Mes racines / my roots

Henri Césaire Saint-Pierre


Adéline Albina Lesieur


Louis Émery Beaulieu


Joseph Bélanger


Genevičve Saint-Pierre


Jeanne Beaulieu Casgrain


Simone Aubry Beaulieu


Édouard Trudeau


Rolland Labrosse

Biographie de Henri Césaire Saint-Pierre:

Remerciements

Plusieurs des documents que j'ai eu le bonheur de consulter m'ont été prêtés par Suzanne Bélanger Montel, Janice Saint-Pierre Westfall et Odile Malépart, toutes arrière-petites filles d'Henri Césaire Saint-Pierre, ou fournis par Mike Brown, créateur du site sur le régiment de Volontaires du 76ième New-York, ainsi que par Ed Rauss. J'ai également bénéficié énormément de l'aide de Louiselle Saint-Laurent et d'Éliane Labastrou.




Biographie de

Henri CĂ©saire Saint-Pierre

Jacques Beaulieu
(2011)


À Madame Éliane Labastrou,
sans qui ce texte n'aurait jamais été écrit, et
dont le livre sur l'Île Bizard était si estimé par tous les Saint-Pierre



Deuxième partie: 1876-1890

  1. Les années 1876 à 1883
  2. En 1876 l'honorable Gédéon Ouimet cessa de pratiquer le droit pour se concenter sur ses obligations en politique. Henri Césaire pratiqua seul au 6 St Jacques mais il fonda en 1877 avec C. W. Scallon la firme légale St Pierre & Scallon sise au 40 rue St Jacques, puis en 1879 au 6 rue St Jacques.

    Henri Césaire avait toujours été un libéral en politique, quoiqu'il ait été jusque-là clerc ou avocat dans des bureaux d'avocats conservateurs impliqués directement en politique comme Cartier, Abbott et Ouimet. Il avait évité de s'impliquer en politique aussi longtemps qu'il avait été dans leurs bureaux.

    Ceci n'étant plus le cas depuis 1877, il se présenta en 1878 dans la circonscription provinciale de Jacques-Cartier et perdit. Ce fut sa première et dernière tentative électorale, mais pas la fin de son implication en tant que membre du parti libéral.

    Le 19 avril 1878 naquit son fils Henri Adolphe Saint-Pierre suivi le 24 janvier 1880 par son fils Georges Bernardin Saint-Pierre puis le 4 décembre 1881 par sa fille Annette Saint-Pierre.

    En 1881, Henri Césaire déménagea sa famille au 17 German. Il était un grand admirateur de l'écrivain poète canadien-français libéral Louis Fréchette. Ce dernier fut fait poète-lauréat par l'Académie Française cette année-là. Les citoyens canadiens-français de Holyoke, au Massachusetts, décidèrent de donner un banquet en l'honneur du poète le 1er février 1882. Henri Césaire l'y accompagna et y prononça plusieurs discours. (8)

    Henri Césaire adorait chanter et faisait partie du choeur du Gésu où il était soliste. À cette époque on y jouait en certaines occasions des messes avec solistes et orchestre comme la messe de Pâques de Benoît Constant Fauconnier et la congrégation de cette église des Jésuites n'était pas restreinte aux seuls étudiants de leur collège Sainte-Marie dont le Gésu était la chapelle.

  3. L'année 1883: De Lorimier
  4. Laurent Olivier David, auteur d'un livre sur les Patriotes de 1837-8, entreprit en 1883 une compagne de souscription en faveur de la veuve et des deux filles du notaire patriote Thomas Chevalier De Lorimier qui avait été pendu en 1838 pour sa participation aux troubles de 1837-38. (9)

    Henri Césaire voulut faire sa part pour la famille du Patriote et prit part le 22 mai 1883 comme soliste à une grande soirée littéraire et musicale sous le patronage de l'Asssociation Saint-Jean-Baptiste de Montréal à la salle Nordheimer, soirée au profit de la veuve de Thomas Chevalier De Lorimier. Il chanta dans un trio de l'opéra "Guillaume Tell" ainsi qu'un chant de circonstance sur l'air du "Régiment du Sambre et Meuse" intitulé Les patriotes de '37-38 qu'avait écrit Louis Fréchette pour la circonstance.

    Le 15 août 1883, il fut, avec son épouse, parmi les nombreuses personnes qui firent le voyage à L'Assomption pour rencontrer madame De Lorimier et voir le comité organisateur lui donner un montant de 1000$ dans une grande cérémonie au Collège de L'Assomption. Le voyage en bateau de Montréal fut suivi de la grand'messe en l'église de L'Assomption durant laquelle Henri Césaire chanta O Salutaris Hostia.

