Mes racines / my roots

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Lettre du 28 février 1902
Lettre du 28 février 1902



N. B. Les lettres à folios multiples ont été reconstituées en tenant compte de leur position dans la liasse de papiers, de la couleur de l’encre, la dimension du papier et la suite dans le texte; l’ordre n’est pas toujours certain; aussi le début de chaque folio est clairement identifié, ainsi que sa place présumée dans la lettre:


[Premier folio de deux pages 20 x 26 cm]
Montréal, 28 février 1902
À Mademoiselle Attala Mallette
Sainte Martine
Ma toute Adorable,

Il y a déjà bien longtemps que j’ai fait mes humanités et cependant je me rappelle encore que le bon Lafontaine nous raconte quelque part qu’un jour les grenouilles désidèrent de ce donner un roi; à cela l’on n’a rien à dire. Mais il advint que ce roi était le pire des tyrans, qui dévorait ses sujettes avec un sans-gêne monstrueux; et les grenouilles regrettèrent leur ancienne indépendance. Or, il y a bientôt une année, j’ai fait comme les grenouilles: je me suis donné une reine, que vous connaissez bien; mais plus heureux que les grenouilles, je n’ai eu & je n’ai encore qu’à me féliciter d’avoir échangé ma liberté contre un sceptre aussi doux, aussi léger, aussi affectueux que le vôtre.

Assurément, je suis rien moins qu’un Brutus; car j’avoue que je n’ai pas la moindre envie de me débarasser de ce gentil petit tyran qui s’appelle mon Attala bien-aimée, & qu’au contraire je me complais de plus en plus dans les liens de plus en plus étroits, de plus en plus doux de son amour, de sa tendresse.

Ma bonne petite Attala chérie, vous ne sauriez croire quel plaisir immense vous m’avez causé en m’écrivant aussi promptement. Jamais surprise ne fut plus complète; cette lettre si prompte m’effrayait même, tant vous m’avez peu habitué à semblable diligence; je craignais d’y lire quelque mauvaise nouvelle. Mais lorsque je vis que c’était par pure tendresse que vous aviez pour une fois maîtrisé votre négligence; lorsque je lus cette délicieuse petite lettre, dictée par votre coeur si tendre, si aimable, oh! alors mon âme fut inondée d’une joie indicible. Mon Dieu! que c’est bon une preuve de tendresse de celle qu’on aime de toutes ses forces. Si vous saviez quelle volupté j’ai éprouvée à penser à vous depuis mardi; quel repos, quelle suavité je trouvais dans cette pensée; si vous saviez quelle hâte j’avais de me mettre enfin à vous écrire; si vous saviez quelle nouvelle force cette lettre a apportée à mon amour; oh! vous me feriez encore de ces gentilles surprises, charmante Attala de mon âme.

Mon Attala chérie, ma bien-aimée, pour vous écrire, je devrai me coucher bien tard, car nous avons un examen la semaine prochaine, mais qu’importe, vous recevrez cette lettre à temps, car je vous aime, je vous adore, je vous désire de toutes mes forces.

[Deuxième folio de deux pages 20 x 26 cm] Ma bien-aimée, ma mignonne, je ne puis plus me passer de vous, je suis si rempli de votre amour, de votre souvenir qu’à peine ai-je une seconde de répit, dans mes études, ma pensée se reporte instinctivement, irrésistiblement vers vous, ma petite souveraine; parfois je pense à mon dernier voyage, à la joie de vous sentir tout près de moi, bien affectueuse, bien séduisante, parfois, je cherche à me figurer où vous êtes, ce que vous dites, ce que vous faites; parfois, souvent je songe à l’avenir à cet avenir tout ensoleillé de votre présence, tout embaumé de votre amour. Quel ravissant foyer sera le mien si vous voulez en être la reine; quel flot de tendresse vous trouverez dans mon coeur pour ma compagne dévouée, pour mon épouse chérie! O! mon Attala, mon bien suprême, comme je vous chéris, avec quelle joie je me donne à vous en toute propriété, sans réserve, sans arrière-pensée. Ma tendresse pour vous ne peut être diminuée par l’espace ni le temps; que dis-je, malgré l’espace & le temps bien long bien pénible, qui s’écoule entre chaque visite, je vous aime toujours plus éperdument, plus vivement. Ah! que vous êtes digne de tout amour, quand vous le voulez; comme vous savez captiver le coeur de votre Émery, de celui que vous avez bien raison d’appeler votre «époux» car il en a dès maintenant toute la tendresse, toute la fidélité inébranlable. O! Attala, si vous m’abandonniez, je devrais dire adieu à l’amour, au bonheur, mais mon Attala ne m’abandonnera pas; elle me l’a juré & un coeur noble comme le sien ne se parjure pas; un caractère énergique comme le sien, sait garder ses engagements à tout prix.

Je vous donne toute ma confiance, o! mon Attala, je vous constitue dépositaire de toutes mes joies, gardienne de toutes mes espérances; je me mets moi-même tout entier entre vos mains chéries; comment ne pourrez-vous pas être touchée de tant de confiance, de tant d’amour.

Que j’ai hâte, mon Dieu, que j’ai hâte de vous avoir bien à moi; à moi pour de bon; vous verrez alors comme votre Émery sait aimer, se dévouer, se dépenser pour ceux qu’il chérit. Oui, je serai pour vous aussi tendre, aussi doux, aussi affectueux que vous pouvez le rêver; je veux à tout prix vous arracher du fonds du coeur l’aveu que vous êtes heureuse avec votre Émery, que vos plus secrètes aspirations sont satisfaites que vos plus doux rêves sont réalisés; que vous m’aimez enfin & que vous sentez combien je vous aime.

Mon Attala bien-aimée, j’ai été très heureux en apprenant que votre amie, Melle Antonia était de retour; mais en même temps, je dois vous avouer que je suis jaloux de Melle Antonia. Elle va me voler une partie de vos pensées, elle va m’enlever une partie de votre coeur, moi qui dans mon égoïsme voudrais pour moi seul toutes vos pensées, tout votre amour. Et puis je sais qu’elle a une grande influence sur vous, que vous écoutez volontiers ses conseils; alors malheur à moi si je n’ai pas le don de lui plaire; me voilà donc avec double tâche; plaire à mon Attala adorée, plaire à l’amie de mon Attala chérie: & moi qui ne réussissait pas toujours à plaire à celle que j’aime de toue mon âme. Vraiment, vraiment, l’avenir s’assombrit.

Ma bien-Aimée, je vous en supplie, aimez bien votre pauvre petit Émery qui n’a que vous, que vous seule & qui ne veut que vous pour faire son bonheur; moi je vous chéris chaque jour davantage; je vous désire chaque jour avec plus d’ardeur, chaque jour je demande avec plus de ferveur à notre Divine Mère, de me donner mon Attala pour épouse, bientôt, bientôt & j’ai confiance qu’elle m’exaucera.

Ne m’en voulez pas chérie, si je termine ici ma lettre; vous ne voudriez pas que je néglige mes études pour vous écrire; or la semaine prochaine nous avons un examen très difficile & très long, en droit maritime. Il ne faudra pas juger mon amour par la longueur de cette lettre; vous savez qu’il est immense; vous savez que je suis bien à vous & vous ne craignez pas d’infidélité de ma part. De grâce dites-moi quand je vous verrai, jeudi saint ou le jour de Pâques; songez que je compte les minutes.

Écrivez-moi mon bon petit ange, ma chèrre petite (femme) Attala; bientôt, bientôt; faites encore une joyeuse surprise à

Votre Émery tout affectueux








Jacques Beaulieu
beajac@videotron
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