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Lettre du 19 décembre 1901

Correspondance d'Émery Beaulieu à Attala Mallette

Lettre du 19 décembre 1901



N. B. Les lettres à folios multiples ont été reconstituées en tenant compte de leur position dans la liasse de papiers, de la couleur de l’encre, la dimension du papier et la suite dans le texte; l’ordre n’est pas toujours certain; aussi le début de chaque folio est clairement identifié, ainsi que sa place présumée dans la lettre:


[Premier folio de deux pages 20 x 26 cm]
Montréal, 19 décembre 1901
À Mademoiselle Attala Mallette
Sainte Martine.
Ma chère Attala,

Je voulais attendre à l’an prochain pour commencer ce nouveau cahier que je dédie encore à votre amour, mais je ne le puis. J’ai trop envie de vous parler un petit peu. D’ailleurs, il faut bien que je vous dise ma joie: je viens de passer mon examen écrit et j’en suis on ne peut plus satisfait: nul doute que vous avez prié pour moi.

Et puis j’ai d’autre chose à vous dire. Sur la fin de votre dernière lettre, je vois que vous dites qu’il nous reste encore huit jours avant de nous voir; et vous vous écriez «heureux mercredi!» Mais moi, je comptais que l’on devait se voir mardi, le 24 courant, & non mercredi 25; vous ne savez pas si nous irons à la messe de minuit ensemble; mais dans ce cas, est-ce que je ne pourrais pas vous voir mardi soir, un peu; ne serait-ce que pour vous souhaiter un joyeux Noël. Enfin, est-ce tout simplement par inadvertance que vous indiquez mercredi comme jour de notre première rencontre, ou si par là vous avez voulu me montrer que vous ne tenez pas à me voir mardi soir, soit parce que vous devez aller à la messe de minuit avec un autre, soit parce que vous trouverez que vous me verrez toujours assez vite: voilà ce que je me demande, depuis que j’ai reçu votre lettre. Il est bien vrai que vous dites un peu plus loi : «Nous déciderons de cela ensemble» & cela semble indiquer une première entrevue avant la messe de minuit; mais ce n’est pas clair & je ne sais que faire.

De plus, en parlant au juge Mathieu, ce matin, j’ai appris qu’il serait prêt à me faire passer mon examen oral vendredi soir: ce qui me permettrait de partir soit pour Ste Martine, soit pour Beauharnois, dès samedi. Aimeriez-vous me voir samedi, si nous ne pouvons aller à la messe de minuit ensemble. Voilà autant de choses sur lesquelles j’aimerais beaucoup avoir votre opinion d’ici à samedi.

Voici ce que je propose. Supposons d’abord le plus probable; c’est-à-dire le cas où je ne recevrais pas de lettre de vous d’ici à samedi midi. Alors je supposerai que vous voulez me voir mardi soir, 24 décembre, veille de Noël, que nous allions ensemble à la messe de minuit ou non, peu importe; et dans ce cas, soit que je reste à Montréal, soit que je descende à Beauharnois samedi, je serai toujours avec vous mardi soir.

Si au contraire vous m’écrivez ce soir, au demain soir au plus tard, je suivrai aveuglément vos ordres; je vous [Deuxième folio de deux pages 20 x 26 cm] fais une cession complète de ma volonté; vous serez la cour suprême en la matière & vos jugements seront sans appel.

Maintenant, laissez-moi vous dire que j’aimerais bien aller à la messe de minuit avec vous; cependant vous comprenez que je ne veux importuner ni vous, ni vos parents. Il se peut que la veille de Noël réunisse chez vous, un certain nombre de parents au milieu desquels je serais de trrop; il se peut que d’autres raisons vous empêchent de me recevoir mardi soir. La seule chose que je vous demande c’est de m’éviter le désagrément de vous trouver partie, comme certain soir que vous devez vous rappeler; ou de m’apecevoir que je suis importun & mal arrivé; vous m’éviterez cela en m’écrivant samedi midi, ne serait-ce qu’une demi-page. N’oubliez pas que si je ne reçois pas de lettre, je serai chez vous, mardi prochain à 7 heures du soir, ou peut-être quelques minutes plus tôt. D’un autre côté, je pourrais descendre à Ste Martine, après-demain, samedi, pour retourner à Beauharnois dimanche ou lundi; sauf à venir veiller avec vous le jour de Noël au soir. Décidez cela dans voter sagesse; soyez toute prudence; moi je me contente d’être tout amour, tout affection, toute adoration pour vous.

