Mes racines / my roots

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Biographie de Marie Ananie Céré, tante de

Biographie de Marie Ananie Céré, tante de Louis Wilfrid Sicotte
(Troisième partie)




Le texte qui suit en quatre parties
est basé entre autres sur des documents trouvés dans les archives
de l'Archevêché de Montréal et de
l'Institut des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie.
Références à ceux-ci sont indiquées clairement dans chaque cas.
Il y a également eu de l'information fournie par les Dames du Sacré Coeur.
Il sera clairement indiqué quand l'auteur présume des faits.
L'auteur a également travaillé à partir des entrées du
Dictionnaire Biographique du Canada en ligne
pour Eulalie Durocher reproduite ICI.
et Monseigneur Ignace Bourget reproduite ICI.
De plus l'auteur a travaillé à partir des livres
Par le chemin du Roi une femme est venue de Germaine Duval, SNJM ainsi que
Henriette Céré dite Soeur Marie-Madeleine
de Soeur Rachel-Éveline Pelletier, SNJM.





Notez bien: La vie de Marie Ananie Céré est en bonne partie mêlée à celle de divers membres de sa famille, à celle de Monseigneur Ignace Bourget, alors évêque de Montréal, de plusieurs des soeurs de l'institut des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, du père Louis Étienne Avila Valois, alors aumônier du couvent de cet institut à Hochelaga.


SOMMAIRE

  1. Première partie: JUSQU'À LA MORT DE MÈRE MARIE ROSE (OCTOBRE 1849).
  2. Seconde partie: APRÈS LA MORT DE MÈRE MARIE ROSE (OCTOBRE 1849) JUSQU'EN OCTOBRE 1865.
  3. Troisième partie: D'OCTOBRE 1865 AU 8 DÉCEMBRE 1867.
  4. Quatrième partie: DU 8 DÉCEMBRE 1867 À 1903.



La bataille entre les Sulpiciens et Monseigneur Bourget, évêque du diocèse de Montréal

Notez bien: Ce qui suit est basé sur la biographie de Monseigneur Bourget trouvée ICI.

François de Laval avait érigé canoniquement la paroisse de Ville-Marie qu'il avait uni pour toujours au séminaire de Montréal. Un peu plus tard il avait été également décrété que le supérieur du séminaire de Montréal serait le curé de la paroisse Ville-Marie. Avec le temps les Sulpiciens avaient créé des dessertes, des semi-paroisses dont ils avaient la charge afin de satisfaire les populations qui ne pouvaient venir à Notre-Dame. Mais voilà que la paroisse de Ville-Marie comptait 100 000 âmes en 1864!

Cette aberration conduisit Monseigneur Bourget à exiger le démembrement de la paroisse Ville-Marie et la constitution d'un certain nombre de paroisses en bonne et due forme sur l'île de Montréal. Mais les Sulpiciens s'opposèrent à cette réforme. Les parties furent convoquées à Rome. Là, le préfet de la Propagande décida ce qui suit: "l’évêque obtient l’autorisation de démembrer la paroisse de Montréal; les nouvelles paroisses seront offertes d’abord aux sulpiciens; le curé de Notre-Dame sera présenté par le séminaire, mais il recevra son investiture de l’évêque; il peut être révoqué, soit par le supérieur, soit par l’évêque."

Aussi entre septembre 1866 et décembre 1867 Monseigneur Bourget créa dix nouvelles paroisses canoniques. Mais cela n'était pas suffisant; en effet pour exister en pratique, ces paroisses devaient être reconnues légalement par le pouvoir civil. Comme un bon nombre des politiciens avaient été préalablement élèves des Sulpiciens, ces derniers pouvaient compter sur eux pour remettre le projet sine die.

Le début des fondations de Mère Thérèse de Jésus aux États-Unis

Mais revenons aux Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie. Mère Marie Thérèse de Jésus lança une fondation dans l'État de New-York à Troy, mais celle-ci se solda par un échec par l'intervention de Monseigneur Bourget qui rappela les soeurs. Mère Marie Thérèse de Jésus profita de son absence pour créer en 1865 deux nouvelles fondations dans l'État de New York, une à Schenectady et l'autre à Rome.

Montréal avait été relié au réseau ferrovière américain une fois que le pont ferrovière Victoria l'avait relié à la rive Sud. On pouvait alors prendre le train à Montréal pour se rendre à Rouses Point sur la rive ouest du Richelieu à la frontière de l'état de New York. Là le train traversait le Richelieu sur un pont ferrovière puis une baie du lac Champlain pour se trouver dans l'état du Vermont: il n'y avait alors pas de chemin de fer qui longeait le lac Champlain sur sa rive ouest, dans l'État de New York. Le train passait par St Albans, Burlington et Rutland au Vermont pour finalement arriver à Troy dans l'État de New York, ville sur la rive est de la rivière Hudson. On pouvait alors prendre un train qui longeait cette rive de l'Hudson jusqu'à la ville de New York. Les trains faisaient environ 20 kilomètres en une heure à cette époque.

Évidemment la première mission entreprise par Mère Marie Thérèse de Jésus était là, à Troy, relativement accessible par train à partir de Montréal. Un autre train traversait la rivière Hudson pour se retrouver sur sa rive ouest et se rendait à Schenectady, sur la rivière Mohawk. En continuant sur ce même train, on arrivait finalement à Rome encore sur la rivière Mohawk. Soit dit en passant, on pouvait changer de train à Schenectady pour se rendre à Albany, la capitale de l'État de New York. Pour des cartes géographiques du système ferrovière en question, pressez ICI.

Le premier octobre 1865, soit un mois après le début des classes pour la première année académique de la fondation de Schenectady, la supérieure générale de l'Ordre, Mère Marie Thérèse de Jésus, fit sa première visite à cette fondation.

