LE BON VIEUX TEMPS
Langevin vs l'Enfant Terrible - Vieux dossiers - Un procès de 1768.
- Retour sur le terme "Chouayen", qui date de 1756
M. Oscar Dunn, dans une
correspondance publiée dans la Patrie de mardi dernier,
me dit que l'origine du mot "Chouayen" remonte à 1756, époque à laquelle le fort Oswego
s'appelait le fort Chouayen. En lisant dans le Canadien du 17 juin 1809 la
définition de ce mot, je n'ai pas cru nécessaire de continuer mes recherches plus
longtemps, attendu que le ton de l'article du Canadien était très positif sur le
[?].
M. Dunn qui fait de l'archéologie en grand, a été plus heureux que moi et je le
remercie de l'information qu'il m'a fournie.
- Hector Langevin, assailli par l'Enfant-Terrible le
18 mai 1849
Les rues St-Gabriel et St-Vincent sont devenues célèbres de nos jours, par le nombre de
taloches qui y ont été échangées entre journalistes et avocats. Nous ne parlerons pas
aujourd'hui des rencontres à coups de poing ou à coup de cravaches
qui s'y sont faites depuis
1860, car les héros de ces luttes vivent encore et nous n'aimons pas à ouvrir des
plaies cicatrisées depuis longtemps. Remontons à 1849.
En consultant de vieux journaux, je vois que le 18 mai 1849 M. Hector Langevin, rédacteur
des Mélanges Religieux, a été assailli à coups de poing par M. J. B. E. Dorion,
(l'Enfant Terrible) qui lui a donnée une rude râclée, à propos d'un article qui avait
paru dans les Mélanges. La Minerve du 20 mai nous apprend qu'immédiatement après
l'assaut M. Langevin courut au bureau de police pour y déposer sa plainte contre
l'Enfant Terrible.
Le procès eut lieu le 20 mai, et le défendeur fut condamné à $5 d'amende et les frais.
Ce matin je suis descendu dans les caves du Palais de Justice où M. Daoust m'a montré les
plus vieux dossiers gardés dans le département des archives.
Les dossiers de 1765 à 1800 sont jetés pêle-mêle sur des rayons élevés, et couverts d'une
couche épaisse de poussière. Je cherchais à mettre la main sur les documents du
premier procès qui a été plaidé à Montréal après la conquête. L'exercice que je me suis
donné pour le trouver ressemblait beaucoup au travail d'un homme qui chercherait une
aiguille dans une charge de foin. Je n'ai pu trouver encore le premier dossier, mais
j'espère y réussir sous peu grâce à la complaisance de M. Daoust. Ce dernier m'a montré ce
matin plusieurs papiers relatifs a des procès qui ont eu lieu en 1768.
- Une requête au civil en 1768
Le dossier dans la cause de Gamelin contre Dubuc renferme la déclaration du demandeur
réclamant le prix d'un esclave, l'esclavage existant à cette époque dans la province de
Québec.
Nous copions la déclaration avec son orthographe originale:
Aux honorables juges des plaidoyers commun du district de Montréal, province de Québec,
etc. etc,
Pre. Gamelin a l'honneur de vous représenter qu'en May 1767, qu'il était à londres,
Messieurs Jb. Jordan Ecuyer et Doct. henry Loedel, ses procureurs En son absence,
Consignèrent le Nommé Stevens Negre, appartenant à Mondt. J. Gamelin et à ses Enfans;
au Sr. Augustin Dubuc, Marchand allant aux Ilinois, pour Entirer le parti le plus
avantageux appert à Son Reçu.
