Mes racines / my roots

Henri Césaire Saint-Pierre


Adéline Albina Lesieur


Napoléon Mallette


Louis Émery Beaulieu


Guillaume Saint-Pierre


Joseph Bélanger


Geneviève Saint-Pierre


Jeanne Beaulieu Casgrain


Jean Casgrain


Simone Aubry Beaulieu


Marcel Malépart


Jaque Masson


Édouard Trudeau


Rolland Labrosse


Jacques Cousineau



Recherche
de
"Mes racines"

sur
JacquesBeaulieu.Ca


Retour
à la page
initiale

de
JacquesBeaulieu.Ca
L'affaire Shorftis (Première Partie)

Extraits de La Patrie
concernant l'affaire SHortis
(première partie: des 2 au 7 mars 1895 inclusivement)
placés par ordre chronologique
_______




  1. samedi 2 mars 1895, page 4

    DEUX MORTS DEUX BLESSES

    Terrible tragédie à Valleyfield

    Meurtre épouvantable froidement commis

    Le vol et la vengeance ont été les mobiles du crime


    UN BLESSE SE CACHE DANS LA VOUTE

    Le meurtrier est arrêté

    Vers onze heures, hier soir, Valleyfield a été le théâtre d'une terrible tragédie.

    Un nommé V. C. H. Shortis, ancien secrétaire du gérant de la filature, a tué deux personnes et en a blessé deux autres.

    Voici les détails de ce meurtre épouvantable commis à la filature;

    Vendredi soir, John Lowe, John Loy et Hugh Wilson étaient à préparer la feuille de paye des ouvriers pour lundi. John Lowe selon son habitude, avait un pistolet à côté de lui sur la table.

    Vers onze heures, Shortis, qui avait été congédié la semaine précédente comme secrétaire particulier du gérant, fit son apparition et se dirigea tranquillement vers la table.

    On ne se doutait de rien.

    Il prit le pistolet et tira sur Wilson qui fut blessé au côté gauche. Lowe et Loy crurent à un accident.

    Celui-ci courut au téléphone pour mander un médecin et celui-là se porta au secours du blessé. Mais Shortis visa immédiatement Loy, lui lança une balle dans la région du coeur et le malheureux tomba raide mort. Il dirigea presqu'en même temps son pistolet sur Lowe, mais la balle alla labourer le front et la joue de Wilson, déjà blessé.

    Il déchargea de nouveau son arme et blessa cette fois Lowe qui se réfugia dans la voûte et ferma la porte sur lui. Il y passa trois heures enfermé sans bouger, tant il avait peur de Shortis.

    Wilson, mortellement blessé, se mit à crier au secours et s'engagea de peine et de misère dans le grand escalier pour donner l'alarme chez les ouvriers.

    Maxime LeBoeuf, gardien, ayant entendu le bruit des détonations répétées se dirigea en toute hâte vers le bureau et en ouvrant la porte pour entrer, il reçu une balle en pleine poitrine.

    Shortis le guettait et il ne manqua pas son coup. La mort de LeBoeuf fut instantanée.

    Shortis, en ayant tué deux et blessé deux autres, crut prudent de couper les fils téléphoniques afin que personne ne puisse communiquer avec le dehors.

    Le meurtrier allait prendre la fuite quand il fut empoigné par deux ouvriers de la manufacture.

    Shortis avait bien encore son pistolet à la main, mais il ne pouvait plus tirer, il n'avait plus de balles. Ils le mirent sous bonne garde, avec menottes aux pieds et aux mains.

    Un détail à noter c'est que Shortis, au cours de sa tuerie, songeait qu'un témoin terrible se trouvaitg caché dans la voûte etg qu'il ne pouvait plus l'atteindre. Il cria à Lowe de sortir et jura qu'il ne lui ferait pas de mal. La porte de la voûte n'était pas fermée à clef. Lowe le savait, mais Shortis l'ignorait.

    Celui-là dit alors à celui-ci qu'il voulait bien sortir, mais que ça lui était impossible, attendu que la combinaison qui permet d'ouvrir la porte est à l'extérieur et qu'il était à l'intérieur.

    - Dis-moi comment ça fonctionne, s'écria Shortis, et je vais l'ouvrir.

    Lowe lui indiqua comment s'y prendre et quelques secondes après il était en sûreté. Shortis croyant ouvrir la porte avait mis le verrou.

    J. Loye, qui a été tué, était le fils du maire de Valleyfield. C'était un jeune homme très estimé et fort considéré dans tout Valleyfield.

