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"Les victimes du devoir"

La Minerve, mardi 25 juin 1895

LES VICTIMES DU DEVOIR

________

RESPECT À CEUX QUI MEURENT AU CHAMP D'HONNEUR
________

Hier une noble et touchante démonstration a eu lieu aux cimetières du Mont Royal et de la Côte des Neiges.

La brigade du feu a fait un pélerinage de pieux souvenir aux tombes de ceux de ses membres qui ont succombé au champ d'honneur et trouvé la mort dans l'exercice de leur devoir d'abnégation et de dévouement.

À trois heures, cinquante voitures environ partaient de l'hôtel de ville, emmenant les invités et les délégués de la brigade. Ces derniers, non compris les officiers, étaient au nombre de cinquante.

Le cortège a fait deux stations. La première au cimetière du Mont Royal.

Le monument commémoratif est d'une grande simplicité. Un grand rectangle de terre, limité par des bornes de prises d'Eau, comme celles de nos rues. Au centre une colonne monolithe autour de laquelle s'enroule en serpent une manche ou boyau d'incendie. Au sommet de la colonne, un pompier en tenue de travail, sur l'embase et le socle des attributs du corps des pompiers et des inscriptions.

En arrière une dizaine de renflements du sol indiquent où reposent les modestes victimes du devoir.

À cette première station le Rév. Doyen Carmichael a fait, en anglais, une courte allocution, bien sentie. Il l'a terminé par ses mots:

"Honneur, honneur à vous, braves serviteurs, qui sacrifiez votre vie pour vos semblables et ne reculez jamais devant le danger, même si vous êtes certain d'y trouver la mort."

Le vieux Père Fred Perry, ancien officier du corps des pompiers, et leur doyen a dit quelques mots et a rappelé que c'est sous ses ordres que le pompier William Sharpe, dont le nom figure sur la colonne a été tué en 1867 au feu de l'impasse de Longueuil.

Le pélerinage s'est ensuite rendu au cimetière catholique. Chemin faisant, des drapeaux et des fleurs sont déposés sur les tombes des anciens compagnons décédés.

Le monument du cimetière catholique est identique à celui que nous avons décrit plus haut.

Monsieur l'abbé Auclair, curé de Saint Jean-Baptiste, a pris la parole. En termes chauds et vibrants il dit combien il est heureux de pouvoir se joindre à ceux qui viennent payer un tribut légitime de reconnaissance aux modestes victimes du devoir qui reposent sous ses pieds.

Il trace la vie toute de dévouement des pompiers: il signale leur abnégation, leur modestie et leur courage.

Il fait ressortir que grâce à eux chaque soir la ville peut dormir tranquille, car un oeil veille, prêt à signaler tout danger.

Il décrit ensuite l'une de ces péripéties si émouvantes du sauvetage des mères de famille, d'enfants, d'infirmes.

S'adressant ensuite au chef Benoit, il le compare à un général d'armée, à l'oeil de qui rien ne doit échapper, et termine en le félicitant de l'admirable dévouement du corps qu'il a l'honneur de commander.

Les applaudissements couvrent les dernières paroles de l'abbé Auclair.

Le Doctur Lachapelle a parlé ensuite. Il trouve plein d'apropos de faire coïncider la cérémonie annuelle de la décoration des tombes (Decoration Day) avec la fête nationale. Cette habitude ne devra jamais se perdre car le culte des morts glorieux est la religion de l'âme. Il fait ensuite l'apothéose du courage. Le courage n'est pas un acte irréfléchi, comme certains veulent le faire croire; mais il est au contraire le résultat d'un froid et consciencieux sentiment du devoir. Il termine en disant que tous les citoyens de Montréal s'associent de coeur à la cérémonie et savent quelle reconnaissance ils doivent au corps des pompiers.

L'avocat H. C. Saint-Pierre lit ensuite un de ces bijoux oratoires, finement ciselés, dont l'éminent criminaliste semble avoir le secret.

Nous regrettons que l'espace ne nous permette pas de donner in extenso le discours de M. H. C. Saint-Pierre. Nous allons nous borner à prendre quelques extraits.

