Mes racines / my roots

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Lettre du 23 février 1902
Lettre du 23 février 1902



N. B. Les lettres à folios multiples ont été reconstituées en tenant compte de leur position dans la liasse de papiers, de la couleur de l’encre, la dimension du papier et la suite dans le texte; l’ordre n’est pas toujours certain; aussi le début de chaque folio est clairement identifié, ainsi que sa place présumée dans la lettre:


[Premier folio de deux pages 20 x 26 cm]
Montréal, 23 février 1902
À Mademoiselle Attala Mallette
Sainte Martine
Mon Attala Adorée,

On pleure de joie comme de peine, j’en ai fait l’expérience, samedi en recevant cette lettre que je relis encore et encore, tant j’y trouve exprimée clairement la bonté de votre coeur. Quelle douceur! quelle tendresse! ce n’est pas avec sécheresse, encore moins avec colère que vous répondez à mes soupçons insensés, injurieux pour vous, et tant de fois répétés; mais avec bienveillance, avec amour; votre âme s’émeut à la pensée de ma douleur; votre coeur se remplit de pitié pour celui qui souffre, sans raison peut-être, mais à cause de vous; & un immense désir de consoler votre Émery, fait taire toutes les paroles de reproches qui seraient tentées de vous monter aux lèvres. O! mon Attala, ma bien-aimée, ma reine chérie, mon bien suprême; que je suis heureux de sentir une fois de plus la douceur de votre amour. Je ne doute plus; il me semble absurde de douter; il me semble que je n’ai jamais douté. Ce dard affreux du soupçon que des méchants m’avaient planté au coeur; vous l’avez arraché de vos mains de fée, délicatement, affectueusement; sans même qu’il en reste une cicatrice, tant effective est la force guérissante de vos petits doigts chéris. Suis-je donc cet homme qui hier encore s’arrêtait au milieu de ses études, subitement saisi au coeur par une morsure étrange, qui se cachait de ses confrères pour cacher une larme brûlante; qui oubliait de diner pour courir à la rencontre du facteur; suis-je bien cet homme qui trouvait la vie insupportable, qui souriait amèrement quand on parlait de joie, de bonheur, d’amour? Que les temps sont changés!

Depuis que j’ai reçu votre lettre, mon coeur déborde de joie; hier, aujourd’hui, à chaque instant, je m’écriais tout bas «Mon Attala m’aime, je suis heureux!»

Avec quelle joie j’ai accompli ma promesse de faire un chemin de la croix, si je recevais de vous une lettre favorable! Et puis comme on travaille bien quand le coeur est tranquille. Aujourd’hui j’ai revu cinquante pages de procédure civile, soixante-dix pages de droit civil & cent pages de droit criminel; et je vous écris la tête reposée, satisfait de mon sort, plein de reconnaissance envers la divine Providence, envers notre divine Mère qui m’accorde cette faveur inestimable d’être aimé d’un coeur aussi bon, aussi tendre, aussi dévoué que le [Deuxième folio de deux pages 20 x 26 cm] vôtre. O! Attala, ma mignonne, que je vous aime, mon Dieu, que je vous aime! Qu’il me tarde de vous posséder à moi seul; qu’il me tarde de me dévouer tout entier à votre bonheur. Ah! ma chérie, je vous jure que chacune de mes actions sera une caresse, tant vous y verrez d’amour empressé & profond; chaque jour ma tâche, et quelle douce tâche, sera de vous prouver mon affection toujours croissante, mon désir infatigable de vous plaire, de mériter votre amour davantage. Je vous rendrai en baisers, en caresses mille fois répétées, en soins délicats & incessants, l’immense consolation que me procure votre tendresse, votre douceur. Vous êtes bonne! o! mon Attala! vous êtes affectueuse & dévouée; vous êtes l’idéale compagne de ma vie, celle que je désire de toute mon âme, que j’aime de toutes mes forces, de plus en plus à mesure que j’apprends davantage à la connaître.

Oh! que je serai heureux avec un coeur comme le vôtre pour m’aimer; et j’ajoute avec assurance, que vous serez heureuse avec moi. Oui! à tout prix, je plierai mon caractère à vos désirs; je le veux de toute la force de ma volonté, je le demande à Dieu avec toute la ferveur dont je suis capable. Mon Attala, ma bien-aimée, vous serez heureuse dans mes bras, sous mes baisers, accablée de mes caresses, choyée, entourée de prévenances; vous ne regretterez pas les avances que d'autres vous ont faites, vous serez payée amplement de votre douceur pour ce pauvre petit Émery qui s'effraie de tout, lorsqu'il s'agit de son Attala, de son seul, seul bien ici-bas; vous sentirez comme c’est bon d’être aimé d’un coeur sensible, ardent & pur. Les coeurs qui savent pleurer savent aussi se dévouer & de quel dévouement ne sont-ils pas capables envers celle qui les console & qui les aime tout à la fois. Si ma dernière lettre vous a fait de la peine, o! mon ange chérie, sachez bien que le souvenir de votre bonté est gravé à jamais au plus intime de mon coeur, sachez que chacune de vos larmes sera rachetée un jour à prix de baisers, de caresses, & d’affection. Mon Dieu, mon Dieu, que ce jour tarde à venir! je brûle du désir de m’unir à celle sans qui la vie est sans consolation pour moi, j’ai soif de vos caresses, de votre amour, de vos baisers, & mon coeur ne se contient plus de hâte de vous prouver les sentiments d’affection, de reconnaissance dont il est plein pour vous. O! Attala, ma bonne, ma bien-aimée Attala, unissez vos prières aux miennes, qu’elles soient ardentes, qu’elles soient infatigables pour que bientôt, bientôt Dieu unisse ces deux coeurs qui s’aiment si tendrement, si purement. Ah! je sens bien que mon coeur n’aura de repos que près de vous; le bonheur n’est plus possible sans mon Attala pour compagne; me priver de votre amour serait me priver de mon soleil; ma vie sans vos caresses serait un désert aride, sans ombre, sans fraîcheur, sans oasis. Mon coeur, mon bonheur, ma vie est entre vos mains; de grâce prenez-en bien soin;

