Mes racines / my roots

Henri Césaire Saint-Pierre


Adéline Albina Lesieur


Louis Émery Beaulieu


Joseph Bélanger


Genevičve Saint-Pierre


Jeanne Beaulieu Casgrain


Simone Aubry Beaulieu


Édouard Trudeau


Rolland Labrosse

Raymond Préfontaine et son épouse

Fernand Préfontaine et son épouse Rosanne Bélanger

Fernand Préfontaine naquit le 6 mars 1858. Il était le fils de Raymond Préfontaine et de Hermantine Rolland. Fernand fut architecte et un des membres fondateurs de la revue artistique mensuelle Le Nigog. Pour des textes concernant Fernand Préfontaine et Le Nigog, pressez ici.

Le deuxième numéro de cette revue, paru en février 1918, en la possession d'Odile Malépart, a été numérisé dans son entièreté ici. Pour accéder au deuxième numéro de la revue Le Nigog, pressez ici.

Les parents de Fernand Préfontaine s'étaient mariés à l'église Saint-Jacques-le-Majeur le 20 juin 1876. Son père Raymond Préfontaine était né le 16 septembre 1850 à Longueuil. Pour la biographie de Raymond Préfontaine, pressez ici. Raymond mourut à Paris le 25 décembre 1905 et fut inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Neiges le 25 janvier 1906 dans le lot 147 de la section E. Son épouse Hermantine Rolland fut inhumée avec son mari le 4 février 1939.

Fernand Préfontaine et son épouse Rosanne Bélanger furent parrain et marraine de leur nièce Denyse Saint-Pierre, fille de Guillaume Saint-Pierre.

Rosanne fut également inhumée dans le lot 147 de la section E le 8 novembre 1921 après être décédée à Paris le 6 octobre. Son mari Fernand l'y rejoignit le 10 octobre 1949.

Fernand produisit un grand nombre de petites aquarelles, certaines spécifiquement pour une lanterne magique, d'autres probablement pas. On trouve sur certaines le prénom de la personne représentée. Pour une galerie de ces aquarelles de Fernand Préfontaine, pressez ici.


Rosanne BĂ©langer

Mariage Préfontaine-Bélanger

Ce matin, dans la chapelle de l’Académie Marie-Rose, (paroisse St-Jean-Baptiste), très joliment décorée pour la circonstance, a eu lieu le mariage de Mademoiselle Rose-Anne Bélanger, fille de M. Ernest Bélanger, du Parc Lafontaine, avec M. Fernand Préfontaine, architecte, fils de feu l’hon. Raymond Préfontaine, ancien ministre de la marine.

M. Rolland Préfontaine, frère du marié, lui servait de témoin. La mariée, qui était au bras de son père, portait un joli tailleur bleu-marine, avec chapeau en castor noir garni d’aigrettes, superbe parure de renard noir. Son bouquet était formé de roses roses et de lilas blanc.

Le Rév. Père Couture, dominicain, ami de la famille Bélanger, a béni l’union des jeunes époux.

Durant la messe, Mme Benoît, professeur de chant de Mlle Bélanger, a chanté, ainsi que Mme Richard Beaudry, Mlle Clara Bédard et M. Ed. Clerk.

Après une jolie réception chez les parents de la mariée, M. et Mme Préfontaine sont partis pour New-York, et s’embarqueront pour l’Italie, où ils séjourneront quatre mois.


MORT DE Mme FERNAND PRÉFONTAINE À PARIS

Un cablogramme communiqué à la “Presse” hier après-midi, annonce que Mme Fernand Préfontaine, née Bélanger (Rosanne) est décédée jeudi à Paris où elle avait accompagné son mari qui poursuit ses études en architecture en France. La défunte était la belle-soeur de M. Roland Préfontaine et de Me Guillaume Saint-Pierre, avocat du bureau des aviseurs légaux de la cité. Sa dépouille sera ramenée à Montréal.


FUNÉRAILLES DE Mme FERNAND PRÉFONTAINE

(Spécial à la PRESSE)

Paris, 25 – La colonie canadienne de Paris a appris avec regrets la mort de Mme Fernand Préfontaine, née Rose-Anne Bélanger, survenue le 6 octobre à Paris à la maison de santé des religieuses Augustines, 16 rue Oudenot. Le service eut lieu à l’église Saint-François-Xavier, boulevard des Invalides, le 10 octobre. La chorale de Saint-François-Xavier chanta la messe funèbre de Palestrina. Le deuil était conduit par M. Fernand Préfontaine, mari de la défunte.

