Canards Canins

Cahiers pour les gardiens de chiens de Montréal

Les idées exprimées ici n'engagent en rien les associations canines résidantes.

Le dossier épineux de l’assurance-responsabilité pour une association canine

  1. Le problème
  2. Cas d’organismes dont on exige une assurance-responsabilité
  3. Cas normal d’une demande d’aménagement dans un parc
  4. La distinction entre une demande d’aménagement et une d’utilisation exclusive momentanée
  5. Les effets pervers d’une politique municipale mal comprise par celle-ci
  6. Annexe: un exemple de protocole d'entente inacceptable


  1. Le problème

Certaines municipalités entendent exiger qu’une association canine se porte légalement responsable d’un parc canin avant de le construire. Elles entendent exiger que l’association canine qui demande la création du parc canin en question prenne une assurance qui couvre à la fois la responsabilité de l’association et celle de la municipalité en question en ce qui concerne l’usage du parc canin.

Le lecteur trouvera un exemple concret de pareilles exigences dans le texte suivant intitulé
"Protocole d'entente... concernant l'utilisation du parc... pour les fins d'une aire d'exercice pour chiens" .

Ceci cause un problème épineux à toute association qui fait face à pareille obligation: en effet, pareille assurance-responsabilité n’existe pas et il est difficile de concevoir qu’elle puisse exister. En effet, l’association en question devrait accepter une responsabilité légale face à un terrain dont elle ne contrôle pas l’accès – elle ne peut pas par exemple en restreindre l’accès à ses seuls membres - et dont elle n’a aucun droit de regard quant aux individus ou aux chiens qui l'utilisent. Elle devrait de plus en être responsable 24 heures par jour, sept jours sur sept, à l’année, une exigence qui n’existe pas normalement. Quelle compagnie d’assurances serait prête à couvrir pareille responsabilité et pour l’assocation et pour la municipalité?

  • Cas d’organismes dont on exige une assurance-responsabilité
  • Les municipalités qui exigent pareille assurance-responsabilité affirment qu’elles ne font que suivre une politique qu’elles appliquent à tout organisme qui désire utiliser un terrain ou local de celle-ci; en effet, dans tous les cas, elles exigent que l’organisme en question soit une entité légale munie d’une assurance-responsabilité qui couvre cette dernière ainsi que la municipalité.

    Donnons un exemple: un organisme décide d’organiser des parties de balle molle. Il demande à la municipalité de réserver tel terrain d’un parc. La municipalité et l'organisme doivent alors s'entendre sur un calendrier précis durant lequel le terrain en question est réservé à l’organisme; et la municipalité exige de l’organisme que celui-ci ait une assurance-responsabilité qui le couvre ainsi que la municipalité.

    Ce cas est parfaitement sensé; l’organisme doit assumer la responsabilité du terrain pendant les heures de réservation. C’est à lui à voir que le terrain soit en bon état avant la partie, et à décider si la partie peut se jouer de façon sécuritaire compte tenu, par exemple, de la météo. Évidemment, la municipalité aura vu à l’entretien du terrain avant la partie, mais il reste que c’est aux responsables de l’organisme de donner le feu vert. C’est également leur responsabilité de voir à ce que tout se déroule selon les règles de sécurité, à agir en quelque sorte “en bon père de famille”. Mais il reste que la responsabilité légale de l’organisme quant à ce terrain se limite aux seules heures de réservation.

    Même chose pour un club de bridge de l’Âge d’Or. Si l’organisme en question utilise une salle de la municipalité, celui-ci doit être pourvu d’une assurance-responsabilité qui le couvre ainsi que la municipalité durant les heures d’utilisation de la salle en question. Encore une fois, la salle en question est alors réservée à cet organisme seul, et il n’y laisse entrer que ses membres.

