Mes racines / my roots

Henri Césaire Saint-Pierre


Adéline Albina Lesieur


Napoléon Mallette


Louis Émery Beaulieu


Guillaume Saint-Pierre


Joseph Bélanger


Geneviève Saint-Pierre


Jeanne Beaulieu Casgrain


Jean Casgrain


Simone Aubry Beaulieu


Marcel Malépart


Jaque Masson


Édouard Trudeau


Rolland Labrosse


Jacques Cousineau



Recherche
de
"Mes racines"

sur
JacquesBeaulieu.Ca


Retour
à la page
initiale

de
JacquesBeaulieu.Ca
Lettre du 5 février 1901

Correspondance d'Émery Beaulieu à Attala Mallette

Lettre du 5 février 1901 (?)



N. B. Les lettres à folios multiples ont été reconstituées en tenant compte de leur position dans la liasse de papiers, de la couleur de l’encre, la dimension du papier et la suite dans le texte; l’ordre n’est pas toujours certain; aussi le début de chaque folio est clairement identifié, ainsi que sa place présumée dans la lettre:


Premier folio de 4 pages 11 x 18 cm
[Lettre datée par une autre main, au crayon: 5 février 1901 (date de réception?)]


THE SENATE
CANADA


À Mademoiselle Attala Mallette

Ma Bien-Aimée,

Les patrons sont à leur lunch; j'en profite pour commencer cette lettre, tout de suite, quitte à la finir, quand je pourrai.

Comment êtes-vous ce matin? vous n'avez pas pleuré cette nuit? vous n'êtes pas fatiguée au point de ne pouvoir aller au bal, ce soir: j'ai laissé mes recommandations à Madame Dumas, à votre sujet. Pour moi, j'ai d'abord fait de mauvais rêves, puis je me suis levé de mauvaise humeur; puis, pour la première fois, j'ai senti mon coeur se serrer douloureusement, quand le train s'ébranla, en route pour Montréal.

Et maintenant, je suis au théâtre de mes travaux; et depuis mon arrivée, je n'ai fait que rêver promenades en voiture, à Beauharnois, à Horwick, où nous allions voir vos nombreux amis, à St Michel «la place pour se faire des cavaliers» partout enfin; mais toujours, vous étiez à mes côtés; toujours, nous nous aimions; toujours vous n'aimiez que moi; et vous m'aimiez au point de n'en avoir aimé jamais autant que moi.

Mais c'était des rêves, de beaux rêves sns doute, mais rien que des rêves. Et pour bercer ces beaux rêves, je fredonnais avec ivresse

«En attendant, sur mes genoux,
«Ange aux yeux bleux, endormez-vous.»

Pourquoi donc les belles choses ne durent-elles pas toujours? Jamais je n'ai si courte, la route entre Ste Martine et Beauharnois. Nul voyage ne m'a fait plus plaisir, nul souvenir ne me charme davantage. Ô ma chère Amie! quand vous irez à Beauharnois, avec M. Marcil, pensez à ce petit voyage pendant lequel nous nous sommes faits les plus tendres aveux, et gardez-vous bien de lui tenir les mêmes propos, petite méchante!

Vous me donnerez des nouvelles d'Aimé, sur votre prochaine lettre, n'est-ce pas: et veuillez aussi remercier Mademoiselle Touchette pour la bonne grâce avec laquelle, elle a bien voulu se constituer gardienne du logis, pour me permettre de prendre le souper avec vous, de passer la veillée avec vous. Vous avez là une véritable amie: ce qui se fait de plus en plus rare.

Maintenant il ne faut pas oublier que vous m'avez promis votre photographie; nous allons voir comment vous savez tenir une promesse.

Songez que ce sera la première preuve de votre amour, la première confirmation de vos belles paroles; aussi j'attends avec impatience; et jusque-là il restera un mauvais souvenir de ce charmant voyage; oh! sans doute, ce n'est qu'un nuage; et ce nuage n'empêchera pas le soleil de luire, et le jour d'être charmant, mais si ce nuage restait toujours là, dans ce ciel d'azur, il finirait par s'agrandir, s'épaissir, s'assombrir, jusqu'au jour où il sera seul à attirer les regards, seul à absorber l'attention; et dût le ciel continuer tout autour, à être bleu et brillant, l'esprit se chagrinerait, le coeur s'appesantirait, et pour toujours, l'allégresse disparaîtrait.