La fondation des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie à Schenectady

La mission de Schenectady était dans la paroisse de St John's dont le curé était l'abbé Daniel Falvey qui avait demandé des soeurs pour son école paroissiale. Le recensement américain de 1860 indique que celui-ci était né en Irlande, était âgé alors de 48 ans et était curé de St John's Church. Il avait alors une ménagère du nom de Anna Fitzgerald également née en Irlande et âgée alors de 34 ans. Il s'ensuit que le curé avait maintenant en 1865 environ 53 ans et sa ménagère, présumant qu'elle était toujours la même, 39 ans.

Les soeurs qui avaient été envoyées à Schenectady provenaient pour la plupart des campagnes. Les voilà qui arrivaient dans une ville américaine, avec une population protestante importante. Elles arrivaient également dans une ville que les moyens de transport avaient développée. Cette ville était reliée aux grands lacs et à l'Océan Atlantique. En effet le canal Erié, en opération depuis 1825, partait de près de Buffalo sur la rive du grand lac de ce nom en suivant la rivière Mohawk qu'à la rivière Hudson, navigable jusqu'à New York et l'Océan. Ce canal avait été amélioré entre 1834 et 1862. Ce mode de transport avait été doublé un peu plus tard par le train. Au moment qui nous intéresse le New York Central Railroad suivait depuis Buffalo le canal Erié jusqu'à Albany. Il avait également une branche qui se rendait à Troy à partir de Schenectady. Toutes les villes américaines étaient maintenant reliées par le train. Le Canada était sur ce point très en retard sur les États-Unis.

Suivent trois cartes de Schenectady en 1866; la première donne une bonne vue d'une bonne partie de la ville. La seconde se concentre sur la région de la ville aux alentours de la gare. La troisième se concentre sur la région juste au sud de la gare:

Carte (modifiée) de la partie ouest de la ville de Schenectady en 1866



Nous pouvons remarquer sur cette carte le chemin de fer du New York Central Railroad qui traverse d'ouest en est le can Érié d'abord puis la rivière Mohawk. Nous remarquons que Schenectady est située au sud de la rivière Mohawk. Nous remarquons aussi que le chemin de fer traverse la ville dans une très large mesure et qu'une fois la gare traversée vers l'est on trouve un embranchement qui reste au sud de la rivière: c'est cet embranchement qui connecte Schenectady à Albany.

Carte de la partie de la ville de Schenectady en 1866 aux alentours de la gare



Il y a trois rues importantes allant du sud vers le nord dans les environs de la gare: la rue State à l'ouest de la gare, la rue Liberty qui donne accès à la gare et la rue Union plus loin à l'est. Une rue qui traverse ces trois premières, et donc qui est ouest-est, est la rue Center, au sud de la gare. La rue Jay plus au sud lui est parallèle; elle débute à la rue State puis traverse les deux autres rues dans l'axe nord-sud que nous avons examinées. Une autre rue dans l'axe ouest-est débute à la rue State et continue vers l'est jusqu'à la rue Liberty: il s'agit de la rue White. Une autre rue dans l'axe nord-sud entre les rues State et Liberty débute à la rue Center pour arrêter à la rue White: c'est la rue Franklin.

Carte (modifiée) de la partie just'au sud de la station de chemin de fer de la ville de Schenectady en 1866




On peut voir sur cette carte la gare de chemin de fer. Parallèle au bâtiment de la gare on trouve la rue Center Street. Un bloc à l'ouest de la rue qui mène à la gare on trouve la rue Franklin. L'église catholique St John's Church est notée 4. L'école St John's School, noté 5, est juste au sud sur la même rue. On trouve de l'autre côté de la rue, noté 7, le St. John's R.C. Convent. Il va sans dire que l'école et l'église ne sont guère loin de la gare. En fait, on pourrait dire que tout se trouve au centre même du commerce de cette ville. On remarque de plus que l'église catholique n'est pas seule dans cette petite région de la ville: on trouve au coin de Jay Street et Liberty Street la 2nd D.R. Church notée 1, puis sur le côté ouest de la rue Liberty Street entre Jay Street et Center Street la M. E. Church notée 2 et sur la rue Center entre les rues Liberty et Franklin la St Josephs Church notée 3. L'église catholique n'était qu'une de quatre dans un peu plus que le quadrilatère délimité par les rues Center, Franklin, Jay et Liberty.

L'exil de Marie Ananie Céré à Schenectady débutant le 1er octobre 1865

Lorsque Mère Marie Thérèse de Jésus fit sa première visite le premier octobre 1865 à sa fondation de Schenectady, elle ne vint pas seule: elle était en effet accompagnée par notre Ananie. C'est la veille que cette dernière sut qu'elle y était mutée à son grand désarroi! Elle venait en effet de perdre son poste de maîtresse des novices à Hochelaga pour une position à la mission de Schenectady.

Comme elle écrira dans sa lettre à Monseigneur Bourget de Schenectady le 28 mars 1866, soit près de six mois plus tard, "Ce que j'ai eu à souffrir avant n'était rien comparé à ce qui a suivi, maintenant je regarde comme une punition que l'on veut m'infliger la triste position dans laquelle je me trouve, on me la fait sentir plusieurs fois ... Il n'y a pas de salut pour moi ici, j'avais plus de moyens de sanctification dans le monde que je n'en ai actuellement, je ne trouve réellement pas dans la Religion ce que je suis venu y chercher pour mon salut avant tout. Il n'y aura plus de bonheur pour moi tant que je serai dans la position où je me trouve."

Elle y ajoute: "Si j'avais su ce qui devait m'arriver plus tard je ne serais probablement pas dans cette communauté, je regrette de n'être ne pas entrée dans une autre, où l'on ne sort pas et où l'occupation principale est la prière, car je languis ici sans secours spirituels et où tout ce qui nous entoure se sent du protestantisme – Depuis le mois de Septembre, je n'ai pas eu un seul mot d'instruction, car je ne comprends pas l'anglais et je ne pourrai pas l'apprendre de sitôt, ce n'est pas à 40 ans que l'on commence à apprendre une langue, depuis si longtemps que je n'étudie pas, et principalement à cause des difficultés que j'ai pour apprendre. Je vous dirai aussi que plusieurs personnes trouvent un peu singulier que je sois pour enseigner ce que je ne sais pas."

