Mes racines / my roots

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Lettre datée 26 juillet 1916

Lettre datée 26 juillet 1916
de Napoléon Mallette à sa fille Attala,
mère de Jeanne Beaulieu Casgrain



Ste Martine 26 juillet 1916


Dme L. E. Beaulieu & Dlle Marie Flore Mallette,
Old Orchard Beach,
Maine.

Chères enfants,

Comme les petites filles vous ont tour-à-tour envoyé des nouvelles, j'ai retardé ma réponse à vos aimables lettres, lesquelles me font toujours plaisir d'apprendre que vous vous amusez beaucoup et que vous êtes en bonne santé ainsi que tous les petits-enfants.

Chère Atela, je suis très heureux de te voir vivre ainsi mais comme je te l'ai toujours dit sois prudente en tout et partout; tu as un mari qui ne peut rien de refuser; à toi de n'en point abuser; tu n'as jamais connu l'indigence, ni la valeur de l'argent péniblement gagné; il ne faut pas se défier de la Providence, mais il ne faut pas non plus en abuser; il te faut beaucoup prier pour que ton mari vive longtemps pour faire face à de telles dépenses et faire des économies en cas de malheur, car on ne peut dire l'avenir, il est venu ici samedi soir et reparti lundi matin, je l'ai trouvé assez portant, mais obligé de prendre des pilules à chaque repas, lorsqu'il fut couché, je me suis mis à penser à toi et ne pus m'empêcher de pleurer longtemps & me demandant ce qu'il adviendrait de toi si la mort le frappait soudainement. Je m'arrête pour ne pas t'attrister, pardonne-moi si je te parle ainsi, je vois peut-être les choses différemment de vous deux, mais je crains toujours la misère après l'opulence; les extravagances conduisent toujours à la ruine.

Avec moins d'agrément, ton oncle Charles Mallette a gaspillé plus d'argent qu'il lui en faudrait pour ne pas mourir en exil, car il s'ennuie toujours à Lowell, n'ayant pas le sou en poche.

Enfin je crois qu'il est sage d'économiser tout en vivant bien, selon sa condition.

Je quitte ce sujet pour n'y plus revenir espérant que tu comprendras toutes mes intentions.

Je te recommande Marie Flore, veille sur elle comme je veille sur toi, il est si facile de s'abuser dans ces âges-là, je ne l'aurais jamais laissée aller avec une étrangère; si toutefois elle ne t'écoutait pas tu n'as qu'à l'envoyer ici, et je t'en serai reconnaissant, malgré que je serais bien trompé d'elle qui a toute ma confiance. J'espère que si elle va au théâtre elle va aussi à l'église et communie souvent.

Depuis la semaine dernière nous avons une chaleur épouvantable, toute la moisson sèche sur pied, mais au moment que j'écris la pluie commence et semble vouloir durer.

Hector est parti ce matin à cinq heures pour la rivière des Fèves, Mr Goyette est venu l'éveiller, et il s'est habillé si vite qu'il a mis les chaussures de Roméo et est parti sans s'apercevoir de la chose, et Roméo ne peut mettre celles d'Hector, il faut aller les échanger, car il est parti pour faire les récoltes.

Nous sommes tous bien et nous nous joignons pour vous embrasser.

Votre père affectionné
Napoléon Mallette








Jacques Beaulieu
jacqbeau@canardscanins.ca
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