    Malheureusement Madame De Lorimier ne fut pas en mesure d'aller à la cérémonie en l'honneur de son mari et un petit groupe dût aller la voir chez elle. Laurent Olivier David lui lut une adresse qu'il avait préparée mais était si ému qu'il ne pût contenir ses larmes à la fin. C'est Honoré Beaugrand, le propriétaire du journal libéral La Patrie, qui dût donner le chèque à madame qui, sous le choc de l'émotion, perdit connaissance.

    La séance prévue au collège de L'Assomption eut lieu sans elle dans une salle comble et Henri Césaire y chanta la pièce Les patriotes de '37-38 accompagné au piano par son épouse.

    Henri Césaire fut un des souscripteurs d'un banquet donné le 21 août en l'honneur d'Honoré Beaugrand. Avec d'autres, il donna après le banquet un concert impromptu.

    Henri Césaire chanta le 3 octobre comme soliste avec le choeur du Gésu la messe de Stéphane Louis Nicou-Choron.

    Henri Césaire, grand admirateur de la République Française, fut présent et souscripteur à un banquet d'adieu le 20 octobre au Saint Lawrence Hall en l'honneur d'Auguste Vermond, député de Seine-et-Oise.

    Cette année-là pratiqua le droit avec H. A. Bussières. Leur firme, Saint-Pierre & Bussières était au 29 rue Saint Jacques.

  5. L'année 1884: Miron et l'Armée du Salut
  6. En 1884, il chanta lors de la visite du délégué apostolique le 20 janvier comme soliste avec le choeur du Gésu la messe en Sol majeur de Benoît Constant Fauconnier avec orchestre ainsi que le Jesu refugium nostrum de Wonters. Il chanta Les Rameaux de Gabriel Fauré le 21 février au Queen's Hall à un grand concert donné au bénéfice des zouaves pontificaux. Le 13 avril, jour de Pâques, il chanta comme soliste dans la messe en si bémol avec choeur et orchestre de Johann Nepomuk Hummel et le Quoniam extrait de la messe solemnelle de Gioacchino Rossini à l'office anglais. (10)

    Cette année-là, son cabinet légal déménagea au 35 rue Saint Jacques et il déménagea sa famille au 12 rue Berri. Il défendit Tancrède Miron, accusé du meurtre de son beau-frère Adolphe Tessier, procès qui eut lieu du 6 au 9 juin. Il réussit à montrer que la mort n'était pas le résultat des blessures subies, mais plutôt de l'état de santé de la victime. L'assaut de lui-même était insuffisant pour causer la mort. Le jury rendit un verdict d'assaut simple. La sentence de l'accusé fut douze mois de prison. (11) Durant ce terme légal, Henri Césaire gagna tous ses procès au criminel.

    Parmi ses clients on trouve des gens accusés d'assaut, de meutre, de viol, de vol, de refus de pourvoir aux besoins de sa famille, de tenir un bordel; mais cela n'est pas toujours le cas: le 15 décembre il défendit avec trois autres avocats quatre soldats de l'Armée du Salut accusés d'avoir troublé la paix publique par leur présence dans les rues de Montréal. Le 18 décembre, il fit un long plaidoyer en faveur de ceux-ci. Tous furent acquittés.

    Son fils Guillaume Saint-Pierre naquit le 19 août de cette année.

  7. L'année 1885: Riel, Gauthier, Considine
  8. En mars 1885, il défendit Évariste Leblanc, M.P.P., et C.A. Corneillier, accusés d'avoir chercher à influencer les grand jurés en faveur de Joseph Tassé. Il gagna sur une technicalité. Il fut présent à une réception le 9 mars en l'honneur d'Honoré Beaugrand, le nouveau maire de Montréal. Il chanta le 9 avril 1885 à une soirée au profit des jeunes aveugles au Queen's Hall. Il fut également présent le 27 avril à un splendide banquet offert par le nouveau maire Honoré Beaugrand à l'Hôtel de Ville. Le banquet fut suivi par un concert improvisé où il chanta. Le 21 juin il fut soliste au Gésu à l'occasion de la fête de Saint-Louis-de-Gonzague où fut chantée la messe de Pâques de Benoît Constant Fauconnier avec orchestre. (12)

    Le 5 août il fut souscripteur à un banquet en l'honneur de l'avocat de la Ville de Montréal Léandre Ethier, également capitaine du 65ième bataillon de retour de la campagne contre la révolte des Métis dans l'Ouest.