    Hugh Wilson est dangereusement blessé à la tête et pourrait bien succomber à ses blessures.

    On suppose que ce double meurtre, froidement pepétré et implacablement calculé, a eu pour mobile la vengeance et le vol.

    Au moment où Lowe, Loy et Wilson préparaient la paye, il y avait sur la table une boîte contenant $25,000.

    Quand Lowe s'est sauvé dans la voûte, il a eu soin d'emporter avec lui la boîte renfermant les $25,000.

    Il est plus que probable que Shortis sera transporté aujourd'hui même à la prison de Beauharnois, qui est le chef-lieu du district.

    Lowe est aussi grièvement blessé et il est en danger, car sa santé était délabrée depuis quelque temps. Vers le jour de l'an, il a souffert d'une forte attaque de paralysie. Ce matin, il était dans un état tel qu'on ne croit pas qu'il passe le dimanche.

    Après avoir tué LeBoeuf, Shortis lui a donné une violente poussée et l'a fait rouler au pied d'un immense escalier.

    M. Maxime LeBoeuf était le cousin de M. L. C. LeBoeuf, avocat.

  2. lundi 4 mars 1895, pages 1-2

    LE MEURTRE DE VALLEYFIELD

    Les détails du crime racontés par une des victimes


    ENTREVUE AVEC SHORTIS

    La cause du crime est le besoin d'argent

    Nous avons donné samedi les premiers détails du terrible crime qui vient d'être commis à Valleyfield.

    L'auteur du crime est un jeune irlandais du nom de Bertie F. V. Shortis, qui n'était au Canada que depuis deux ans.

    Les victimes sont:

    John Loy, mort;
    Maxime Lebeuf, mort;
    Hugh Wilson, gravement blessé.

    Le crime a été prémédité; Shortis, qui avait été secrétaire du gérant du Montreal Cotton Mill où s'est passé le drame, savait parfaitement le jour où l'argent serait exposé, la topographie des lieux et il connaissait personnellement les employés.

    Shortis était à bout de ressources et avait reçu, il y a quelques semaines, une lettre de sa mère lui annonçant "qu'elle était au bout de ses ressources et qu'il devait veiller à lui."

    Cette situation l'a poussé au crime le plus audacieux qui ait jamais été commis au Canada et dont voici les détails complets racontés par une des victimes.

    L'histoire du crime

    Le payeur Lowe s'est rendu au bureau vers huit heures et demie dans la soirée et, quelques minutes après, arrivèrent Joy Loy et Hugh Wilson. Sur la table, en face de la voûte, Lowe avait mis $12,000 qu'il commença à mettre dans de petites enveloppes. C'était pour la paie des ouvriers.

    A peine avait-on commencé a compter et séparer ce joli magot que Shortis fit son apparition dans le bureau. Il parla de choses et autres, de la température et paraissait assez gai.

    On avait une douzaine d'oranges et on en offrit à Shortis qui ne refusa pas et prit un siège près du grand bureau dans le centre de la pièce. Il plaisanta avec les trois employés durant une demie heure, riant de bon coeur et faisant des histoires.

    Soudain il se leva, dirigea ses pas vers Lowe et lui demanda son revolver pour le voir.

    Lowe refusa d'abord, Shortis insista et celui-là finalement prit son revolver de son tiroir, le soulagea et le remit ainsi inoffensif à celui-ci.

    Shortis fut désappointé de trouver vides les chambres du revolver et il le remit presqu'aussitôt à Lowe. Shortis avait prétexté qu'il voulait voir la date de la patente de ce revolver.

    On reprit la conversation et déjà il ne restait plus que $1,000 des $12,000, la différence distribuée dans les enveloppes, avait été portée dans la voûte.

    Quand Shortis eut remis le pistolet à Lowe, celui-ci y logea de nouveau les balles et le remit dans le tiroir.

    Tout en causant, le meurtrier s'en rapprocha petit à petit.

    A un moment donné, Wilson était appuyé sur le comptoir et Loy travaillait dans les livres; Lowe, de son côté, expédiait sa besogne et Arthur LeBeuf, le frère du gardien qui a été tué, causait avec celui-ci.

    Alors Shortis sauta sur le revolver, visa Wilson, fit feu et le malheureux tomba à la renverse.

    Loy et les autres crurent d'abord à un accident et s'imagninèrent que Shortis ignorait que les cartouches avaient été remises dans l'arme. Aussi, Loy courut aussitôt au téléphone pour mander le médecin, mais alors Shortis fit un demi-tour, visa, fit feu et Loy à son tour roulait sur le parquet.