Pour Ananie, ce qu'elle vit est tout simplement un exil spirituel et temporel, dans un pays étranger dont elle ne parle pas la langue, entourée par des Protestants, envoyée pour enseigner ce qu'elle ne sait pas, sans le secours d'un confesseur ou des sacrements. Son curé, l'Irlandais Daniel Falvay, ne parle pas le français. Celle-ci ne pense pas seulement en terme de cette vie, mais surtout de la suivante, et voit son salut mis en danger par l'action de Mère Marie Thérèse de Jésus. Elle voit sa situation comme critique.

Sa supérieure a probablement pensé faire d'elle un exemple. Ce qu'elle a oublié, c'est que Ananie n'a pas la langue dans sa poche, et n'a pas peur de dire la vérité pour se sauver de l'enfer. Elle aurait bien mieux fait de l'éloigner dans un des couvents dans la campagne du Québec. Bien mal lui en prit comme nous verrons: celle-ci, n'ayant plus rien à perdre, ne se gênat plus pour critiquer ce qu'elle considérait malheureux dans sa communauté et d'attaquer ses Supérieures et leur aumônier.

Permettez-moi à ce point une parenthèse. Sa communauté aujourd'hui considère peut-être que c'est elle, son évêque Monseigneur Bourget ainsi que les "vieilles" soeurs qui étaient dans le tort, mais je crois que leur jugement a été faussé et que c'est mère Véronique du Crucifix qui a su montrer de la sagesse et de la perspicacité durant sa période comme mère générale et que mère Marie Thérèse de Jésus n'a pas su tirer le meilleur de toutes ses soeurs, qu'elles soient jeunes ou "vieilles", qu'elles soient de son avis ou non. Dans une position d'autorité, faire preuve de compassion et de respect pour ses subordonnées est une marque de leadership. Cela est particulièrement important pour la supérieure d'un ordre religieux, et cela n'était pas une qualité de cette dernière. Il n'y a aucun doute qu'un nombre grandissant de gens qui avaient affaire avec cette communauté religieuse étaient de l'opinion que celle-ci n'en avait que le nom, que la plupart des soeurs n'agissaient pas comme on s'attend que celles-ci agissent. Fin de la parenthèse.

Soeur Marie du Bon Secours, supérieure, Soeur Michel des Saints, novice, Soeur Marie Lucie, Mademoiselle Charbonneau et Mademoiselle Saint Aubin composaient le personnel de la mission de Schenectady. Soeur Marie Joseph, avons-nous vu, arriva le 1er octobre 1865.

Le 14 octobre 1865, l'abbé Valois était de passage allant au sacre de Monseigneur Conroy comme évêque d'Albany le 15 octobre. (Nous avons vu que le voyage en train de Montréal à Albany passe par Schenectady.) Il repassa par Schenectady le lendemain, et annonça alors à Soeur Michel des Saints qu'elle allait prononcer ses premiers voeux devant Monseigneur Conroy lui-même, à l'église paroissiale de Saint John's, le 7 décembre 1865. Elle était accompagnée dans le sanctuaire de cette église par Soeur Marie Joseph, son ancienne maîtresse des novices. Soit dit en passant, Monseigneur Conroy connaissait le français, ayant été étudiant au collège de Montréal. Son entrée au palais épiscopal d'Albany apparait plus bas. De celui-ci on conclut qu'il avait alors 45 ans environ. (Une biographie en anglais de Monseigneur Conroy se trouve au bas de cette page.)

Le 11 janvier 1866, une pensionnaire décédait au couvent, après avoir reçu sa première communion et l'extrême-onction. Ces sacrements furent administrés par le curé avec sa ménagère pour l'assister alors que les soeurs avaient été mises à l'écart. Lorsque la ménagère demanda un linge aux soeurs, Soeur Marie Joseph lui répondit d'y voir elle-même, selon le rapport de sa Supérieure. Ce qui m'apparait être parfaitement raisonnable, puisque les soeurs n'avaient pas été admises à cette cérémonie qui avait lieu dans leur maison, mais pas selon le rapport de la Supérieure, évidemment! Mais déjà depuis un bon moment, la ménagère, jalouse des soeurs, avait mis le curé contre elles; ceci, encore selon le rapport de la Supérieure.

Pour revenir à la lettre de Ananie datée du 28 mars 1866, elle s'y plaignait que le curé était non seulement sourd, mais qu'il sentait la boisson. Il ne venait plus au Couvent depuis plus d'un mois, de telle sorte que les soeurs devaient aller se confesser à l'église. La Mère Générale était au courant de tout, et ne faisait rien.

Elle ajouta une accusation sérieuse contre le père Valois: "Monsieur Valois le sait pareillement parce qu'il en a vu lui-même et qu'on lui a dit, je vous répèterai à cette occasion ce qu'il a dit ici lorsqu'il est venu au mois d'Octobre pour la consécration de Monseigneur Conroy, Evêque d'Albany, Monsieur le Grand Vicaire Truteau et Mr Hicks devaient venir à Schenectady après la Consécration; je les ai détournés de venir, disait-il, de crainte qu'il ne bavassent à l'Evêché, en particulier Mr Hicks, et si Monseigneur sait cela il rappellera les Soeurs immédiatement."

Elle accuse alors la Supérieure générale: "... La Supérieure n'est pas une mère pour les Soeurs; je puis dire cela sans crainte parce que j'en ai eu connaissance plus que je l'aurais voulu etc."