Voici les principaux passages:

"Concitoyens,

" Tous les ans, l'amitié et la reconnaissance (la reconnaissance qu'on a si bien définie la mémoire du coeur) vous amènent, pensifs et recueillis, autour de ces tombes muettes, pour y déposer des fleurs et des couronnes avec le tribut pieux de votre souvenir et de vos prières pour ceux qui ne sont plus.

"Parmi vous se trouvent des parents, des frères, des enfants, dont la douleur, à demi assoupie, se réveille et retrouve aujourd'hui toute son amertume et toute sa désolation, en pensant à ceux qu'ils ont tant aimé et qui maintenant dorment en silence du sommeil dont on ne se réveille pas.

......

"Bien des mois, bien des années peut-être se sont écoulées depuis le jour témoin des derniers battements de leur coeur, mais leur âme immortelle, qui est montée là-haut doit contempler avec émotion et bonheur le spectacle de tant de personnes qui leur furent chères, réunies en ce moment pour leur dire encore une fois qu'elles ne sont pas oubliées.

......

"Dans la poitrine de chacun de nos pompiers bat l'âme d'un héros. Que de fois n'avons-nous pas été témoins de leur bravoure et de leur dévouement!

......

Regardez ce modeste pompier qui, à l'aide de son échelle, vient de sauver dix personnes. Regardez-le! La figure et ses mains sont brûlées. Les poumons ont respiré une atmosphère de feu. Il peut à peine se tenir debout. Il chancelle. On appelle l'ambulance et, pendant des mois peut-être, il expiera dans d'horribles souffrances les instincts généreux de sa nature d'élite, qui a fait de lui un preux, un héros. Vous allez peut-être croire que, fier de sa noble action, il va s'en vanter. Détrompez-vous! Il n'en soufflera pas un mot, et dès qu'il sera revenu à la santé, il recommencera de nouveau, sans plus d'hésitation que la première fois.

"Voilà comment nos sapeurs-pompiers entendent leur devoir.

......

Quels que soient leurs noms, leurs origines, leurs croyances, ils étaient tous des enfants de notre commune patrie. Tous étaient, soit par origine, soit par adoption, des enfants du Canada.

Unissons-nous tous sans distinction dans notre admiration et notre reconnaissance.

......

"Vous qui pleurez ici un mort qui vous fut cher, consolez-vous, mourir est la loi suprême qui domine l'humanité, consolez-vous en pensant que celui que vous pleurez et qui repose ici a mérité en mourant la reconnaissance de ses concitoyens, et songez que lorsque parmi les nôtres on parlera de ceux qui ont illustré notre pays par leur bravoure et la fidélité au devoir, les noms de ceux qui reposent ici, seront parmi les premiers sur leurs lèvres. Montréal est fière de ses enfants morts au champ d'honneur.

"Et vous, humbles et nobles victimes du devoir accompli, le désir que me dicte mon coeur est que vos noms soient toujours et partout vénérés, et que dans le champ silencieux des morts vos cendres reposent en paix."

Une salve d'applaudissements accompagne la péroraison de l'orateur.

Avant de se quitter, une grande partie des invités, environ quatre-vingt personnes se sont placé sous une tnte dressée au sommet de la montagne et où étaient préparés un lunch et des rafraichissements. Une grande cordialité n'a cessé de régner entre els invités. Le chef Benoit présidait, ayant à sa gauche Mme H. C. St-Pierre et à sa droite l'avocat St-Pierre.

Quelques sortis ont été portées et vivement soutenues. Entre autres, à la Reine, au corps des pompiers, aux orateurs, au chef Benoit, au sous-chef Dubois, etc. À huit heures du soir tout le monde redescendait en ville, emportait un bon et salutaire souvenir de ce tribut payé aux victimes du devoir.

Étaient présents: Les échevins Grothé, Leclerc, Stevenson, Dupré, Marsolais, Lefebvre, Renault, Costigan, Turner, chef Benoit, sous-chef Dubois, et environ cent cinquate à deux cents autres notabilités.

Le texte complet du discours prononcé par Henri Césaire Saint Pierre est disponible ICI


Jacques Beaulieu
beajac@videotron
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