    Le 10 août fut créé un comité formé pour recueillir des souscriptions pour porter la cause de Louis Riel, le chef des Métis, en appel: il fut sur son comité de régie. Il parla brièvement lors de l'assemblée populaire du 16 août au marché Papineau et fut un des orateurs à plusieurs autres. Il fut un des auteurs d'une lettre ouverte publiée le 28 octobre. Louis Riel fut toutefois exécuté. Il prononça un dernier discours à ce sujet à l'assemblée de dissolution du comité le 19 novembre au Champ-de-Mars.

    Les 7 au 15 septembre 1885, il défendit avec l'avocat Denis Barry un jeune homme du nom de Napoléon Gauthier accusé du meurtre de William David Monteith avec son jeune frère Pierre Gauthier et ses amis Antoine et Jean Baptiste Poineau. La version des évènements des accusés et celle de la famille de la victime étaient contradictoires. Henri Césaire put prouver d'une façon ingénieuse qu'un des témoins de la Couronne s'était parjuré car il lui était impossible d'avoir vu la bagarre d'où il avait affirmé qu'il se trouvait; que les jeunes gens étaient paisibles alors que les Monteith étaient querelleurs et menteurs; que c'était bien les jeunes gens qui avaient été attaqués et poursuivis sur une bonne distance et n'avaient fait que se défendre. Le jury prit vingt minutes pour délibérer: l'accusé fut trouvé non coupable et les trois autres accusés également. (13)

    Henri Césaire défendit également cette année-là Martin Considine, accusé du meurtre du constable John Malone, encore une fois avec l'avocat Denis Barry et avec J. J. Curran, M.P. Le premier procès, qui eut lieu le 16 septembre, fut avorté parce que qu'un juré venait d'être exposé à un cas de variole; le second, qui eut lieu des 17 au 21 septembre, fut également avorté cette fois parce qu'un des jurés tomba malade. Le troisième procès eut lieu à la session suivante du 9 au 12 novembre et se termina par un acquittement de l'accusé après des discours remarquables de Henri Césaire et l'avocat Curran. Le juge lui-même fit remarquer aux jurés que les témoins ne s'entendaient pas sur les faits et que l'accusé avait le bénéfice du doute quant à savoir si c'était bel et bien lui qui avait lancé la brique qui avait tué le policier. Le jury ne délibéra que quelques minutes. (14)

  9. L'année 1886
  10. Henri Césaire chanta au gala du 27 janvier 1886 au profit du fonds de bienfaisance du Cercle National français. Il assista avec son épouse à une réception à l'Hôtel de Ville le 8 février donnée par Honoré Beaugrand lors de sa réélection comme maire de Montréal. Le 11 mai 1886, sa firme légale accueillit un autre associé, Arthur P. Globensky, et devint ainsi Saint-Pierre Globensky & Bussières. Henri Césaire chanta au concert bénéfice pour le chanteur Lefebvre le 9 juin en la salle Nordheimer. Il y chanta Alleluia d'amour et le duo Le Crucifix de Gabriel Fauré. (15)

    Il défendit le 16 juin Patrick Munday accusé d'avoir tenté de s'évader lors de la révolte au pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul le 24 avril et ce dernier fut innocenté par le jury. Il défendit le 18 juin John McCloskey, accusé de recel; celui-ci fut trouvé non-coupable par le jury.

    Il défendit de nouveau l'Armée du Salut accusée de faire du bruit en chantant des hymnes sur la voie publique et ainsi troublant la paix par leur chant. La décision fut que ce bruit n'avait pas comme but unique de troubler la paix et donc que l'accusée était non coupable. Du 3 au 6 novembre il défendit Napoléon Labbé accusé d'avoir volé la Banque Nationale d'un montant de 11 860$ avec les avocats Guérin et Greenshields. Son plaidoyer fut remarquable. Le jury trouva son client non coupable.