Ce qui suit est troublant. Ananie eut un entretien avec la Supérieure Générale avant qu'elle ne parte après sa visite du 1er octobre la suppliant de la ramener au Québec. Cette dernière lui a dit alors "beaucoup de choses dûres que je ne pourai jamais oublier, tant elles m'ont fait mal au coeur." Alors Ananie lui a demandé de changer de communauté. La Supérieure générale a alors changé de ton et lui a offert de s'occuper de tout pour la faire entrer dans une communauté contemplative américaine de telle sorte que rien ne transpire du transfert; d'aller l'y mener elle-même. La Supérieure générale lui dit de surtout ne rien dire à quiconque de cet arrangement mais de lui écrire à cet effet.

Ananie avait donc une porte de sortie, mais cette planche de salut avait comme proviso de dépendre entièrement sur la Supérieure Générale quant au choix de la communauté et son emplacement. Or elle n'avait aucune raison de lui faire confiance après tout ce qu'elle lui avait dit just'avant et tout ce qu'elle lui avait fait subir. Elle décida de ne rien faire, de ne pas écrire.

Elle se plaignit que la Supérieure Générale abandonnait la mission de Schenectady, qu'elle ne répondait pas à la Supérieure de cette mission, si ne n'était que quelques lignes de reproches écrites dans une enveloppe adressée par le père Valois. En effet, le curé de la paroisse s'était plaint des soeurs. Elle ajoute: "Nous n'avons pas les secours suffisants de la maison mère pour aider les maîtresses qui sont très fatiguées. ces choses là sont connues et on nous reproche d'avoir manqué de soin, ce n'est pas le cas, elles sont trop chargées d'enfants..." Cela n'est pas tout, une soeur converse qui a également été à Rome est tout à fait incapable, menteuse et voleuse en sus! Elle termina la lettre en demandant le secret: personne de la communauté ne sait qu'elle lui a écrit, et elle l'implore de maintenir le secret.

Ananie envoia à Monseigneur Bourget une autre lettre terminée le 9 avril 1866. Dans celle-ci, elle répondit à la lettre que ce dernier lui avait écrit. Elle dit: "Les croix sont plus faciles à supporter lorsqu'elles sont accompagnées de secours spirituels, mais lorsque ces secours nous manquent, où prendre la force et le courage."

En effet le curé avait débuté une série de mesures contre les soeurs, dont leur refuser la communion lorsqu'elles devaient aller en classe, dire la messe sans prévenir de l'heure ou du jour, etc. Il avait même traité la Supérieure de folle devant les autres soeurs, alors qu'il sentait très fortement la boisson.

Elle ajouta alors:"Monseigneur Conroy sait tout ce qui en est, il est déjà venu nous visiter et il doit revenir cette semaine, il doit le changer prochainement. Monseigneur est très bon pour nous, c'est un vrai père."

Il est très évident que même si Ananie n'aime pas ce poste, elle agit de son mieux pour ses consoeurs et pour les élèves: "Nous avons déjà refusé plusieurs pensionnaires, parce qu'avec la Soeur converse que nous avons, nous ne pourrions les traiter convenablement, ce qui pourrait être un sujet de plainte et nous ferait du dommage plus tard." Ce n'est pas seulement pour elle qu'elle a écrit à Monseigneur Bourget et a parlé avec Monseigneur Conroy, c'est pour le bien de toute la mission.

Deux jour plus tard, le 11 avril 1866, Soeur Marie Scholastique venait faire un changement dans le personnel de la maison: Soeur Marie Constance et Soeur Marie Félicienne venaient remplacer Soeur Marie Ursule et Soeur Marie Lucie. Quelques jours plus tard, Monseigneur Conroy revenait à Schenectady pour rencontrer Soeur Marie Scholastique qui représentait la Maison Mère des Soeurs et régler un certain nombre de points.

Dans le rapport officiel de l'année académique on y affirme clairement que la situation entre le curé et la mission s'était fortement détériorée une fois que "some imprudent remarks Sr. M. Joseph made regarding Father Falvey's conduct, the manner in which the sacraments were administered... Rev. Father Beausang took Sr. M. Joseph's part and sent these remarks to the Bishop... Father Falvey on being reproved turned against the Sisters. Sr. M. Joseph wrote and sent her letters to the Bishop without Sr. M. du Bon Secours consent..."

Notre Ananie est de plus en plus rebelle et prête à agir sans permission pour défendre la mission. Et finalement, le curé reçut de Monseigneur Conroy un "exeat", lui donnant deux semaines pour quitter le diocèse! Ceci le terrassa et il mourut le 5 juin 1866. Évidemment, plusieurs dans la paroisse blâmèrent les soeurs. Quant à la Supérieure, elle se contenta de blâmer notre Ananie. Ainsi se termina cette première année pédagogique à Schenectady, où 4 soeurs s'étaient retrouvées avec 400 élèves...

Le nouveau curé de Schenectady fut le père Clark.

Sur un tout autre ordre d'idées, le 27 octobre 1866 à Notre Dame était baptisée Marie Filumina Malvina Sicotte, deuxième enfant de Louis Wilfrid Sicotte et de Malvina Giard. Ses parrain et marraine furent Narcisse Birks Desmarteau et son épouse Marie Thérèse Eulalie Serré, oncle et tante du père. (Cet acte est trouvé plus bas.) On remarquera que la marraine a signé son nom de famille "Serré" comme l'avait écrit le prêtre dans le texte de l'acte et non pas "Céré".