Une nombreuse assistance était venue témoigner de sa sympathie, dans laquelle on remarquait: l’honorable Philippe Roy, commissaire du Canada, M. et Mme Robert LaRoque de Roquebrune, M. et Mme Georges Vanier, M. et Mme Robert Mortier, M. et Mme Pierre Dupuy, M. et Mme Roméo Boucher, Mademoiselle Read, Mme Vigroux, Mlle King, Mme J.-Alfonso Sterns, Mme Baille, Mme et Mlle Marchand, Mlle Chaput, Mme Ferrieux, Mlle Wautier, les religieuses Augustines, Mme Maria Duhamel, Mlle Fanny Ferré, Mme Chable, Mme J.-A. Bélanger, le chanoine E.-A. Deschamps, l’abbé P. Lesage, l’abbé A. Lesieur, l’abbé P. Boulay, MM. Léo-Pol Morin, Marcel Dugas, Philippe Panneton, Augustin Frigon, G.-E. Tanguay, Rodolphe Mathieu, Paul Fontaine, Victor Brault, Victor Pinard, Lionel Robert, Donat Bussière, Maurice LeMoyne de Martigny, Joseph Rivard, Joseph Robert, Roy Royal, Leblond, Rémond, etc.

Le cercueil était couvert de fleurs envoyées par son mari et par M. et Mme Mortier, Mme Damien Masson, M. et Mme LaRocque de Roquebrune, M. Marcel Dugas, M. Léo-Pol Morin, M. P. Panneton, M. et Mme P. Dupuy, M. et Mme Vigroux, M. et Mme Wilfrid Lacroix, M. et Mme G. E. Tanguay, M. V. Brault, M. et Mme Georges Vanier.

[Elle fut enterrée au Cimetière Notre Dame-des-Neiges 8 novembre 1921 dans la concession 147 de la section E.]


Biographie de Raymond Préfontaine, beau-père de Rosanne Bélanger

Raymond Préfontaine est né le 16 septembre 1850 à Longueuil. Il a étudié au collège Sainte-Marie de Montréal. Il fit son droit auprès de Mes John A. Perkins et Antoine-Aimé Dorion puis à l'Université McGill. Il fut admis au barreau de la province de Québec le 11 juillet 1873.

Il fut créé conseil en loi de la reine le 19 mai 1899. Il exerça d'abord sa profession d'avocat avec John A. Perkins et Donald McMaster puis avec Wilfrid Prévost, D. Major et Eugène Lafontaine. Il s'associa par la suite à plusieurs avocats, notamment Lomer Gouin et Joseph-Léonide Perron.

Il fut directeur de plusieurs compagnies et membre de la commission scolaire catholique de Montréal.

Politiquement parlant, il fut président de l'Association des jeunes libéraux et du Club national, maire de Hochelaga de 1879 à 1883, puis échevin du quartier Hochelaga à la suite de l'annexion de cette municipalité à Montréal, de décembre 1883 à février 1898. Il fut président du comité des chemins de 1889 à 1898 et maire de la ville de Montréal de février 1898 à février 1902 ainsi que membre de la Commission du havre de Montréal.

Élu député libéral à l'Assemblée législative dans Chambly en 1875, il fut défait en 1878, réélu à l'élection partielle du 26 juin 1879 et finalement défait en 1881. Élu député libéral à la Chambre des communes dans Chambly à l'élection partielle du 30 juillet 1886 et aux élections de 1887, il fut réélu à la Chambre des communes en 1891 pour le comté de Chambly, en 1896 pour le comté de Maisonneuve et en 1900 pour les comtés de (Maisonneuve et Terrebonne. Les sièges de Terrebonne et de Maisonneuve devinrent vacants lors de sa nomination comme ministre en 1902. Il fut membre du Conseil privé du Canada et ministre de la Marine et des Pêcheries dans le cabinet Laurier du 11 novembre 1902 au 25 décembre 1905. Il fut réélu dans Maisonneuve à l'élection partielle du 9 décembre 1903 et aux élections de 1904.