  11. L'année 1887: Cousineau et Carroll
  12. Henri Césaire chanta, à un concert au bénéfice du club "Canadien" donné 3 janvier dans la salle Queen's Hall, l'aria Toréador de Georges Bizet avec au piano Émery Lavigne. Il signa le 20 janvier une requête demandant à l'honorable John J. C. Abbott de se présenter comme maire de Montréal. Il était présent avec son épouse à l'Hôtel de Ville le 12 février à la réception du Gouverneur Général et son épouse. Sur une note triste, il assista le 26 février aux funérailles d'Elisabeth Dugal, veuve de Olivier Loranger, grand-mère maternelle de son épouse Albina Lesieur, morte des suites d'une chute causée par une trappe laissée ouverte par mégarde à l'église Notre-Dame. Sur une note plus gaie, il était souscripteur et présent à un banquet en l'honneur du maire de Montréal sortant de charge Honoré Beaugrand. Il était soliste au Gésu pour la solemnité de Pâques le 10 avril. (16)

    Le 29 avril était annoncé la formation de la nouvelle firme légale de Saint-Pierre Globensky & Poirier au 35 Saint Jacques après que A. E. Poirier se joignit à eux et que l'avocat H. C. Bussières les quitta. Le 14 juin, il perdit sa fille Marguerite Rose Amélie âgée de onze mois. Le 22 août, il chantait le Credo de Gabriel Fauré dans une soirée de gala à bord d'un vapeur au profit de la Maison de Refuge. Le 23 août il était invité à un bal à bord du navire de guerre français La Minerve et le lendemain soir était à une réception à l'Hôtel de Ville en l'honneur des officiers de La Minerve. Il y chanta également.

    Parmi les procès civils et criminels de l'année, il faut mentionner celui de Albina Cousineau, jeune servante, accusée d'avoir volé dans la nuit de 12 mai la somme de 50$ dans la chambre à coucher de son patron le notaire Brault à la Pointe Claire. L'accusation affirmait également que le vol avait été perpétré à l'instigation de son oncle Alexandre Cousineau. Le procès eut lieu des 7 au 9 septembre. Il réussit à montrer que les aveux de la jeune fille n'avaient été faits qu'après qu'on lui ait fait toutes sortes de promesses et de menaces et donc qu'ils étaient nuls. De plus et surtout, son oncle, qui selon l'accusation avait reçu d'elle l'argent cette nuit-là, était alors dans un autre village. Le jury acquitta la jeune fille et son oncle.

    Il défendit ensuite Terence Carroll, boucher au marché Sainte-Anne, accusé du meurtre le 4 août de Dennis O'Connor, un autre boucher au même marché. Ce procès eut lieu des 21 au 26 septembre. Dans son plaidoyer, Henri Césaire affirma que tout le monde s'entendait pour affirmer que l'accusé avait une bonne réputation et était un homme paisible. Et personne n'avait vu l'accusé abattre le victime d'un coup de couteau. Sans compter qu'il était octagénaire et faible et qu'il n'était pas impossible que ce dernier s'en soit servi, s'il s'en était servi, dans un cas de légitime défense. Que l'accusé et la victime se fussent querellés, cela était acquis. L'accusé fut trouvé coupable de manslaughter, soit un homicide sans préméditation, et non pas de meutre, et fut condamné à deux ans de pénitencier à Saint-Vincent-de-Paul. Il y mourut malheureusement peu après. (17)

    Henri Césaire défendit Homer Gaspard Bussière, accusé de tentative de meurtre sur la personne de Pierre Hamelin le 10 septembre. Ce procès eut lieu les 18 et 19 novembre. Il fut prouvé que la victime avait attaqué l'accusé et ce dernier fut acquitté.

  13. L'année 1888: les détectives et Caza
  14. Henri Césaire chanta à un grand concert organisé par Charles Labelle le 19 janvier 1888. Il perdit la cause de Donald Downie accusé de parjure. Il chanta à un concert sacré dans la salle académique du Gésu le 2 février, puis à un concert au Queen's Hall au profit de madame Labelle et le 2 avril à un concert organisé par mesdemoiselles Tessier et Boucher. (18)

    C'est le 14 mars que débuta pour Henri Césaire une série noire avec les procès de trois hommes accusés d'avoir volé dimanche le 30 octobre 1888 la somme de 1320$ de la voûte de la gare Bonaventure. Henri Césaire défendit d'abord le détective John Fahey, patron de sa propre agence de détectives jusque-là très considérée à Montréal, avec D. Barry, A. Globensky et E. N. Saint-Jean. Ce procès eut lieu du 14 au 26 mars; l'accusé fut trouvé coupable et condamné par le juge George Baby à 14 ans de pénitencier. Henri Césaire défendit ensuite le détective Louis Naegelé, employé dans l'agence du précédent, avec D. Barry et A. Globensky. Ce procès eut lieu du 18 au 25 mai; l'accusé fut également trouvé coupable et condamné par le juge Baby à 10 ans de pénitencier. Henri Césaire défendit finalement le constable de la compagnie de chemin de fer du Grand Tronc Joseph Bureau, en devoir à la gare Bonaventure le jour du vol, avec D. Barry. Ce procès eut lieu des 1er au 5 juin. Encore une fois, l'accusé fut trouvé coupable et fut condamné par le juge Baby à 7 ans de pénitencier. (19)