La saga de l'abbé Valois aumônier du Couvent d'Hochelaga

Revenons à Hochelaga pour un moment. La Mère générale vivait déjà depuis plusieurs années à ce Couvent qui agissait également comme noviciat en plus d'être une maison d'enseignement. Le terrain ainsi que la chapelle avaient été donnés par la famille de Simon Dominique Valois, dont le fils, l'abbé Louis Étienne Avila Valois, avait été nommé dès son ordination dans cette même chapelle aumônier de ce Couvent. Entre les Valois et les Soeurs, il y avait des liens très forts. Les Valois étaient bienfaiteurs. Quant l'abbé Valois se déplaçait pour les Soeurs, il le faisait très probablement à ses frais étant fort riche. Il était au courant de tous les projets de la Mère Générale, la conseillait et l'aidait dans toute la mesure du possible. Ce jeune homme de 32 ans en 1866 considérait la Mère générale de 43 ans comme une femme supérieure et lui était dévoué. Il se considérait également aumônier à vie dans ce Couvent, vu la générosité de sa famille envers les Soeurs, une générosité bien connue de son évêque, Monseigneur Bourget. La famille de Simon Dominique Valois avait non seulement donné aux Soeurs de leurs deniers, mais également leur fils unique, qui était si proche de la Mère Générale.

Mais travailler avec elle pour faire avancer ses projets lui prenait beaucoup de temps comme nous avons vu; il devint bien clair qu'il avait besoin d'un assistant comme aumônier. Pour l'abbé Valois, il allait sans dire que cet assistant devait agir sous sa gouverne, représenter ses projets. Il avait besoin d'un homme qui le suivrait en toutes choses, qui, en fait, pourrait le seconder dans tout.

Le 6 décembre 1866, mourait à l'âge de 75 ans et demi Simon Dominique Valois. Le service funèbre fut chanté le 11 décembre par l'évêque de Montréal, Monseigneur Ignace Bourget lui-même, dans la Chapelle du Couvent où il fut inhumé. Pour les autres membres de cette famille, rien n'était changé dans leurs relations avec les Soeurs. Mais leur relation avec Monseigneur Bourget allait maintenant être changée, comme ce dernier n'avait plus à ménager les susceptibilités du donateur. Il avait maintenant la possibilité de réprimander le fils pour ses actions et ses dires qui attaquait son rôle d'évêque.

Dès le 3 septembre 1866, Monseigneur Bourget répondait à la demande d'un second prêtre pour le couvent d'Hochelaga. Mais dans une lettre datée du 31 décembre 1866, l'abbé Valois se plaignait du choix de Monseigneur Bourget comme deuxième chapelain, comme celui-ci voulait dépendre de l'évêque et non pas de lui et des soeurs.

Le 9 février 1867, l'abbé Valois écrivit à Monseigneur Bourget à propos d'un premier voyage à New York pour voir un dentiste et un second à Rome pour voir le préfêt de la Sacré Congrégation de la Propagande. Monseigneur Bourget refusa de lui accorder les permissions demandées.

Notre Ananie ne fut pas la seule qui se plaignait à son évêque de la façon dont les choses se passaient dans sa communauté. Le 2 juin 1867, deux soeurs professes de Longueuil écrivirent une lettre en cachette à Monseigneur Bourget: ce sont soeur Marie Gertrude et soeur Marie du Saint Esprit. Elles se plaignaient de l'abbé Valois et de la Mère générale, rapportant ce que les laïcs autour d'elles disaient d'eux.

Le différend entre les deux aumôniers et les soeurs perdurait. Le 3 août 1867, Monseigneur Ignace Bourget nommait l'abbé Louis Étienne Avila Valois à la cure de Saint Romain d'Hemmingford, nomination qui prendrait effet le 15 août. Ce dernier refusa cette cure et partit sans permission pour la France, puis pour Rome. Il se considérait lésé, considérant qu'il avait un droit de patronage, et qu'il ne devait pas obéissance à son évêque; ce dans une lettre datée du 4 août.

Le 22 septembre 1867, le nouveau Chapelain, le père Mongeau, se plaignait à son évêque d'avoir à loger chez monsieur Valois, et de ce faire dire par ce dernier comment remplir son rôle. Il ne voulait dépendre que de son évêque, avoir son propre logement, et savoir exactement son rôle, plutôt que de se faire mener par les religieuses.

Marie Ananie Céré après l'élection de Soeur Marie Scholastique comme Mère Générale

À l'automne 1867, les Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie choisirent une nouvelle mère générale et cela, sans en avertir Monseigneur Bourget: la nouvelle mère générale fut Mère Marie Stanislas, née Virginie Duhamel, entrée de Saint-Hilaire dans la communauté le 29 janvier 1846, et qui était âgée de 22 ans lors du recensement de 1851. Elle remplaçait alors Mère Thérèse de Jésus, de 5 ans son aînée.

La façon dont se fit cette élection rendit l'évêque furieux. Mais ce choix, comme nous verrons, lui donna une liberté qu'il n'avait oser prendre avec Mère Thérèse de Jésus, qui, après tout, avait été la premième à se joindre à la communauté après les trois fondatrices, et qui était novice de choeur lorsque la communauté fut créée à Longueuil en présence de Monseigneur Bourget.

Notre Ananie écrivit une nouvelle lettre à Monseigneur Bourget, lettre dont la date est incertaine, mais octobre 1867 est fort probable puisqu'elle est la seizième lettre envoyée par sa communauté au diocèse cette année-là, et une datée du 20 novembre fut la dix-neuvième.

Notre Ananie s'y plaignait d'un nombre de choses qui se passaient dans la mission de Schenectady et qui étaient contre la règle. Dans ce cas-ci, c'est la supérieure de la mission, Soeur Marie du Bon Secours, qu'elle attaqua. Elle avait déjà envoyée plusieurs lettres à la maison-mère à la demande du curé Clark, lettres laissées sans réponse. C'est pourquoi elle s'adressait maintenant à Monseigneur Bourget lui-même.

Avec Soeur Marie du Bon Secours, disait-elle, le couvent de Schenectady était une maison où les gens du monde vont et viennent constamment. On y trouvait des gens que le curé ne voulait pas admettre chez lui. Soeur Marie du Bon Secours avait souvent des entrevues avec ces personnes à la noirceur. Celle-ci était maintenant à Rome, où elle avait fait baptiser son amie protestante que le curé de Schenectady ne considérait pas comme une candidate sérieuse et qui serait de sa paroisse.