    Lowe avait volé au secours de Wilson et était à le relever quand celui-ci reçut à la tempe une balle très probablement destinée à celui-là.

    Lowe n'eut plus d'illusion et saisissant les $1,200 qui restaient sur la table il s'envola dans la voûte suivi par LeBeuf et, en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, la porte fut fermée et tous deux éperdus se cramponnèrent à la porte.

    Shortis les supplia de sortir pour l'amour du bon Dieu afin de venir au secours de Wilson qui se mourait.

    Sortir de la voûte, c'était la mort. Lowe eut recours à la ruse et répondit: "Je ne puis pas sortir, la porte est vérouillée; tourne le bouton de combinaison et ouvre la porte.

    La ruse réussit. Shortis fit jouer le bouton et la porte qui n'était que simplement fermée se trouva fermée au verrou. Shortis, voyant qu'il était incapable d'ouvrir la porte, se mit en frais d'amadouer Lowe et il gaspilla une demie-heure en tentatives de toutes sortes. Assis sur un tabouret en face de la voûte, il essaya tous les moyens de persuasions, mais ça ne pouvait pas réussir, car seul M. Smith, le secrétaire-trésorier connaissait la combinaison.

    Shortis ignorait cela, car il continua à plaider pour faire sortir Lowe et LeBeuf de leur retraite.

    Pendant ce temps-là, Wilson, quoique gravement blessé, réussit à se traîner dans le bureau du gérant et en ferma la porte au verrou.

    Shortis, constatant la disparition de Wilson, se dirigea vers la porte du bureau où le malheureux s'était réfugié et demanda à celui-ci d'ouvrir. Il refusa comme bien l'on pense et Shortis faisant assaut, enfonça la porte.

    Journée horrible de Wilson

    Comme Shortis entrait dans la salle, Wilson, malgré ses blessures, traversa obliquement le bureau et sortit par la porte qui conduit à l'entrée principale de la fabrique, puis pénétra dans la première salle de tissage dont la porte était ouverte. L'obscurité était profonde dans cette salle, mais Wilson connaissait son chemin et, rencontrant un mur de côté, se traîna lentement et du mieux qu'il pouvait le long de cet immense magasin, une longueur d'environ 400 pieds. Le sang coulait

    (Suite à la 2e page.)
    (Suite de la 1ère page.)
    de ses blessures à chaque déplacement qu'il faisait.

    Il n'était pas encore loin lorsque l'assassin s'aperçut de sa disparition et se mit à sa recherche. Il n'avait pas de lumière et quoiqu'il connût le chemin aussi bien que Wilson, mais n'étant pas sûr de la direction que la victime avait prise, il abandonna sa première idée. Malgré cela, il prit plusieurs allumettes dans ses poches et, tenant son revolver de sa main droite, se mit à chercher Wilson sous les tables et parmi les machines, allumant une allumette presqu'à chaque pas.

    Ce fut en rallumant une allumette qu'il aperçut des traces de sang sur le plancher. Le pauvre Wilson perdait constamment du sang et se retournait à chaque pas pour voir si son meurtrier ne revenait pas contre lui. Il essaya de hâter sa marche, mais après avoir traversé la premièrer salle de tissage et être entré dans la seconde, il s'affaisa contre un banc complètement épuisé et incapable d'aller plus loin.

    Le misérable bandit suivit la trace, allumant toujours ddes allumettes, et lentement mais sûrement, retrouva la trace de sa victime, puis enfin il arriva contre elle et la trouva sans secours allongée contre le banc. Sans une seconde de réflexion et sans dire une parole, il dirigea son revolver contre Wilson et fit feu une fois de plus.

    C'était évidemment la seule balle qui restait dans le revolver, et, en revenant par la salle de tissage, Shortis avait dû le recharger, car samedi on retrouva plusieurs douilles sur le plancher, ainsi que deux cartouches qui n'avaient pas été tirées et qu'il avait dû perdre dans sa hâte et dans l'obscurité. Il revint dans l'autre salle pour rentrer au bureau, sans aucune marque de crainte ou de remords pour l'homme qu'il venait de laisser mort, comme il le croyait, après la chasse horrible qu'il lui avait faite.