  • Cas normal d’une demande d’aménagement dans un parc
  • Regardons maintenant un autre cas, fort différent: les parents riverains d’un parc demandent à leur municipalité d’y aménager une aire pour tout-petits comprenant un certain mobilier: des jeux bien précis, des bancs pour les adultes qui surveillent les enfants ainsi qu’une clôture pour limiter le terrain en question sur tout son pourtour sauf l’entrée. Je doute fort que dans ce cas-là, la municipalité exige que ces parents se forment en une association légale et prennent une assurance-responsabilité qui couvre leur association et la municipalité quant à l’usage de ce terrain; après tout, ce serait bien une première: jusqu’ici, les municipalités ont toujours considéré que ce genre d’aménagement était normal dans un parc, et relevait exclusivement d’elles. Il est normal que des citoyens pétitionnent une municipalité pour tel ou tel service sans que ceux-ci s’engagent à accepter toute la responsabilité créée par ce nouveau service. La même chose serait certes vraie si les pétitionnaires demandaient la création d’une aire de balle molle.

  • La distinction entre une demande d’aménagement et une d’utilisation exclusive momentanée
  • La distinction ici est que dans un cas un organisme utilise en exclusivité un terrain ou une salle durant un temps limité et pour un usage précis, temps et usage qui ont fait l’objet d’une entente entre la municipalité et l’organisme. Dans ce cas, cet organisme s’engage à être légalement responsable du déroulement sécuritaire de l’activité en question. Dans l’autre cas, un ”organisme” informel demande un aménagement d’une partie d’un parc de la municipalité, que ce soit une aire pour tout-petits, une aire de balle molle, ou une aire canine: dans tous ces cas, l’”organisme” n’a pas de contrôle sur l’aire aménagée par la municipalité et celle-ci en est la seule responsable lorsque l’aire est disponible à tous les cioyens.

    Là où les choses se brouillent est que, dans le cas des demandes d’aménagement de parcs canins, l’”organisme” en question est plus structuré que dans les cas d’autres demandes d’aménagement. Ceci est dû au fait que l’aménagement de parcs canins porte plus à contreverse que les aménagements pour les jeunes ou les adultes. Il l’est également parce que l’”organisme” en question est d’ordinaire prêt à s’engager à garder le parc canin propre et à encourager les utilisateurs à ne pas incommoder les riverains. Mais il reste que cet “organisme” n’a pas plus de pouvoir sur cette aire du parc que les citoyens qui ont fait une demande d’aire de balle molle ou de terrain de jeux pour tout-petits. Il n’a nul pouvoir d’expulser les utilisateurs qu’il juge indésirables ni les moyens d’avoir un représentant sur place durant toutes les heures d’ouverture, demandes qu’il ne viendrait pas à une municipalité l’idée de faire dans le cas d’un terrain pour tout-petits ou de balle molle.

    Si, par contre, un organisme quelconque voulait réserver une aire canine déjà aménagée pour une activité spécifique, il va sans dire que la municipalité aurait alors parfaitement raison d’exiger que ce dernier ait un statut légal et une assurance-responsabilité qui le couvre ainsi que la municipalité pour la durée de l’évènement; elle ne ferait alors qu’appliquer logiquement sa politique déjà établie, comme nous avons déjà vu. Par contre, exiger qu’un “organisme” qui fait une demande d’aménagement dans un parc soit obligé de prendre pareille assurance-responsabilité contrevient à la politique municipale déjà établie.

  • Les effets pervers d’une politique municipale mal comprise par celle-ci
  • Qu’une chose soit bien claire: qu’une municipalité exige qu’une association canine assume une responsabilité totale sur un enclos canin pour que celui-ci soit construit à un effet certain: la non construction de l’aire canine. En effet, il n’existe aucune compagnie d’assurance qui serait prête à couvrir un terrain sous de pareilles conditions, à moins de demander une prime astronomique. Et il ne faut pas oublier qu’une fois pareil engagement pris, celui-ci a force légale et la responsabilité est en effet tout-à-fait transférée à l’organisme même si ce dernier n’a aucun droit de regard. Que pareille exigence de la part d’une municipalité soit inique ne la rend pas illégale: des tierces parties ont souvent par le passé accepté d’assumer telle ou telle responsabilité à leur plus grand chagrin. Aussi ne doit-on jamais accepter pareille demande.



    Jacques Beaulieu
    révisé le 28 juin 2006
    jacqbeau@canardscanins.ca


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