Le dit J. Dubuc donnant avis que le dit Negre a été vendu Neuf cent franc ancien she[?],
dont la somme Est mentionnée devoir Etre compté du net produit appert à l'Etat des dettes
privilégiez désigner par le dt. J. Dubuc, de la vente de quatorze paquets de pelleteries
No 1 à 14, qui lui furent saisie à la requête du Sr Campion à Miscilimakinac Et par un
ordonnné de l'honorable contre les derniers doivent Etre Remis aux Créanciers Privilégiez;
Ses a ce droit que les Suppliants Reclament Votre Ordonnance aux fins de toucher le
produit du Negre sus mentionnné et ferez justice à
Vos très humbles et Très Obéyssants Serviteurs:
J. BTE GAMELIN, HENRY LOEDEL, et pour JOHN CONNOLLY comme procurateur.
La Patrie, mercredi 4 février 1885, page 4.
- L'origine du terme "Chouayen" date de 1756
Le mot "Chouayen"
Monsieur le rédacteur,
Je suis un des lecteurs assidus de vos chroniques du "Bon vieux temps". Je voudrais bien
avoir l'opinion de l'auteur sur l'origine que j'attribue au mot chouayen. Voici
ce qu'on lira, si l'on ne me dit pas que j'ai tort, dans la seconde édition du
Glossaire franco-canadien que je publierai bientôt:
"CHOUAYEN - Qui est du parti anglais, par opposition à Patriote ou membre du
parti populaire canadien-français. Bureaucrate, voir ce mot."
L'auteur des intéressants souvenirs du Bon vieux temps, publiés dans la
Patrie, cite le Canadien du 17 juin 1809 qui donne l'origine de cette
expression, aujourd'hui inusitée:
On donnait, dit le Canadien à un quartier du faubourg St Jean, où il y a beaucoup
de filles publiques, le nom de Fort Chouayen.
C'est le nom d'un ancien fort du pays.
Pendant la dernière élection de la haute ville, ce nom s'étendit à tout le faubourg et
on appelait "chouayens" ou gens du fort chouayen tous les électeurs de ce faubourg qui
dans cette élection étaient pour M. Dénéchaud. La signification de ce nom s'est ensuite
étendue à tous les gens du parti du gouvernement qui étaient pour M. Dénéchaud elle a été
entretenue depuis surtout dans la basse-ville et leur a demeuré appliquée; de sorte
qu'actuellement ce sont eux qui sont particulièrement désignés par ce nom. On ne
l'applique plus au faubourg St Jean qu'autant qu'on les croit de ce parti et si ce qu'on
dit est vrai, il n'y a plus dans ce faubourg d'autre chouayen que M. Dénéchaud, et les
filles du fort qui sont toujours du parti.
M. DeBonne qui n'a jamais demeuré dans le faubourg St-Jean est un chouayen dans la
signification actuelle, c'est le grand chouayen canadien, c'est-à-dire le premier
canadien du parti du gouvernement."
Le mot chouayen a pu avoir un regain de popularité dans les circonstances
rapportées par le Canadien, mais je crois son origine plus ancienne. Le fort
chouayen, c'est le fort Oswego. La prise de cette place est un des plus brillants faits
d'armes accomplis sous la domination française; cet exploit semble même si extraordinaire
que Montcalm crut devoir s'en excuser. "C'est peut être, écrit il au ministre le 28 août
1756, la première fois qu'avec trois mille hommes et moins d'artillerie qu'eux, on eu a
assiégé dix-huit cents, qui pouvaient être promptement secourus par deux mille, et
s'opposer à notre débarquement, ayant une supériorité de marine sur le lac Ontario. Le
succès a été au delà de toute attente. La conduite que j'ai tenue en cette occasion et
les dispositions que j'avais arrêtées, sont si fort contre les règles ordinaires, que
l'audace qui a été mise dans cette entreprise doit passer pour témérité en Europe;
aussi je vous supplie, Monseigneur, pour toute grâce, d'assurer Sa Majesté que si jamais
elle veut, comme je l'espère, m'employer dans ses armées, je me conduirai sur des
principes différents" - Inutile de dire avec quel plaisir arrogant les soldats de
Montcalm, après cette victoire, appelèrent les Anglais en général des Chouayens.
OSCAR DUNN.
Québec, 23 janvier 1885.
La Patrie, mardi 3 février 1885, page 1.