    La sélection du jury mixte (six de langue anglaise, six de langue française) dans le cas du procès du détective John Fahey fut longue et ardue puisque la presse locale avait somme toute décidée de la culpabilité des accusés: Henri Césaire s'efforça par toutes les manoeuvres possibles à constituer un jury impartial.

    Il était clair que le jour du vol, les détectives Fahey et Naegelé avaient été à plusieurs reprises à la gare Bonenventure. Leur raison d'y être était qu'ils recherchaient un homme dont ils avaient reçu la description; Joseph Bureau, avons-nous vu, était en devoir ce jour-là. Les détectives se postaient régulièrement à la gare afin d'observer les allées et venues des voyageurs et leur présence fut considérée comme parfaitement normale. Ces trois hommes se connaissaient bien et furent vus à plusieurs reprises ensemble. Un télégraphiste ainsi qu'un jeune messager affirmèrent que les trois hommes agirent de façon étrange ce jour-là, cherchant à éloigner le jeune messager des environs de la voûte et à cacher la vue de la voûte au télégraphiste, comme s'ils savaient qu'il s'y passait quelque chose de louche. On retrouva également à la gare ce jour-là un américain appelé Frank Wilson qui se disait détective.

    Le vol dans la voûte ne fut découvert que le lendemain matin. Deux des cinq boîtes de bois fermées à clef dans lesquelles étaient placés les sacs contenant les recettes de chaque station de la compagnie du Grand-Tronc avaient été sciées sur place pour en dérober le contenu. Celles-ci avaient été vues en bonne ordre dimanche vers huit heures. Le huit novembre les sacs dérobés furent trouvés vides dans un ravin. L'argent ne fut jamais retrouvé.

    Frank Wilson et les trois accusés s'étaient rencontrés à plusieurs reprises avant et après le vol. En effet, une méthode utilisée par les détectives comme John Fahey et Louis Naegelé consistait à se faire passer pour criminels par ceux qu'ils soupçonnaient d'en être pour ensuite les faire arrêter en fragrant délit par la police qu'ils avaient alors prévenus. Et ceux-ci, jurèrent-ils, voulaient prouver que Frank Wilson était effectivement un criminel. Ils étaient donc en train de préparer un vol avec lui. Frank Wilson quant à lui, affirma qu'il s'était fait passer pour un criminel afin d'attrapper les autres en flagrant délit. Et à un certain moment il décida d'accuser les trois prisonniers auprès de la police du Grand Tronc. L'organisation engagea alors le détective Flynn de Détroit pour pincer avec Frank Wilson ceux qu'il avait déclaré être les coupables. Pour ce faire, il lui fit intercepter des lettres incriminantes qui lui étaient adressées et qui étaient, disait-il, de Fahey. L'écriture des lettres était en effet semblable à celle de Fahey. Après cela, il lui fit rencontrer les trois prisonniers à plusieurs reprises. Ces derniers crurent que Flynn était de la même trempe que Wilson et continuèrent à jouer leur jeu. Finalement, Flynn avertit la police et les trois hommes furent arrêtés comme voleurs.

    Henri Césaire était absolument convaincu que ces trois accusés étaient innoncents et étaient les victimes d'un coup monté; que le responsable du vol était Franck Wilson, et qu'il s'était arrangé pour faire passer le vol sur leur dos alors qu'ils cherchaient eux-mêmes à prouver qu'il était un malfaiteur.

    Malheureusement Bureau confessa au vol après avoir été vu dans sa cellule la nuit de son arrestation par Flynn et Wilson, ensemble et séparément. Ce qui avait amené Bureau à confesser - semble-t-il librement - ce crime et incriminer les deux autres n'a jamais été élucidé si ce n'est qu'on l'avait fait boire dans sa cellule une quantité considérable d'alcool, quoiqu'il ne semblait pas saoul à celui qui a reçu sa confession, le même qui avait reçu la confession d'Albina Cousineau. Cette coïncidence fut très malheureusement notée de façon très peu diplomatique par Henri Césaire durant le procès, et il dut par la suite avouer qu'il avait été injuste envers ce dernier. Cette sortie fut certainement préjudiciable à l'accusé.