Un jour, ma chérie, vous comprendrez que vous avez eu tort.

Mais, posons ici un point.

Vous m'aimez, je vous aime: voilà une chose réglée; eh! bien, je m'en vais vous demander quelque chose: il va sans dire qu'il vous faut dire oui.

Voici ce que je veux: chaque soir, à la fin de votre prière vous ajouterez un «ave Maria» à mes intentions & surtout pour demander à Dieu qu'il bénisse ses deux enfants Attala & Émery; et qu'il fasse en sort que l'amour maintenant dans leur coeur, ne tourne jamais à leur détriment; de mon côté, j'en dirai autant, et Dieu arrangera tout pour notre plus grand bien.

[deuxième folio 11 x 18 cm; demi-folio de 4 pages]

Vous le voyez, j'ai changé d'encre: c'est que j'ai quitté cette lettre à trois heures, cette après-midi et je la reprends à 11 1/2 heures.

Et je pense, malgré moi, qu'à cette heure vous êtes en soirée, vous amusant de tout coeur; tandis que j'ai passé la veillée à étudier les lettres de change; mais j'y pense sans amertume. Que voulez-vous, il me semble que la veillée d'hier soir n'a pas dû s'effacer de votre mémoire assez tôt pour vous permettre de faires d'autres amours, dès ce soir.

La semaine prochaine, le mois prochain, la chose serait bien possible; mais ce soir même, y pensez-vous, Attala.

Ô! c'est affreux! cette pensée de votre inconstance possible, probable!

Dans tous les cas, vous la direz, cette prière; et alors nous comprendrons s'il est bon que nous nous aimions toujours; nous verrons si nos deux caractères peuvent s'harmoniser; si nous ferions un heureux petit couple. Car, s'aimer est indispensable, mais n'est pas suffisant: car il n'y a pas d'amour qui résiste à des froissements de chaque jour, tels qu'en apporte inévitablement la diversité des catactères.

Telles sont les raisons très sérieuses, qui retiennent sur mes lèvres, les serments éternels. Que connaissez-vous de mon caractère, qu'est-ce que je connais du vôtre; nous nous sommes vus trois fois.

Mais Dieu lui nous connait tous les deux; et voilà pourquoi je vous dis: «Prions ensemble».

«En attendant, sur mes genoux,
«Ange aux yeux bleux, endormez-vous.»

Voilà ma devise dorénavant. J'attends, soumis d'avance à la volonté divine; depuis déjà longtemps, j'ai demandé au Ciel de me trouver une bonne femme et j'ai remis cette grande affaire, plus particulièrement entre les mains de la bonne Vierge.

Minuit! mon Dieu, il faut que je finisse; bonsoir, ma charmante; mon adorée, ma mignonne;

[troisième folio 11 x 18 cm, ligné, de deux pages]]

N'allez pas, surtout, m'oublier; aimez-moi de tout votre petit coeur; dites-moi bien souvent de ces jolies choses qui sortent si naturellement de votre bouche; mettez une garde à la porte de votre coeur; pour exterminer tous les mécréants qui tenteraient de s'en emparer; écrivez-moi bientôt, au plus tard dimanche; mettez-en bien long, bien long; parlez-moi de la soirée qui bat son plein, pendant que je vous écris; de votre voyage à Beauharnois, de vous, de moi, de nous deux; de vos désirs, de vos espérances, de vos craintes.

Allons, allons, il faut se taire, il faut finir, tout comme il fallait partir hier soir.

Bon, je vais me coucher; puissé-je faire de meilleurs rêves que la nuit passée; je m'en vais peut-être recevoir des présents de vous cette nuit; oh! pas des roses; non, des présents qui durent; des présents utiles, comme des s... ces, vous savez.

Je crois que je déraisonne maintenant: tout cela, pour prolonger une conversation avec vous et pour mériter en retard... non, en retour, une longue réponse.

Minuit et vingt; avec qui dansez-vous?

Bonne nuit; que Dieu vous garde jusqu'au jour où je pourrai chanter:

«En attendant, sur mes genoux, «Ange aux yeux bleux, endormez-vous.» Votre serviteur

Émery








Jacques Beaulieu
beajac@videotron
Révisé le 22 juillet 2019
Ce site a été visité 30683896 fois
depuis le 9 mai 2004