Il fut directeur de la Société Saint-Jean-Baptiste, membre de la Chambre de commerce, du St. James Club, du Club canadien de Montréal et de plusieurs autres sociétés.

Il décéda en fonction à Paris (France), le 25 décembre 1905, à l'âge de 55 ans et 3 mois. Il fut inhumé à Montréal, dans le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, le 25 janvier 1906.

Il avait épousé à Montréal, dans la paroisse Saint-Jacques-le-Majeur, le 20 juin 1876, Hermantine Rolland, fille de Jean-Baptiste Rolland, imprimeur et homme d'affaires nommé sénateur en 1887, et d'Esther Boin, dit Dufresne.



Fernand Préfontaine, mari de Rosanne Bélanger, et Le Nigog

D'autres tentatives d'émancipation marqueront le début du XXe siècle, entre autres des groupes comme l'Encéphale, l'Arche et la Tribu des Casoars qui, à leur façon, ont contribué à un échange important de références littéraires, à des ouvertures sur la littérature moderne, liées au désir de transgresser les interdits collégiaux. Mais il faudra attendre la formation du groupe du Nigog, qui se réunit à partir de 1915 chez Fernand Préfontaine ou chez le docteur Huguenin et sa femme Madeleine, pour que se manifeste une véritable tentative concertée d'avant-garde littéraire et artistique.


La vie culturelle à Montréal vers 1900,
sous la direction de Micheline Cambron,
Les Éditions Fides et la Bibliothèque Nationale du Québec, 2005,
page 53.

These cultivated youths, who had come to grips with the rich cultural scene of cosmopolitan Paris, had nothing in common with the terroir bards of the École Littéraire de Montréal, phase two. In 1918, after meeting for a few years in the salons of the architect Fernand Préfontaine, they founded Le Nigog, a literary and artistic review based on the credo "art must innovate." Writers such as Jean-Aubert Loranger, Marcel Dugas and Robert de Roquebrune, the musician Léo-Pol Morin, the sculptor Henri Hébert, the painters Adrien Hébert and Ozias Leduc, the scientist Louis Bourgoin, the art critic Jean Chauvin, the journalist Eustache Letellier de Saint-Just and the architect Fernand Préfontaine set out to upset the outworn esthetic conceptions of their countrymen and confront the upholders of regionalism. In the final months of the war, Le Nigog closed the gap between Quebec and France and opened some minds to the most advanced literary and artistic conceptions current in Europe.


Quebec: a History 1867-1929,
Linteau, Durocher & Robert,
James Lorimer & Company, Publishers, Toronto, 1983,
page 547.

Le Nigog est un magazine sur les arts fondé en 1918 à Montréal par l'architecte Fernand Préfontaine, l'écrivain Robert de Roquebrune et le musicien Léo-Pol Morin. Il est le fruit de l'imagination de Préfontaine, qui tient salon pour ses amis cultivés dans sa maison de Westmount. Certains, comme Préfontaine lui-même, sont à ce point impressionnés par leur expérience de la vie artistique parisienne qu'ils rentrent au pays déterminés à faire avancer un Québec qu'ils trouvent en retard sur le plan intellectuel. L'effort qui en résulte, Le Nigog (nommé d'après l'outil dont se servent les Amérindiens pour harponner le saumon), cherche à éveiller la curiosité des Canadiens français sur la littérature et l'art contemporain et attire dans son équipe quelque 30 collaborateurs, y compris 5 anglophones. Proclamant la primauté de la forme sur le sujet comme condition d'un art universel, les rédacteurs en chef se font immédiatement des ennemis. Les régionalistes sont horrifiés : la revendication du formalisme détruit la sérénité avec laquelle ils avaient appuyé la pensée de la société conformiste. Cette expérience éprouvante ne dure toutefois qu'une année et 12 numéros (408 pages). L'aventure a ouvert de nouveaux horizons à la jeunesse québécoise et constitué pour le Canada français un des premiers moyens d'expression des aspirations des modernistes français.


Armand et Bernadette Guilmette

[...] On aurait raison de croire cependant qu'Adrien Hébert aurait pu chercher à mieux connaître l'oeuvre de Cézanne à compter du mois de février de l'année 1918. Depuis 1914, croira-t-on, il s'était lié d'amitié avec Fernand Préfontaine qui fondera la revue de critique littéraire et artistique Le Nigog en janvier 1918. Il dessine les en-têtes et culs-de-lampe pour la revue et suit régulièrement les réunions de ses collaborateurs. Parmi ceux-ci figure Léo-Pol Morin, pianiste et musicologue, qui accueille à Montréal en 1918 le peintre français Robert Mortier (1878-1940) et son épouse Jane Mortier, concertiste.