    Les trois accusés ont tous par la suite juré de leur innocence et Wilson a toujours refusé de venir à Montréal pour témoigner, à moins d'avoir un sauf-conduit. Il est probable que ce dernier aurait été arrêté pour avoir participé au vol et que la Couronne considérait qu'il avait vendu ses acolytes.

    Malgré tous les doutes que le comportement de ce dernier auraient dû causer, et malgré le fait que la défense montra qu'un individu dont la photo semblait être celle de Wilson avait été en prison aux États-Unis pour faux, la confession intiale, les lettres, le témoignage de Flynn décidèrent les jurés. Toutes les explications des mouvements des trois hommes ne servirent à rien, et Henri Césaire fut extrêmement déçu du résultat de ces trois procès, espérant à chaque fois obtenir un verdict favorable, mais sans succès malgré tous ses efforts.

    Henri Césaire fut élu membre du conseil du Bareau de Montréal le 1er mai et présenta le conférencier métis Gabriel Dumont le 12 mai. Il écrivit une lettre au Procureur Général de la Province de Québec Arthur Turcotte en réponse à l'invitation du Premier Ministre de lui suggérer les amendements qu'il croyait utile au Code de Procédure Civile, lettre qui fut publiée dans le journal La Patrie du 29 mai.

    Le 4 août de cette année naquit sa fille Juliette Saint-Pierre.

    Il défendit les 21 et 22 septembre John Humble, accusé de tentative de meurtre sur Thomas Miners. L'accusé fut trouvé coupable seulement du troisième chef d'accusation, à savoir, "d'avoir félonieusement déchargé un pistolet avec intention d'infliger uen blessure corporelle grave". Le 24 septembre il prononça un discours en faveur de son associé A. E. Poirier condidat du Parti National dans le comté de Montréal-Est, qui fit toutefois battu.

    Henri Césaire défendit avec C. A. Geoffrion, F. X. Dupuis et son associé A. E. Poirier un jeune homme qui revenait des États-Unis après avoir fait fortune, Alexis H. Caza, accusé du meurtre par balle de l'hôtelier Joseph Pilon à Côteau-Landing. Ce procès eut lieu du 27 septembre au 2 octobre. Il fut montrer que l'accusé avait tiré en légitime défense après avoir averti la victime qu'il tirerait si celui-ci continuait à s'avancer sur lui pour l'attaquer. Il avait tiré sans bien voir la victime puisque l'attaque avait eu lieu dans l'obscurité. C'est son associé A. E. Poirier qui fit le plaidoyer, considéré comme étant remarquable. Les jurés trouvèrent l'accusé non coupable et des applaudissements éclatèrent dans la cour. (20)

    Quoiqu'il n'avait pas fait le plaidoyer, Henri Césaire avait dans une large mesure dirigé la défense lors de ce procès. Le fait qu'il semblait avoir retrouvé ses moyens amena un ami à lui écrire les vers suivants:

    Il faut bien l’avouer: au Ciel et sur la terre
    Nous avons deux puissants St. Pierre:
    L’un siège avec éclat au port brillant des cieux:
    L’autre, aux portes de fer des prisons de ces lieux.

    VoilĂ  bien la ressemblance;
    Mais quant à ce qu’aux leurs ils peuvent garantir,
    Quelle est donc la différence?
    Eh!... l’un les fait entrer, l’autre les fait sortir!

    Il fut un souscripteur et convive à un grand banquet le 18 octobre en l'honneur du capitaine du 65ième bataillon Léandre Éthier, avocat de la Ville de Montréal, en l'occasion de son mariage. Il était assis à la table d'honneur et participa activement aux festivités.

    Il fut également soliste au Gésu à l'occasion de la Toussaint et des messes de Noël.

  15. L'année 1889: Bensen, Mc Grath
  16. Henri Césaire défendit avec l'avocat Cook le norvégien John Bensen, accusé d'avoir tué par balle son épouse Bridget Doyle le 30 décembre 1888. L'accusé s'était livré à la police, aussitôt après et avait été arrêté sur le champ. Ce procès eut lieu des 13 au 16 mars 1889. L'accusé lui-même affirma avoir tué son épouse. De cela il n'y avait aucun doute. Que le meurtre avait été prémédité, il n'y avait encore une fois aucun doute: il avait eu à chercher l'arme et à la charger. Mais, et là est le point essentiel, il n'avait agi qu'après que son fils lui ait catégoriquement affirmé que son épouse avait eu des relations avec un autre homme dans le lit conjugal. De plus, ce n'était pas la première fois: son épouse couchait avec le premier venu une fois ivre. Le fait que l'accusé avait en quelque sorte vengé son honneur en tuant sa femme adultère, fit qu'il fut trouvé non-coupable par le jury de douze hommes. (21)

    Le lendemain du procès Henri Césaire recevait le quadrain suivant:

    De ce nouveau succès qu'il ajoute à tant d'autres,
    Je viens féliciter l'ami Sanctum Petrum
    Grâce à lui Sir Benson passe au rang des apôtres,
    "Non licet omnibus adire corinthum".