La visite de Marie Ananie Céré à Montréal et Hochelaga

À l'automne 1867, Marie Thérèse Céré était âgée de 51 ans; son mari Narcisse Birtz Desmarteau en avait 58; son fils Narcisse Joseph Marie Birtz Desmarteau en avait 24 et sa fille Marie Joséphine Philomène Birtz Desmarteau en avait 15. Tous vivaient à la maison, au 27 rue Saint Denis.

Quant à Marie Charlotte Céré, celle-ci avait 55 ans et son mari Louis Marchand en avait 67; leur fils Louis François Wilfrid Marchand en avait 34 et vivait chez ses parents; leur fils Charles Ferdinand Alphonse Marchand avait 32 ans et était marié depuis six ans; leur fille Flavie Charlotte Herménie Marchand avait 31 ans et était mariée depuis 13 ans à Charles Louis Pierre Soupras; leur fille Marie Thérèse Philomène Emma Marchand avait 30 ans et était Dame du Sacré Coeur; leur fils Pierre Auguste Signorie Marchand en avait 28 ans et habitait chez ses parents; Marie Joseph Thérèse Appoline (Joséphine) Marchand avait 22 ans. (C'était leur premier enfant né à Montréal; ses parrain et marraine étaient Narcisse Birtz Desmarteau et son épouse Marie Thérèse Céré.) Leur fils Alponse Marchand avait 19 ans; ses soeurs jumelles Marie Hermine Amélia Marchand et Marie Philomène Émélina Marchand avaient 16 ans et sa soeur cadette Marie Esther Georgine Marchand avait 13 ans. Ses derniers habitaient tous chez leurs parents. L'adresse était 6 rue Saint Charles Borrommée. Ils avaient également une maison à Hochelaga.

Finalement, habitait également Montréal leur neveu Louis Wilfrid Sicotte, avocat, 29 ans, et son épouse Malvina Giard. Ils avaient deux enfants très jeunes.

Il est évident en examinant la situation de ces trois familles que Marie Charlotte Céré était fort occupée par sa nombreuse famille, que Louis Wilfrid Sicotte l'était également. Par contre, Marie Thérèse Céré n'avait que deux enfants et l'aîné travaillait déjà. Quant à la cadette, elle devait avoir terminé ses études ou être sur le point de les terminer. Compte tenu que deux des soeurs de la mère étaient Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, et que soeur Marie Joseph avait été au Couvent de Hochelaga jusqu'en automne 1865, il est fort probable que la jeune fille y fut étudiante. En quel cas sa mère Marie Thérèse Céré devait connaître plusieurs des soeurs de la maison, incluant celle qui en avait été la supérieure et qui maintenant était Mère générale. Évidemment, cela n'est pas certain.

Ce qui est certain par contre, c'est que notre Ananie fit une visite à Montréal et y rencontra la nouvelle supérieure générale. Des lettres des deux à Monseigneur Bourget nous fournissent des informations au sujet de la visite.

Nous savons pertinément que la communauté des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie ne roulait pas sur l'or. Il est donc impossible que celle-ci ait financé cette visite. Il nous faut donc présumer que Marie Thérèse Céré demanda à Mère Marie Scholastique la permission requise pour que notre Ananie puisse venir à Montréal en visite pour un certain temps de telle sorte qu'elle puisse voir sa famille ainsi que les soeurs qu'elle connaissait. C'est elle qui se chargerait des frais du voyage afin d'éviter toute dépense à la communauté.

Il est extrêmement probable que les soeurs de notre Ananie considéraient que celle-ci avait été malmenée par Mère Thérèse de Jésus et n'étaient pas disposées à faire preuve de grande générosité vis-à-vis sa communauté. Accorder cette permision était pour Mère Marie Scholastique une façon de se raccomoder avec la famille et de montrer une certaine indépendance vis-à-vis celle qui l'avait précédée.

C'est à son retour à Schenectady que notre Ananie envoya sa lettre du 20 novembre 1867 à Monseigneur Bourget. Elle mentionne dans sa lettre une solemnité. La seule au début de novembre est la Toussaint. Il est donc probable que la visite débuta à la toute fin d'octobre et dura deux semaines. Cette visite, pouvait-on espérer, rendrait son exil plus supportable.

La lettre du 20 novembre 1867 de Marie Ananie Céré

Dans cette lettre du 20 novembre, elle disait qu'elle pensait sérieusement à changer de communauté car "je n'ai aucun espoir d'y être heureuse à l'avenir..." Elle expliqua ensuite pourquoi, et cela est une accusation grave: "parce que les choses sont arrangées de manière à ce que la Soeur Thérèse conduise tout dans la maison - la Supérieure générale est comme une petite fille; elle ne fait rien sans sa permission. Il est probable qu'au prochain chapitre elle choisira les sujets qui devront le composer comme elle a fait au dernier, et à l'avant dernier pour être élue, elle me l'a dit et je l'ai vu par moi-même, car j'y étais, elle demandait à ma Soeur Marie Scholastique et à moi si telles et telles Soeurs la nommmeraient pour Supérieure si elles faisaient partie du chapitre et elle n'a admise que celles-là."

Ce que notre Ananie affirma est que soeur Thérèse de Jésus avait choisi elle-même qui ferait partir du chapitre de 1857 de telle sorte que sa nomination comme Mère Générale soit assurée, puis avait en 1867 choisit encore une fois qui ferait partie du chapitre de telle sorte que Soeur Marie Stanislas soit élue, puisque celle-ci ne ferait rien sans l'accord de soeur Thérèse de Jésus. Nous avons vu que c'était Soeur Marie Stanislas qui avait représenté la Maison Mère en avril 1866 à Schenectady; c'était également elle qui avait été supérieure du Couvent d'Hochelaga quand notre Ananie était maîtresse des novices, et c'était avec elle que notre Ananie avait eu ses premiers problèmes.

