Portrait de tante CéréOn m'a demandé de chercher à identifier un personnage identifié comme "tante Céré." La toile elle-même n'est pas signée ni datée, et le sujet n'est pas indiqué non plus, du moins sur sa partie visible, comme elle a un passe-partout de forme ovale qui pourrait cacher une partie de la toile. Que tirer du portrait?D'abord, comment décrire le sujet du portrait? Une numérisation d'une partie du tableau est trouvée à droite. La dame porte une robe très simple. On ne voit d'elle vraiment que la tête et une partie d'un long cou. La dame est très mince, porte des cheveux courts et un petit bonnet de la même couleur que la robe. Pas de bagues, pas de boucles d'oreilles, pas de broche, pas de collier, aucun fard. Elle nous regarde avec un air plutôt absent ou inquiet. On ne sent pas que le sujet soit très à l'aise. La séance de pose ne semble pas être quelque chose qu'elle a elle-même demandé, mais qu'on lui a imposé. La dame n'est pas une jeune femme. Elle doit être probablement au moins dans la trentaine, peut-être dans la quarantaine. Ses cheveux ne sont pas blancs: elle ne devrait pas excéder cinquante ans. Elle ne semble pas avoir eu une vie facile mais plutôt misérable. Que tirer de l'incription trouvée derrière la toile?Une inscription à l'encre de couleur brune est trouvée à l'endos de la toile: " Peint à Rome d'après nature 1882 par Eugène Hamel." Pour une biographie du peintre Eugène Hamel, pressez ICI. Ce peintre était effectivement à Rome, Italie, en 1882, comme on lit dans la biographie: Au printemps de 1881, Hamel séjourne quelques semaines à Montréal... et annonce son départ prochain pour l’Italie... Le 22 juin, le Journal de Québec publie une lettre d’Hamel... À Rome, où il réside rue Margutta, dans le quartier artistique de la place d’Espagne, il se perfectionne en peinture décorative avec Cesare Mariani, peintre du roi d’Italie. Dans une annonce qu’il fait publier à Québec durant trois ans, l’artiste invite ces « messieurs du clergé de son pays » à lui commander des « tableaux d’église ou [des] copies […] des grands maîtres », et ce, « à aussi bon marché » qu’à un peintre italien. Il tient un registre des commandes obtenues, qui pour une peinture religieuse, qui pour un portrait. Ainsi en est-il, en avril 1882, du Martyre de saint Janvier acheté par Mgr Ignace Bourget*, ancien évêque de Montréal." Il demeure à Rome jusqu'en 1885. Il s'ensuit que 1) Eugène Hamel travaillait effectivement à Rome en 1882 et que 2) il tenait un registre des commandes obtenues, incluant les portraits. Si ceux-ci étaient de sujets résidant en Amérique, il fallait que l'artiste travaille à partir de photographie. Il semble donc possible de trouver plus d'informations sur ce portrait en consultant ce registre, ce qui malheureusement n'a pas été fait jusqu'ici. Si certains des portraits étaient de sujets résidant en Amérique, il fallait que l'artiste travaille à partir d'une photographie. À cette époque, les studios de photographie cherchaient à émuler les portraitistes et donc demandaient à leurs sujets des poses équivalentes. Il était donc facile au peintre de travailler à partir d'un cliché. Le portrait peint alors le serait "d'après nature". À la page 1674 du Petit Robert 2014, on trouve en effet la définition suivante: nature 4. (1580) Modèle que l'art se propose de suivre ou de reproduire. (1663) Dessiner, peindre d'après nature. Remarquons qu'il y avait à Montréal au moins deux "artistes photographes" mentionnés dans l'annuaire Lovell pour 1880-1881. Les daguerreotypistes commencèrent à faire leur apparition vers 1841. En 1847, il y en avait définitivement d'établis à Montréal, et probablement avant. Et donc un genre de photo était maintenant disponible. Leur problème était que le temps d'exposition était long, ce qui nécessitait que les sujets soient dans des poses plutôt figées; mais cela était également le cas lorsqu'il fallait poser pour un peintre. Il est donc possible que si le peintre a travaillé à partir d'un daguerreotype, il ait travaillé à partir d'une image prise entre 1841 et 1882 Que tirer du carton trouvé à l'endos du cadre?Est également trouvé à l'endos du cadre un carton avec le texte suivant: " Une ancêtre des familles Labelle-Sicotte. Tableau donné à René Labelle et à Jean-Frédérique Brodeur comme souvenir de leur mariage par le Général de Brigade Alfred Édouard Labelle