    Le 18 mars, avec l'avocat McCormick, il défendit le mulâtre Luther T. McGrath, accusé du meurtre de Billy Holden survenu le 9 février. L'accusé avait été fortement provoqué. Henri Césaire offrit un plaidoyer de "manslaughter" au nom de l'accusé. L'avocat de la Couronne accepta, et le jury rendit le verdict demandé. Il reste que le juge le condamna à 14 ans de pénitencier. (22)

    Henri Césaire, son épouse et une nièce furent présents le 28 mai à une réception du 65ième bataillon à l'occasion de l'anniversaire de l'engagement de la Butte des Français contre les rebelles lors de la révolte de Louis Riel. Il était en cour les 10 au 14 septembre pour défendre Michael Mulcahy, accusé de viol. Son plaidoyer fut éloquent comme toujours mais son client fut trouvé coupable et fut condamné à 14 ans de pénitencier. (23)

    Le 15 octobre, il était nommé président de la Société Philharmonique Canadienne-française et était invité à un banquet offert par Joseph Hudon au choeur Notre-Dame dans lequel il avait été membre à ses débuts. Il chanta à La Toussaint au Gésu. Il chanta La Nuit de Charles Gounod à un concert donné par monsieur Labelle le 4 décembre au Cabinet de Lecture Paroissial. Il était également présent à un banquet à l'Hôtel Richelieu pour fêter le mariage de son collègue Arthur Globensky.

  17. L'année 1890: Vaugham et Filiatrault
  18. Le gouvernement d'Ottawa annonçant le 11 janvier 1890 que Henri Césaire devenait Conseiller de la Reine. Remarquons tout de même que le 5 février il n'avait pas encore fait lire sa commission en Cour Supérieure et qu'il ne l'avait pas fait enregistrer au greffe. Le 30 janvier, les révérends pères jésuites avaient convié les membres du choeur et de l'orchestre du Gésu à un banquet. Henri Césaire y fit une courte allocution en tant que président du choeur. (24)

    Henri Césaire représenta la compagnie P. W. Ellis dans la cause où Harry Philips fut accusé d'avoir volé 14 000$ en bijoux appartenant à cette compagnie avec la connivence de Andrew Maloney dans des circonstances de parties de cartes avec le représentant Von Reinholtz. Ce procès eut lieu des 6 au 13 mars. Les deux accusés furent acquittés.

    Il défendit John E. Vaughan accusé de bigamie. Ce procès eut lieu des 18 au 22 mars. L'accusé fut trouvé coupable. Ce procès démontrait clairement que l'éloquence de Henri Césaire ne suffisait pas pour gagner un procès. L'accusé fut condamné le 26 mars à 7 ans de pénitencier, le maximum possible, par le juge George Baby. Ce jour-là Monsieur Crankshaw remplaçait Henri Césaire en Cour, ce dernier plaidant alors une autre cause.

    Cette affaire prit un tournant imprévu. En effet, l'accusé, avant que sa sentence ne soit prononcée par le juge, avait affirmé, selon le reporter de La Patrie, que "sa défense n'a pas été faite telle qu'il aurait dû la faire. Au premier abord on l'avait assuré que ce n'était pas sérieux."

    Henri Césaire dénonça le lendemain en cour l'auteur de ce compte-rendu et affirma avec force que l'auteur avait très mal interprété les paroles du condamné et ne connaissait pas son métier. Un article du même journal du 27 mars affirma derechef que le condamné avait bien dit que sa défense était faible, mais qu'il n'avait pas imputé de blâme à son avocat, "un avocat criminaliste distingué". Était publié également sur la même page une lettre du reporter lui-même, A. Filiatrault, piqué au vif, puisque Henri Césaire avait dit en cour que l'on devrait "censurer les reporters qui ne connaissent pas suffisamment l'anglais pour rapporter exactement ce qui se dit". Dans cette lettre le reporter affirmait qu'il avait "la prétention de connaître l'anglais aussi bien que M. St-Pierre et de le parler infiniment mieux, sans mélanger les temps des verbes."