Vous me dites sur votre dernière lettre que vous voyez maintenant, que je suis sincère & loyal & que je vous ai fait don de mon coeur bien généreusement. Ma parole! si vous ne faites que de vous en apercevoir, c’est que la chose ne vous intéressait guère; car depuis longtemps c’était évident pour quiconque voulait bien se donner la peine de voir.

Vous m’annoncez que vous êtes complètement décidée à cesser toute relation avec M. Mc. Gowan: à la bonne heure, rien ne pouvait me faire plus plaisir. Mais vous ajoutez «un coeur vraiment sincère n’en peut aimer deux à la fois»; et là-dessus, je me demande si vous n’en êtes arrivée à cette conclusion que depuis la date de cette dernière lettre; si ce n’est que depuis ce jour que vous êtes décidée à n’en aimer qu’un; & si vous avez continué à en aimer deux, Monsieur Mc. Gowan & moi, jusqu’au 17 décembre 1901, nonobstant toutes vos protestations de n’aimer que moi; nonobstant les liens qui nous attachent l’un à l’autre depuis bien avant le 17 décembre 1901. À ne suivre que les règles ordinaires d’interprétation, je devrais arriver rigoureusement à cette conclusion. Mais je ne puis pas accepter cette solution qui sans doute m’expliquerait bien des choses, mais qui me placerait en face d’un problème bien autrement compliqué, bien autrement pénible.

Moi, je ne veux pas douter de mon Attala qu’en face de l’évidence; tant qu’il y a place pour un doute, je veux qu’elle en ait le bénéfice. O! Attala, que je voudrais pour une fois lire au fond de votre coeur!

Que de fois déjà, ne me suis-je pas dit: Enfin, enfin, il est à moi ce coeur tant aimé de mon Attala; [Troisième folio de deux pages 20 x 26 cm] Mais à peine avais-je commencé à m’en croire le maître qu’un incident survenait, qu’un mot s’échappait de votre bouche qui venait me montrer qu’il me restait encore beaucoup à faire pour arriver au but si ardemment désiré. Ce bonheur de pouvoir vous aimer sans crainte, sans inquiétude ne me sera-t-il jamais accordé? Qu’elle est pénible cette lutte continuelle entre la peur & l’espérance, la confiance & la défiance.

Attala, je vous aime vous savez comment, aimez-moi donc de la même manière; donnez-vous donc à moi toute entière, sans réserve, vous savez que je ne désire que vous & vous savez combien je vous désire. Aimons-nous donc dès maintenant, comme l’on doit s’aimer quand on est uni, que notre amour soit aussi confiant, aussi inaltérable, aussi ferme. Loin de nous le désir de plaire à quiconque n’est pas la personne choisie par notre âme; gardez pour moi vos sourires, vos amabilités, vos attraits, gardez jalousement pour moi seul vos caresses, vos doux baisers: nul ne les appréciera plus que moi; nul ne vous les paiera mieux, en estime, en tendresse, en soins empressés, en dévouement.

Attala, ma chère bien-aimée; comme je vous chéris, comme j’ai hâte de vous voir; de vous parler; il me semble que j’ai tant de choses à vous dire; il y a déjà si longtemps que je ne vous ai vue, ô ma bien-aimée. Et vous, vous êtes-vous ennuyée de votre Émery, puisque vous ne rêvez pas à Melle Mallette, lorsque vous êtes réveillée, ne pensez-vous pas à votre Émery qui pense toujours à vous. Luira-t-il enfin, le jour trois fois heureux où nous pourrons vivre l’un à côté de l’autre, nous voir toujours, toujours, nous aimer sans nulle crainte, nous le dire sans cesse. J’ai peur que vous ne faiblissiez avant ce temps; priez bien avec moi, tous les jours, pour que la Ste Vierge unisse ses deux enfants Attala & Émery : nous serions si heureux l’un dans les bras de l’autre; Au nom du Ciel, ne me privez pas de ce bonheur, O! Attala, ma seule joie.

Au revoir, chère Ange; quand vous reverrai-je, souvenez-vous que si samedi midi je n’ai pas reçu de lettre, je vous irai voir mardi soir à 7 heures; si cela ne vous va pas, écrivez-moi. Et d’ailleurs, si vous étiez bien aimable & pas du tout paresseuse, vous m’écriveriez dans tous les cas; je ne dis pas une lettre bien longue, mais du moins quelques mots pour me tracer uen ligne de conduite. Dans tous les cas, je vous aime de toutes mes forces, je vous chéris gros, gros.

Émery.








Jacques Beaulieu
beajac@videotron
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