et Mme Amélie Sicotte Labelle." René Labelle avait épousé en l'église Saint Louis de France de Montréal le 14 juin 1927 Jeanne Frédérique Brodeur. Le carton date donc de cette époque, soit 45 ans après que le tableau fut peint en 1882. Or Amélie Sicotte était la fille de Louis Wilfrid Sicotte et de Malvina Giard. Pour plus sur la famille de Louis Wilfrid Sicotte, pressez ICI. Amélie Sicotte avait épousé en la cathédrale de Montréal le 30 avril 1890 Alfred Eugène Damase Labelle, fils de Jean Baptiste Hospice Labelle et de Marie Lise Léocadie Masson. Louis Wilfrid Sicotte était le fils de Jean Baptiste Sicotte et de sa deuxième épouse Josephte Céré. Pour plus sur la famille de Jean Baptiste Sicotte, pressez ICI. Josephte Céré était la fille de François Céré et de Ursule Brin. Pour plus sur la famille de François Céré, pressez ICI. C'est donc dans cette famille que nous allons trouver le sujet de la toile en question. Ce couple eut 17 enfants, 3 garçons et 14 filles, dont on trouve la liste sur la page juste mentionnée. Sont candidates les épouses des frères de sa mère qui vivaient entre 1841 et 1882 et les soeurs de sa mère qui n'étaient pas mariées au moins durant une partie de ette époque et qui n'étaient pas religieuses, vu qu'alors elles seraient en costume. Si l'on passe la liste des enfants en revue on a:
Pour résumer, il nous reste essentiellement trois candidates, à savoir:
Pourquoi ce portrait?Nous avons donc quelques candidates pour être tante Céré. Deux seulement de celles-ci pourraient avoir été photographiées à l'aide d'un négatif, ce qui permettrait que la photo ait été tirée à plusieurs exemplaires, de telle sorte que plusieurs membres de sa famille aient une copie de sa ressemblance. Cela m'apparait plus à propos lorsque les récipiendaires des copies seront dans l'incapacité de visiter la personne photographiée. En quel cas, la candidate la plus probable devient Marie Ananie Céré vu que celle-ci ne reviendrait plus jamais au Québec une fois entrée chez les Dames du Sacré Coeur. Ceci dit, il reste quand même une question. Pourquoi faire de cette photo une peinture? La famille de Wilfrid Sicotte en 1882En 1882, Wilfrid Sicotte habitait Montréal. Il signa l'acte de baptême de son fils Joseph Henri Sicotte à Saint Jacques de Montréal le 21 mars 1882; il signa également l'acte de sépulture de ce même enfant le 25 juillet 1882. Il semble donc douteux qu'il ait voyagé à Rome cette année-là. À la fin août 1882, un mois après le décès de leur dernier enfant, la famille comprend
Il serait étonnant que Wilfrid serait parti alors pour Rome... Sa mère Josephte Céré était décédée en 1870, son père, en 1847. Les filles aînées de la famille allèrent au pensionnat d'Hochelaga chez les soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, qui était également leur maison-mère sauf Alice, qui était chez les Dames du Sacré Coeur (1). Il s'ensuit que la dernière fille à commencer chez les Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie y débuta en 1876. Marie Filumina Malvina termina ses études au pensionnat d'Hochelaga durant l'été en question.(2) Marie Ananie Céré y enseignait en 1861. Son nom de religieuse était Soeur Marie Thérèse. Elle y resta probablement jusqu'à ce qu'elle quitte cet ordre religieux en 1867 pour entrer aussitôt chez les Dames du Sacré Coeur. Elle mourut à Détroit en 1901. Marie Filumina Malvina revint dans sa famille pendant environ un an après six ans de mariage lorsque son mari fut muté au Yukon. (3) Aux avant-postes du Canada,Lucile Labelle page 25 (2) La plus jeune des filles, Alice, étudiait encore chez les dames du Sacré-Coeur. [en 1890, ce qui est indiqué indirectement à la page 24.] page 25 (3) page 33. Eulalie Durocher, décédée le 6 octobre 1849, inhumée le surlendemain en la paroisse de Saint Antoine de Padoue à Longueuil.(Soeur Marie Rose, âgée d'environ 39 ans) première année dans le Lovell: 1869-70 Sicotte L. W., advocate, of the Cadastre office, bds 385 Dorchester 1870-3 Sicotte, Wilfred, advocate 118 Jacques Cartier 1873-8 Sicotte Louis Wilfrid, advocate, Cadastral Office, 3 Place d'Armes hill, h 270 Dorchester 1878-83 SICOTTE & FILIATRAULT, registrars for the counties of Hochelaga and Jacques Cartier, 63 St Gabriel 1878-83 Sicotte Louis Wilfrid, of Sicotte & Filiatrault, 270 Dorchester 1883-4 Sicotte Louis Wilfrid, of Schiller & Sicotte, 270 Dorchester |