Mes racines / my roots

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Un voyage chez ma fille (1995)

UN VOYAGE CHEZ MA FILLE... (1995)

Mon histoire s'est déroulée... à Baie St-Paul. Ma fille y possède, dans la montagne, une maison canadienne bien accueillante à sa famille et à ses amis. Mais, ma soeur et moi, nous lui préférons une petite auberge au bord du fleuve. Les kilomètres qui nous séparent ne sont qu'un prétexte à de belles promenades. C'est ainsi que «Le Parc des Grands Jardins» reçut notre visite.

Nous y sommes venues par une journée radieuse d'été. Pendant près de deux heures, nous avons suivi une route de gravier, médiocre, serpentante, et bordée de grands et beaux arbres, d'un côté seulement. De l'autre, de jeunes conifères, produit d'une reforestration récente, nous étonnèrent. Les villages peu nombreux, les potagers rustiques et les oiseaux bruyants maintinrent notre intérêt jusqu'au modeste « centre d'interprétation » appelé pompeusement « Château de Beaumont ». Nous y entrons pour nous documenter.

Ce grand jardin, c'est une forêt remarquable par ses épinettes noires, qui poussent en bosquets, par ses bouleaux étonnants, les bouleaux nains qui ont la taille d'arbustes, et par un fragile tapis de lichens parés des fascinantes fleurs typiques des vastes espaces nordiques. Après avoir été un endroit de pêche, de chasse et d'exploitation forestière, ce territoire de 300 km est devenu, depuis 1981, « Le Parc des Grands Jardins ». Il assure la protection permanente d'une forêt clairsemée et ouverte que l'on rencontre habituellement dans les régions nordiques et d'un ongulé qui dépend entièrement de cet habitat, le caribou. Or le caribou a été déclaré par les savants « élément essentiel de la réserve mondiale de la biosphère de Charlevoix » et le lichen qui abonde dans ce « Parc des Grands Jardins » lui donne une valeur exceptionnelle.

Ainsi documentées par un film parfaitement monté, la curiosité nous entraîne vers le lac Turgeon, dans lequel se mire le Château Beaumont. Son eau, claire, transparente et paisible, nous attire. Nous mangeons notre collation à une table rustique sur ses bords. Par jeu, notre sportif compagnon lance sa ligne de pêche... il n'y a pas de poissons. Et, dans le ciel, pas d'oiseaux.

Et, tout a coup, le grand silence qui nous entoure nous frappe. Pas de mouches non plus, pas de maringouins et, dans l'herbe sèche, pas de fourmis!

Nous prenons l'auto pour explorer le pays merveilleux projeté sur la pellicule.

Horreur! Nous voici dans une forêt aussi noire que charbon et morte de la « tordeuse ». C'est une forêt roussie, brûlée par le feu allumé par l'éclair, puis rallumé par des campeurs imprudents. Des arbres, même roussis par le feu, ont encore quelques feuilles et se tiennent debout, leur branches encore fermes. Les autres, les arbres morts de maladie, penchent de leurs cents pieds de hauteur dans toutes les directions. La terre est dépouillée de sa verdure et de ses fleurs; découvrant partout de gros cailloux et des éboulis. Et cette lave blanche, qui semble coulante, c'est le lichen précieux qui constitue l'unique nourriture hivernale des caribous qui sont morts ou qui ont fui on ne sait dans quelle direction.

Ont aussi fui les oiseaux; sont disparus les insectes. Et, les lacs, dont l'eau est devenue bouillante au cours de la catastrophe, se sont vidés de toute vie. Des vents forts se sont élevés et ont propagé le feu d'une rive à l'autre. Les innombrables plans d'eau du parc épargnant parfois un îlot de conifères, que la terre brûlée pourra difficilement nourrir.

L'interprète, rencontré à notre retour au Centre Beaumont, ajouta : « Dès la première alarme, nous avons tenté de creuser une tranchée le long du lac pour contrôler le feu; nous nous sommes heurtés à un sol encore durci par sa glaciation millénaire et nous nous sommes trouvés dans l'impossibilité absolue de nous protéger. Ce sont des hélicoptères qui nous ont sauvé la vie. »

Nous sommes parties le coeur en lambeaux. Quelle perte représente pareille catastrophe? Nul ne peut encore le préciser...

Je n'oublierai pas de si tôt ce spectacle de fin du monde. Malgré toutes ses découvertes, l'homme moderne est donc encore impuissant devant une nature en folie ou en furie.



Jacques Beaulieu
beajac@videotron
Révisé le 22 juillet 2019
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