Robert Mortier était un admirateur inconditionnel de Cézanne et de Matisse. Ami de Guillaume Apollinaire, il aime causer peinture, et n'a sans doute pas manqué de s'entretenir avec Adrien Hébert. Chose certaine, Fernand Préfontaine l'invite à écrire un hommage à Cézanne pour la revue et l'article paraît dans le numéro du mois d'avril.

À peine quatre cents mots pour saluer Paul Cézanne dans une revue qui se veut avant-gardiste, cela paraîtra bien peu. On y dit cependant des choses essentielles et il appert que peu d'articles du genre avaient alors été publiés dans des revues. [...] Celle de la présence d'une collection quasi complète des numéros de la revue L'Amour de l'Art pour les années 1920 à 1924 à la Bibliothèque de la ville de Montréal. Tous ces numéros sont marqués au tampon du monogramme d'Henri Hébert, le frère d'Adrien.Ce premier s'était donc abonné à la revue dès sa parution au mois de mai 1920, peut-être même à la suggestion de Fernand Préfontaine qui, après avoir mis fin à la publication de sa revue Le Nigog en janvier 1919, s'en était retourné vivre à Paris où sa femme suivait des cours de l'École des Chartres. Il écrivait souvent à Henri à l'époque et lui donnait des nouvelles de la scène parisienne.

Fernand Préfontaine et l'importance de notre architecture populaire

Fernand Préfontaine a été le premier, chez nous, à croire très profondément, que l'architecture était un art et que notre architecture populaire, oeuvre d'illettrés, aurait dû être, à l'encontre des influences française et américaine, l'unique source de notre inspiration moderne de bâtisseurs. Avenue Wood, à Westmount, ce jeune homme, indépendant de fortune, réunissait, entre 1917 et 1919, des amis, comme Robert de Roquebrune, Léo-Pol Morin et Jean-Aubert Loranger, pour y parler de littérature et d'art contemporain, sans dogmatisme et surtout sans moralisme. Ce qui était déjà, au Québec, toute une révolution.

Le vernis aristocratique du dilettante, architecte de formation, cachait une identité très québécoise. Fils de Raymond Préfontaine (financier, maire de Montréal, ministre de la Marine et des Pêcheries sous Laurier), petit-fils du sénateur Jean-Baptiste Rolland (le célèbre papetier), Fernand Préfontaine plaçait très haut Ozias Leduc, l'incarnation même du génie populaire. Il en fera l'éloge dans Le Nigog, revue de littérature et d'art, qu'il fondera, en janvier 1918, avec Roquebrune et Morin. Pour ce myope, grand, sceptique et doux, qui n'imposait jamais ses vues et ne craignait guère la contradiction, toute chose était éphémère. Dans l'atmosphère de parfaite liberté que Préfontaine cultivait avec bonhomie, Leduc, le primitif de Saint-Hilaire, pouvait facilement, dans les pages du Nigog, cotoyer Apollinaire, Copeau, Wilde, Cézanne, Debussy, Ravel et Stravinsky. Quel dommage que la revue n'ait duré qu'un an !

" Mais pourquoi, écrivait Préfontaine en 1918, lorsqu'on construit une habitation particulière, fait-on un bungalow californien ou un palais espagnol ? quand il existe déjà un art architectural canadien qui ne demande qu'à être développé. " Conscient de l'évolution des formes, l'admirateur d'Ernest Cormier pouvait même se payer le luxe de rêver à quelque chose de plus subtil et de plus profond que le Colonial Revival, qui avait déjà marqué les États-Unis.

Mais nul n'était mieux placé que lui pour savoir que notre bourgeoisie, si restreinte et, au fond, si modeste, ne pouvait rivaliser avec la bourgeoisie américaine. Les bienfaiteurs importants étaient rares et ils ne donnaient guère qu'à l'Église. Nos sociétés d'histoire n'existaient presque pas; l'enseignement de l'architecture était déficient. Et qui donc parlait de mise en valeur du patrimoine?