    Les prisonniers dans la voûte

    De retour dans le bureau, il alla s'asseoir devant la porte de la voûte et essaya encore de faire sortir Lowe. Ne réussissant pas de ce côté, il alluma quelques morceaux de bois pour faire croire à Lowe que la maison étant en feu; il croyait de la sorte leur faire peur et les faire sortir. Il alluma jusqu'à allumer des morceaux de papier et les passer dans les interstices de la porte et augmenter davantage la crainte des deux prisonniers. L'anxiété de Lowe et de LeBeuf était à son comble; les deux malheureux se figuraient que la place était en feu, et qu'avant qu'on pût venir à leur secours, ils seraient infailliblement asphyxiés par l'air chaud et la fumée. Il y avait deux ventilateurs dans la voûte et Lowe mit son compagnon à l'un d'eux, tandis qu'il prenait l'autre. Toutes les une ou deux minutes, Shortis retournait à la porte de la voûte et renouvelait ses menaces et toutes les fois que les prisonniers faisaient le plus léger mouvement qui auraient pu faire croire qu'ils essayaient d'ouvrir la porte, ils pouvaient entendre l'assassin armant son revolver.

    Le meurtre de Lebeuf

    Tout à coup, Lowe entendit des pas dans la direction de la chambre des tisseurs et Shortis laissa le bureau. Le meurtrier s'arrêta et attendit près de la porte l'arrivant qui se trouva être Maxime Lebeuf le gardien qui faisait sa ronde. Il était un peu après minuit.

    - Qu'est-ce qu'il y a? demanda Shortis et Lebeuf répondit:

    - Rien. Tout va bien.

    C'est alors que Shortis lui logea une balle dans la tête. Pouir être plus sûr de son coup, il fit feu de nouveau, cette fois, la balle alla se loger dans le bras de Lebeuf. Il semble que même alors le pauvre homme a eu la force de monter quelque résistance. On a trouvé autour de ses poignets une paire de bretelles qui les entortillait. Apparemment, Shortis qui avait trouvé ces bretelles on ne sait où, s'en était servi pour attacher sa victime de peur qu'elle ne lui fasse quelque mal. Shortis le croyant mort s'en alla à la voûte.

    Cependant, Lebeuf parvint à se traîner jusqu'à l'escalier, une distance d'environ trois verges et se cramponnant à la rampe, il est parvenu à descendre une vingtaine de marches. Les traces de sang indiuquent qu'il est descendu et non pas qu'il est tombé. Quand il est arrivé au bas de l'escalier, les forces lui ont manqué et il s'est couché, la tête sur la deuxième marche de l'escalier et c'est dans cette position qu'il a dû mourir instantanément. Le sang qui s'échappait de ses blessures formait une mare stagnante et l'endroit où se trouvait le cadavre était horrible à contempler.

    Vers deux heures et demie, Wilson, après s'être assuré que Shortis n'était pas dans le voisinage immédiat, sortit de sa cachette et se traîna hors de la chambre des tisseurs jusqu'en bas où il tomba d'épuisement. Quelques minutes après le gardien Delisle vint à passer et voyant Wilson couvert de sang, avec des blessures terribles sur la figure, crut qu'il avait été pris entre les roues d'une machine et le souleva dans ses bras.

    Wilson murmura alors: "un docteur, un docteur" et Delisle courut en chercher un, revenant avec le docteur Sutherland. Celui-ci arrêta le sang qui coulait toujours et dans quelques minutes Wilson fut capable de dire que d'autres avaient été frappés comme lui. Le docteur s'arma alors d'une barre de fer et suivi de Delisle ils suivirent le même chemin que Wilson avait pris et qu'il avait marqué de son sang. Arrivé au haut de l'escalier à l'endroit où Lebeuf avait frappé, ils se trouvèrent face à face avec le meurtrier.

    Le Dr Sutherland dit "Nous avons besoin de vous" et Shortis répondit: "Je me rends; voici le revolver."

    Le docteur le fit alors prisonnier tandis que Delisle allait chercher de l'aide.

    - Je vous casse la tête si vous essayez de bouger, dit le docteur au meurtrier.

    Bientôt après le secours arriva: un constable fut appelé et mit les menottes à Shortis et le prisonnier fut immédiatement conduit en prison.

    La découverte des corps

    Bien qu'il fût de très bonne heure, une foule nombreuse se porta à la manufacture. Delisle se rendit au téléphone pour prévenir le secrétaire Smith, mais Shortis avait pris la précaution de briser les fils de téléphone et d'enlever le récepteur que l'on trouva plein de sang auprès de Lebeuf.

    La foule commençait à s'exciter à la vue des deux cadavres, et la police eut juste le temps de mettre les menottes à Shortis et de le faire monter dans un sleigh.

