franchir bien des étapes douloureuses. L’un des obstacles les plus déroutants auxquels il se heurta en Amérique fut celui de la vie chrétienne, genre individualiste. Ceux qui mènent cette vie «atteignent un degré de spiritualité très élevée mais l’idée que la question noire, ou l’assainissement des taudis ou le problème des grèves dans les mines de charbon, puissent avoir le moindre rapport avec la religion leur est totalement étrangère. II faut dire à notre décharge que les grands génies de la pensée chrétienne n’ont pas insisté sur le problème de la justice sociale d’une façon qui permette de le transposer directement dans notre époque. L’Église visible sortie des catacombes s’était consolidée avec les siècles et s'est trouvée au Moyen-Âge liée intirnement à la trame même d'une société de castes.

Lorsque la Réforme, puis la Révolution française firent passer par-dessus bords cette société de castes hiérarchisées, on identifia I’Église avec ce type de société et on imagina qu'Elle ne survivrait pas à une autre structure sociale. Le principe de la fraternité des hommes, qu'on avait oublié et qui était pourtant la base même de l'Évangile, se répandit vers des centaines de mouvements séculiers qui le firent leur et l'apprêtèrent chacun à sa façon: le marxisme réussit même à y associer des éléments d'athéisme et de lutte des classes. Le converti qui aborde l'Église de l'extérieur apporte avec lui un sens de la justice sociale dont il s'étonne de ne pas trouver de racines dans les consciences catholiques. (p. 287)

Ce catholicisme pétrifié à l'image duquel sont la société (p.27l) et la politique et la patrie spirituelle entrevue dans le Nouveau-Testament et dans les oeuvres de St-Thomas d'Aquin, de Pascal et de Newman constituaient en vérité deux univers si différents que le pont pour les relier ne paraissait plus. (p. 268) La libre Amérique semblait avoir retenu les animosités de tous les groupes ethniques qui la peuplaient; et pour combler la mesure de son désarroi, un nouveau racisme dressa la tête: ici, en notre pays, Stern fit pour la première fois l'expérience de l'antisémitisme individualisé... ( p. 208) C'est seulement avec les années et graduellement que Karl Stern se mit à réaliser que la liberté de la volonté, qui est le plus grand don que Dieu ait accordé à l'homme n'était nullement abolie par l’apparition du Messie p.250 - p.3l3.

Graduellement aussi l'Église lui apparut ce qu'elle devait être dans le plan divin, l'Église de la multitude et I'épaisse couche de médiocrité qui l'enveloppe s'expliqua d'elle-même ( p. 272). Nos idées sont malheureusement conditionnées trop souvent par les articles de revues, les banalités radiophoniques et les manchettes de journaux, et l'étranger s'en autorise pour accuser l'Église. Mais Stern n'était pas un étranger... Peu-à-peu lui réapparut cette sainteté anonyme des disciples du Christ dont depuis l'âge de 20 ans il avait pressenti I'existence et constaté l'action vivifiante.

Le dimanche de la Pentecôte 1941 (p.279 à 283), Lise Stern et ses deux enfants furent reçus dans l'église par le père Couturier. À cause de la guerre et du sort atroce que l'on faisait encore aux Juifs, Karl Stern continua de douter de son droit moral de sortir de la communauté juive par un signe sensible. Enfin, le 21 décembre 1943, vigile de St-Thomas, il fut baptisé par le Père Ethelbert, en l'église des Franciscains de la rue Dorchester. Ce fut seulement après sa Première Communion, qui eut lieu le lendemain matin, qu'ouvrant son missel à l'Évangile du jour, il y lut l'histoire de l'homme qui a insisté pour voir et pour toucher les plaies du Christ afin de croire en sa divinité. «Heureux ceux qui ont cru et n’ont point vu!»

Je vous laisse sur ces paroles. Elles illustrent la conversion de Stern.

J'aurais voulu insister davantage sur son aspect spécifiquement hébraïque, en faisant intervenir le sens et les paroles de l 'Ancien Testament, la vie et la destinée du peuple juif. J'ai craint de m'aventurer dans un domaine que nos études nous ont fait parcourir avec des oeillères. Stern fait preuve en tout temps d'une telle largeur d'esprit, ses considérations ont une telle envergure que mon interprétation aurait pu trahir sa pensée et peut-être aussi la vérité.

D'ailleurs, je vous avouerai que le climat stable de notre vie religieuse, d'où le danger et l'incertitude sont exclus et l'ont toujours été, prépare mal à comprendre et à traduire l'angoisse et l'inquiétude qui saisit le néophyte particulièrement - juif.

Voilà ce que j'éprouvais, -en lisant attentivement, cette fois à notre attention -ce livre dont je me voyais poussée à vous faire le récit.

La sincérité de Stern nous fait partager son inquiétude et son angoisse. Heureuse inquiéetude - angoisse bienfaisante! Elles vous permettent de recevoir le message de ce livre -qui est celui d'une foi non plus de routine, mais intégrée dans la vie, agissante et rayonnante.

PENSÉES