Elle ajouta: "presque toutes les anciennes Soeurs sont tenues à distance de la Communauté et sont neutres, je pourrais vous en nommer plus de quinze, dont j'ai été témoin de leurs déboires et entendue les lamentations d'un nombre peut-être plus grand." La lettre continuait ainsi. Elle expliqua donc encore plus en détails la façon dont soeur Thérèse de Jésus avait agi envers les anciennes Soeurs, et ainsi avait en quelque sorte refait la communauté à son image plutôt qu'en celle de la fondatrice de l'ordre, Mère Marie Rose. Sa réforme, elle l'avait imposée après s'être faite élire d'une manière tout-à-fait contraire aux règles et à l'esprit qui doit animer sa communauté, où l'on choisit les électrices de la nouvelle Supérieure Générale surtout parmi les anciennes soeurs. Pour soeur Thérèse de Jésus, tous les moyens étaient bons pour mener à terme ses projets pour la communauté. Évidemment, celle-ci travaillait d'arrache-pied pour ce qu'elle voyait comme requis pour mener à bien l'oeuvre débutée par Mère Marie Rose.

Ananie s'attaqua ensuite à la situation dans sa maison, dans son couvent à Schenectady. Pour elle, être dans une maison qui offrait la pension à des filles qui entraient et sortaient comme elles voulaient, jaser avec des jeunes filles, rire aux éclats, discuter des derniers potins, tout cela ne constituait pas une vie religieuse, tout cela n'était pas une manière de faire dans un couvent; or c'était comme cela que les jeunes supérieures procèdaient, et ceci ne correspondait pas à la vie religieuse qu'elle entendait mener, et ne correspondait pas à ce que le curé attendait d'un couvent non plus. Et sa supérieure n'avait pas été nommée à Rome, comme elle le croyait, mais y était seulement en vacances. Donc la supérieure de Schenectady permettait des choses qu'elle considérait scandaleuses dans une communauté de soeurs.

Elle revint ensuite à l'esprit qui animait sa communauté en général, et plus particulièrement le Couvent d'Hochelaga: "Monseigneur, il n'y a pas grand chose à espérer dans une communauté où les sujets et même jusqu'aux novices se permettent de dire que Votre Grandeur radotte, qu'elle en a perdue, et particulièrement à l'occasion de la division des Paroisses de la ville de Montréal; j'ai entendue dire bien des choses désagréables en plusieurs occasions, par la Sr Thérèse et Mr Valois...". Il s'ensuit que les membres de sa communauté au lieu de défendre leur Évêque contre les Sulpiciens, parlaient en mal de celui-ci, ce qui scandalisait encore plus notre Ananie.

Commentant la déconfiture de Monsieur Valois qui avait perdu son poste d'aumônier à Hochelaga, Ananie affirmait: "Mr Valois ne serait pas actuellement dans la pénible situation où il s'est mis, s'il avait eu un autre conseiller qu'elle, car ils ne peuvent pas se faire de bien l'un l'autre, par la raison qu'ils sont trop attachés." Comme nous avons vu, l'aumônier et soeur Thérèse de Jésus s'estimaient tellement et étaient tellement en accord qu'ils ne pouvaient pas se conseiller puisqu'ils avaient la même vision des choses.

Elle commenta alors la situation dans laquelle la communauté vit son départ et qu'elle avait pu remarquer lors de sa visite: "Il est ridicule de voir le deuil dans lequel la Communauté est plongée depuis son départ, on ne chante que les morceaux les plus simples, point de parures même aux grandes solemnités, comme si on ne le faisait que pour lui." Nous avons bien vu que les soeurs en charge ne voulaient pas du nouvel aumônier nommé par l'Évêque. Ce qu'elles voulaient, c'était de retrouver l'abbé Valois comme aumônier.

Elle terminait en disant qu'elle changerait de communauté pour celle du Sacré-Coeur si elle était considérée assez instruite pour y être admise; elle ajouta toutefois le proviso: "Je ne voudrais rien changer de ma position, si je savais que ce fut contre la volonté du bon Dieu."

La réaction de Monseigneur Bourget à la lettre du 20 novembre 1867 de Marie Ananie Céré

Monseigneur Bourget répondit à cette lettre le 29 novembre 1867 d'abord, en envoyant une lettre à Ananie pour lui dire qu'il s'occupait de sa situation. Il écrivit ensuite à Mère Marie Stanislas. Il ordonnait que la situation dont souffrait Ananie soit résolue. Cette lettre montrait clairement son irritation face à la façon de faire de la Supérieure Générale, et l'avertissait que sa communauté serait dissoute si les choses perduraient: "Le peu d'attention que vous avez donnée à la grave affaire dont je ne vous disais qu'un mot, parce que j'avais lieu de croire que vous auriez pris la peine de venir vous expliquer ici avec moi, m'a fait connaître l'attitude que vous attendiez prendre, à l'égard de l'Evêque, dès le début de votre administration. Mais je vous préviens aujourd'hui charitablement que cet étât de choses ne peut durer plus longtemps. Car, n'en doutez pas, il y a, dans votre communauté de grandes souffrances, qu'il faut soulager, et des plaies douloureuses qu'il faut chercher à guérir. L'autorité de l'Evêque est pour cela indispensablement nécessaire; et je crois devoir vous prédire qu'avant qu'il soit peu d'années, votre Communauté va se dissoudre, si elle continue à être gouvernée, comme elle l'a été ces dernières années." Il va sans dire que Monseigneur Bourget était beaucoup plus ferme avec la nouvelle Mère Générale qu'il ne l'avait été avec la précédente. Après tout, les problèmes mentionnés n'étaient pas vraiment nouveaux.