Qu’il y a loin encore d’ici, au jour où je pourrai vous revoir; faites du moins que ce soit avant Pâques [Troisième folio de deux pages 20 x 26 cm] si la chose est possible, que je puisse au moins vous voir, le jeudi saint: c’est déjà si long, si long, mon Dieu, lorsqu’on aime comme je vous aime.

Ma Bien-Aimée Attala, vous me demandez ce que vous pourriez faire pour me donner confiance? Qu’ai-je besoin de vous le dire; votre coeur l’a bien deviné. Écrivez-moi plus régulièrement, à un jour fixe que rien ne pourra changer, si ce n’est la maladie; écrivez-moi longuement, écrivez-moi affectueusement. Quand je suis loin de vous, c’est le seul moyen que vous ayez de me prouver votre affection; oh! pourquoi le négligez-vous?

Je ne parle pas de la dernière lettre, vous savez bien que je vous aime trop pour exiger, pour permettre que vous écriviez lorsque vous êtes malade. Mais lorsque c’est par pure négligence que vous retardez, même lorsque la chose est un peu difficile, sans être impossible; oh! alors votre conduite m’est très pénible.

Et puis mon Attala tant aimée, laissez-moi vous supplier non pas d’empêcher les gens de critiquer, de parler à tort et à travers, cela est impossible, mais de faire en sorte du moins, qu’ils ne trouvent absolument rien dans votre conduite qui puisse donner une apparence de raison à leurs méchants propos; ma chérie, un mot exprimera toute ma pensée, et ce mot n’est que l’expression d’une promesse que vous m’avez faire à mon départ: «Conduisez-vous dès maitenant comme si vous étiez mon épouse!» Est-ce trop demander? Pour ma part, soyez bien convaincu que c’est la règle de conduite que je me suis tracée et à laquelle rien ne pourra me faire dévier. Je suis à vous, Attala de mon âme à vous de fait, de pensée, de désir, Je vous garde mon coeur & mon amour avec la même fidélité, avec le même soin jaloux que si déjà j’avais le bonheur de vous posséder pour épouse, et je me considère comme aussi empêché de porter mes attentions sur une autre femme que si j’étais à vous par les liens indissolubles du mariage. Dites, mon cher ange, êtes-vous contente de votre Émery; vous aime-t-il suffisamment, peut-il davantage pour vous prouver son attachement inviolable. Ah! que ne suis-je près de vous, ne serait-ce que pour quelques instants, comme le timbre de ma voix, l’éclat de mes regards vous exprimerient évidemment l’ardeur toujours croissante dont mon ceoru brûle pour vous. Que je serais heureux de pouvoir déposer un bon baiser, un baiser du coeur, sur votre front tant aimé! Attala, Attala, vous êtes mon bien suprême, vous êtes mon tout. Votre amour est ma force, mon courage, mon soutien; tous mes travaux n’ont qu’un seul but; vous mériter, vous rendre heureuse, heureuse d’un bonheur sans mélange; heureuse de vous sentir adorée par votre époux, de vous sentir souveraine incontestée de son coeur & de ses pensées. Soyez mienne, Attala, et près de vous, dans vos bras, sur votre coeur, je trouverai tout ce que mon âme désire de consolation ici-bas. Oh! que mon coeur frémit d’enivrement à cette seule pensée que vous serez un jour bien à moi, sans aucune réserve, sans crainte de vous perdre que je pourrai vous caresser tout à mon aise, vous couvrir de ces baisers dont je fais provision depuis si longtemps; avoir enfin quelqu’un sur qui déverser toute ma tendresse délirante, comprimée jusqu’ici, sans craindre d’être rebuté, repoussé, incompris. Nous verrons alors qui se lassera le premier de caresses, de baisers ou plutôt vous verrez que mon âme est une source intarissable d’amour, de tendresse.

Je vous aime, ô mon Attala bien-aimée, je vous chéris chaque jour de plus en plus et je suis sûr, que mon amour ira toujours croissant, chaque jour que je passerai en votre délicieuse compagnie. Que Dieu me garde mon Attala toujours bonne, pure, constante, affectueuse; c’est mon cri quotidien, mon désir de chaque instant; c’est aussi mon espérance & ma consolation. Et maintenant, ma gentille petite bien-aimée, je ne fixe pas le jour pour que vous m’écriviez, je laisse cela à votre bon petit coeur, mon unique trésor; seulement vous savez quel est mon immense désir de recevoir de vos nouvelles; si vous m’aimez bien, tenez-en compte. Dites-moi bien si vous êtes parfaitement rétablie et croyez-moi toujours, toujours

Votre Émery à vous seule, seule








Jacques Beaulieu
beajac@videotron
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