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Lettre du 13 décembre 1901

Correspondance d'Émery Beaulieu à Attala Mallette

Lettre du 13 décembre 1901



N. B. Les lettres à folios multiples ont été reconstituées en tenant compte de leur position dans la liasse de papiers, de la couleur de l’encre, la dimension du papier et la suite dans le texte; l’ordre n’est pas toujours certain; aussi le début de chaque folio est clairement identifié, ainsi que sa place présumée dans la lettre:


[Premier folio de deux pages 20 x 26 cm]
Montréal, 13 décembre 1901
À Mademoiselle Attala Mallette,
Sainte Martine.
Ma Chère Attala,

Allons! il faut que je fasse mon gros possible pour vous écrire pour samedi; puisque tel est le désir de ma petite souveraine. Ce n’est pas que votre lettre soit aimable au point de faire violence à ma volonté chancelante! Non, non, votre lettre est méchante, injurieuse, rusée, votre lettre, du moins quant à la première partie est une monstruosité dont la production par une aussi charmante personne que vous, est un phénomène. Vous avez fait de mauvais rêves au sujet de Mademoiselle Mallette de Montréal & ces rêves, vous les voulez bien qualifier de prophétiques. Je doute que vous ayiez fait ces rêves autrement que bien éveillée, avec vos beaux yeux tout grand ouverts. Et si vous avez réellement fait ces rêves, endormie, alors cela ne prouve qu’une chose, c’est que vous n’avez pas le don des rêves.

En second lieu, c’est à tort que vous m’accusez de vous avoir caché les circonstances qui m’ont fait rencontrer cette jeune fille. Je n’ai rien caché, car vous n’avez rien demandé. Il ne s’agisssait que de vous expliquer comment il se faisait que j’étais allé reconduire cette jeune fille et l’explication bien simple & bien vraie est celle que je vous ai donnée; elle m’avait demandé. Mais il était bien évident que cette rencontre n’était pas la première; vous ne pouviez charitablement supposer que cette demoiselle faisait une semblable demande à un jeune homme qu’elle rencontrait pour la première fois. Mon récit vous indiquait donc clairement que l’on s’était rencontré auparavant; et cependant vous n’avez fait aucune question au sujet de cette précédente rencontre. J’étais donc en droit de croire que vous n’attachiez à cet incident aucun intérêt, et je ne vois pas pourquoi j’aurais commencé à vous expliquer le pourquoi & le comment de choses qui ne vous semblaient même pas mériter une question. Je n’ai donc rien dissimuler [sic] & je suis toujours prêt à entrer dans les moindres détails de ma conduite, pour peu que vous en manifestiez simplement le désir.

Je ne vois donc pas comment vous pouvez en conclure que j’ai mal agi à votre égard; que j’ai trompé votre confiance; je ne vois pas surtout comment vous pouvez dire que je vous ai fait une si grande peine que ni mes caresses, ni mon affection ne pourront la consoler. [Deuxième folio de deux pages 20 x 26 cm] Ah! ne parlez pas ainsi, méchante enfant! Non! je ne vous ai pas fait de peine; vous êtes trop raisonnable pour vous alarmer ainsi sans motif; vous êtes trop sérieuse, pour vous affliger sans l’ombre d’une raison. Écoutez-moi bien, ma bien-aimée; approchez-vous tout prêt [sic] de moi, et gravez bien ceci dans votre coeur: Attala adorée, je ne vous ai été infidèle ni en fait ni en pensée; je n’ai donné à aucune autre mon coeur, mon amour; mon avenir: vous êtes comme toujours la reine incontestée de mes pensées, l’idôle de mon âme, l’épouse rêvée, & désirée ardemment.

Tenez, je crois que vous n’avez voulu, en me faisant un semblable reproche, que vous exempter de répondre à ma question, vous demandant si véritablement, vous vouliez rompre une fois pour toutes & sans arrière pensée, avec M. Mc. Gown. Vous n’avez voulu que me faire parler, & ma foi, vous tombez bien, car je n’ai jamais autant désiré faire une petite conversation avec vous; vous n’avez voulu que me faire répéter que je vous aime à la folie, et ma foi, la circonstance est bonne, car jamais je ne vous ai autant aimée. Non, jamais, je ne me suis complu si souvent & si longtemps que depuis quelque temps, dans de beaux rêves dorés, où vous êtes toujours l’ange de mon foyer, l’épouse aimante & dévouée, la petite femme adorée, choyée, caressée, embrassée. Pourquoi, chère bien-aimée, venir jeter vos reproches injustes, comme une douche d’eau froide, sur ces rêves de mon imagination toute remplie de vous. Pourquoi en revenir toujours au commencement de nos relations c’est-à-dire à l’époque de la défiance réciproque? Pourquoi enfin, venir à propos de rien, me faire une déclaration d’indépendance: «Voulez-vous rompre avec Melle Mallette, ou préférez-vous que je reprenne mon ancienne ligne de conduite? Choisissez, faites comme bon vous semblera.» Allons donc, mon amour tient-il si peu de place dans votre coeur, que vous êtes toujours prête à le jeter par dessus bord, sous cinq minutes d’avis. Est-ce ainsi que vous traitez l’affection de celui que vous dites indispensable à votre bonheur. Vous savez bien que je ne tiens pas du tout à mes relations avec Melle Mallette, si l’on peut appeler relations deux visites en tout & partout: Il n’était pas besoin de me faire de grosses menaces pour obtenir de moi la promesse de ne plus visiter cette demoiselle. Un simple désir exprimé bien gentiment aurait suffit & vous n’auriez été que plus aimable.