Michel Lapierre
L'aut'journal
No 187 - mars 2000


Qu’il y ait eu au Canada français les prodromes d’une littérature mondaine, c’est ce que l’on peut découvrir avec Le Nigog, auquel je reviens maintenant. Publié en douze livraisons, de janvier à décembre 1918, avec Léo-Pol Morin, Fernand Préfontaine et Robert de Roquebrune comme directeurs, Le Nigog fut une revue d’art sérieuse abordant les multiples facettes de la création culturelle montréalaise, de l’architecture à la musique en passant par la littérature, la peinture et la sculpture. Il ne s’agit pas d’une revue mondaine à proprement parler, comme le sera plus tard The Passing Show, également publié à Montréal, à la fin des années vingt. Pas de carnet mondain, de rubrique de mode, de courrier sentimental dans Le Nigog ; que des textes de critique et de création, en plus des gravures, bandeaux et autres culs-de-lampe.

On peut même trouver dans la revue des propos assez cinglants à l’endroit des mondains. […] Devant ce texte, et cet autre, de Fernand Préfontaine, où l’on énonce que « l’art n’est pas un amusement à l’usage des gens du monde », l’on pourrait croire ma thèse nulle et non avenue : les gens du Nigog, loin d’être des mondains, s’opposeraient en fait catégoriquement aux mondains. Tel n’est toutefois pas le cas. Car ce n’est pas à la mondanité en soi qu’en ont Morin et Préfontaine, c’est plutôt à une catégorie de mondaines, à un certain type de relations entre art et mondanité, à une conception anachronique et fausse de l’art. Contre ceux pour qui l’art est un divertissement, contre ceux qui, en retard d’une génération, en sont restés à Bourget ou qui, patriotes intempestifs, réclament des sujets canadiens, ils affirment que le sujet n’est pas important en art, se font les hérauts de l’art moderne, tel que représenté par Anna de Noailles, Éric Satie ou les silos à grains du port de Montréal, et enfin affirment que la connaissance de l’art n’est pas immanente aux gens de la bonne société, mais demande au contraire travail, savoir et ouverture d’esprit. Ce faisant, ils ne se positionnent pas dans un en-dehors de la mondanité, mais s’attaquent, comme membres de cette élite sociale et culturelle, à la fraction conservatrice du Tout-Montréal. Autrement dit, il ne s’agit pas ici de puristes de l’art pour l’art opposant la tour d’ivoire aux compromissions mondaines, mais de mondains, au demeurant partisans de l’art pour l’art et de la modernité artistique, s’attaquant à d’autres mondains, artistiquement dépassés ou ignorants. Avec Le Nigog en somme, une révolution esthétique est en train de secouer les cercles huppés de Montréal.

Plusieurs indices, dans la revue elle-même, viennent confirmer le fait qu’elle s’adressait aux gens de la bonne société. Les plus nets, à mon avis, en plus de l’appel constant à une élite culturelle, sont ceux des publicités annonçant une soirée musicale et littéraire chez une grande dame, faisant la réclame de « Fashion Craft » — on y lit « S’habiller est un art. Les plus élégantes créations pour les hommes de goût » — ou encore, invitant les lecteurs à engager, pour leurs « concerts, récitals, clubs ou soirées musicales », un des artistes sous la direction de Henry Michaud, parmi lesquels on retrouve Léo-Pol Morin. Qui, sinon un mondain, souhaiterait organiser chez lui une soirée musicale en engageant pour ce faire un instrumentiste ou un chanteur prestigieux ?

L’ironie de voir un mondain réprimander publiquement des mondaines dans une revue lue par des mondains ne fut pas perdue pour l’adversaire attitré de Léo-Pol Morin qu’était Frédéric Pelletier, chroniqueur musical du Devoir. Il écrivit à ce sujet : « [Morin] en veut décidément à celles qu’il dénomme dames d’art. Je ne puis m’empêcher de craindre que les susdites dames chez plusieurs desquelles fréquente M. Morin, ne lui auront pas une reconnaissance exagérée de sa brûlante déclaration d’amour. » Les craintes de Pelletier ne furent pas fondées, car les mondaines pardonnèrent ses remarques acerbes au directeur du Nigog. Pelletier lui-même, un mois plus tard, écrivit en effet : « les dames d’art si rudement malmenées par M. Léo-Pol Morin ne lui en veulent pas, bien sûr, à preuve le mot suivant […] à l’issue d’un récital [de] M. Morin […] “Allons, disaient-elles, baiser les mains du Maître” »