    Ce fut au tour de Henri Césaire d'écrire une lettre publiée dans La Patrie du 28 mars, faisant plusieurs mises au point, dont l'une était que le condamné l'avait remercier "avec effusion"; que le texte du reporter laissait entendre qu'il "l'aurait mis dans une fausse sécurité et comme résultat naturel la défense aurait été faible; c'était ni plus ni moins qu'un reproche amer adressé par Vaughan à son défenseur." Il affirma que "Les paroles qu'il a réellement prononcées ne sont pas du tout des paroles de blâme adressées à son défenseur; bien au contraire." et termina en faisant au reporter la demande suivante: "à l'avenir de nous faire de la traduction, mais non pas de la fantaisie ou de l'imagination; ou, s'il vous ait plus facile ou plus agréable, de ne pas être l'esclave de versions originales."

    Il termina sa lettre avec "Veuillez donc, au moins, vous arranger de manière à ne pas lancer à vos amis des insinuations qui sont de nature à leur nuire." et "Avec ces quelques observations que vous prendrez en bonne part, je l'espère, je termine en vous disant comme notre ami Ducharme: Au revoir et sans rancune."

    Le premier mai, Henri Césaire fut nommé syndic à l'Assemblée annuelle du Barreau de Montréal. Le journal rapportait de plus qu'il avait assisté à toutes les réunions du conseil dont il faisait partie.

    Le jour de la PentecĂ´te, 25 mai, il chanta comme soliste au GĂ©su lors de la performance de la messe solemnelle de Louis Neidermeyer. (25)




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Notes:

8 - Les faits rapportés entre février 1879 et juin 1890 proviennent d'une lecture cursive du journal La Patrie. Ceux mentionnés par ce journal et se rapportant aux années 1879 à 1881 inclus sont trouvés ICI; ceux se rapportant à l'année 1882 sont trouvés ICI.

9 - Les faits rapportés pour l'année 1883 proviennent d'une lecture cursive du journal La Patrie. Ceux se rapportant à la soirée du 22 mai 1883 au profit de la veuve du chevalier De Lorimier se trouvent ICI; à l'excursion du 15 juillet à L'Assomption pour aller remettre l'aide se trouvent ICI; ceux se rapportant à l'année 1883 sont trouvés ICI.

10 - Les faits rapportés pour l'année 1884 proviennent d'une lecture cursive du journal La Patrie. Ils se trouvent ICI.

11 - Ce procès, rapporté dans le journal La Patrie, est transcrit ICI.

12 - Les faits rapportés pour l'année 1885 proviennent d'une lecture cursive du journal La Patrie. Ils se trouvent ICI.

13 - Ce procès, rapporté dans le journal La Patrie, est transcrit ICI.

14 - Ces procès, rapportés dans le journal La Patrie, sont transcrits ICI.

15 - Les faits rapportés pour l'année 1886 proviennent d'une lecture cursive du journal La Patrie. Ils se trouvent ICI.

16 - Les faits rapportés pour l'année 1887 proviennent d'une lecture cursive du journal La Patrie. Ils se trouvent ICI.

17 - Ce procès, rapporté dans le journal La Patrie, est transcrit ICI.

18 - Les faits rapportés pour l'année 1888 proviennent d'une lecture cursive du journal La Patrie. Ils se trouvent ICI.

19 - Ces procès, rapportés dans le journal La Patrie, sont transcrits, dans le cas de celui de John Fahey, ICI; dans le cas de celui de Louis Naegelé, ICI; et dans le cas de celui de Joseph Bureau, ICI.

20 - Ce procès, rapporté dans le journal La Patrie, est transcrit ICI.

21 - Ce procès, rapporté dans le journal La Patrie, est transcrit ICI.

22 - Ce procès, rapporté dans le journal La Patrie, est transcrit ICI.

23 - Les faits rapportés pour l'année 1889 proviennent d'une lecture cursive du journal La Patrie. Ils se trouvent ICI.

24 - Les faits rapportés pour les six premiers mois de l'année 1890 proviennent d'une lecture cursive du journal La Patrie. Ils se trouvent ICI.

25 - Ma lecture du journal La Patrie s'arrĂŞte malheureusement en juin 1890.








Jacques Beaulieu
jacqbeau@canardscanins.ca
Révisé le 19 juillet 2013
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