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Lettre incomplète du 24 mars 1901

Correspondance d'Émery Beaulieu à Attala Mallette

Lettre incomplète du 24 mars 1901



Folio de 4 pages 20 x 26 cm dont la suite est manquante

Montréal 24 mars 1901


À Mademoiselle Attala Mallette Sainte-Martine Ma Bien-aimée Attala,

Vous ne savez pas comme c'est ennuyeux à la ville, loin de vous. Simon est allé voir sa blonde, les autres sont aussi sortis en visite, et moi, je reste seul, bien seul avec votre souvenir; et pour me consoler, je relis vos lettres, je me rappelle vos paroles, je m'entretiens de beaux rêves, d'illusions dorées, dans lesquels vous êtes toujours la reine, la fée.

Vous savez que les anciens alchimistes usaient leur vie à la recherche de la pierre philosophale, de cette pierre qui par son seul attouchement devait tout changer en or; ma pierre philosophale à moi; c'est l'amour de ma charmante amie; et cette pierre philosophale est la seule chose qui m'est [sic] un peu de joie dans mon existence. Toute ma vie, toutes mes pensées se partagent entre deux choses: mon code et vous; et encore l'étude de mon code n'est encore qu'un moyen pour arriver jusqu'à vous; pour obtenir votre amour, votre coeur d'une manière perpétuelle et incontestée. Car sachez-le, depuis ma dernière visite à Ste Martine; je n'ai fait aucune visite; non pas tant parce que je craignais des reproches de vous, que parce que tout ce qui n'est pas vous, tout ce qui ne me parle pas de vous, me laisse maintenant indifférent.

J'ai passé un examen ce matin, et j'ai, grâce à vos prières sans doute, réussi au-delà de mes espérances.

Je ne dis pas cela pour recevoir des félicitations; sachez bien que tout succès vient de Dieu et doit lui être rapporté, mais parce [que] vous m'aimez, que je vous aime & que les joies et les douleurs de l'un doivent être les joies et les douleurs de l'autre:

Lorsqu'on s'aime, chacun
Perdant sa valeur numérique,
Un plus un ne font jamais qu'un,
En dépit de l'arithmétique.

Vous continuerez donc à prier pour moi, de toute votre âme; car je vous le dis en toute sincérité, je traverse un vrai temps d'épreuves que je ne pourrai supporter sans l'assistance du Ciel.

Mais outre le devoir de prier pour votre pauvre Émery, mon amour vous en impose un autre: c'est de m'éviter toutes inquiétudes sur votre constance; c'est de ne pas ajouter à mon fardeau, par des insinuations aussi accusatrices que celles contenues dans votre dernière lettre. «Je ne vous aime pas autant que je le dis sur mes lettres.»

Ma bien-aimée, ne regrettez-vous pas cette phrase, la répéteriez-vous, après avoir réfléchi, après avoir reçu l'explication que je vous donnais jeudi, à propos de cette malheureuse affaire de bague. Repassez dans votre esprit, ô ma chérie; repassez tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai dit; et dites-moi, ce qui m'a pu mériter ce reproche. M'avez-vous demandé quelque chose que je ne vous l'aie accordé; avez-vous manifesté un désir que je n'aie pas rempli? J'avais des amies à l'égard desquelles, on interprétait mal mes sentiments, je n'en ai plus; vous m'avez demandé de vous écrire plus souvent, je le fais avec plaisir; je tiens à votre disposition une de mes photographies; vous m'avez demandé de vous donner mon coeur; il est à vous, à vous tant que vous voulez le garder; vous m'avez prié de vous bien aimer; et je vous aime de toutes mes forces; et mon grand espoir, c'est qu'il me sera permis de vous toujours aimer. Attala, que voulez-vous de plus? s'il est quelque chose dans ma conduite qui vous déplaît, au nom du Ciel, dites-le moi, et je le ferai disparaître; car voyez-vous, ô mon beau trésor, rien ne me sera pénible, s'il vous doit faire plaisir; et j'estime votre amour à un si haut prix, que rien, entendez-moi bien, que rien ne me paraîtra trop dûr pour le conquérir, pour le conserver.