Sans doute Melle Mallette de Montréal est aimable, gracieuse, spirituelle etc; mais enfin je ne l’aime pas, je ne puis pas l’aimer; je le sens, vous le savez, & elle-même le sait. Et la raison en est bien simple: c’est que je vous adore, vous petite méchante, vous charmant petit tyran qui tenez mon coeur dans votre main, vous enfin Attala Mallette de Ste Martine, mon seul beau petit trésor, mon bien-aimé chérubin blond; ma suprême consolation, mon unique bonheur, ma vie, mon espérance. Je vous aime, je vous chéris de plus en plus, tous les jours et tous les jours je bénis le Ciel qui vous a mise sur ma route, qui m’a inspiré les moyens de gagner votre coeur & je le prie toujours de m’enseigner comment retenir ce petit coeur volage, inconstant, toujours prêt à m’échapper. [Troisième folio de deux pages 20 x 26 cm]

Tenez, si vous avez des explications à exiger de moi, si vous avez une règle de conduite à m’imposer; nous traiterons de tout cela à notre prochaine entrevue et d’avance je vous jure que vous serez entièrement satisfaite: d’avance je me soumets à tout ce que vous demanderez de moi, sans même pouvoir me rendre témoignage que je fais un sacrifice pour vous, puisque je ne tiens à rien qui n’est pas vous, votre amour, vos serments, Mais pour le moment, laissez-moi tout entier à l’ivresse de mon amour, au bonheur de vous l’exprimer, à la joie de me croire payé de retour.

O! ma chérie, je vous le dis en toute sincérité, jamais, jamais je ne me suis senti aussi heureux d’être aimé de vous; jamais je ne vous ai autant aimée, autant désirée: jamais je n’ai senti plus vivement la douleur d’être séparé de vous si longtemps! Mon Dieu! qu’il me tarde de vous posséder enfin à moi seul: vous ne me gronderez plus alors, et si vous l’essayez, j’étoufferai vos gronderies sous des caresses, sous les plus brûlants baisers que vous ayez jamais rêvés.

Quand donc pourrai-je vous presser amoureusement sur mon coeur; vous embrasser tout à mon aise, tant que je voudrai; quand donc serez-vous mon épouse chérie? O! Attala, comme je serai bon pour vous; comme je serai complaisant, affectueux, dévoué. Vous serez heureuse, chérie, vous le serez à tout prix, je vous le jure. Vous regretterez d’avoir pu m’écrire sur votre dernière lettre «Faut-il que je maudisse le jour où je vous vis pour la première fois!» Cette parole vous la pleurerez comme un péché de blasphème. Ah! que le Ciel entende vos prières, que notre Divine Mère qui protège nos amours; daigne hâter le moment de notre union. Mon Attala, je vous adore, je vous aime à la folie.

S’il y a quelque chose qui ne va pas comme vous le dites sur votre méchante lettre, c’est que je vous aime trop pour ce que vous m’aimez: si l’un de nous deux sent son amour diminuer, ce n’est pas moi, c’est vous. Ou plutôt, nul de nous ne rêve un bonheur que nous ne goûterions pas ensemble; je ne veux pas d’un foyer dont vous ne seriez pas la reine; je ne veux pas d’une vie sans vous pour l’ensoleiller, pour en chasser les nuages, pour en dissiper les brouillards. Non! il n’y a pas d’aurore plus douce qu’un sourire de mon Attala, pas de musique plus suave que sa voix bien-aimée, pas d’opale plus riche que ses beaux yeux d’azur. Mon Attala! vous le voyez, n’est-ce pas combien je vous aime, vous comprenez que je n’en puis jamais aimer d’autre; vous ne m’écrirez plus de vilaines choses!

Bon! je dois terminer pour que vous receviez cette lettre ce soir. Avec cette page, je finis le volume que je vous ai consacré; vous n’avez plus qu’à le faire relier & quand nous serons l’un à l’autre, nous en lirons un chapitre tous les soirs; ce sera le meilleur moyen d’éviter les malentendus qui pourront d’élever entre nous.

Chère Attala, pour vous faire plaisir, je vous écris pour samedi! À mon tour, permettez-moi de vous dire: C’est bien long attendre une lettre jusqu’à jeudi, ma bien-aimée ne pourriez-vous pas, sans trop vous déranger, m’écrire pour mercredi. Vpus me direz s’il est toujours entendu que nous allons à la messe de minuit ensemble & si vous m’attendez mardi le 24 courant; à 7 heures du soir! Enfin, enfin, une semaine & nous nous verrons, nous nous parlerons, nous nous appartiendrons poour quelques instants. Oh! vous n’avez pas aussi hâte que moi! Je sens que j’en ferais une maladie, s’il me fallait retarder d’un seul jour, l’heureux instant de vous voir.

Au revoir, ma seule amie, ma bien-aimée; vous seriez bien aimable, si vous m’écriviez pour mercredi; dans tous les cas, jeudi sans faute, n’est-ce pas mignonne; une longue lettre, sans reproches, sans craintes, sans larmes. Attala, si mon amour peut vous rendre heureuse, soyez heureuse sans crainte, car mon amour est votre bien, comme moi-même je suis votre propriété.

Au revoir, pensez à moi; aimez-moi; priez pour

Votre Émery.








Jacques Beaulieu
beajac@videotron
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