Étalées sur trois mois, les huit conférences du Nigog donnèrent lieu à trois comptes rendus dans La Presse, à trois autres dans Le Canada et à pas moins de cinq dans la rubrique « Mondanités » de La Patrie. Et ce n’est pas tout en ce qui concerne ce dernier journal, puisqu’une mention de la parution du deuxième numéro de la revue se retrouve dans les « Mondanités » et qu’une chronique de Madeleine Huguenin, importante salonnière de l’époque, est dévolue au numéro inaugural de janvier. Encore ne mentionné-je pas les articles consacrés par La Patrie ou ses concurrents aux concerts de Léo-Pol Morin, occasions sociales à mi-chemin pourtant entre art pur et mondanité. De même glissé-je sur les quelques reprises où les noms des collaborateurs du Nigog se retrouvèrent dans la rubrique des mondanités à l’occasion de réceptions sans lien direct avec la revue.

Par leur seule présence dans la liste des mondanités, qui mentionne quotidiennement, à La Patrie, les fiançailles, mariages, thés, bals et soirées diverses du gratin montréalais, les mentions des activités du Nigog classent automatiquement celles-ci et leurs animateurs dans le cercle restreint des événements et personnalités que l’on doit connaître ou fréquenter, dont il faut parler. Quand, en plus, l’on insiste sur le fait qu’il y avait là un « auditoire choisi », une « société d’artistes », un « auditoire d’élite » et que l’on prend le temps de décliner le nom de toutes les personnes présentes, cela situe plus nettement encore les collaborateurs du Nigog à un haut niveau dans ce que Jacques Dubois a nommé les « gradins sociaux ». Quand, enfin, le texte des comptes rendus célèbre presque unanimement le projet et les thèses de la revue, il est clair que les mondains reconnaissent dans le groupe des exotiques des gens du même milieu et que les prises de positions esthétiques du Nigog recueillent leur assentiment. Eussent-ils été les seuls juges que la revue eût connu un succès sinon unanime, du moins éclatant.

S’il n’y eut pas de véritables adversaires du côté des mondains, il y en eut tout de même plusieurs, fort coriaces d’ailleurs, mais qui étaient généralement issus d’un tout autre milieu, idéologiquement et socialement. Et, chez ces derniers, le caractère mondain du Nigog ne passa pas inaperçu [...]

Inversement, en feuilletant la collection du Nigog et les textes publiés ailleurs par ses collaborateurs, on découvrirait force commentaires condescendants à l’endroit des incultes, des rustres, des paysans ou clercs mal dégrossis, ou au sujet des absurdités esthétiques auxquelles conduit l’amour inconditionnel du terroir. Ainsi Fernand Préfontaine écrit-il à Albert Laberge, qui vient de publier La Scouine :

Nos auteurs canadiens, surtout ceux de l’école nationaliste, ont adopté un type de paysan niais et sentimental qui n’existe sans doute que dans leurs imaginations. L’« habitant » est d’abord un homme, avec les défauts et les qualités ordinaires aux humains, s’il est sentimental c’est très superficiellement ; comme le paysan de partout ses idées sont très simples, il est plutôt égoïste et souvent brutal

Tout cela révèle les liens existant entre les thèmes, les prises de position esthétiques et idéologiques, d’une part, et les dispositions esthétiques liées au style de vie ou à la classe sociale, d’autre part. Dans la querelle entre exotiques et régionalistes, il y avait donc indubitablement, en plus des clivages politiques et des conflits d’ordre purement esthétique, des tensions socio-culturelles très fortes, comme l’indiquait déjà Dominique Garand. [...]

De ce point de vue, la polémique entre exotiques et régionalistes peut être interprétée comme le choc entre deux modes de vie. D’un côté, la conception de la culture des exotiques s’inscrit dans un univers de distinction par le haut et l’extérieur, par la grande culture, l’aisance, l’élégance, le détachement. La culture, pour eux, est un fait acquis, ils se la sont incorporée, elle se lit dans leurs gestes, leur façon de se vêtir, leur diction. C’est pourquoi Grignon s’attaque précisément à cette manifestation « physique » de l’esthétique mondaine. De l’autre côté, celui des régionalistes, la culture est affaire de survie collective et repose en particulier sur les masses paysannes, dépositaires de la langue et de la foi. C’est plus ou moins en leur nom que combattent les régionalistes ; selon le schéma de Gramsci, ils se veulent les intellectuels organiques de cette classe. Il y a ainsi chez eux, dans une certaine mesure, un refus de la distinction, source de la rhétorique de l’humilité identifiée par Garand dans leurs textes.