Oh! que les paroles qui expriment l'amour, la tendresse, me paraissent faibles quand je vous les adresse; et quand je vous ai appelé ma bien-aimée, ma chérie, mon beau chérubin blond, ma petite méchante, je sens qu'il reste encore dans mon coeur des flots d'amour qu'aucun de ces mots n'a pu exprimer; je vous aime, oh! comme je vous aime; mon Attala; et c'est les larmes aux yeux que pour la centième fois, je vous répète que je vous aime.

On m'a dit que vous craigniez que mon amour ne se dissipe bien vite; oui, quelqu'un m'a dit cela; ce n'est pas vrai n'est-ce pas. Qui donc à plus d'occasions de changer d'idée, de moi qui ne visite personne, qui est tout entier à l'étude du droit, de moi qui n'ai pas de plus grand bonheur que de compter les jours qui me séparent de Pâques; ou de vous qui allez aux vêpres avec M. Lussier, de vous qui faites de beaux tours de promenade en voiture avec de charmants messieurs? Remarquez bien que je ne vous adresse pas le moindre reproche, mais je veux seulement vous montrer que j'ai beaucoup plus lieu de m'inquiéter que vous.

Encore quinze jours et nous serons à Pâques. Il est probable que je pourrai me rendre à Beauharnois, le jeudi saint; ce qui me permettra de me rendre à Ste Martine le jour de Pâques même; et dans ce cas, je vous prierai de bien vouloir m'accorder l'après-midi et la veillée du jour de Pâques, à moi tout seul; et aussi la veillée du lundi de Pâques; car je ne retournerai à la ville que mardi matin, le 9 avril. Si toutefois il m'est impossible de me rendre à Ste Martine, le jour de Pâques même; j'y serai sans faute le lendemain, et alors je réclame l'après-midi et la veillée du lundi, à moins que vous n'ayez des projets contraires: ce que vous voudrez bien me mander, par votre prochaine lettre. Mais que j'arrive dimanche, ou que j'arrive lundi, au nom du Ciel, épargnez-moi la cruelle déception d'apprendre en arrivant: «que Mademoiselle est partie depuis deux jour et qu'on ignore quand elle reviendra». Je vous prie de croire que si je reçois une telle réponse, je ne retournerai ni le soir, ni le lendemain, m'informer si vous êtes revenue.

Connaissez-vous Mademoiselle Taillefer, de Ste Martine? Eh! bien elle est arrivée hier de l'endroit le plus charmant du monde, du village où vit ma bien-aimée. Vous comprendrez que je me suis informé de vous: elle vous avait vu passer quelques jours au-paravant, donc vous êtes en parfaite santé; que Dieu vous garde à mon amour!

Le soir j'ai joué aux cartes, uniquement pour avoir l'occasion de faire parler Mademoiselle Taillefer sur votre sujet, ce qui avait le don de me distraire au point que nous avons fait un «chicago» au grand désappointement de ma compagnie: pourtant on me dit assez bon joueur de whist.

Oh! il faut que je vous conte une histoire: La scène est la cour criminelle, on y fait le procès d'une malheureuse; le juge Wurtele vient de faire une charge épouvantable contre l'accusée, dans laquelle il lui a reproché de ne pas avoir... - pardonnez-lui car il est d'origine allemande - de ne pas avoir des ... boyaux de mère: Le jury s'est retiré pour délibérer; après quelques instants, il revient; et le juge lui adressa la question sacramentelle: «Les jurés sont-ils unanimes»; alors grave & majestueux, bien convaincu de l'importance que la loi lui attribue en ce moment solemnel, le président se lève; Il se tourne vers le juge; et distinctement, d'une voix forte de crainte qu'aucune de ses précieuses paroles ne soient perdues: «Moi, toujours, votre honneur, dit-il, je sut unanime»! Il eut un succès fou! Le cher homme est plus heureux qu'un de mes compagnons d'étude, farceur incorrigible, à qui on avait posé une question de droit romain; sur laquelle les auteurs étaient d'opinion différente: «Sur cette question, répondit-il gravement, les auteurs sont partagés... et moi aussi». Qui préférez-vous d'un homme unanime ou d'un homme partagé!!...

Quant à moi, il y a un point sur lequel je suis très unanime & point du tout partagé: c'est que je vous aime de tout mon coeur; que je n'aime que vous, que je vous aimerai toujours; que je me donne à nulle autre qu'à vous, mes pensées, mes regards, mes affections, mes désirs.

[la suite manque]






Jacques Beaulieu
beajac@videotron
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