    Le secrétaire, M. Smith, avait été prévenu et sortit Lowe et Arthur Lebeuf de la voûte.

    M. Lebeuf, qui est souffrant depuis quelque temps, fut retiré évanoui mais se remit bientôt et raconta comment ils avaient profité de deux ventilateurs pour respirer, mais qu'à tout instant ils s'attendaient à se faire rôtir dans leur cage de fer.

    Tout le monde s'accorde à reconnaître que M. Lowe a sauvé les $12,000 de la compagnie. S'il eût pris toute autre direction que celle de la voûte, il aurait certainement été tué et l'argent eût été volé.

    Après l'enquête du jury du coroner, les corps furent placés dans les cercueils préparés.

    A sept heures et demie, le corps de Loy fut placé dans le corbillard et, suivi de près de deux cents employés et ouvriers de la manufacture, fut conduit à la demeure de M. Loy, père, où il fut placé dans le salon.

    Puis, la même foule se rendit à la manufacture pour y prendre le corps de Lebeuf. Le cercueil était également couvert de fleurs. Il fut tranbsporté à la petite maison de Lebeuf où sa veuve avec cinq enfants était dans les pleurs entourés d'amis et de voisins.

    L'enquête a eu lieu dans la manufacture sous la direction du Dr J. T. Demers, de Ste Martine, coroner du district.

    Les jurés étaient les suivants:

    Jos Watle, contre-maître; M Crichton, J Lowe, sr, D D McBain, J A Robb, M McVicar, E Poirier, J Lalonde, A Lespérance, P Sévigny, N Langevin, N Léger, C Paré, Z Brault, L Parent, T Demers, J A Trottier.

    Les Drs St Onge et Lussier ont fait l'examen des cadavres.

    Après le choix des jurés l'enquête fut ajournée à deux heures pour recevoir le rapport de l'examen des docteurs, puis à huit heures la procédure.

    M. McMaster qui représente la poursuite siégeait à l'enquête.

    Les dépositions ont été de peu d'importance sauf celle du policeman qui déclara que Shortis avait caché le revolver dont il s'était servi dans la manche de son jersey et qu'il avait encore sur lui le revolver chargé.

    Puis Shortis demanda comme faveur spéciale d'avoir les menottes mises par devant au lieu de les avoir par derrière.

    Le verdict a été le suivant:

    "Que Maxime Lebeuf et John Loy sont morts, à Valleyfield, dans la nuit du 1er mars, de la main de Bertie T. V. Shortis."

    Puis Shortis a été reconduit à la prison.

    L'enquête préliminaire a lieu aujourd'hui.

    Entrevue

    Samedi soir, Shortis a eu la visite d'un correspondant du Herald et il s'est déclaré tout disposé à donner des informations aux journaux "et il a de quoi", ajouta-t-il avec un sourire.

    - Quel était votre but en commettant le meurtre? demanda le reporter.

    - Je préfère ne pas répondre. J'ai reçu de Montréal ce télégramme: "J'ai télégraphié à votre père laissez l'affaire entre nos mains." (Signé) Georges Bary. Et j'ai répondu en conséquence.

    - Avez-vous essayé de vous sauver après le meurtre?

    - Non, je ne m'en suis pas occupé, j'attendais là la police.

    - Vous rendez-vous compte de la situation?

    >P> - Non, je ne m'en suis pas rendu compte un instant et je ne m'en rends pas compte encore.

    - Avez-vous des parents ici?

    Non, mais j'attends mon père à qui on a télégraphié.

    - Pourquoi êtes-vous venu au Canada?

    - Comme les autres, pour faire fortune. Je suis venu à Valleyfield en juin, espérant y apprendre, un métier. C'est pour cela que j'ai été à la manufacture.

    - Avez-vous beaucoup voyagé au Canada?

    - Oui, beaucoup, et le pays me plaisait énormément.

    - Quand aurez-vous un avocat?

    - Je ne sais pas, mais j'espère en avoir un bientôt. Il y a des choses que je voudrais avoir et que je ne puis obtenir. Tant qu'un homme n'est pas reconnu coupable, il doit être considéré comme innocent. Ainsi il me faut une couverture ou un drap de lit et un oreiller. Tout ce que j'ai à manger, c'est du pain et pas même un cure-dent. La maudite baraque dans laquelle je suis enfermé est si froide que je gèle.

    Shortis a refusé de rien dire de ses intentions de défense, mais on dit que M. H. C. St Pierre sera son avocat.