Conclure de tout cela que, sous des prétextes littéraires et artistiques, il y avait en fait une lutte d’ordre social et réduire ce faisant la querelle autour du Nigog à un conflit entre des mondains montréalais, fortunés et snobs, et des clercs provinciaux d’origine modeste, attachés à la culture populaire, ce serait faire fausse route, tomber dans le piège d’un déterminisme unidirectionnel. Bien plutôt, il importe de noter que la querelle est tout à la fois : esthétique, idéologique, institutionnelle, linguistique — ceux du Nigog fréquentent ou travaillent avec des anglophones montréalais, attitude sacrilège aux yeux des régionalistes — et socio-culturelle. Et des deux côtés de la palissade, ces multiples plans sont intégrés les uns aux autres au point de former un tout. Ainsi, pour ne prendre qu’un cas, la correspondance apparaît évidente, aux yeux des acteurs de l’époque, entre les dispositions esthétiques « appliquées » ou quotidiennes, celles du vêtement, de l’ameublement, du maintien, et les choix esthétiques proprement dits, ceux des théories ou pratiques artistiques. C’est pourquoi on peut estimer, chez les régionalistes, que telle ou telle prise de position des exotiques, celle de Léo-Pol Morin en faveur de Satie par exemple, n’est pas autre chose que pose et affectation typiquement mondaines. De là vient l’acharnement de Grignon à faire son « portrait des jeunes exotiques en pantalons chics ».

Au lieu de chercher une cause première, il faut donc essayer de comprendre comment ces multiples plans ont pu s’arrimer les uns aux autres, par quel enchaînement de causes et d’effets ces deux univers culturels ont pu prendre forme et s’opposer de plus en plus nettement à l’autre. Cela est particulièrement important pour Le Nigog, dont la cohérence globale a été trop peu étudiée, mais vaut tout autant pour le régionalisme, dont certains aspects recevraient une lumière neuve grâce à une telle étude. Pour ce faire, il faut réexaminer les sociabilités, le mode de vie et les représentations qu’on en faisait. Découvrir les acteurs des réseaux littéraires et la sociabilité qui les anime, de même que les habitus propres aux divers milieux littéraires, cela nous révèle bien plus que des anecdotes biographiques ; car, comme l’indique le cas du Nigog, la sociabilité peut être un indice des valeurs esthétiques ou politiques prisées par un groupe et les habitus peuvent devenir des enjeux dans les luttes pour l’obtention du capital symbolique. Ainsi, la mondanité fut, pour les exotiques et les régionalistes, le signe par excellence de ce qui les séparait : signe de distinction, d’élégance et d’élitisme culturel pour ceux du Nigog, signe de snobisme, d’urbanité, voire d’extériorité à la culture canadienne-française pour les régionalistes.

Comprendre comment et pourquoi la mondanité a pu prendre une telle importance, cela ne peut être résolu ici. Trop de données manquent, du fait de l’absence de recherches documentaires consacrées à ce phénomène. De plus, comme la mondanité est liée aux tensions entre univers rural et urbain, entre notables et grands bourgeois, entre conservatisme et une certaine modernité, entre autonomie ou dépendance culturelle face à la France, entre appartenance au Canada ou au Canada français, son explication exige de recourir à la démographie, à la sociologie, à l’histoire culturelle et à l’histoire littéraire, et nécessite d’importants travaux d’approche. Objet éminemment interdisciplinaire, elle n’a pourtant été abordée par pratiquement aucune discipline. Nous ne pouvons qu’en appeler à une redécouverte et à une relecture de ce qui a été un phénomène majeur de la vie culturelle au Québec.


Des Montesquiou à Montréal: Le Nigog et la modernité
Michel Lacroix
Voix et images,
Volume XXIX Numéro 1 (No 85), Automne 2003



Jacques Beaulieu
jacqbeau@canardscanins.ca
Révisé le 19 juillet 2013
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