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Lettre du 8 novembre 1900

Correspondance d'Émery Beaulieu à Attala Mallette

Lettre du 8 novembre 1900
Un seul folio de 2 pages 20 x 26 cm


Montréal, 8 novembre, 1900.

À Mademoiselle Attala Mallette
Sainte Martine

Ma chère amie, Si vous croyez que je suis de bonne humeur, permettez-moi de vous dire que vous vous trompez: on devait avoir un examen samedi prochain, le 10 courant; et à cause de ce prochain évènement, je passais mes jours et une partie de mes nuits à étudier, quand voilà que ce matin, on nous avertit que l'exmen n'aura lieu que le 17; et moi qui avais cru devoir attendre après mes examens pour vous écrire? Le plus clair de tout cela, c'est que je reste en face d'une tâche assez lourde: me faire pardonner mon retard forcé à répondre à votre charmante lettre. Il est déjà tombé de votre bouche, n'est-ce pas, ce mot de pardon?

Et maintenant, je dois vous dire que M. Sauvageau de Montréal, n'a absolument rien à faire avec les nouvelles que j'ai reçues de Ste Martine. Vous aimeriez savoir le nom de ce Monsieur qui s'est vanté d'avoir des preuves de cordiale relation avec vous? Avouez cependant, que si je livrais ce nom, vous m'en estimeriez moins. N'est-ce pas qu'à vos yeux ce serait une oeuvre lâche que d'aller trahir ainsi un ami, que de me faire dénonciateur de paroles échappées dans l'intimité, sans aucune arrière-pensée.

Car remarquez que ce jeune homme ne se doute pas le moins du monde de notre correspondance.

Laissons-le dormir en paix; lui, et tous les autres; et restons seuls, face à face.

Vous m'aimez et vous craignez de vous attirer ma disgrâce en me l'avouant! Pourquoi? Est-ce une raison pour que je vous en estime moins? Croyez-vous donc que je sois insensible à votre amour? Sans doute, ce serait faux de dire que ma pensée est sans cesse occupée de vous; mais il serait très vrai de dire, qu'après une journée d'étude, votre souvenir est une chose bien rafraîchissante. Et je ne suis pas non plus de ceux qui crient à tout propos que leur coeur est fixé pour toujours & qu'ils en aimeront jamais d'autres. Ma propre expérience m'a montré la futilité de ces serments éternels; mais j'ai entendu le cri de votre coeur, j'ai senti qu'il était sincère, et j'en ai été vivement touché, et à mon tour je puis vous dire que je vous aime. Ne nous inquiétons ni du degré ni de la durée de cet amour; contentons-nous d'en constater l'existence. L'avenir est à Dieu, et en le priant bien, nous saurons s'il est utile à notre bonheur que nous nous aimions toujours. Nous reparlerons de ce sujet, lors de votre prochain voyage à Montréal, ce qui ne saurait guère tarder, j'espère.

En attendant, je demeure votre ami bien sincère et plein d'espoir de vous voir bientôt

Émery








Jacques Beaulieu
beajac@videotron
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