La réponse de la Mère générale Marie Stanislas

La Supérieure Générale lui répondit sur ce point dans sa lettre du 1er décembre 1867. N'avait-elle pas donné à Soeur Marie Joseph la permission de voir Monseigneur Bourget pour qu'elle puisse lui parler? Elle rapporta ensuite son entrevue avec Soeur Marie Joseph dans ces termes: "... votre démarche si peu sage et si précipitée ne peut mériter mon approbation; si vous voulez me rendre justice vous verrez que ce n'est pas en agissant ainsi que vous obtiendrez la paix de votre âme; elle vous sera donnée là où l'obéissance vous a placée, vous avez une petite besogne proportionnée à vos forces, vous savez de plus qu'en vous rappelant de cette mission, il faut y envoyer une autre Soeur qui probablement, ne rencontrera pas les besoins de cette maison; rappelez-vous de l'article de nos saintes Règles qui nous dit que nous tâcherons de n'avoir pas plus d'inclination pour un emploi et pour un pays que pour un autre ... vous voyez qu'il suffirait de renoncer à vos idées si peu charitables envers le gouvernement de la maison, être un peu plus humble et plus soumise envers vos Supérieures; c'est un grand mal ma Soeur de tout critiquer ... ". Elle considérait avoir régler ce litige surtout que "le Prêtre est on ne peu plus dévoué pour vous...", ce qui était certes vrai. En fait évidemment, notre Ananie et le curé Clark étaient du même avis et travaillaient ensemble.

La Mère supérieure récrimina ensuite concernant d'autres personnes qui se plaignaient et ne contribuaient pas dans leur mesure selon elle. Elle mentionna à ce sujet le fait suivant: "Sr Marie Alphonse fesant partie de celles qui se plaignent, m'écrit qu'elle partait pour entrer au noviciat du Sacré Coeur, avec l'approbation et la bénédiction de l'ordinaire, me dit-elle."

Mère Marie Stanislas ajoutait dans sa lettre que Soeur Marie Joseph s'était résolue à rentrer à Schenectady le lendemain de son entrevue après avoir prié avec elle. Elle croyait donc l'incident clos.

La réponse définitive de Ananie à la décision de la Mère générale

Notre Ananie était partie en effet pour Schenectady, comme nous avons vu. Mais ce qu'elle espérait maintenant n'était pas d'y rester mais bien de chercher à entrer au couvent de Kenwood des Dames du Sacré Coeur. Évidemment il lui fallait d'abord être acceptée. Ce qu'elle fit exactement est incertain. Mais il est probable que, munie d'une lettre de son curé, elle se présenta à Kenwood espérant y être admise. Il est fort possible qu'elle eut plusieurs personnes à y rencontrer; on lui fit probablement visiter la maison, assister aux offices. Je présume donc qu'elle y passa au moins deux jours durant lesquels sa maison de Schenectady la croyait ailleurs. Une fois acceptée, il lui fallait obtenir la permission de l'évêque Conroy pour quitter sa communauté et demander son entrée dans l'autre. Encore une fois, son curé a du l'aider mais tout cela prend du temps. Son entrée eut lieu le 8 décembre 1867. C'est alors que celle-ci envoya de Kenwood, état de New-York, une lettre à Monseigneur Bourget pour lui faire savoir qu'elle avait quitté les Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie et venait d'entrer au noviciat des Dames du Sacré Coeur, y suivant Soeur Marie Alphonse arrivée le 6 décembre selon les documents de cette communauté.

Il s'ensuit que notre Ananie avait passé un peu plus de deux ans et deux mois à Schenectady, du 1er octobre 1865 au 7 décembre 1867.




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Entrée de Wikipedia pour l'évêque John J. Conroy

John Joseph Conroy (July 25, 1819 – November 20, 1895) was an Irish-born clergyman of the Roman Catholic Church. He served as Bishop of Albany from 1865 to 1877.

Biography
John Conroy was born in Clonaslee, Queen's County, and came to the United States at the age of twelve. After studying under the Sulpicians at the College of Montreal, he made his theological studies at Mount St. Mary's Seminary in Emmitsburg, Maryland, and at St. John's College in Fordham, New York.

He was ordained to the priesthood by Bishop John Hughes on May 21, 1842. He was appointed vice-president of St. John's College in 1843, becoming president shortly afterward. In 1844, he was transferred to the pastorate of St. Joseph's Church in Albany, where he established St. Vincent's Orphan Asylum, erected a convent for the Sisters of Charity, and rebuilt the parish church. He became vicar general of the Diocese of Albany in 1857.

On July 7, 1865, Conroy was appointed the second Bishop of Albany by Pope Pius IX. He received his episcopal consecration on the following October 15 from Archbishop John McCloskey, with Bishops John Timon and John Loughlin serving as co-consecrators. During his administration, he greatly increased the number of priests in the diocese, securing the services of the Augustinians and the Conventual Franciscans. Among the many institutions he founded were an industrial school, St. Agnes's Rural Cemetery, St. Peter's Hospital, and a house for the Little Sisters of the Poor. He convoked the second diocesan synod, and attended the Plenary Councils of Baltimore and the First Vatican Council.

After twelve years as Bishop of Albany, he resigned on October 16, 1877; he was named Titular Bishop of Curium on the same date. He made his residence in New York City, where he later died at age 76.


Documents numérisés ou transcrits

  1. Entrée du révérend Daniel P. Falvey et de sa ménagère Anna Fitzgerald à Schenectady au recensement de 1860





  2. Entrée de la famille de Simon Valois à Hochelaga au recensement de 1861





  3. Sépulture de Simon Dominique Valois dans la chapelle d'Hochelaga des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie (11 décembre 1866)





  4. Baptême de Marie Filumina Malvina Sicotte à Notre Dame de Montréal (27 octobre 1866)





  5. Entrée du révérend John J. Conroy évêque et des autres membres de l'évêché à Albany au recensement de 1870






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Jacques Beaulieu
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