    En attendant, Shortis prend les choses avec un calme parfait.

    Le reporter lui a demandé s'il s'attendait à être emmené à Beauharnois pour son procès.

    - Le diable emporte, a-t-il dit, la date et le lieu où je serai jugé.

  3. mardi 5 mars 1895, page 6

    TELEGRAPHIE

    LA TERRIBLE TRAGEDIE

    On voulait "lyncher" Shortis


    Le meurtrier subira son procès aux prochaines assises

    Funérailles des victimes

    Valleyfield, 5 - Une excitation intense régnait hier soir à Valleyfield, Shortis a été condamné à subir son procès aux prochaines assises du district de Beauharnois et le magistrat l'a envoyé à la prison de Beauharnois en attendant son procès.

    Quand le magistrat s'est levé pour quitter la salle d'audience vers six heures, la foule, prise d'indignation contre le meurtrier, s'est mise à crier: "Lynchez-le, tuez-le!"

    M. McMaster a rappelé aux gens qu'ils étaient dans une cour de justice et qu'il fallait faire silence.

    Laissez-les donc faire, s'écria Shortis, est-ce que je m'en occupe de cette populace.

    Cependant le meurtrier, au sortir du palais, ne put s'empêcher de trembler devant les clameurs et les explosions de colères de la foule. Mille personnes le guettaient.

    On parla de le lyncher à la porte cochère de l'hôtel Windsor, mais les constables purent tenir la foule à quelque distance et ramener le meurtrier à sa cellule où il a passé la nuit.

    Shortis a reçu hier après-midi une dépèche de son père lui annonçant que celui-ci s'est mis en route pour Valleyfield.

    Hugh Wilson repose tranquillement et on croit qu'il se relèvera de ses blessures. On ne lui a pas encore dit que Maxime Lebeuf est mort.

    Lebeuf était son ami très intime.

    Hier après-midi, à l'enquête préliminaire devant le magistrat Melden, M. McMaster représentait la couronne et M. H. C. St Pierre défendait l'accusé.

    Les témoins interrogés ont été le coroner Demrs, le Dr Sutherland, Dr F. Smith, le constable Miron, le chef de police Leduc, Dr Lussier, John Lowe et autres.

    M. St Pierre a dit au meurtrier de protester de son innocence et celui-ci a répondu non coupable à la question: plaidez-vous coupable ou non coupable.

    ¨Les funérailles de Maxime Lebeuf ont eu lieu à neuf heures hier matin. Dès huit heures, 4,000 personnes étaient massées dans la cathédrale.

    Le cortège funèbre était imposant: le deuil était conduit par Chs Lebeuf, père du défunt; Moïse et Arthur Lebeuf, ses frères; Joseph et Wilfrid Goyette, ses beaux-frères.

    L'abbé Pépin a chanté le service et près d'un millier de personnes, en dépit de la tempête, ont escorté les restes de Lebeuf au cimetière qui se trouve à un mille de la ville.

    Les funérailles de John Loy ont eu lieu hier après-midi à une heure et demie. Le service a été célébré à l'église presbytérienne par le pasteur J. E. Duclos.

    Une foule immense a aussi escorté les restes de ce malheureux à leur dernière demeure.

    Dimanche, à la grande messe, M. le vicaire de la cathédrale, a fait en chaire allusion au terrible drame. Il a parlé en termes émus du pauvre Maxime Lebeuf, qui laisse une femme et quatre enfants sans ressources. Il a aussi parlé en termes élogieux du jeune Loy, dont le père, le premier magistrat de la ville, vient d'être frappé dans ses plus chères affections.

  4. jeudi 7 mars 1895, page 4

    TELEGRAPHIE

    SHORTIS DANS SA CELLULE


    Il reçoit deux lettres de sa mère

    Il est gardé à vue

    Valleyfield, QUÉ., 7. - Shortis a reçu hier deux longues lettres de sa mère, dont chacune avait plus de dix pages. Au moment où cette pauvre mère a écrit ces lettres, elle ignorait entièrement la tragédie du premier mars.

    Shortis est enfermé dans sa cellule à six heures du soir, mais le shérif l'a autorisé à lire les journaux. L'assassin parle souvent de sa mère mais ne dit pas un mot du meurtre.

Suite de l'affaire Shortis




Jacques Beaulieu
jacqbeau@canardscanins.ca
Révisé le 5 février 2015
Ce site a été visité 31631690 fois
depuis le 9 mai 2004